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Billets sur les enjeux de la communication numérique européenne

La révolution de l’influence : comment l’Europe peut reprendre le leadership pour une nouvelle stratégie d’engagement citoyen ?

À l’ère des réseaux sociaux, où les créateurs de contenu redéfinissent les règles du jeu médiatique, l’Union européenne doit réinventer sa stratégie de communication dans un environnement volatil, incertain, complexe et ambigu où le succès des influenceurs doit inspirer l’UE et offrir une opportunité de leadership auprès des citoyens européens. Face à la montée des défis sociétaux et géopolitiques, l’UE doit s’approprier les nouveaux codes de l’influence numérique pour renforcer son impact et son rayonnement.

Les fondamentaux de l’influence numérique appliqués à l’UE

L’influence à l’ère digitale repose sur des principes fondamentaux identifiés par Robert Cialdini, qui prennent une résonance particulière dans le contexte européen :

  • La réciprocité : l’UE doit créer une dynamique d’échange avec ses citoyens, en valorisant leur participation et en démontrant concrètement l’impact de leurs contributions sur les politiques européennes.
  • La cohérence : maintenir une ligne directrice claire dans les communications tout en adaptant le message aux différentes audiences et contextes culturels des États membres.
  • La preuve sociale : mettre en avant les succès collectifs et l’adhésion des citoyens aux projets européens, notamment via des témoignages et des cas concrets.
  • L’autorité : affirmer l’expertise de l’UE sur les sujets clés tout en restant accessible et pédagogue dans sa communication.
  • La sympathie : développer une connexion émotionnelle avec les citoyens en humanisant l’institution et en mettant en avant des histoires personnelles.
  • La rareté : souligner le caractère unique du projet européen et l’opportunité historique qu’il représente.

La Fenêtre d’Overton, une opportunité tactique pour l’UE

Le concept de la fenêtre d’Overton offre un cadre précieux pour introduire progressivement des idées novatrices dans le débat public. L’UE peut utiliser cette approche pour faire évoluer des sujets complexes, tels que la transition écologique ou la souveraineté numérique, du statut de radical à celui de norme acceptée. En engageant un dialogue continu avec les citoyens et en intégrant leurs préoccupations, l’UE peut faciliter l’acceptation de politiques ambitieuses.

Le concept de la fenêtre d’Overton offre un cadre stratégique précieux pour l’UE dans sa gestion des transitions majeures. Prenons l’exemple de la transition écologique :

  1. Impensable : Les mesures radicales de transformation économique semblaient initialement utopiques.
  2. Radical : L’introduction du Green Deal européen a d’abord été perçue comme excessive.
  3. Acceptable : Les études scientifiques et la sensibilisation ont progressivement légitimé ces mesures.
  4. Raisonnable : L’intégration des objectifs climatiques dans toutes les politiques devient une évidence.
  5. Populaire : L’adhésion citoyenne aux initiatives vertes se généralise.
  6. Politique : L’adoption de législations climatiques ambitieuses devient la norme.

Construire un mouvement d’influence paneuropéen

À l’ère numérique, la capacité à créer et animer des communautés en ligne est cruciale pour déployer les différentes séquences de l’ouverture de la fenêtre d’Overton. L’UE doit mieux exploiter les algorithmes des réseaux sociaux pour diffuser rapidement ses messages et fédérer des partisans autour de ses initiatives. En cultivant des chambres d’écho positives, elle peut amplifier l’engagement citoyen et transformer des idées marginales en mouvements influents. Cela nécessite une stratégie de contenu agile, capable de s’adapter aux tendances émergentes et de répondre aux attentes des différents publics.

Dans l’écosystème numérique actuel, l’UE doit exploiter trois leviers majeurs :

  1. La propagation algorithmique : Optimiser la diffusion des messages sur les réseaux sociaux en comprenant et utilisant les mécanismes de viralité.
  2. La création de communautés : Fédérer des groupes engagés autour des valeurs européennes et faciliter les interactions entre citoyens de différents États membres.
  3. L’animation de « chambres d’écho » positives : Cultiver des espaces de dialogue constructif tout en évitant les dérives de la polarisation.

