Archives par étiquette : élections européennes

Élections européennes 2024 : les partis politiques européens pourront-ils faire campagne en ligne ?

Le mieux serait-il l’ennemi du bien si l’on en croit le processus d’adoption d’un règlement européen sur la transparence et le ciblage de la publicité à caractère politique, dont les bonnes intentions risquent de saper la capacité à lutter contre l’abstention et faire campagne en ligne et sur les réseaux sociaux…

Quand l’Europe se veut légitimement comme souvent exemplaire

A la suite de la proposition de règlement par la Commission européenne, première étape de toute future législation européenne, les deux autres institutions doivent se positionner sur les points clés de règlementation.

La position du Conseil de l’UE du 13 décembre 2022 sur la publicité à caractère politique se montre ouverte « dans un contexte où les campagnes politiques se déroulent de plus en plus en ligne et par-delà les frontières nationales (…) à promouvoir des normes élevées de transparence dans la publicité à caractère politique dans l’UE, à limiter l’utilisation de la publicité ciblée à des fins politiques et à faciliter la prestation et la surveillance transfrontières de services de publicité à caractère politique ».

Du point de vue des ministres, cette régulation permettrait de lutter contre la désinformation, la manipulation de l’information et l’ingérence dans les élections ainsi qu’à préserver un débat démocratique ouvert dans les États membres de l’UE.

La position du rapporteur au Parlement européen, Sandro Gozi, député européen Renew argumente sur des arguments complémentaires comme « offrir à nos concitoyens plus de transparence et (…) lever les obstacles à la création d’un véritable marché unique dans ce domaine et à construire un environnement favorable aux campagnes transnationales ».

Du point de vue des députés européens, les élections sont proches et les règles doivent être claires et prêtes dans les temps pour le scrutin du printemps prochain.

Le micro-ciblage, le sujet de controverse contentieux

L’interdiction du ciblage et de la diffusion de publicités basées sur des catégories spécifiques de données à caractère personnel définies dans le cadre du règlement général sur la protection des données se révèle à la fois indispensable et problématique :

  • Indispensable, lorsqu’il s’agit d’interdire le ciblage publicitaire sur des critères comme l’origine ethnique, la religion ou les opinions politiques ou bien le ciblage de mineurs ;
  • Problématique, dans la mesure où le micro-ciblage largement interdit conduira les annonceurs à ne pouvoir utiliser seulement que les données personnelles explicitement fournies par les citoyens à cette fin.

Le compromis, adopté en commission parlementaire au sein du Parlement européen, selon certaines sources mentionnées par Euractiv « va trop loin », soulignant que le ciblage est une « partie importante du processus démocratique de formation de l’opinion ».

Pour l’Association des services Internet communautaires, le projet de règlement européen sur l’encadrement des publicités politiques « pourrait limiter la visibilité de tout contenu parlant d’un sujet de société qui serait concerné par un débat en cours devant un parlement », dans une tribune publiée par Libération.

« L’enfer législatif est pavé de bonnes intentions… et parfois les élus, en pensant bien faire, peuvent commettre de lourdes erreurs. C’est ce qui est peut-être en train de se passer à Bruxelles, où l’Union européenne pourrait sans le vouloir porter une atteinte grave à la liberté d’expression et au débat démocratique en ligne. »

La négociation va se poursuivre entre les institutions européennes pour parvenir à un compromis définitif, il est encore possible de trouver une voie médiane entre la position initiale de la Commission européenne, la vision raisonnable du Conseil de l’UE et la position plus maximaliste qui veut laver plus blanc que blanc du Parlement européen.

La publicité des partis politiques et de la société civile, en particulier lors des périodes électorales, participe, qu’on l’apprécie ou qu’on le déteste, à la délibération publique et à la construction d’un espace public européen permettant aux opinions politiques de s’exprimer et de circuler. Le nouveau régime risque de renforcer l’isolement des citoyens et l’éclatement des offres politiques en des groupes homogènes sans relation les uns avec les autres renforçant la polarisation politique et l’ascension aux extrêmes.

L’Europe, sanctuaire ou crépuscule de la démocratie ?

Déjà en perspective des élections européennes du printemps 2024, la Maison de l’Europe de Paris a organisé une conférence, avec l’intervention d’Emmanuel Rivière, le patron de l’institut de sondage Kantar Public, responsable de toutes les enquêtes Eurobaromètre…

Quelle est la perception de la démocratie dans l’Union européenne ?

