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Décryptage de la campagne nationale des élections européennes

Lors du premier débat, animé sur Public Sénat, le 14 mars, avec toutes les têtes de liste, sauf Bardella remplacé par Mariani, c’est l’occasion d’analyser la campagne, à partir des éléments de langage des têtes de liste aux élections européennes de juin 2024, en prenant comme matière les réponses à la première question « faut-il plus ou moins d’Europe » de faire le tour des « professions de foi européenne », un exercice pour faire passer quelques messages majeurs et mineurs…

Synthèse des discours des têtes de liste des élections européennes en France

Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) : Tenir tête aux puissances, être une puissance ensemble.

  • Social-démocrate, Pro-européen
  • Favorable à une Europe puissante et solidaire
  • Soucieux des enjeux géopolitiques et environnementaux
  • Attaché aux valeurs humanistes et progressistes
  • Grave et rhétorique, références historiques

Léon Defontaine (PCF) : Reprendre la main sur l’Europe.

  • Communiste eurocritique
  • Favorable à une Europe sociale et démocratique
  • Opposé à la politique libérale et austéritaire de l’UE
  • Soucieux de la souveraineté populaire et des droits des travailleurs
  • Mécontentement, volonté de changement, critique, référence au passé

Valérie Hayer (Renaissance) : Avoir de l’influence sur les textes, ne pas laisser le champ aux populistes.

  • Libérale, pro-européenne
  • Favorable à une Europe de la croissance et de l’innovation
  • Soucieuse de la compétitivité et de l’attractivité de l’UE
  • Attachée aux valeurs de compromis et de tolérance
  • Optimisme, détermination, , constructive et déterminée

François-Xavier Bellamy (LR) : Faire entendre la voix des Français.

  • Conservateur, pro-européen
  • Favorable à une Europe des nations et des projets
  • Soucieux de la préservation des identités culturelles et des valeurs traditionnelles
  • Attaché à la défense de la souveraineté nationale et de la démocratie
  • Frustration, volonté de changement, réfléchi, questionnement

Thierry Mariani (RN) : Prendre en compte les intérêts de la France.

  • Nationaliste eurosceptique
  • Favorable à une Europe des coopérations et des frontières
  • Opposé à la politique migratoire et économique de l’UE
  • Soucieux de la défense des intérêts nationaux et de la sécurité
  • Mécontentement, volonté de contrôle Critique, bilan négatif

Marie Toussaint (les écologistes) : Mettre l’économie au service du climat et de la paix.

  • Écologiste, pro-européenne
  • Favorable à une Europe écologique et solidaire
  • Soucieuse de la transition énergétique et de la justice sociale
  • Attachée aux valeurs de solidarité, de paix et de démocratie
  • Espoir, vision idéaliste

Manon Aubry (LFI) : Baisser les prix de l’alimentation et de l’énergie, promouvoir la paix.

  • Insoumise eurocritique
  • Favorable à une Europe sociale et démocratique
  • Opposée à la politique libérale et austéritaire de l’UE
  • Soucieuse de la souveraineté populaire et des droits sociaux
  • Urgence, volonté de changement

Marion Maréchal (Reconquête) : Une autre Europe, authentiquement de droite.

  • Nationaliste eurosceptique
  • Favorable à une Europe des nations et des identités
  • Opposée à la politique migratoire et économique de l’UE
  • Soucieuse de la défense des valeurs traditionnelles et de la sécurité
  • Mécontentement, volonté de reconstruction, vision d’une autre Europe

Mapping des candidats en fonction de leur positionnement

En plaçant les différents candidats, à la tête des principales listes dont les électeurs sont invités à choisir leur préférence, selon un positionnement classique sur un axe horizontal gauche-droite d’une part et un axe vertical pro-européen vs eurosceptiques d’autre part, plusieurs éléments se dessinent :

  • Ce qui est visible : une impression que les forces pro-européennes, dans toutes leurs nuances sont mieux représentées que les forces eurosceptiques, au sens qu’on y retrouve plus de listes.
  • Ce qui est moins visible : la balance électorale, nous le savons selon les derniers sondages penchent plutôt à l’inverse, en faveur des forces eurosceptiques, héritage de l’échec du référendum de 2005.