Recommandations stratégiques pour un leadership numérique efficace

  1. Orchestrer une influence multi-niveaux : créer une task force Influence digitale coordonnant les institutions européennes, les États membres et les relais locaux, en parallèle ou complément du réseau des Community Managers de l’UE plus ou moins déjà structurés en vue de développer une stratégie de « micro-influenceurs européens » en identifiant et formant des citoyens engagés dans chaque région, y compris afin de réagir rapidement aux désinformations sur l’UE
  2. Maîtriser les nouveaux formats d’influence : lancer des formations à l’influence digitale européenne formant les communicants institutionnels aux codes de l’influence, des opportunités de collaborations sur la base de guidelines partagées ; voire créer un laboratoire d’innovation narrative expérimentant de nouvelles façons de raconter l’Europe avec des influenceurs partenaires.
  3. Exploiter la puissance des données pour l’influence : développer un observatoire européen des conversations digitales pour anticiper les mouvements d’opinion afin de mettre en place un système d’alerte précoce sur les sujets sensibles grâce à l’analyse prédictive.
  4. Construire des coalitions d’influence digitale : fédérer des réseaux d’influenceurs pro-européens dans des domaines stratégiques (climat, tech, culture…), idéalement rassemblés autour d’une plateforme collaborative développée par l’UE pour ces créateurs de contenu européens afin de déployer des campagnes d’influence transnationales sur les grands enjeux européens et potentiellement à l’échelle locale.
  5. Activer les leviers émotionnels de l’engagement : concevoir des récits européens inspirants adaptés aux différentes générations en utilisant le storytelling transmedia pour créer des expériences immersives autour des valeurs européennes et des formats participatifs permettant aux citoyens de devenir co-créateurs du récit européen.

Adopter l’influence digitale représente une transformation, l’UE pourrait non seulement renforcer sa légitimité mais aussi façonner activement l’avenir de la démocratie européenne à l’ère numérique.

L’Union européenne à l’ère du podcast : une analyse de sa stratégie audio

Dans un monde où l’information circule à grande vitesse et où l’attention du public est de plus en plus difficile à capter, la Commission européenne décide de se lancer dans l’aventure du podcast pour communiquer sur ses activités et ses politiques. Cette stratégie s’inscrit dans une volonté plus large de moderniser sa communication et de toucher de nouveaux publics, notamment plus jeunes. Mais quelle est réellement l’offre de podcasts européens ?

Aperçu général de l’offre de podcasts de l’UE

L’offre de podcasts de l’Union européenne est vaste et diversifiée. D’après la base de données des contenus produits par la Commission européenne, on dénombre pas moins de 22 séries de podcasts différentes, couvrant un large éventail de sujets.

Diversité thématique

Les thèmes abordés vont des actualités européennes avec « Europe Calling » aux statistiques « Stats in a Wrap », en passant par le commerce « Trade-Off », la recherche scientifique « CORDIScovery », la finance « EU Finance – The Future of Finance », l’espace « Let’s Talk EU Space », l’agriculture « Food for Europe », l’environnement « Ocean Calls », ou encore la culture « European Tasty Tales ». Cette diversité thématique reflète la volonté de l’UE de communiquer sur l’ensemble de ses domaines d’action et de compétences.

Multilinguisme

Un autre aspect notable de cette offre est son multilinguisme. Bien que la majorité des podcasts soient en anglais, certains sont produits dans d’autres langues de l’UE. Par exemple, « Wij, Europeanen » est en néerlandais, s’adressant spécifiquement à ce public.

Fréquence et durée

La fréquence de publication varie selon les séries, allant d’un rythme hebdomadaire à mensuel, voire plus espacé pour certaines séries. La durée des épisodes est également variable, mais se situe généralement entre 20 et 40 minutes, un format adapté à une écoute pendant les trajets quotidiens ou les pauses.

Format et style

La plupart des podcasts de l’UE adoptent un format d’interview ou de discussion entre experts. C’est le cas par exemple de « Europe Calling », qui propose des entretiens avec des décideurs clés de l’UE et des experts sur les politiques européennes les plus ambitieuses.

D’autres séries optent pour un format plus narratif, comme « Ocean Calls » qui plonge l’auditeur dans les profondeurs des enjeux maritimes à travers des récits immersifs et des témoignages.

Certains podcasts se distinguent par leur approche plus ludique ou informelle. « Stats in a Wrap » par exemple, présente les statistiques européennes de manière divertissante, cherchant à rendre accessibles des données parfois complexes.

