Archives mensuelles : décembre 2011

Quelles sont les évolutions dans les activités d’information et de communication des collaborateurs des euro-députés ?

Pour la 3e année, le cabinet Edelman réalise une vaste enquête « Capital Staffer Index » auprès de plus de 500 collaborateurs de parlementaires à Washington DC, Bruxelles, Paris, Londres, Berlin, Pékin… sur leurs activités d’information et de communication. Dans le prolongement des enseignements de l’année dernière – que nous avions traité : « Comment s’informent et communiquent les collaborateurs des euro-députés ? » – quelles sont les évolutions sensibles en 2011, pour ce qui concernent spécifiquement les collaborateurs des euro-députés ?

Une approche encore très conventionnelle dans l’influence des lobbyists ou des citoyens

Lorsqu’il s’agit des sollicitations de lobbyistes ou de citoyens pour transmettre des positions aux élus, les activités des collaborateurs des euro-députés demeurent encore très conventionnelles.

D’une part, les collaborateurs des euro-députés manifestent une sensibilité prononcée par rapport aux autres collaborateurs d’élus pour recevoir des positions incluant des recherches académiques ou d’ONG et se synthétisant sous la forme d’une page apportant des preuves et des faits.

D’autre part, les collaborateurs des euro-députés privilégient encore très majoritairement les contacts personnels au travers de visites dans les circonscriptions ou de lettres personnelles des citoyens. A contrario, les pétitions en ligne et les médias sociaux sont perçus comme le plus à même de porter préjudice aux démarches d’influence.

Une utilisation aujourd’hui majoritaire d’Internet pour s’informer

Lorsqu’il s’agit de s’informer, les activités des collaborateurs des euro-députés sont largement ouvertes aux usages web.

D’une part, Internet, les sites de médias notamment, est un pilote incontournable dans l’information sur les questions politiques :

  • 75% des collaborateurs parlementaires européens ont appris un enjeu de politique publique pour la première fois en ligne (15 points au-dessus de la moyenne) ;
  • 45% des collaborateurs parlementaires européens ont changé de position sur une question de politique publique, sur la base de quelque chose lue en ligne (12 points au-dessus de la moyenne).

Un « phénomène Twitter » particulièrement clivé à Bruxelles

Dans toutes les capitales, l’utilisation de Twitter – à la fois comme outil de veille d’information et comme canal de communication – progresse au global :

  • + 15% d’utilisation de Twitter, en un an, chez les parlementaires pour communiquer : de 38% en 2010 à 53% en 2011 ;
  • + 200% d’utilisation de Twitter, en deux ans, chez les citoyens pour s’adresser aux parlementaires : de 7% en 2009 à 41% en 2011.

Néanmoins, c’est à Bruxelles que l’usage de Twitter semble le plus clivé.

En tant qu’outil de veille, les collaborateurs des euro-députés plébiscitent la plateforme pour attirer leur attention sur des news et des enjeux et recevoir des informations rapidement. D’ailleurs, les journalistes et les professionnels de la politique sont les deux publics les plus largement suivis.

En revanche, en tant que canal de dialogue, les collaborateurs des euro-députés sont le plus à la traîne dans le monde. Il sont les moins à même de communiquer avec les citoyens, qu’ils ne suivent que très moyennement.

Ainsi, alors que les usages en matière de médias sociaux se démocratisent largement au sein de la population des collaborateurs des euro-députés, semble se dessiner une relative fermeture aux potentiels de dialogue avec les citoyens.

Et si l’espace public européen existait grâce aux médias sociaux ?

Mathew Lowry, eurobloggeur, est récemment intervenu devant des étudiants du programme Marie Curie pour présenter “the EU online public space”. Une contribution qui renouvelle – à l’ère des médias sociaux – les réflexions sur l’existence d’un espace public européen…

Le déficit d’espace public européen

Dans la première définition donnée à l’espace public par Habermas (1989), il s’agit d’un « espace où les gens se réunissent en tant que citoyens et articulent leurs points de vue autonomes en vue d’influencer les institutions politiques ».

En général, les chercheurs s’accordent à dire que les médias de masse servent de lieu principal, comme forum, pour la représentation de l’espace public.

En résumé, puisqu’il n’y a aucun média pan-européen où des discours sur la vie politique européenne pourraient se tenir, il y a un déficit de l’espace public européen.

Sans un espace pour un débat européen auprès d’un large public, l’UE manque d’une véritable communauté politique de citoyens, qui se traduit par l’érosion de la confiance et même la crise de la légitimité de l’UE.

Un e-espace public européen théorique

Avec une nouvelle définition de l’espace public par Habermas (1996), il s’agit dorénavant d’un « espace politique qui permet aux citoyens de prendre des positions en même temps, sur les mêmes sujets, avec la même pertinence ».

Certains chercheurs, notamment Renée van Os & Nicholas W. Jankowski dans “An online European public sphere?” voient des opportunités nouvelles avec Internet, qui “offre des caractéristiques prometteuses pour répondre aux attentes d’Habermas” :

Internet sert potentiellement de forum public où les informations peuvent être partagées, les questions discutées et où les internautes peuvent s’engager dans l’action politique.

Entre les espaces publics nationaux, un e-espace public transnational pourrait s’organiser sur la base de réseaux en ligne. À l’aide des technologies d’information et de communication en ligne, un espace public européen comme « communauté discursive » pourrait se dégager avec des débats sur des questions spécifiquement européennes :

  • « Download » de directives, règlements et structures institutionnelles européennes à l’échelon national ;
  • « Upload » vers l’UE, de discours, d’opinions et de croyances partagées.