Si l’on devait simplifier l’offre électorale européenne, on pourrait considérer qu’il y a 5 familles européennes :

  1. une offre proeuropéenne de gauche, divisée entre écologistes et sociaux-démocrates, sans doute une perte d’influence pour ces deux options séparées ;
  2. une offre proeuropéenne de droite républicaine, mais fortement concurrencée à droite, au risque que la barre des 5% pour être représenté se pose ;
  3. une offre eurosceptique de gauche, entre LFI et le PCF, là encore une division qui signifiera moins d’élus pour cette offre politique désunie sur le même créneau ;
  4. une offre eurosceptique de droite nationaliste, l’offre politique qui a le plus de suffrages exprimés dans les sondages, et qui correspond à la dichotomie entre droite populiste ID et droite conservatrice ECR au Parlement européen ;
  5. une offre proeuropéenne centriste, à cheval entre le centre-gauche, le centre et le centre-droit, rassemblant les partis politiques de la majorité présidentielle, minoritaire à l’Assemblée nationale.

Analyse des éléments de langage des candidats

Quoique l’exercice ne puisse permettre à lui seul de tirer des enseignements définitifs sur l’ensemble d’une campagne, et la suite du débat autour de 4 thèmes d’actualité (agriculture, immigration, Ukraine et énergie), la forme identique aux différentes interventions permet d’en tirer des lignes communes ou en partage, au même titre que les affiches électorales, autre patrimoine de la communication électorale dans le registre de la propagande politique.

Du côté des convergences, tous les candidats jouent le jeu de tenter d’incarner en une minute la profession de foi de leur famille politique, en ayant recours à des arguments le plus souvent simplifiés, certains diraient simplistes, d’autres font des effets rhétoriques ou des mentions à référence, clin d’œil, à leur électorat.

Du côté des divergences ; la mention de la France ou pas et des Français ou pas ; la mention de sujets perçus comme mobilisateur pour certains électorats ; plusieurs candidats mentionnent des personnalités comme caution ou comme repoussoir ; une seule personnalité conteste les prémices de la question posée.

Verbatim des professions de foi européenne

Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) : Il s’agit des élections les plus importantes, nous sommes seuls face à la guerre en Europe, et la catastrophe climatique. Être une puissance ensemble ou ne plus être. Mention des figures de Jacques Delors et Robert Badinter, récemment décédées. Il faut tenir tête aux puissances extérieures et intérieures, de l’argent.

Léon Defontaine (PCF) : Si c’est l’Europe actuelle, après le référendum de 2005, c’est moins d’Europe, celle de la guerre sociale, qui nous prépare à la guerre contre la Russie, que nous ne voulons pas. Il faut reprendre la main sur l’Europe.

Valérie Hayer (Renaissance) : La Parlement européen, c’est la culture du compromis sans les compromissions. L’enjeu, c’est l’influence pour faire changer les textes sans dogmatisme, sans tabou, comme le plan de relance, le Green Deal. Ne pas laisser le champ aux populistes, ce n’est pas « plus » (fini) mais « plus » (davantage) d’Europe.

François-Xavier Bellamy (LR) : C’est une fausse question. Qu’est-ce qu’on veut faire en Europe ? Retrouver les moyens de notre destin, ne pas subir la politique européenne qui nous a fragilisé au lieu de nous renforcer, avec la majorité de gauche et du centre. Il faut faire entendre la voix des Français.

Thierry Mariani (RN) : Changer l’Europe sans la détruire. Le bilan de l’Europe de Macron : inflation, croissance en berne, immigration incontrôlée Il faut prendre en compte les intérêts de la France avec ses atouts.

Marie Toussaint (les écologistes) : L’écologie, cause de tous les maux ; l’Europe, cause de tous les problèmes, c’est faux. Il faut mettre l’économie au service du climat : nouvelle PAC plus verte, un protectionnisme vert, une Europe de la justice, contre l’austérité, une Europe de la paix avec une armée commune et un cessez-le-feu à Gaza.