Contenu et messages clés

L’analyse du contenu des différentes séries révèle plusieurs messages clés récurrents :

  • L’importance de l’action européenne dans la vie quotidienne des citoyens
  • La promotion des valeurs européennes (démocratie, état de droit, solidarité)
  • L’explication des politiques et initiatives de l’UE
  • La mise en avant de l’expertise européenne dans divers domaines
  • La sensibilisation aux défis globaux (changement climatique, transition numérique, etc.)

Par exemple, la série « CORDIScovery » met en lumière les avancées de la recherche européenne, soulignant ainsi le rôle de l’UE dans l’innovation et le progrès scientifique. « Food for Europe » quant à lui, explique les politiques agricoles et alimentaires de l’UE, cherchant à rapprocher ces enjeux des préoccupations quotidiennes des citoyens.

Évaluation de l’efficacité de la stratégie podcast

Publics cibles

Chaque série de podcast semble viser un public spécifique. « Erasmus+ revealed » s’adresse clairement aux étudiants et jeunes professionnels intéressés par la mobilité en Europe. « EU Finance – The Future of Finance » cible plutôt les professionnels et experts du secteur financier. « European Tasty Tales » vise un public plus large, intéressé par la gastronomie européenne. Cette segmentation permet à l’UE d’adapter son message et son ton en fonction de l’audience visée, afin de maximiser l’impact.

Intérêts et audiences

Il est difficile d’évaluer précisément l’audience de ces podcasts sans avoir accès aux statistiques d’écoute. Cependant, plusieurs indicateurs suggèrent un certain succès :

  • La longévité de certaines séries : « CORDIScovery » en est à son 40ème épisode, « EU Finance » à son 23ème, ce qui indique une certaine fidélisation de l’audience.
  • La régularité des publications : la plupart des séries maintiennent un rythme de publication constant, signe d’un engagement continu de l’UE dans cette stratégie.
  • La diversification de l’offre : le lancement régulier de nouvelles séries comme récemment « Erasmus+ revealed » ou « The Pulse » suggère que l’UE perçoit un intérêt croissant pour ce format.

Diffusion des messages clés

L’analyse du contenu des podcasts montre une cohérence avec les priorités de communication de l’UE. Les thèmes abordés reflètent les grandes orientations politiques de la Commission (Green Deal, transition numérique, relance économique post-Covid, etc.).

La diversité des formats et des approches permet de décliner ces messages de manière adaptée à différents publics. Par exemple, « Ocean Calls » sensibilise aux enjeux environnementaux marins de manière accessible, tandis que « Trade-Off » explique les subtilités de la politique commerciale européenne à un public plus averti.

Limites et défis

Malgré ces aspects positifs, la stratégie podcast de l’UE fait face à plusieurs défis :

  • La visibilité : dans un marché du podcast très concurrentiel, il peut être difficile pour les séries de l’UE de se démarquer et d’atteindre un large public.
  • La barrière linguistique : bien que certains podcasts soient produits dans différentes langues, la majorité reste en anglais, limitant potentiellement leur audience.
  • La complexité des sujets : certains podcasts traitent de thèmes très techniques, ce qui peut rebuter un public non-initié.

Recommandations pour améliorer et développer l’utilisation des podcasts

Sur la base de cette analyse, voici quelques recommandations pour renforcer l’efficacité de la stratégie podcast de l’UE :

Diversifier davantage les formats

Bien que l’offre actuelle soit déjà variée, l’UE pourrait expérimenter de nouveaux formats pour toucher un public plus large :

  • Des séries de fiction audio basées sur des thèmes européens pour captiver un public plus jeune.
  • Des podcasts courts (5-10 minutes) pour une consommation rapide d’information.
  • Des séries collaboratives avec des créateurs de contenu populaires pour bénéficier de leur audience.

Renforcer le multilinguisme

Pour surmonter la barrière linguistique, l’UE pourrait :

  • Produire plus de séries dans différentes langues de l’UE.
  • Proposer des transcriptions traduites pour les podcasts en anglais.
  • Développer des partenariats avec des médias locaux pour adapter et diffuser le contenu dans différentes langues.