Petit tour d’horizon à l’appui de diverses enquêtes d’opinion en 10 points clés :

  1. Premier résultat significatif, la nature démocratique de l’Union européenne est reconnue très majoritaire, par plus de 72% des Européens, quoique cette proportion soit légèrement inférieure en France.
  2. Parmi les valeurs, la démocratie arrive en 4e position après les libertés, la paix et l’euro, ce qui montre à la fois les acquis communautaires et les principes ; en France, l’item démocratie est plus bas dans les valeurs.
  3. Globalement, la satisfaction sur le fonctionnement démocratique à l’échelle européenne est majoritaire, à 54%, il est d’ailleurs davantage interrogé à l’échelle nationale, y compris en France.
  4. Cette satisfaction sur le fonctionnement de l’UE est un sentiment inégalement réparti géographiquement avec une césure visible en Europe de l’Est, plus critique à l’égard de l’Union européenne.
  5. Le traditionnel clivage sociologique qui veut que plus on étudie longtemps, plus on a le sentiment d’être entendu dans la démocratie européenne se confirme dans les enquêtes les plus récentes.
  6. Les menaces contre la démocratie, comme les extrêmes ou la désinformation sont présentes, mais les citoyens européens se déclarent plutôt prudents et vigilants pour faire face à ces défis.
  7. Pour les valeurs que le Parlement européen doit défendre, depuis longtemps, c’est la démocratie qui apparaît en première position dans l’Union européenne, mais en France, c’est l’égalité femme-homme.
  8. L’intérêt pour les élections européennes est dans la moyenne à cette période, c’est-à-dire à 18 mois du scrutin, une partie seulement des Européens a connaissance de ce rendez-vous pour le moment.
  9. Malgré l’horizon menaçant sur l’état de droit dans quelques pays européens, même si la plupart peuvent se considérer concernés, les Européens défendent fermement les principes démocratiques.
  10. Les élections européennes permettent d’avoir le sentiment d’être entendu dans l’Union européenne, à quasiment chaque scrutin, ma voix compte davantage, c’est un vrai moment démocratique.

Que faut-il retenir ?

Les crises d’aujourd’hui, contrairement aux crises précédentes, produisent plutôt des sentiments positifs pour l’Union européenne, à elle de s’en saisir pour transformer l’essai.

Quels défis pour comprendre les enjeux de la sphère publique européenne ?

Quels sont les principaux problèmes non résolus autour de l’émergence d’une sphère publique européenne, selon Rubén Rivas-de-Roca et Mar García-Gordillo : la communication politique de l’UE, le rôle des plateformes numériques et la politisation progressive de l’UE ?

La communication politique de l’UE : entre déficit de communication et cultural studies

L’une des premières préoccupations de l’intégration européenne est de combler le déficit démocratique des institutions européennes, la construction d’un espace public commun pouvant réduire un « fossé de communication ». En réponse, la communication des décisions et des activités de l’UE relève de la responsabilité de toutes les institutions européennes.

Bien que l’UE se soit montrée très préoccupée par sa communication publique, il existe un consensus académique selon lequel l’UE semble distante vis-à-vis du public, les pays comptent toujours pour comprendre les événements transnationaux à travers l’Europe, car les médias sont toujours liés aux systèmes politiques nationaux.

Face au nouveau défi d’un biais antipopulaire contre l’intégration européenne, renforcé par la percée des mouvements eurosceptiques à travers le continent et au cours de la dernière décennie, les partis politiques sont passés d’un « consensus permissif » à un « désaccord contraignant » envers le processus européen.

Le désengagement du public vis-à-vis de l’UE va au-delà de la communication, en raison de la « domestication », c’est-à-dire du manque d’identité entre les citoyens et la politique européenne, considérée comme une question lointaine, qui empêche une compréhension commune de la politique de l’UE.

Le déficit de la communication politique européenne est dû à la manière dont l’UE a été construite et gouvernée et aussi au type de communauté qu’elle a généré, ce qui est une explication culturelle, une voie nouvelle de recherche assez prometteuse.

Vers une sphère publique européenne : le rôle des médias sociaux

Une consolidation progressive d’une société civile internationale mobilisée sur plusieurs questions, comme les conflits internationaux ou les événements transnationaux (pensez par exemple à l’Eurovision de la chanson ou aux championnats du monde de sport) voit le jour, agissant sur certains sujets concernant l’UE en tant que nouveau public européen.

L’un des problèmes pour une conversation paneuropéenne réside dans le manque d’intérêt pour les affaires européennes, le débat des questions européennes sur les réseaux sociaux se fait en termes nationaux. De même, connaître l’UE ne signifie pas nécessairement développer des attitudes favorables à l’intégration européenne. Actuellement, les médias sociaux sont le lieu où les partis politiques présentent leurs propositions et leurs candidats. Les élections au Parlement européen n’ont pas échappé à ce processus, ce qui signifie une sorte de campagne numérique pour l’Europe.

