La communication des institutions européennes est un exercice d’équilibriste tant d’un côté, elle doit incarner l’unité d’un projet politique transnational et de l’autre, elle se heurte à des réalités fragmentées : 24 langues officielles, des cultures médiatiques différentes et une défiance croissante envers les élites. Dans ce paysage en mouvement, comment relever les défis d’expliquer des politiques complexes (ex. le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières) sans tomber dans le jargon ; lutter contre la désinformation, notamment sur des sujets sensibles comme les migrations et créer un sentiment d’appartenance chez des citoyens souvent plus attachés à leur État-nation qu’à l’idée européenne ?
Benchmark de quelques stratégies de communication de l’UE
La communication totem et tabou autour du Pacte Vert européen (European Green Deal) : Lancé en 2019, le Pacte Vert est l’archétype d’une campagne « totem » pour l’UE, une recherche de narratif structurant visant à rendre tangible la neutralité carbone pour 2050, idéalement de manière pédagogique et faire du climat un marqueur de l’identité européenne, avec une recette combinant un narratif émotionnel utilisant des symboles forts sur l’urgence climatique et des outils interactifs, comme des simulateurs en ligne permettant aux citoyens de mesurer l’impact de leurs choix quotidiens sur les émissions de CO₂.
Après la mandature largement consacrée au sujet, le Pacte Vert semble devenu tabou, et les priorités semblent de revenir sur certaines dispositions, sans compter une relative infobésité où les messages se concurrencent entre climat, biodiversité, énergie, alimentation et transport, justifiant encore davantage de communication.
Le dispositif typique et fétichiste de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, initiée en réponse aux critiques sur le « déficit démocratique » de l’UE, illustre une Union européenne à la recherche de solution innovante de consultation citoyenne sans précédent visant à résoudre tous les problèmes : redynamiser la participation en impliquant les citoyens dans la co-création des politiques via des panels représentatifs et réenchanter le projet européen en associant à l’UE des valeurs concrètes (santé, justice sociale, participation) plutôt que des traités institutionnels.
Quoique les résultats quantitatifs soient tangibles en termes de recommandations adoptées dans les panels citoyens, dont certaines intégrées dans des propositions législatives, demeurent quelques limites significatives comme la visibilité inégale et les frustrations post-consultation sur comment les idées des citoyens sont utilisées, plaidant pour une phase de restitution plus poussée.
Les campagnes contre la désinformation (#EUvsDisinfo), créé en 2015 par le Service européen pour l’action extérieure afin de combattre les fake news liées à l’UE, notamment celles propagées par des acteurs pro-Kremlin. Quoique le travail d’étiqueter les contenus réduit le partage de contenus faux, l’initiative peine à toucher les publics sceptiques, ceux qu’il s’agit de convaincre, au point qu’il faudrait davantage utiliser l’humour pour décrédibiliser les fake news et déconstruire les mythes.
Défis au regard des meilleures pratiques en communication institutionnelle
Le défi #1 : fragmentation vs. cohérence narrative
La pratique européenne actuelle privilégie la multiplication des campagnes thématiques au risque que les citoyens perçoivent l’UE comme une « machine à slogans », sans fil conducteur émotionnel. Les meilleures pratiques aujourd’hui repose sur une méthode clé de co-conception du storytelling réunissant ONG et représentants des citoyens, pas des focus groups sur mesure, pour valider les messages pour garantir cohérence et inclusion. Pourquoi ne pas créer une « Task force créative » associant artistes et citoyens, chargé d’harmoniser les messages autour d’une métaphore centrale par exemple « L’Europe, notre maison commune ».
Le défi #2 : désinformation vs. crédibilité scientifique
Les innovations européennes actuelles reposent sur des campagnes factuelles (#EUvsDisinfo) ciblant les « fake news », tandis que la meilleure pratique serait que les influenceurs en ligne soient formés pour être en mesure de relayer ou pas des messages en ayant une compétence minimale et la confiance maximale des publics.Pourquoi ne pas recruter et former des « ambassadeurs improbables » : agrigamers, artisans populaires, formés à déconstruire les mythes anti-UE via des formats courts (ex. TikTok live).
Le défi #3 : participation vs. impact tangible
Les dispositifs participatifs européens actuels s’articulent autour de consultations citoyennes (initiative citoyenne européenne, Conférence sur l’avenir, panels citoyens) perçues comme cosmétiques dont l’avis ne pèse pas. Pourquoi ne pas créer un « Fonds pour la promotion de la démocratie » allouant 1 % du budget communication des institutions européennes à des projets citoyens (documentaires, podcasts) co-produits avec des créateurs.
Transformer les défis en leviers
Les institutions européennes disposent des outils pour rattraper leur retard communicationnel, à condition de :
- Désacraliser l’expertise : faire de la communication une co-création citoyenne, non un monologue institutionnel.
- Piloter par l’émotion, pas uniquement par des indicateurs quantitatifs.
- S’inspirer des modèles innovants de participation malgré des contraintes budgétaires.
- Faire de l’UE un « storyteller » : remplacer les rapports PDF par des récits incarnés, une « Task force créative » réunissant artistes, scientifiques et citoyens pourrait repenser le storytelling européen tandis qu’elle piloteraitun « Fonds pour la promotion de la démocratie » allouer 1 % du budget communication à des projets citoyens (documentaires, podcasts) co-produits avec des créateurs.
- L’hyperlocal n’est pas une option : adopter une approche « glocale », des messages unifiés et déclinés parce que parler transition exige de parler terrain, le cœur de cible devrait être les publics dans les zones non urbaines. Les 450 centres Europe Direct assurant un ancrage local devraient être renforcés.
- La transparence doit être proactive : Les citoyens tolèrent l’échec, mais pas l’opacité.
L’UE doit passer d’une communication « par devoir » à une communication « par désir » – où les citoyens ne subissent plus des messages, mais les incarnent.