Améliorer la promotion et la visibilité

Pour accroître l’audience de ses podcasts, l’UE pourrait :

  • Intensifier la promotion sur les réseaux sociaux, en ciblant spécifiquement les communautés d’auditeurs de podcasts.
  • Collaborer avec des influenceurs et des personnalités publiques pour promouvoir les séries.
  • Organiser des événements en direct (enregistrements publics, Q&A avec les animateurs) pour créer une communauté autour des podcasts.

Mesurer et analyser l’impact

Pour affiner sa stratégie, l’UE devrait :

  • Mettre en place des outils de mesure d’audience plus précis.
  • Réaliser des enquêtes auprès des auditeurs pour évaluer la compréhension et la rétention des messages clés.
  • Analyser régulièrement les données pour ajuster le contenu et le format des podcasts en fonction des préférences du public.

Intégrer les podcasts dans une stratégie de communication plus large

Les podcasts ne devraient pas être considérés comme un outil isolé, mais comme partie intégrante d’une stratégie de communication multicanale. L’UE pourrait :

  • Créer des synergies entre les podcasts et d’autres supports (vidéos, infographies, articles de blog).
  • Utiliser les podcasts comme point d’entrée vers des ressources plus détaillées sur les sites web de l’UE.
  • Encourager l’utilisation des podcasts comme support pédagogique dans les écoles et universités.

L’utilisation des podcasts par l’Union européenne dans sa stratégie de communication représente une avancée significative vers une communication plus moderne et engageante. La diversité thématique et stylistique de l’offre actuelle démontre une volonté réelle de s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation de l’information et de toucher des publics variés.

Cependant, pour maximiser l’impact de cette stratégie, l’UE doit relever plusieurs défis, notamment en termes de visibilité et d’accessibilité afin de renforcer l’efficacité des podcasts comme outil de communication, en les intégrant dans une approche plus globale et interactive.

À l’heure où la désinformation et l’euroscepticisme représentent des menaces sérieuses pour le projet européen, les podcasts offrent une opportunité unique de créer un lien direct et authentique avec les citoyens. En continuant à innover et à affiner sa stratégie audio, l’Union européenne peut non seulement informer, mais aussi engager et inspirer ses citoyens, contribuant ainsi à construire une identité européenne plus forte et partagée.

Naviguer dans des eaux turbulentes : communiquer l’UE à l’ère de la désinformation, du populisme et de la fragmentation

Comment l’UE adapte ses messages et ses stratégies d’engagement pour répondre à la convergence de facteurs redéfinissant le paysage de la communication ?

  • Montée des réseaux sociaux et fragmentation des écosystèmes médiatiques traditionnels
  • Prolifération de la désinformation, des « fake news » et des ingérences étrangères dans les processus démocratiques
  • Émergence de nouvelles formes de populisme, souvent alimentées par les technologies numériques et de mouvements radicaux
  • Tendance générale à la désinstitutionalisation des sociétés et érosion de la confiance dans les institutions traditionnelles et les connaissances expertes

Bien que l’UE ait fait des progrès significatifs dans l’adaptation de ses approches de communication à ces nouvelles réalités, elle continue de lutter avec la tension fondamentale entre storytelling centralisé et nécessité de s’adresser à des contextes nationaux diversifiés et à des publics de plus en plus fragmentés.

Paysage de communication évoluant et stratégies adaptatives de communication de l’UE

1. Lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères

Les dernières élections du Parlement européen ont vu des niveaux sans précédent de campagnes de désinformation, souvent liées à des acteurs étrangers. L’UE y répond avec de nouveaux outils, comme l’East StratCom Task Force, démontrant une prise de conscience accrue de la menace posée par la guerre de l’information. L’ »Approche européenne pour lutter contre la désinformation en ligne » marque un changement significatif vers un engagement proactif avec le problème avec des initiatives de vérification des faits.

2. Réponse aux nouvelles formes de populisme

L’émergence du « populisme numérique » présente un défi significatif aux efforts de communication de l’UE. Les narrations populistes simplifient souvent les processus complexes de l’UE. Le passage du langage technocratique à une communication plus émotive et basée sur les valeurs dans les messages de l’UE peut contribuer à répondre aux messages simplistes des populistes. De même, l’émergence de mouvements de jeunes à la fois d’extrême droite (le mouvement identitaire) et d’extrême gauche (par exemple, l’activisme climatique) créé de nouveaux défis pour l’engagement autour de l’UE avec des mouvements qui s’engagent souvent intensivement dans la politique, même si les formes de participation traditionnelle reste limitées.