Dès le premier instant, Internet a généré un optimisme académique quant à la possibilité de construire une sphère publique numérique européenne qui contrebalancerait l’absence d’un système médiatique ad hoc. Pourtant, des études empiriques récentes sur les plateformes numériques et l’UE révèlent la continuité des approches nationales dans le débat public européen. L’utilisation des médias sociaux dans le cadre de l’UE a beaucoup attiré l’attention des universitaires au cours de la dernière décennie.

Un constat récent : la pertinence et la politisation croissantes de l’UE

Le système des Spitzenkandidaten introduit pour la première fois aux élections du Parlement européen de 2014, signifiant une plus grande politisation, a été remis en cause lors du dernier scrutin européen en 2019, même si les universitaires recommandent d’utiliser ce type de candidat pour favoriser le sentiment d’être représenté au niveau de l’UE.

Les thèmes de l’immigration, de l’intégration et du commerce fonctionnent comme des clivages d’une sphère européenne politisée. Ces enjeux ont dépassé les États nationaux, déclenchant des débats sur une nouvelle souveraineté transnationale. La montée de la politisation de l’UE est importante pour certaines politiques clés pour l’avenir de l’Union européenne correspondant aux pouvoirs croissants des institutions de l’UE.

La politisation croissante est encore faible, limitant le succès possible des techniques de relations publiques appliquées par les institutions de l’UE. En outre, apprendre et connaître l’Union européenne peut conduire les citoyens à faire des évaluations négatives des performances de l’UE.

Dans tous les cas, l’euroscepticisme et la polarisation pourraient devenir de nouvelles caractéristiques clés de l’opinion publique à travers le continent. En Europe, dans la plupart des pays, la polarisation de l’audience de l’information en ligne est plus élevée que hors ligne, ce qui constitue un défi pour les institutions européennes car nombre de leurs actions sont partagées sur les réseaux sociaux.

De plus, d’autres facteurs influencent la politisation de l’UE. L’attention des médias sur les questions européennes est biaisée en raison des intérêts particuliers définis par les lobbies législatifs. De plus, les citoyens développent une exposition sélective aux médias, ce qui renforce leur point de vue sur le projet européen. Cela signifie qu’il y a un défi à relever afin d’accroître l’intérêt pour les questions européennes par le biais de la communication publique.

Cependant, des études récentes basées sur des sondages semblent mettre en évidence le regain de foi dans le projet européen, qui se superpose à la politisation sur plusieurs questions. Les préférences sur l’UE concernent à la fois les élections nationales et européennes, ce qui montre la pertinence croissante des affaires transnationales dans la définition du comportement des électeurs.

Enjeux des interdépendances et des singularités de la sphère publique européenne

Une forte association est observée entre « l’Europe » en tant que concept et les institutions de l’UE en tant que système politique. Cependant, certains phénomènes en dehors de l’UE sont capables de déclencher des actions politiques à travers le continent. Ainsi, il est nécessaire de promouvoir des approches sur l’Europe en tant qu’objet d’étude, non seulement liées à l’UE.

La priorité aux élections du Parlement européen en tant que moment clé de la communication politique de l’UE est basée sur le fait que, à quelques exceptions près, les activités quotidiennes de l’Union européenne sont largement ignorées. Pourtant, il est vraisemblablement impossible d’évaluer la sphère publique européenne uniquement avec des données obtenues tous les cinq ans.

Se concentrer sur un seul réseau social Twitter passe à côté d’approches comparatives. L’opinion publique ne peut pas être déduite de ce genre d’études, encore plus sur le continent européen en raison des différentes utilisations des réseaux sociaux entre les pays.

Les réseaux sociaux traditionnels attirent le plus l’attention des universitaires, mais l’euroscepticisme est une caractéristique clé de la politique européenne actuelle, ses récits sur les nouveaux réseaux sociaux doivent être pris en compte.

Le manque d’études comparatives sur le sentiment pro-européen par pays est un problème, la prise en compte des études internationales, des cultures journalistiques ou des systèmes médiatiques est utile pour mieux comprendre la couverture médiatique et la source d’information pertinente sur l’UE.

L’analyse de l’impact de problèmes paneuropéens, abordant des sujets d’intérêt commun pour les citoyens européens, aurait une grande valeur de mise en perspective et comparative.

