Un séminaire consacré à « la communication européenne : quelle(s) voix pour l’Europe ? » s’est tenu vendredi 9 décembre dernier au Bureau du Parlement européen à Paris :
- une occasion pour voir dialoguer une multiplicité d’acteurs (politiques, institutions, journalistes, bloggeurs) ;
- une réunion pour réfléchir sur la complexité des registres de prises de parole européennes (communications politique/institutionnelle/promotionnelle/pédagogique et information).
Quel est l’état des lieux – sur la base d’un compte-rendu non exhaustif et subjectif – des différentes communications et de l’information européennes en France ?
La communication conjointe aux institutions européennes et françaises : branding promotionnel de l’UE ou pédagogie informationnelle sur l’UE et la France ?
Bruno Denoyelle, Conseiller aux questions digitales et internationales au Service d’Information du Gouvernement et responsable en France de la gestion du partenariat de communication entre les institutions européennes et françaises s’interroge sur le bon registre de cette communication européenne conjointe.
Le périmètre de cette communication en partenariat est particulièrement contraint :
- un périmètre institutionnel et protocolaire marqué par de nombreux interlocuteurs tant au niveau des institutions européennes (Parlement européen et Commission) que des acteurs nationaux (Matignon pour les fonds européens via la DATAR, Ministère des Affaires européennes et étrangères, Ministère de l’agriculture pour la PAC, de l’économie pour le FSE…) ;
- un périmètre budgétaire et programmatique frappé par l’exiguïté des solutions puisqu’il s’agit, chaque année, de s’accorder sur un budget partagé autour d’un thème principal : campagnes TV sur les fonds européens à deux reprises en 2008 et 2010, exposition au Quai d’Orsay sur les 60 ans de la déclaration Schuman le 9 mai, Journée de l’Europe en 2010…
Non, la communication européenne à travers ce partenariat ne peut consister à faire le branding promotionnel de l’UE. Titulaire de la mise en œuvre du partenariat en France, le Service d’Information du Gouvernement en France ne s’envisage pas comme un service déconcentré des institutions européennes à Bruxelles chargé d’assurer la promotion de la construction européenne ou des institutions européennes.
Oui, la communication européenne en partenariat entre la France et les institutions européennes doit assurer une mission – de service public – d’information sur les actions de l’UE, dont la France est membre, auprès des citoyens français et européens résidant dans l’hexagone. Jusqu’à présent, en raison de moyens réduits, cette mission auprès du grand public s’est révélée d’une efficacité relative (cf. le bilan des campagnes de communication sur les fonds européens en France).
Pour 2012, s’inspirant peut-être des bonnes pratiques des partenariats UE/États membres en matière de communication européenne à destination des jeunes, le partenariat de communication France/UE cible les enfants scolarisés avec la publication d’un livre pédagogique sur la participation de la France à la construction européenne et la présence à plusieurs événementiels, notamment le festival de la BD à Angoulême.
Ainsi, entre communication promotionnelle de l’UE coûteuse à mener auprès du grand public et éloignée des préoccupations de l’Etat français et communication pédagogique sur l’UE plus ciblée auprès des jeunes et moins politiquement sensible, l’intervention de Bruno Denoyelle précise les orientations futures du partenariat de communication France/UE.
La communication politique européenne : « l’inévitable bulle parle à la bulle » ou l’hypothétique dialogue euro-députés – citoyens européens ?
Marie-Christine Vergiat, euro-député, membre du groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, élus sur la liste du Front de gauche pour changer d’Europe questionne la place de la communication politique européenne.
Politique européenne et médias : plus le média est proche de l’électeur, moins le politique européen est présent
Faire de la politique européenne et communiquer sur des actions politiques à l’échelle européenne passe très facilement dans les médias spécialisés sur l’Europe qui sont lus/vus/entendus par la sphère politique européenne à Bruxelles au point que l’euro-député(e) sombre vite dans l’inévitable bulle qui parle à la bulle.
En revanche, l’information sur l’activité d’un(e) euro-député(e) ne passe pas ou très peu par les médias nationaux et locaux, pourtant les plus appréciés par les citoyens, en raison notamment de la faible formation des journalistes politiques nationaux et des journalistes de la PQR (exception faite de Ouest France) aux arcanes de la vie politique à Bruxelles.
Communication politique européenne : l’importance des convictions contre le discours technocratique
Faire de la politique efficace à l’échelle européenne ne peut fonctionner que si les acteurs politiques ne passent pas leur temps à tenter d’expliquer les mécanismes décisionnels mais plutôt à essayer de convaincre les électeurs, sur le terrain, de la pertinence de leurs réponses politiques face aux enjeux.
De même, faire de la politique constructive à l’échelle européenne peut fonctionner en s’appuyant sur des organisations de la société civile, avec des militants engagées sur des causes déterminées, qui ne mettent pas en avant – afin d’éviter la facilité ou la duplicité d’un double discours – ce qu’il y a de pire dans l’UE.
Ainsi, entre la facilité d’une communication politique européenne d’une bulle qui parle à une bulle et la difficulté d’une communication politique engagée, auprès de réseaux militants en prise avec les électorats, l’intervention de Marie-Christine Vergiat fixe, à partir d’une prise de parole située, le cadre de la communication politique d’un(e) élu(e) européen(ne).
L’information européenne : information de qualité hyper-spécialisée ou information généraliste approximative ?
Fabrice Pozzoli-Montenay, Secrétaire général de la section française de l’Association des Journalistes Européens (AJE), considérée comme le plus grand club de journalistes d’Europe sonde la diversité des traitements des faits européens dans les médias.
D’une part, l’information européenne de qualité se trouve le plus souvent cantonnée à des médias hyper-spécialisés dans les affaires européennes. Le cas du président de la section française de l’AJE – Jean Quatremer – illustre cette règle. Quoique correspondant à Bruxelles du quotidien Libération, sa renommée lui vient bien davantage des papiers qui ne sont pas parus dans le journal mais sur son blog, un média de niche.
D’autre part, l’information européenne plus approximative se trouve le plus souvent dans les médias généralistes. Le cas le plus emblématique demeure l’absence de correspondant de presse à Bruxelles pour TF1, l’une des premières chaînes TV en France.
Par ailleurs, les sujets sur l’UE souffrent du tiraillement dans les rédactions entre les services politiques qui privilégient une projection des intrigues nationales entre personnalités politiques à l’échelle européenne et les rubriques « International » qui traitent l’information avec la distance des sujets étrangers.
La relative médiocrité de certaines informations européennes provient de deux raisons inattendues :
- certains sujets consistent à reprendre sans vérifier des communiqués d’entreprises inquiètes de ce qu’elles comprennent maladroitement des intentions de la Commission européenne ;
- d’autres sujets ne font pas l’objet de corrections en dépit d’erreurs factuelles car les services presse et les cabinets politiques des institutions européennes n’exercent pas par leur droit de réponse.
Ainsi, entre information européenne de qualité circonscrite à des médias hyper-spécialisés et information européenne approximative davantage présente dans des médias généralistes, Fabrice Pozzoli-Montenay ausculte les avanies de l’information européenne.