3. Rebâtir la confiance institutionnelle face à la post-vérité

Les données Eurobaromètre montrent une baisse de la confiance dans l’UE de 57 % en 2007 à 43 % en 2022, reflétant une tendance plus large d’érosion de la confiance dans les institutions traditionnelles. Cela présente un défi fondamental à l’autorité et à la légitimité de l’UE. Les initiatives de transparence accrue, telles que le Registre de Transparence de l’UE, visent à reconstruire la confiance dans les institutions de l’UE, avec un succès limité, plaidant pour un besoin de réformes des structures de gouvernance de l’UE.

Le concept de « déclin de la vérité » progresse où les faits jouent un rôle décroissant dans la vie publique au profit d’une tendance à l’emphase croissante aux appels émotionnels. L’UE adopte une approche hybride, combinant la communication basée sur les faits avec un storytelling narratif reposant sur de vraies histoires personnelles. L’utilisation de l’humour pour démystifier les idées fausses pourrait engager davantage par rapport aux communications traditionnelles de l’UE.

Défis technologiques et efforts de communication de l’UE

1. Contraintes de cadrage

Les médias nationaux privilégient encore le cadrage national des questions de l’UE, limitant la portée des messages centralisés de l’UE, rendant la restitution du processus de prise de décision de l’UE le principal défi de communication.

2. Dilemmes technologiques et éthiques

L’utilisation de l’IA et des big data dans les stratégies de communication soulève des préoccupations en matière de confidentialité et de manipulation de données personnelles. Équilibrer le besoin de réponse rapide avec l’assurance de l’exactitude et de la nuance demeure crucial pour l’exemplarité de la communication.

3. Besoins diversifiés des publics

L’UE doit mieux connaître la diversité des niveaux variés de connaissance et d’engagement des citoyens envers l’UE, au-delà des seules différences générationnelles ou des habitudes de consommation des médias, qui complexifient les stratégies de communication.

Approches innovantes pour les futures stratégies de communication de l’UE

1. Prévision Participative

Impliquer les citoyens dans des exercices de planification de scénarios pour l’avenir de l’UE pourrait augmenter l’engagement et créer une co-construction et une propriété partagée des narratifs de l’UE. Des programmes pilotes pourraient tester cette approche.

2. Gamification des processus de l’UE

Développer des jeux éducatifs immersifs, des serious games, simulant la prise de décision de l’UE auraient le potentiel d’augmenter la compréhension des processus de l’UE, en particulier parmi les jeunes, même s’il faut éviter la simplification excessive des questions complexes.

3. Réseaux de communication décentralisés

Autonomiser les influenceurs locaux et les organisations de la société civile en tant que communicateurs de l’UE pourrait augmenter la confiance et la pertinence des messages de l’UE. Un programme « EU Local Voices » pourrait former et soutenir ces nouveaux créateurs de contenus.

4. IA Éthique dans la communication publique

Développer une personnalisation des communications de l’UE basée sur l’IA avec des algorithmes transparents pourrait permettre une dissémination plus ciblée et pertinente, équilibrée avec le besoin d’un discours public partagé et la nécessité de prendre en compte les préoccupations en matière de confidentialité des données.

Les défis de communication de l’UE reflètent des tendances sociétales plus larges de fragmentation, de méfiance et de surcharge d’informations. Bien que l’UE ait fait des progrès significatifs dans l’adaptation de ses stratégies de communication à cette nouvelle réalité, le succès futur dépendra de la capacité de l’UE à :

  • Favoriser une véritable sphère publique paneuropéenne tout en respectant les diversités nationales ;
  • Utiliser la technologie de manière éthique pour améliorer l’engagement sans exacerber les divisions sociales ;
  • Équilibrer la communication basée sur les faits avec des narratifs convaincants qui résonnent émotionnellement avec les citoyens ;
  • S’adapter aux paysages médiatiques en évolution rapide tout en maintenant les valeurs démocratiques fondamentales.

Une communication efficace ne concerne pas seulement l’amélioration de l’image de l’UE, mais aussi le maintien de la légitimité démocratique du projet européen lui-même à une époque de défis sans précédent pour la communication européenne.