En conclusion, le modèle récent de politisation en Europe doit être confirmé dans les années à venir, en tant que moteur d’un espace public commun en Europe.

Bilan de la campagne électorale en ligne pour les élections européennes de 2019

Que peut-on apprendre de l’Observatoire européen des élections, qui a collecté plus de 10 000 documents électoraux, en particulier les publications sur les réseaux sociaux et des annonces imprimées, produits par 418 partis politiques ou candidats et 193 de leurs comptes Facebook officiels, dans les 28 États-membres appelés à voter…

Principales tendances : une campagne globalement pro-Europe

28 campagnes électorales différentes : La campagne électorale pour les élections européennes ne s’est pas déroulée de manière uniforme, il existe plusieurs différences entre les 28 nations européennes, chacune d’entre elles marquée par des spécificités et particularités.

Pas de campagne supranationale : Les différentes campagnes électorales nationales ont présenté un faible degré d’internationalisation. La présence des campagnes de l’UE n’était pas détectable. Un aspect qui, au moins pour la communication électorale, confirme que les identités nationales priment de loin sur les affiliations politiques européennes.

L’impact des réseaux sociaux : Un changement dans les instruments de la campagne apparaît évident, les réseaux sociaux, dont l’utilisation représente la plus grande nouveauté de cette campagne électorale, ont surclassé les médias traditionnels. Pourtant, des différences notables apparaissent dans la production et l’utilisation des réseaux sociaux entre les quatre zones géographiques et familles politiques.

Une campagne électorale de faible intensité : A deux semaines du scrutin, la campagne électorale avait encore du mal à décoller. Seuls dans quelques pays, on peut parler d’une campagne électorale intense, alors que dans la plupart des autres, la campagne européenne était à peine perceptible.

Des thèmes plus nationaux qu’européens : La prédominance des thèmes domestiques par rapport aux thèmes européens était une tendance commune dans presque tous les pays. Les sujets abordés par les partis politiques et leurs candidats étaient principalement nationaux, par exemple, l’immigration, bien que potentiellement supranationale, était fréquemment présentée et discutée dans la limite de ses conséquences nationale. En revanche, les sujets environnementaux étaient généralement traités dans une dimension supranationale.

Des enjeux géographiés : Parmi les macro-thèmes les plus discutés pendant la campagne électorale, outre l’Europe, on retrouve les valeurs, puis l’économie. Les macro-thèmes de l’environnement et de l’immigration présentent une caractérisation géographique marquée, alors que les questions liées à l’immigration sont plus présentes dans la campagne électorale en Europe de l’Est, l’environnement est strictement lié à l’Europe du Nord et de l’Ouest.

Une campagne pro-Europe : Malgré l’opinion générale d’une campagne électorale caractérisée par l’activisme significatif des sentiments eurosceptiques et des partis eurocritiques, les forces les plus actives dans la campagne électorale et celles qui ont le plus communiqué ont été celles fortement ou en tout cas assez favorable à l’Europe. La campagne électorale européenne de 2019 n’a pas été dominée par la propagande des forces eurocritiques ou eurosceptiques, ni par le front généralement défini des forces souveraines. Un fait qui pourrait être lié au changement des thèmes de la campagne électorale de certains partis politiques qui par le passé avaient soutenu des positions d’opposition radicale envers l’Europe jusqu’à la sortie de l’euro, et qui cette année ont plutôt limité leurs critiques sur aspects spécifiques de l’UE et de ses politiques.

Meilleurs partis politiques sur les réseaux sociaux : l’engagement des populistes

Les partis des pays les plus actifs sur Facebook concernent l’Italie, entre la Lega, près de quatre fois le deuxième parti du classement, également italien, le Movimento 5 Stelle tandis que le Britannique Ukip n’était pas loin derrière.

Au sein des groupes politiques au Parlement européen, cinq des sept premiers partis, dont les deux premiers, sont membres d’Identité et démocratie (ID) et d’Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD). Le premier rassemble certains des principaux partis d’extrême droite, le second quelques partis eurosceptiques dont le Brexit Party. Les deux formations partagent une vision fortement critique et sceptique de l’Europe.

Les partis des familles politiques les plus nombreuses et les plus pro-européennes, tels que le Parti populaire européen (PPE), l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) et Renew Europe se trouvent en bas de la liste.

L’engagement n’est pas automatiquement lié à la production. L’Italie détient la suprématie absolue dans ce domaine. Les positions suivantes révèlent plusieurs changements par rapport au classement de la production. En deuxième position se trouve la Grande-Bretagne, en troisième position la Hongrie et en quatrième position l’Espagne, avec un ratio particulièrement élevé entre posts et engagement.

