Toutes les initiatives de démocratie participative, y compris la « Conférence sur l’avenir de l’Europe » n’ont pu ignorer le dilemme institutionnel fondamental du système politique de l’UE, à savoir le conflit entre l’interdépendance intense et le partage du pouvoir dans une unité politique multiniveau d’une part, et l’autonomie des gouvernements comme condition de la légitimité démocratique du pouvoir d’autre part.
Selon Arthur Benz, dans “Federal democracy, distributive justice and the future of Europe”, pour faire progresser la démocratie fédérale dans l’UE, il convient de privilégier des modes de gouvernance qui privilégie la justice distributive découlant des disparités territoriales en matière de ressources et de contraintes…
Quelles sont les conséquences politiques de la division du pouvoir européen ?
Concevoir l’UE comme une démocratie fédérale ne signifie pas plaider en faveur d’une intégration accrue vers un État fédéral, ni d’ailleurs affaiblir corrélativement les États membres. Qu’on suppose ou non l’existence d’un demos européen, l’Union européenne se compose d’États-nations pleinement développés dotés de gouvernements et de systèmes de protection sociale bien établis. Par conséquent, les pouvoirs de l’UE sont et seront encore davantage à l’avenir partagés dans une large mesure avec les États membres.
Les États membres restent les maîtres des traités et détiennent un pouvoir de contrebalancement fort contre la délégation de fonctions essentielles de l’État au niveau européen. Le mythe d’une Europe qui se ferait sur le dos des peuples, ainsi que du déficit démocratique de l’UE n’est pas d’actualité.
Cependant, les États-membres n’ont pas empêché la tendance auto-renforçante à la sur-constitutionalisation des politiques économiques et réglementaires. Du coup, une partie de la réalité perçue et subjectivement vécue donne l’impression que les modes de coordination contraignent une certaine idée de l’autonomie et de la démocratie.
Comment une gouvernance multiniveau véritablement fédérale est-elle la seule en mesure de vraiment préserver la démocratie ?
Promouvoir la démocratie dans une fédération européenne d’États-nations nécessite avant tout d’étendre une forme de coordination multiniveau qui préservent l’autonomie des gouvernements des États membres et permettent l’inclusion des parlements sans entraver la gouvernance multiniveau dans une Europe fédérale.
Pour réussir, cette répartition des pouvoirs nécessite de faire de la justice distributive une question résolue dans l’UE. Tandis que ces politiques distributives sont bien à l’ordre du jour européen, quoique toujours menacées lors des négociations budgétaires, ce qui manque cruellement, ce sont des procédures appropriées permettant des décisions légitimes.
Pourquoi la démocratie fédérale s’applique pour l’avenir de l’Europe ?
Aussi, lorsqu’il s’agit de discuter de l’avenir de l’UE, le concept de démocratie fédérale peut servir d’idée directrice. Au lieu de renforcer l’UE avec des politiques stratégiques ou de promouvoir une idéalisation vague de la démocratisation, une approche réaliste permet de faire face aux défis à relever. Le concept de démocratie fédérale souligne la nécessité d’équilibrer l’autonomie des gouvernements démocratiques et la coordination entre les niveaux et les juridictions, tout en attirant l’attention sur la nécessité des politiques de redistribution plus fortes dans un système fédéral.
Le concept de démocratie fédérale met en lumière les dynamiques inhérentes à la division des pouvoirs entre les niveaux et entre les exécutifs responsables de la coordination et les institutions ou procédures démocratiques légitimant le pouvoir politique. Ces dynamiques peuvent conduire à un renforcement auto-entretenu du pouvoir, ce qui n’est ni souhaitable, ni efficace et doivent donc être soumises à un contrôle.
Cependant, maintenir l’équilibre requiert de la souplesse : la division des pouvoirs doit être ajustée selon les politiques publiques poursuivies, la coordination multiniveau doit répondre aux conflits et aux relations de pouvoir changeants, et les politiques de redistribution doivent tenir compte des disparités changeantes de ressources ou de contraintes. Préserver cette souplesse est essentiel dans une fédération démocratique afin d’équilibrer l’autonomie des gouvernements et la gouvernance coordonnée.
Ainsi, le fédéralisme démocratique, en tant que réponse pour l’avenir de l’Europe, ne peut être qu’un processus légitime, d’autant plus avec une Union perçue comme une « fédération contestée » en cours de construction.