Communiquer l’Europe : analyse de l’évolution de la communication de la Commission européenne sur Twitter

Enquête très ambitieuse en termes de méthodologie, Roberta Rocca, Katharina Lawall, Manos Tsakiris et Laura Cram dans Communicating Europe: a computational analysis of the evolution of the European Commission’s communication on Twitter” donne une analyse complète du contenu et des caractéristiques stylistiques de la communication de la Commission européenne sur Twitter entre juin 2010, date de création du compte officiel, et Juillet 2022, avec 6,75 tweets par jour en moyenne, un usage ostentatoire de ce canal de communication au fil des années. Comment la Commission européenne remodèle son identité institutionnelle projetée et comment sa communication s’adapte pour mieux trouver un écho auprès du public européen ?

Un tournant en 2017 des principaux thèmes : une politisation croissante ?

Alors que jusqu’en 2016, la communication sur Twitter était fortement axée sur des sujets liés à l’économie, à la gouvernance et au partage d’informations sur les événements et dynamiques institutionnels, 2017 marque un tournant. Les tweets sur les politiques sociale, environnementale et numérique, l’identité et l’engagement citoyen deviennent importants.

À un niveau plus fin, les politiques environnementales affichent un volume de tweets nettement plus élevé à partir de 2020, tandis que la politique numérique, les droits des citoyens et l’intégration, ainsi que les droits de l’homme (importants en 2018 et 2020) ont connu une légère diminution après 2020. Le nombre de tweets liés à la solidarité et à l’aide humanitaire ont considérablement augmenté en 2022, sans doute le reflet de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Au cours des 3 dernières années, la santé, l’énergie, la durabilité et le climat, la politique numérique et les visions d’avenir ont été les sujets les plus importants en moyenne entre 2020 et 2022. D’autre part, la solidarité et la réponse d’urgence, ainsi que l’identité, la culture et l’engagement des citoyens ont été les thèmes les plus marquants en 2022.

Les contenus liés à l’identité et à l’engagement citoyen, aux initiatives citoyennes, aux droits de l’homme et à la santé sont positivement associés à l’engagement. Ce sont tous des sujets sur lesquels la communication sur Twitter met de plus en plus l’accent. Les sujets ayant un impact positif sur l’engagement comprennent également, peut-être de manière surprenante, la gouvernance interne, la finance et le commerce, sujets de moins en moins présents au fil du temps. D’un autre côté, les tweets liés à l’économie semblent être négativement associés à l’engagement. Les sujets liés aux politiques numérique et environnementale ne sont pas positivement liés à l’engagement.

Un alignement avec l’engagement sur les préférences du public

L’alignement entre les sujets et les engagements de la Commission européenne reflète la capacité accrue à générer du contenu qui trouve un écho auprès de son propre public, même si cela ne reflète pas une capacité accrue à susciter l’engagement du grand public.

Un style linguistique et des messages plus simples et efficaces

Concernant la lisibilité, la complexité et l’utilisation d’outils comme les emojis, les hashtags et les mentions, les résultats pour 2022 et les années immédiatement précédentes montrent clairement que la communication est en moyenne plus positive et moins neutre.

Le style linguistique de la communication évolue au fil du temps, avec une moindre complexité lexicale. L’utilisation de hashtags et de mentions diminue, tandis que l’utilisation d’emojis est devenue plus importante.

Dans l’ensemble, ces tendances montrent une nette amélioration de l’accessibilité de la communication au fil du temps. Les tweets ont commencé par être complexes et ont évolué vers un style plus simple. Pourtant, en termes d’accessibilité lexicale et de caractère concret, la communication reste systématiquement plus exigeante que celle des gouvernements nationaux.

La communication est de plus en plus ciblée et suscite davantage d’engagements (retweets, likes, citations et réponses). Les tweets plus longs suscitent plus d’engagement, contrairement à la littérature sur le sujet.

Ces efforts visant à produire un contenu qui correspond aux préférences du propre public de la Commission européenne ne signale pas pour autant que l’institution vise ou réussisse à accroître l’engagement auprès du grand public.

Au total, des changements dynamiques dans le contenu de la communication sur Twitter :

  • un détachement progressif des sujets qui chevauchent l’orientation des institutions « technocratiques »
  • une attention accrue aux sujets positivement associés à l’engagement du public
  • un alignement sur les préférences de son public en ligne
  • un changement notable vers un sentiment plus positif
  • un changement intentionnel dans la stratégie de communication qui favorise l’engagement et augmente le soutien du propre public auto-sélectionné
  • un contenu plus long que toutes les autres institutions mais lisible
  • un style moins orienté vers l’action et moins concret
  • un engagement plus élevé pour les tweets moins orientés vers l’action, moins concrets et plus longs

Dans l’ensemble, la Commission européenne développe une stratégie de communication mieux adaptée à son public, témoignant d’une identité numérique émergente sur Twitter.