Manon Aubry (LFI) : Soit continuer l’autoroute du chaos, soit tout changer, pour baisser les prix de l’alimentation et de l’énergie, contre le libre-échange, pour la paix en Ukraine et un cessez-le-feu à Gaza. L’après-Macron commence dès après les élections.

Marion Maréchal (Reconquête) : Moins d’Europe de celle que nous connaissons avec la coalition autour d’Ursula von der Leyen. Plus d’une autre Europe, authentiquement de droite : civilisation, frontières, autonomie énergétique, souveraineté alimentaire, protection des entreprises, soutien à la recherche ; une opportunité historique.

Élections européennes, un scrutin vraiment paneuropéen ?

Depuis les premières élections européennes au suffrage universel direct en 1979, il s’agit objectivement d’un scrutin organisé dans tous les États-membres, même si la réalité se traduit plutôt par des campagnes nationales. En 2024, quelques sont les continuités et éventuellement les nouveautés, selon la table ronde de Cosmocène ?

Olivier Costa (CEVIPOF/Collège d’Europe) : des élections moins mal aimées et plus paneuropéennes

La création de l’institution du Parlement européen est un long process qui a été rendu possible à conditions qu’il ne soit pas un vrai pouvoir et qu’il n’y ait pas d’uniformisation du scrutin pour concurrencer les parlements nationaux. Du coup, les partis politiques nationales n’ont pas l’obligation de dire où ils vont siéger au Parlement européen. Le scrutin est donc organisé en silo, essentiellement à l’échelle nationale.

Pour autant, nous avons des sujets qui deviennent transversaux et sont appréhendés de la même manière dans les différents espaces publics nationaux. Nous assistons à une vraie européanisation de la vie politique.

D’une part, le jeu politique à Bruxelles est beaucoup plus politisé dans les institutions, les dirigeants se réunissent pour échanger, selon leurs familles politiques en amont des sommets européens.

D’autre part, l’européanisation des partis politiques, qui ne peuvent plus nier l’importance de l’Europe, que les électeurs voient bien. Le cartel des partis qui refusaient de parler d’Europe s’est dissout, les partis qui n’ont pas de positions claires sur l’Europe sont en déclin, à l’instar du système politique français dynamité sur l’Europe par Macron.

Au total, c’est une nouvelle appropriation des sujets européens (agriculture, migrations, numérique/IA, Ukraine) révisée dans une perspective européenne au niveau national. Aujourd’hui, la participation électorale est seulement supérieure lors de la présidentielle, toutes les autres élections, y compris les législatives, ont une abstention plus forte.

Caterina Avanza (Groupe Renew) : une campagne sur les familles politiques européennes pour clarifier les enjeux du scrutin

Conseillère politique auprès du Parlement européen au sein du groupe Renew Europe, Caterina Avanza confirme que les élections européennes sont encore des scrutins nationaux, à mi-mandat du quinquennat présidentiel avec un traitement médiatique autour du duel Attal-Bardella, sans jamais dire pour « quoi » faire.

Alors que de plus en plus de textes européens sont adoptés sous forme de règlements d’application directe, c’est important d’avoir une classe dirigeante à l’échelle européenne, d’autant que les forces politiques sont davantage dispersées au niveau du Parlement européen, les partis, membres de la Nupes siègent dans des groupes politiques différents. Ce serait utile de faire campagne sur les « familles » européennes, afin de clarifier les enjeux du scrutin.

La notion de « peuple » européen devient de plus en plus tangible, du « Friday for Future », venue de la Suède avec Greta Thunberg jusqu’au mobilisation transnationale des agriculteurs. Les sociétés, comme souvent, sont plus avancées que les médias et les partis politiques toujours en retard.

Néanmoins, une relative dichotomie s’établit entre le déclaratif des Eurobaromètres et les votes au scrutin : sur le papier, les citoyens veulent plus d’Europe mais dans les urnes, le rebond attendu de la participation sera entaché par la progression des partis politiques non pro-européens.