L’espace public européen dans les médias sociaux

Selon la présentation de Mathew Lowry, des conversations sur les activités et les politiques de l’UE se tiennent quotidiennement dans les médias sociaux tant pour promouvoir, réformer ou détruire le projet européen.

Ces conversations forme l’« eurosplit’internet » entre trois communautés qui cohabitent sans vraiment interagirent :

  • les conversations nationales, qui peuvent parfois porter sur des sujets européens mais en raison de multiples barrières (langage, culture, contexte et « background ») ne se transnationalisent pas ;
  • les conversations de la sphère eurosceptique, qui faute de critique intelligente et constructive ne s’ouvrent pas au dialogue ;
  • les conversations de la « Brussels Bubble » composée par des individus « européens » connectés (eurodéputés, fonctionnaires de l’UE, lobbyistes et « EU & social media geeks » et les eurobloggers, parmi lesquels Mathew et moi devons nous classer).

Opportunités des médias sociaux pour faciliter l’espace public européen

1. sensibiliser :

  • expliquer le point de vue européen, la « valeur ajoutée de l’UE » à des publics intéressés mais non spécialistes ;
  • écouter, discuter et s’engager en tant qu’êtres humains et non comme des messages publicitaires.

2. créer des communautés d’intérêt, thématiques et transnationales :

  • faciliter les passages de frontière entre communautés et créer des ponts
  • partager des idées et des expériences

3. créer des communautés de pratiques, européennes et intégrées :

  • discuter concrètement de projets et de politiques
  • partager la mise en œuvre de programmes et d’actions

Ainsi, quelques exemples de communautés sponsorisées par l’UE :

  • Regionetwork, une communauté de pratiques entre les acteurs de la politique régionale ;
  • Capacity4dev, une communauté d’intérêt sur la thématique du développement ;
  • eTwinning : une communauté d’entraide pour les écoles d’Europe.

Défis et risques des médias sociaux pour l’espace public européen

défis n°1 : faciliter l’accès aux documents, donc améliorer le portail Europa

défi n°2 : stimuler les communautés, donc professionnaliser le community management européen

défi n°3 : réfuter les « eurocrap »

défi n°4 : inspirer la confiance, donc respecter les règles d’honnêteté, de transparence, d’écoute…

défi n°5 : réussir la curation, donc besoin de traduction

risque n°1 : les mauvaises actions, donc besoin de guide d’utilisation des médias sociaux

risque n°2 : l’inaction, donc besoin de présence sinon l’absence est vue comme une volonté de cacher, un biais élitiste et anti-démocratique de l’UE.

 

En conclusion, l’espace public européen existe grâce aux médias sociaux, mais il ne sera que ce que les participants voudront qu’il soit. L’espace public européen demeure fragile.

Séminaire : « La communication européenne: quelle(s) voix pour l’Europe ? » le 9 décembre 2011 à Paris

L’Europe traverse une profonde crise de confiance, provoquant autant d’attentes que de défiance de la part des citoyens des Etats-membres. Dans ce contexte marqué par l’incertitude quant à son devenir, l’Europe semble avoir du mal à faire entendre sa voix : Qui parle pour l’Europe ? Qui parle de l’Europe ?

En quoi les difficultés de l’Europe politique nous permettent-elles de repenser la communication européenne ?

Représentants des institutions européennes et nationales, élu, journaliste et euro-bloggeur reviendront sur la difficulté à rendre audible un discours européen et visible une entité politique qui repose sur des acteurs, des institutions, des procédures dont l’apparente complexité semble décourager leur appropriation par les citoyens.

Table ronde n°1 : Les défis de la communication européenne :

Quels sont les défis auxquels doivent faire face les institutions européennes dans leur adresse aux Etats-membres et à leurs citoyens ? Multiplicité et coordination des discours institutionnels et politiques, prééminence de logiques nationales dans la promotion ou la dévalorisation de l’action européenne, place des citoyens sollicités dans une communication participative mais tus dans le processus politique :

  • Bruno Denoyelle, Service de l’Information du Gouvernement, France
  • Christian Gsodam, Secrétariat général du Comité des Régions
  • Marie-Christine Vergiat, députée au Parlement européen
  • Anna Zalewska-Urbanczyk, Représentation de la Commission européenne à Paris

Table ronde n°2 : Quelle place pour l’Europe dans les médias sociaux et traditionnels ?

Quel est le traitement médiatique d’une actualité européenne qui semble rétive aux logiques de dramatisation, de personnalisation et de simplification pour partie caractéristiques de la couverture des sujets politiques nationaux ? Place dévolue aux questions européennes au sein des rédactions, travail journalistique des spécialistes de l’Europe et développement de nouveaux moyens de diffusion, notamment numériques :

  • Aurélie Valtat, communication web, Conseil de l’Union européenne
  • Fabrice Pozzoli-Montenay, journaliste européen
  • Bert Van Maele, médias sociaux à la DG Communication de la Commission européenne
  • Michael Malherbe, euro-bloggeur

Séminaire organisé au Bureau d’information pour la France du Parlement européen le 9 décembre de 13h45 à 18h15, conjointement par les étudiants des Master 2 « Communication politique et publique en France et en Europe » de l’UPEC et « Communication politique et sociale » de l’Université Paris 1, sous la responsabilité de Stéphanie Wojcik, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication – UPEC, et Nicolas Hubé, maître de conférences en science politique – Université Paris I.