Stratégie d’open-data de la Commission européenne : que faut-il en attendre ?

Lundi 12 décembre, Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, responsable de l’agenda numérique présente « une stratégie européenne en matière d’ouverture des données publiques ». Alors que de nouvelles perspectives sont ouvertes par les progrès des technologies d’analyse, d’exploitation et de traitement des données ; la stratégie de valorisation des données publiques européennes est présentée comme « un moteur pour l’innovation, la croissance et une gouvernance transparente ». Qu’en est-il vraiment ?

Impact réduit sur l’ouverture des données publiques dans l’UE

L’agenda de la Commission européenne se donne pour mission de :

  • lancer au printemps 2012 un portail donnant accès aux données ouvertes de la Commission ;
  • lancer en 2013 un portail pilote multilingue et doté de fonctions de recherche pour donner accès à des données provenant de toute l’UE.

Néanmoins, l’objectif de créer un unique point d’accès aux données réutilisables de tous les organes, institutions et agences de l’UE voire d’un unique portail d’open-data de toutes les données publiques européennes (UE+Etats-membres) est illusoire.

Le pouvoir de la Commission européenne se trouve très limité, selon Euractiv.com :

  • les autres institutions européennes n’ont aucune obligation de suivre la stratégie d’open-data : « La Commission invite le Parlement européen et le Conseil à créer les conditions-cadres appropriées pour la réutilisation des informations du secteur public dans l’UE » : ;
  • les États-membres sont également libres d’appliquer leur propre législation en matière d’open-data : « La Commission propose d’harmoniser la manière dont les États-membres permettent la réutilisation de leurs données ».

Quel sera l’impact réel d’une stratégie d’ouverture des données publiques européennes si le pouvoir de la Commission européenne ne se limite qu’à « inviter » les autres institutions européennes et à « proposer d’harmoniser » les législations nationales ?

Intérêt réduit sur la transparence de l’UE

Même si le champ des données européennes couvert par la stratégie d’open data est limité, cette avancée constitue peut-être un progrès vers plus de transparence de la Commission européenne ?

Là encore, les propositions de la Commission européenne sont décevantes :

  • certes, le texte « étend le champ d’application aux (données des) bibliothèques, musées, archives et bibliothèques universitaires » ;
  • mais, « le document publié par Mme Kroes n’aborde pas la question des documents confidentiels », selon Euractiv.com.

Par ailleurs, l’accès plein et entier des citoyens non-experts aux données publiques doit se faire impérativement en proposant des moyens de visualisation des gros flux de données.

De nouveau, le texte de la Commission est extrêmement vague : « il convient de soutenir davantage les travaux de R&D et d’innovation relatifs aux outils d’analyse et de visualisation des données » avec aucun engagement précis.

Sans ouverture aux documents confidentiels (éventuellement déclassifié à la suite d’une révision des critères et des procédures) et sans moyens vraiment performant et efficace de visualisation des « big-data », quel sera l’intérêt concret d’une stratégie d’ouverture des données publiques européennes ?

En conclusion, la stratégie d’open data de la Commission européenne renouvelle-t-elle les pratiques démocratiques de l’UE ?

Le Personal Democracy Forum (PDF) à Paris, le 6 décembre, s’interroge sur la question de l’empowerment – littéralement « capacitation » des citoyens – grâce à l’ouverture des données publiques, qui ne serait « que le prélude à plus de participation de la part des citoyens, pour enfin aboutir à une co-production citoyenne synonyme de démocratie renouvelée et plus efficace », selon le compte-rendu de La Netscouade.

Le texte de Neelie Kroes – quant à lui – interroge sur l’éventuelle utilisation à des fins stratégiques, politiciennes des données publiques qui ne seraient plus des outils de réflexion, mais bien de communication. Quand toute la valorisation des données publiques repose sur le travail militant d’un petit nombre d’experts de la donnée, il n’est que trop à craindre le risque évident de l’utilisation des chiffres à des fins de marketing politique.

Ainsi, la révolution de l’open data à l’échelle de l’UE ne passera pas par la stratégie actuelle de la Commission européenne.

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