Gian-Paolo Accardo (Voxeurop) : la couverture des médias de masse est moins conscientisée à l’Europe

Les élections européennes sont des scrutins nationaux, sous drapeau européen, et la presse en est le reflet, avec un prisme national dans le traitement médiatique dans les affaires européennes. Les initiatives transnationales demeurent anecdotiques faute de mobilisation des grands partis politiques, tandis que peu de partis nationaux affichent leur affiliation aux forces politiques européennes.

Certes, la pression des médias lors de la crise Covid, sur les vaccins et la reconstruction, a été plus importante auprès de l’Europe, compte-tenu de l’importance des enjeux. Mais, les médias en masse ont une conscience et un esprit moins européens, qui font moins attention à ce qui se passe au niveau européen.

Communiquer l’Europe sur la scène internationale : renforcer l’autonomie stratégique et agir dans le monde

L’Union européenne affirme son engagement envers une Europe plus forte dans le monde, cherchant à construire une autonomie stratégique tout en consolidant les liens entre politiques internes et externes. Quelles pourraient être les actions de communication clés nécessaires pour sensibiliser et mobiliser les parties prenantes à Bruxelles, dans les États membres, auprès des leaders d’opinion, des journalistes et du grand public ?

Une politique étrangère active : élargissements et partenariats renforcés

Élargissements et Partenariats : Des forums diplomatiques et des débats publics à Bruxelles ou dans les capitales européennes pourraient expliquer les enjeux des élargissements aux Balkans occidentaux, en Ukraine et en Moldavie. Des campagnes médiatiques ciblées pourraient mettre en évidence l’importance de la stratégie globale sur l’Afrique et du nouveau Partenariat oriental, établissant l’UE comme un partenaire proactif et responsable.

Global Gateway : Des événements promotionnels et des ateliers sur le Global Gateway, le programme de soutien aux pays-tiers à l’UE dans le monde, pourraient illustrer les avantages d’une souveraineté économique et financière renforcée. Des conférences de presse pourraient également expliquer la position de l’UE concernant les sanctions extraterritoriales, en particulier les paquets contre la Russie liés à l’agression envers l’Ukraine, soulignant ainsi l’engagement de l’UE en faveur de la paix et de la stabilité.

Soutien financier et action de soutien à la production de munitions (ASAP) : Des campagnes de sensibilisation sur le soutien financier et le dispositif législatif européen ASAP pourraient être menées dans les États membres, soulignant l’engagement de l’UE envers la sécurité collective et la capacité de défense autonome, en particulier dans un contexte d’interrogation des journalistes sur le soutien à l’Ukraine.

Sécurité et défense : renforcer la vision globale et la prévention

Approche globale de la sécurité : Des webinaires interactifs et des séances d’information à Bruxelles pourraient détailler les initiatives de l’UE, telles que les coopérations structurées permanentes, dite PESCO et le Fonds européen de la défense, soulignant la nécessité d’une approche globale pour garantir la sécurité collective.

DG Industrie de Défense et Espace : Des événements de porte-ouvertes et des présentations en ligne pourraient mettre en avant la création d’une DG Industrie de Défense et Espace dédiée, renforçant ainsi l’autonomie technologique et industrielle de l’UE.

Lutte contre le terrorisme transfrontalier et la criminalité organisée hybride : Des campagnes de sensibilisation à travers les médias pourraient mettre en évidence les actions de l’UE dans la lutte contre le terrorisme transfrontalier et la criminalité organisée hybride, montrant ainsi son engagement envers la sécurité intérieure et extérieure.

Frontières fortes et nouveau Départ : Le pacte sur la migration et l’asile

Migrations régulées et sécurisées : Des campagnes médiatiques pour expliquer les réformes du système d’asile et la nécessité de renforcer les frontières de l’UE. Des infographies et des brochures peuvent démystifier le nouveau pacte sur la migration et l’asile, soulignant les avantages d’un espace Schengen pleinement opérationnel.

Renforcement de Frontex et du système d’asile européen : Des conférences en ligne pour discuter des mesures concrètes visant à renforcer Frontex et à moderniser le système d’asile européen. Des sessions interactives avec des experts pour répondre aux questions du public sur les changements proposés.