La hiérarchisation des interactions par parti et leur affiliation politique au sein du Parlement européen confirme le plus grand activisme des partis qui soutiennent des positions critiques et eurosceptiques, caractérisées par un leadership dit populiste.

La présence de deux partis appartenant au PPE aux premières places est atténuée par la particularité du parti hongrois Fidez, au point qu’il a été suspendu par le PPE. Les trois partis S&D sont en bas du tableau. Le seul membre du groupe GUE/NGL est le parti espagnol Podemos, qui se classe dixième.

Globalement, les réseaux sociaux ont impacté la campagne électorale européenne 2019, s’avérant être un outil plus largement utilisé et encore plus utile pour certains segments politiques, des partis non traditionnels et des partisans de positions plus critiques et vision sceptique de l’Europe ; quoique la tonalité pro-Europe ait été plus largement présente.

Repenser les élections européennes

Alors que le mi-mandat approche au Parlement européen, les idées se bousculent pour réfléchir aux innovations démocratiques susceptibles de poursuivre la reconquête des électeurs après le succès lors du dernier scrutin. Cosmocène organise le débat…

Les listes transnationales

Christine Verger estime qu’afin de développer la dimension européenne de la campagne des élections européennes, les listes transnationales seraient un élément de réponse lors des élections européennes.

La constitution de listes transnationales composés de candidats représentant des partis politiques européens, venant compléter les listes nationales des candidats des partis politiques nationaux, aurait pour but d’assurer une tonalité plus européenne à la campagne, voire de faire émerger un demos européen.

Pourtant les obstacles sont nombreux : la barrière de l’unanimité des États-membres pour réformer, les positions souverainistes qui pèsent dans les débats, le risque discutable d’eurodéputés hors sol… Le lien entre les listes transnationales et les têtes de liste Spitzenkandidaten candidat à la présidence de la Commission européenne n’est pas forcé, même s’il est assez répandu.

Le fonctionnement de la démocratie représentative européenne poste la question du rôle du Parlement européen, donc de sa valeur ajoutée dans les décisions européennes. La position de rejet du Parlement européen sur l’accord d’investissement UE-Chine montre son intérêt aux citoyens, sans compter la prise de conscience plus large de l’importance de l’échelle européenne pour traiter les problèmes globaux.

La double proportionnalité

Pierre Jouvenat recommande de s’appuyer sur une logique de « tandem électoral » afin de développer des synergies entre les partis politiques nationaux et européens en vue de donner davantage de visibilité aux partis politiques européens.

La double proportionnalité vise à attribuer les votes du scrutin européen non seulement aux partis politiques nationaux suivant les quotas par nationalité, comme dans le système actuel, mais également à attribuer les votes aux partis politiques européens. L’européanisation de l’élections européennes porterait ainsi sur tous les sièges.

La machine à réformer relancée

Olivier Costa constate que la réforme électorale est le rocher de Sisyphe du Parlement européen en raison de la procédure de ratification à l’unanimité des États-membres. L’Union européenne n’est pas une vraie fédération, les citoyens ne tournent pas leur regard vers Bruxelles, les responsables politiques vivent dans l’illusion de garder le contrôle et les médias n’intègrent pas l’échelle européenne.

Le rapport en cours au Parlement européen insiste sur la nécessité de créer une sphère publique européenne, car il est plus facile de changer la loi électorale que les comportements électoraux, même s’il ne faut surestimer les blocages venant des citoyens. La lueur d’espoir aujourd’hui : même les eurosceptiques voient l’Union européenne comme un espace politique d’action, quasi plus aucun parti politique ne veut quitter l’UE. La vie politique européenne existe !

Les Spitzenkandidaten permettent de dramatiser le scrutin pour les électeurs, de simplifier les enjeux et de personnaliser dans les médias. Ce système, qui a plus de vertus que de vices, repose sur un fonctionnement informel entre partis politiques européens, qui devrait être inscrit dans une réforme plus large incluant d’autres avancées.

La révision constitutionnelle

La conférence sur l’avenir de l’Europe, qui donne carte blanche pour discuter des objectifs de l’intégration européenne, de ses modalités, des institutions et des politiques européennes pourrait déboucher sur une révision constitutionnelle.

De nouvelles priorités pourraient être la condition d’avoir des institutions plus légitimes. Aucune réforme électorale européenne ne se fera sinon inscrite dans une réforme institutionnelle d’envergure incluant de nouvelles politiques publiques européennes.

Quelles que soient les réformes pour améliorer la démocratie européenne, le Parlement européen en sera le moteur et l’aiguillon.