Comment des médias paneuropéens abordent la couverture des élections européennes ?

Les médias d’information continent de jouer un rôle dans l’élaboration du récit autour des élections européennes ainsi que dans l’émergence d’une opinion publique européenne. Quelles stratégies pour couvrir la campagne, selon Amélie Reichmuth dans « How pan-European news organisations are approaching EU election coverage » pour VoxEurop et The European Correspondent, sans oublier de commencer par Politico Europe ?

L’approche analytique Politico Europe : une couverture « data-driven » des élections européennes

Politico Europe, lancée en 2015, basé à Bruxelles, offre une couverture approfondie de la politique, des politiques et des personnalités de l’UE. Pour les élections européennes, outre le narratif de la course électorale dans ses newsletters, podcasts et articles, Politico Europe adopte notamment une approche analytique « By the numbers » basée sur les données pour couvrir la campagne : enquête sur l’usage de Tiktok des députés européens ou les dépenses publicitaires des partis politiques.

De plus, Politico Europe développe un outil interactif, « Poll of Polls », qui regroupe les dernières données de sondages de toute l’UE et fournit des estimations de la répartition des sièges au Parlement européen. Cet outil, mis à jour quotidiennement, vise à aider les citoyens et les parties prenantes à mieux comprendre la dynamique de la course électorale et les implications potentielles des résultats.

L’approche communautaire de The European Correspondent : un traitement « crowd-sourcé » des questions du public autour des sujets européens

Lancée en 2022, The European Correspondent est une newsletter qui se concentre sur les grands défis sociétaux, les changements politiques et les idées à travers le continent. Forte d’un réseau de plus de 140 correspondants locaux, la plateforme a pour objectif de proposer à ses lecteurs les meilleures histoires de chaque pays.

Pour The European Correspondent, les élections européennes constituent une opportunité essentielle de dialoguer avec son public. Julius Fintelmann, co-fondateur et directeur de la rédaction, estime que les élections sont importantes non seulement par leur résultat, mais aussi parce qu’elles génèrent un élan européen, avec des citoyens manifestant davantage d’intérêt pour les affaires européennes.

Leur stratégie pour couvrir les élections consiste à se concentrer sur les grandes questions qui intéressent les citoyens européens, plutôt que de suivre la campagne électorale à Bruxelles. Ils utilisent des explications et des articles approfondis pour aborder des sujets tels que le processus électoral, la montée des partis d’extrême droite et le Green Deal.

L’approche semble trouver un écho auprès de son public, qui reçoit de nombreuses questions sur les élections qui ne sont pas abordées ailleurs. Ils capitalisent sur cela à travers des campagnes d’engagement communautaire, visant à développer leur communauté et à élargir leur audience globale.

L’approche coopérative de Voxeurop : un traitement en mode « série » éditoriale

Voxeurop, lancé en 2014, se positionne comme le premier média géré par une société coopérative européenne afin de couvrir des sujets transnationaux, traduits dans les principales langues européennes, pour refléter la diversité des regards et toucher un public plus large.

L’année 2024 marque les 10 ans de Voxeurop, ce qui en fait une opportunité idéale pour élargir son lectorat. Voxeurop adopte plusieurs séries éditoriales pour couvrir les élections. L’un de leurs projets les plus réussis est « Voices of Europe« , où ils collaborent avec 27 grands médias nationaux pour publier des articles sur les principales questions en jeu dans les élections européennes de chaque pays. Ces articles sont ensuite traduits et publiés en cinq langues sur la plateforme Voxeurop.

Au total, les médias paneuropéens adoptent des stratégies diverses et innovantes pour couvrir les élections européennes, interagir avec leur public et contribuer au développement d’une sphère publique européenne, jouant un rôle crucial pour répondre aux préoccupations et aux questions de leur public et utiliser les élections comme une opportunité pour élaborer des nouvelles formes de récit autour d’un avenir de l’UE plus informé et plus engagé.