Coopération avec les pays tiers : Des communications sur la coopération renforcée avec les pays tiers, mettant en avant la création de couloirs humanitaires et de visas. Des témoignages de succès peuvent illustrer les avantages mutuels de ces partenariats.

Sécurité interne et coopération policière

Une Europe plus sécurisée : Des campagnes de sensibilisation sur la prévention, la détection et la réponse aux menaces hybrides. Des vidéos éducatives et des simulations en ligne pour aider le public à comprendre les enjeux et les solutions.

Coopération Policière Renforcée avec Europol : Des communications sur l’amélioration de la coopération policière avec Europol, en mettant l’accent sur la lutte contre la criminalité organisée, le trafic de drogue, la traite des êtres humains et les abus sexuels sur les enfants. Des ateliers interactifs avec des forces de l’ordre pour expliquer comment le renforcement de la coopération améliorera la sécurité intérieure.

Commerce libre et équitable : intégrer le développement durable

Négociations et Accords Commerciaux : Des ateliers dans les États membres pourraient expliquer les négociations en cours avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Mercosur, mettant l’accent sur l’intégration du développement durable, du climat, de l’environnement et de la protection du travail. Des tables rondes avec des experts pourraient fournir des clarifications sur les avantages économiques et sociaux de ces accords.

Préserver le multilatéralisme

Actualiser et réformer l’OMC: Des séminaires à Bruxelles avec des experts en commerce international pourraient expliquer les efforts de l’UE pour actualiser et réformer l’OMC, soulignant l’engagement continu envers le multilatéralisme et la coopération internationale.

L’Union européenne, en renforçant son autonomie stratégique, est déterminée à jouer un rôle actif dans le monde. Des actions de communication ciblées, à travers une variété de formats et de plateformes, pourraient garantir une compréhension approfondie de ces politiques ambitieuses, suscitant ainsi le soutien et l’engagement des citoyens, des leaders d’opinion, des journalistes et du grand public.

Comment lutter contre la désinformation à l’approche des élections européennes ?

À l’approche des élections européennes de 2024, l’érosion de la confiance dans les médias et les sources d’information pourrait porter atteinte à l’intégrité du processus électoral, posant un défi aux valeurs démocratiques sur lesquelles l’UE est bâtie, selon Federica Marconi, du think tank European Policy Centre

Désinformation et dynamique électorale : quels impacts possibles avant les élections ?

L’invasion russe de l’Ukraine comprend aussi des campagnes de désinformation visant à éroder le consensus public sur les politiques nationales et européennes sur les questions énergétiques, le soutien militaire et l’accueil des réfugiés, qui posent des défis de taille aux démocraties contemporaines. L’impact des discours de désinformation sur les prochaines élections au Parlement européen pourrait être important, car chacun d’entre eux exploite des questions polarisantes susceptibles de mobiliser l’opinion des électeurs et de façonner le paysage électoral.

La désinformation peut également éroder considérablement le soutien du public aux politiques européennes et nationales. Le débat sur les réfugiés ukrainiens, même s’il ne figure pas en bonne place dans les campagnes électorales de tous les pays européens, pourrait contribuer à éroder le soutien général de l’opinion publique aux réfugiés en Europe dans un contexte marqué par une crise du coût de la vie. Le fardeau économique croissant du conflit prolongé pourrait réduire la sympathie envers les réfugiés, créant ainsi un terrain fertile pour des sentiments hostiles alimentés par la désinformation.

L’impact de la désinformation sur le discours public et le soutien du public pourrait également avoir des conséquences importantes sur d’autres questions importantes de l’agenda européen, notamment le soutien militaire occidental. Les discours de désinformation entourant la guerre en cours pourraient conduire à des pressions supplémentaires sur les gouvernements pour qu’ils réduisent ou interrompent leur soutien militaire. Cette situation a des implications au-delà de la guerre et au-delà de l’aide militaire, notamment au vu des efforts actuels visant à élargir l’UE à de nouveaux membres.

