Mathew Lowry, eurobloggeur, est récemment intervenu devant des étudiants du programme Marie Curie pour présenter “the EU online public space”. Une contribution qui renouvelle – à l’ère des médias sociaux – les réflexions sur l’existence d’un espace public européen…
Le déficit d’espace public européen
Dans la première définition donnée à l’espace public par Habermas (1989), il s’agit d’un « espace où les gens se réunissent en tant que citoyens et articulent leurs points de vue autonomes en vue d’influencer les institutions politiques ».
En général, les chercheurs s’accordent à dire que les médias de masse servent de lieu principal, comme forum, pour la représentation de l’espace public.
En résumé, puisqu’il n’y a aucun média pan-européen où des discours sur la vie politique européenne pourraient se tenir, il y a un déficit de l’espace public européen.
Sans un espace pour un débat européen auprès d’un large public, l’UE manque d’une véritable communauté politique de citoyens, qui se traduit par l’érosion de la confiance et même la crise de la légitimité de l’UE.
Un e-espace public européen théorique
Avec une nouvelle définition de l’espace public par Habermas (1996), il s’agit dorénavant d’un « espace politique qui permet aux citoyens de prendre des positions en même temps, sur les mêmes sujets, avec la même pertinence ».
Certains chercheurs, notamment Renée van Os & Nicholas W. Jankowski dans “An online European public sphere?” voient des opportunités nouvelles avec Internet, qui “offre des caractéristiques prometteuses pour répondre aux attentes d’Habermas” :
Internet sert potentiellement de forum public où les informations peuvent être partagées, les questions discutées et où les internautes peuvent s’engager dans l’action politique.
Entre les espaces publics nationaux, un e-espace public transnational pourrait s’organiser sur la base de réseaux en ligne. À l’aide des technologies d’information et de communication en ligne, un espace public européen comme « communauté discursive » pourrait se dégager avec des débats sur des questions spécifiquement européennes :
- « Download » de directives, règlements et structures institutionnelles européennes à l’échelon national ;
- « Upload » vers l’UE, de discours, d’opinions et de croyances partagées.
L’espace public européen dans les médias sociaux
Selon la présentation de Mathew Lowry, des conversations sur les activités et les politiques de l’UE se tiennent quotidiennement dans les médias sociaux tant pour promouvoir, réformer ou détruire le projet européen.
Ces conversations forme l’« eurosplit’internet » entre trois communautés qui cohabitent sans vraiment interagirent :
- les conversations nationales, qui peuvent parfois porter sur des sujets européens mais en raison de multiples barrières (langage, culture, contexte et « background ») ne se transnationalisent pas ;
- les conversations de la sphère eurosceptique, qui faute de critique intelligente et constructive ne s’ouvrent pas au dialogue ;
- les conversations de la « Brussels Bubble » composée par des individus « européens » connectés (eurodéputés, fonctionnaires de l’UE, lobbyistes et « EU & social media geeks » et les eurobloggers, parmi lesquels Mathew et moi devons nous classer).
Opportunités des médias sociaux pour faciliter l’espace public européen
1. sensibiliser :
- expliquer le point de vue européen, la « valeur ajoutée de l’UE » à des publics intéressés mais non spécialistes ;
- écouter, discuter et s’engager en tant qu’êtres humains et non comme des messages publicitaires.
2. créer des communautés d’intérêt, thématiques et transnationales :
- faciliter les passages de frontière entre communautés et créer des ponts
- partager des idées et des expériences
3. créer des communautés de pratiques, européennes et intégrées :
- discuter concrètement de projets et de politiques
- partager la mise en œuvre de programmes et d’actions
Ainsi, quelques exemples de communautés sponsorisées par l’UE :
- Regionetwork, une communauté de pratiques entre les acteurs de la politique régionale ;
- Capacity4dev, une communauté d’intérêt sur la thématique du développement ;
- eTwinning : une communauté d’entraide pour les écoles d’Europe.
Défis et risques des médias sociaux pour l’espace public européen
défis n°1 : faciliter l’accès aux documents, donc améliorer le portail Europa
défi n°2 : stimuler les communautés, donc professionnaliser le community management européen
défi n°3 : réfuter les « eurocrap »
défi n°4 : inspirer la confiance, donc respecter les règles d’honnêteté, de transparence, d’écoute…
défi n°5 : réussir la curation, donc besoin de traduction
risque n°1 : les mauvaises actions, donc besoin de guide d’utilisation des médias sociaux
risque n°2 : l’inaction, donc besoin de présence sinon l’absence est vue comme une volonté de cacher, un biais élitiste et anti-démocratique de l’UE.
En conclusion, l’espace public européen existe grâce aux médias sociaux, mais il ne sera que ce que les participants voudront qu’il soit. L’espace public européen demeure fragile.
Gosh, now I don’t have to do a version in French. Thanks! This way we are sure to see the above ideas in a DG Comm White Paper, followed closely by extracts copied/translated/pasted into the next opus from the Robert Schuman Foundation, sometime in early 2014 … 😉
Actually, your presentation reminds me – after publishing the post – of a white paper (not from the DG COMM) on « Community Platforms of brand and communication strategies online » which describes 5 types of community of interest/practise…
Yep, I remember that one. While not really saying anything new on the topic, the study appears to provide a useful structure for thinking of how CoP/Is could be implemented by various parts of the EC.
While your post covers good and bad practices, it doesn’t mention the boundary conditions such communities face – i.e., the conditions and resources required for a successful community. Did the underlying report go into that?
Salut Michael! Je sais que ça fait un bail que t’as publié cet article, mais par hasard est ce que tu te souviens des sources des définitions d’espace public que tu attribues à Habermas ? J’ai pas trouvé de livres pertinents correspond aux dates dont ces citations pourraient être extraites!
Merci !
Bonjour Manon,
Les références de la définition de l’espace public selon Habermas (1996) sont issues de l’article que je cite dans le billet (page 5).
La référence complète donnée en fin d’article est : « Habermas, J. (1996). Braucht Europa eine verfassung? Bemerkungen zu Dieter Grimm. In J.Habermas (Ed.), Die einbeziehung des anderen: Studien zur politischen theorie (pp. 185-191). Frankfurt am Main: Suhrkamp ».