À l’ère des réseaux sociaux, où les créateurs de contenu redéfinissent les règles du jeu médiatique, l’Union européenne doit réinventer sa stratégie de communication dans un environnement volatil, incertain, complexe et ambigu où le succès des influenceurs doit inspirer l’UE et offrir une opportunité de leadership auprès des citoyens européens. Face à la montée des défis sociétaux et géopolitiques, l’UE doit s’approprier les nouveaux codes de l’influence numérique pour renforcer son impact et son rayonnement.
Les fondamentaux de l’influence numérique appliqués à l’UE
L’influence à l’ère digitale repose sur des principes fondamentaux identifiés par Robert Cialdini, qui prennent une résonance particulière dans le contexte européen :
- La réciprocité : l’UE doit créer une dynamique d’échange avec ses citoyens, en valorisant leur participation et en démontrant concrètement l’impact de leurs contributions sur les politiques européennes.
- La cohérence : maintenir une ligne directrice claire dans les communications tout en adaptant le message aux différentes audiences et contextes culturels des États membres.
- La preuve sociale : mettre en avant les succès collectifs et l’adhésion des citoyens aux projets européens, notamment via des témoignages et des cas concrets.
- L’autorité : affirmer l’expertise de l’UE sur les sujets clés tout en restant accessible et pédagogue dans sa communication.
- La sympathie : développer une connexion émotionnelle avec les citoyens en humanisant l’institution et en mettant en avant des histoires personnelles.
- La rareté : souligner le caractère unique du projet européen et l’opportunité historique qu’il représente.
La Fenêtre d’Overton, une opportunité tactique pour l’UE
Le concept de la fenêtre d’Overton offre un cadre précieux pour introduire progressivement des idées novatrices dans le débat public. L’UE peut utiliser cette approche pour faire évoluer des sujets complexes, tels que la transition écologique ou la souveraineté numérique, du statut de radical à celui de norme acceptée. En engageant un dialogue continu avec les citoyens et en intégrant leurs préoccupations, l’UE peut faciliter l’acceptation de politiques ambitieuses.
Le concept de la fenêtre d’Overton offre un cadre stratégique précieux pour l’UE dans sa gestion des transitions majeures. Prenons l’exemple de la transition écologique :
- Impensable : Les mesures radicales de transformation économique semblaient initialement utopiques.
- Radical : L’introduction du Green Deal européen a d’abord été perçue comme excessive.
- Acceptable : Les études scientifiques et la sensibilisation ont progressivement légitimé ces mesures.
- Raisonnable : L’intégration des objectifs climatiques dans toutes les politiques devient une évidence.
- Populaire : L’adhésion citoyenne aux initiatives vertes se généralise.
- Politique : L’adoption de législations climatiques ambitieuses devient la norme.
Construire un mouvement d’influence paneuropéen
À l’ère numérique, la capacité à créer et animer des communautés en ligne est cruciale pour déployer les différentes séquences de l’ouverture de la fenêtre d’Overton. L’UE doit mieux exploiter les algorithmes des réseaux sociaux pour diffuser rapidement ses messages et fédérer des partisans autour de ses initiatives. En cultivant des chambres d’écho positives, elle peut amplifier l’engagement citoyen et transformer des idées marginales en mouvements influents. Cela nécessite une stratégie de contenu agile, capable de s’adapter aux tendances émergentes et de répondre aux attentes des différents publics.
Dans l’écosystème numérique actuel, l’UE doit exploiter trois leviers majeurs :
- La propagation algorithmique : Optimiser la diffusion des messages sur les réseaux sociaux en comprenant et utilisant les mécanismes de viralité.
- La création de communautés : Fédérer des groupes engagés autour des valeurs européennes et faciliter les interactions entre citoyens de différents États membres.
- L’animation de « chambres d’écho » positives : Cultiver des espaces de dialogue constructif tout en évitant les dérives de la polarisation.
Recommandations stratégiques pour un leadership numérique efficace
- Orchestrer une influence multi-niveaux : créer une task force Influence digitale coordonnant les institutions européennes, les États membres et les relais locaux, en parallèle ou complément du réseau des Community Managers de l’UE plus ou moins déjà structurés en vue de développer une stratégie de « micro-influenceurs européens » en identifiant et formant des citoyens engagés dans chaque région, y compris afin de réagir rapidement aux désinformations sur l’UE
- Maîtriser les nouveaux formats d’influence : lancer des formations à l’influence digitale européenne formant les communicants institutionnels aux codes de l’influence, des opportunités de collaborations sur la base de guidelines partagées ; voire créer un laboratoire d’innovation narrative expérimentant de nouvelles façons de raconter l’Europe avec des influenceurs partenaires.
- Exploiter la puissance des données pour l’influence : développer un observatoire européen des conversations digitales pour anticiper les mouvements d’opinion afin de mettre en place un système d’alerte précoce sur les sujets sensibles grâce à l’analyse prédictive.
- Construire des coalitions d’influence digitale : fédérer des réseaux d’influenceurs pro-européens dans des domaines stratégiques (climat, tech, culture…), idéalement rassemblés autour d’une plateforme collaborative développée par l’UE pour ces créateurs de contenu européens afin de déployer des campagnes d’influence transnationales sur les grands enjeux européens et potentiellement à l’échelle locale.
- Activer les leviers émotionnels de l’engagement : concevoir des récits européens inspirants adaptés aux différentes générations en utilisant le storytelling transmedia pour créer des expériences immersives autour des valeurs européennes et des formats participatifs permettant aux citoyens de devenir co-créateurs du récit européen.
Adopter l’influence digitale représente une transformation, l’UE pourrait non seulement renforcer sa légitimité mais aussi façonner activement l’avenir de la démocratie européenne à l’ère numérique.