Une désinformation peut également accroître l’importance des messages climato-sceptiques ou de ceux qui s’opposent aux actions de l’UE. Les citoyens de l’UE se rendront aux urnes en juin 2024 et voteront sur la politique climatique et énergétique du bloc. Les sondages montrent que les inquiétudes concernant le changement climatique, qui ont joué un rôle dans les préférences des électeurs lors des élections européennes de 2019, sont toujours largement répandues parmi les électorats européens. Alors que la transition verte devient de plus en plus politisée, les électeurs pourraient être influencés par des préoccupations plus immédiates concernant l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie. Une désinformation peut non seulement alimenter l’importance de cette question, mais peut également accroître l’importance des messages climato-sceptiques ou de ceux qui s’opposent aux actions de l’UE dans ce domaine.

Au total, les tensions légitimes entre les intérêts nationaux et européens peuvent devenir un champ de bataille politique, avec des discours de désinformation stratégiquement déployés pour promouvoir les programmes des extrémistes au détriment des objectifs collectifs de l’UE.

Renforcer la résilience contre la désinformation à l’approche des élections au Parlement européen de 2024

L’Union européenne joue un rôle central dans la lutte contre la désinformation. Ses initiatives fournissent un élan aux efforts visant à surveiller et à répondre aux menaces associées à la désinformation et à stimuler les processus nationaux en donnant un cadre réglementaire commun aux États membres de l’UE. Ainsi, un groupe de travail sur les élections européennes a été créé pour améliorer la surveillance de la désinformation par l’UE et rend compte de la désinformation et des tendances en matière de désinformation affectant les processus démocratiques.

Les activités réglementaires de l’UE sont également essentielles pour déterminer la meilleure façon d’évaluer le risque de désinformation, qui pourrait mettre en péril l’intégrité des élections de 2024.

La loi sur les services numériques (DSA), l’initiative phare de l’UE dans ce domaine, identifie la désinformation et la manipulation électorale comme des risques systémiques pour les processus démocratiques, le discours civique et les processus électoraux, ainsi que pour la sécurité publique. En vertu du DSA, qui deviendra applicable à partir de mars 2024, les principales plateformes numériques sont tenues d’identifier et de supprimer de manière proactive les faux comptes et les contenus illégaux, contribuant ainsi aux efforts visant à maintenir l’intégrité des processus électoraux. Cependant, des problèmes et des questions subsistent quant à ce que pourrait faire le DSA et à la manière dont il devrait être utilisé. Des préoccupations sont soulevées concernant la modération des contenus de désinformation et son efficacité potentielle sur les plateformes numériques. Dans l’ensemble, le DSA peut apporter des améliorations utiles mais limitées pour lutter contre la désinformation.

Dans le même temps, les prochaines élections européennes ainsi que les futures élections nationales, dans l’UE et au-delà, pourraient être considérablement affectées par les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle. L’Agence de cybersécurité de l’UE a fait part de ses inquiétudes quant aux menaces que pourraient représenter les élections de 2024 en raison des chatbots d’IA et des images et vidéos manipulées par IA dites deepfakes.

L’UE vient de parvenir à un accord politique sur la loi sur l’intelligence artificielle – la première tentative au niveau mondial de réglementer l’IA, d’établir une structure globale qui garantit la clarté, la responsabilité et l’utilisation éthique. La loi sur l’IA pourrait potentiellement renforcer les protections de l’UE contre les menaces émergentes associées aux campagnes de désinformation basées sur l’IA. La nouvelle réglementation imposerait des obligations basées sur le degré de risque posé par le contenu de l’IA (inacceptable, élevé ou limité). Les exigences de transparence obligeraient légalement à divulguer l’utilisation de l’IA dans la production de contenu numérique.

Malgré les initiatives entreprises au niveau de l’UE, la désinformation ne disparaîtra pas et continuera de constituer une menace. La désinformation évolue constamment, s’adapte aux contre-mesures et exploite de nouvelles vulnérabilités. Il faut d’autres initiatives comme des efforts de pré-suppression, qui visent à anticiper la désinformation avant qu’elle ne circule, ainsi que de l’éducation aux médias, en fournissant aux citoyens les compétences nécessaires pour distinguer les faits de la fiction et détecter les contenus manipulateurs. Il s’agit toutefois de stratégies à long terme qui nécessitent des ressources et un engagement et qui ne produiront probablement pas de résultats avant les prochaines élections au Parlement européen.

Communiquer le Pacte vert européen : un engagement collectif pour le climat

Le Pacte Vert Européen, défini comme « le plus grand défi et l’opportunité de notre époque », cristallise l’engagement de l’Union européenne en faveur d’une transition climatique et écologique. Quelles actions de communication nécessaires pour informer, inspirer et mobiliser efficacement les différentes parties prenantes à Bruxelles, dans les États membres, auprès des leaders d’opinion, des journalistes et du grand public ?

1. Transformer notre économie et nos sociétés : objectif de 55 % de réduction des émissions d’ici 2030

Neutralité carbone : Des campagnes multimédias de sensibilisation soulignant les avantages économiques, sociaux et environnementaux d’une économie neutre en carbone. Des ateliers et des événements publics pour discuter des opportunités d’innovation, d’investissement, d’emploi, de santé et de bien-être liées à la transition écologique, en particulier des actions pour toucher les familles via les enfants et les adolescents.

2. Rendre les transports durables pour tous : zéro émission de voitures neuves thermiques d’ici 2035

Promotion des Véhicules à Faibles Émissions : Des campagnes dans les médias traditionnels en particulier audiovisuels, en partenariat avec des constructeurs automobiles européens, pour promouvoir le marché des véhicules à faibles émissions. Des forums publics pour discuter des avantages de la décarbonation du secteur automobile et des transports durables via notamment une tarification du carbone pour le secteur de l’aviation et la décarbonation du secteur maritime.

3. Prendre la tête de la Troisième révolution industrielle : création de 160 000 emplois verts d’ici 2030

Innovations et emplois : Des événements mettant en avant les nouvelles technologies et les nouveaux produits propres sur l’ensemble des chaînes de valeur. Des sessions interactives avec des experts pour discuter des opportunités de création d’emplois durables, locaux, bien rémunérés, avec formation courte et longue dans toute l’Europe.

4. Rendre notre système énergétique propre : objectif 39 % d’efficacité énergétique d’ici 2030

Campagnes sur les Énergies Renouvelables : Des campagnes médiatiques pour sensibiliser aux leviers de transition : augmenter les énergies renouvelables, accroître l’efficacité énergétique, tout en atténuant l’impact social et en soutenant les citoyens vulnérables. Des séminaires éducatifs pour discuter ensemble des solutions pour une transition énergétique inclusive réussie.

5. Des bâtiments rénovés pour un mode de vie écologique : objectif 35 millions de rénovations d’ici 2030

Programmes de rénovation : Des campagnes locales pour encourager les rénovations écologiques pour des modes de vie plus durables tant habitations et bâtiments publics avec davantage d’énergies renouvelables et plus économes en énergie. Des ressources en ligne pour informer sur l’utilisation d’énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans les logements et les bâtiments publics.

6. Travailler avec la nature pour protéger notre planète et notre santé : objectif de -310 mégatonnes d’absorption de carbone d’ici 2030

Projets de restauration écologique : Des documentaires et des reportages mettant en lumière les initiatives pour restaurer les forêts, les sols, les zones humides et les tourbières d’Europe et permettre à la biodiversité de prospérer via une gestion circulaire et durable de ces ressources. Des événements de sensibilisation pour encourager à une gestion circulaire et durable des ressources naturelles à l’échelle des familles européennes.

7. Renforcer l’action globale pour le climat : contribution à 1/3 du financement public mondial

Investissements : Des événements pour expliquer le rôle prépondérant de l’UE dans les investissements dans les technologies liées aux énergies renouvelables, une expertise et des produits qui profiteront également au reste du monde. Des présentations sur la contribution significative de l’UE au financement mondial de la lutte contre le changement climatique.

Au total, le Pacte vert européen, c’est pas si compliqué, si on se concentre sur l’essentiel de cette feuille de route ambitieuse pour l’avenir de l’Union européenne. Grâce à des actions de communication stratégiques, l’UE peut informer et mobiliser les citoyens, les entreprises, les médias et les leaders d’opinion, créant ainsi une adhésion collective en faveur d’un avenir plus durable.