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Eurobaromètre sur l’information européenne : le fossé générationnel des médias sociaux

Avec l’Eurobaromètre 74 sur « l’information sur les questions politiques européennes » réalisé en novembre 2010 et publié en février 2011, paraît la première enquête européenne qui permet de dresser un état des lieux de l’opinion européenne à l’égard des médias sociaux en ligne…

La pratique des médias sociaux : certes minoritaire dans la population globale mais commune et solidement ancrée au sein de la jeunesse européenne

Tandis que la pratique quotidienne d’Internet concerne 45% des Européens et son usage au moins hebdomadaire 63%, l’utilisation des médias sociaux en ligne ne concerne qu’une minorité d’Européens :

  • 18% des Européens utilisent tous les jours les médias sociaux ;
  • 33% des Européens utilisent au moins une fois par semaine les médias sociaux ;
  • 56% des Européens restent totalement à l’écart de la pratique des médias sociaux.

Pratique minoritaire au sein de la population européenne, la fréquentation des médias sociaux semble en revanche s’être installée comme une pratique commune et solidement ancrée au sein de la jeunesse européenne :

  • 66% des 15-24 ans disent utiliser ces médias au moins une fois par semaine ;
  • 50% des 15-24 ans utilisent les médias sociaux quotidiennement.

Plus largement, l’usage d’Internet reste très inégal en fonction de l’âge des individus : 91% des jeunes âgés de 15 à 24 ans utilisent Internet au moins une fois par semaine, pour 83% des 25-39, 69% des 40-54 et 33% des 55 ans et plus.

Ainsi, Internet s’impose comme un média de masse pour les jeunes générations et les médias sociaux comme une pratique commune.

L’information politique sur les médias sociaux : un moyen intéressant d’information et d’expression politiques au moins pour ceux qui les connaissent et les pratiquent

Auprès de l’ensemble de la population, le jugement sur les médias sociaux est marqué par un fort niveau de « sans opinion », sans doute exprimé par ceux qui ne connaissent ni ne pratiquent :

  • 42% considèrent que « les médias sociaux sont un moyen moderne de rester au courant des affaires politiques » (34% sans opinion) ;
  • 41% estiment que « les médias sociaux en ligne sont un bon moyen de maintenir l’intérêt des gens pour les affaires politiques (35% sans opinion) ;
  • 41% s’accordent sur le fait que « les médias sociaux en ligne sont un bon moyen de dire ce qu’on pense des questions politiques » (36% sans opinion).

En revanche, ceux qui utilisent ces médias sociaux sont logiquement bien plus convaincus de leur intérêt :

  • 66% de ceux qui vont sur les médias sociaux au moins une fois par semaine considèrent qu’ils sont un bon moyen de se tenir au courant de l’actualité politique ;
  • 67% également estiment qu’ils constituent un outil pertinent pour s’exprimer et donner son avis sur l’actualité.

Plus que la profession, la situation économique personnelle ou le niveau d’éducation, le clivage structurant des représentations sur les médias sociaux est le clivage d’âge.

Ainsi, à la réserve que les médias sociaux ne touchent vraiment que les jeunes, ces médias représentent un bon moyen d’informer et de dialoguer.

Eurobaromètre sur l’information européenne : le paradoxe d’Européens mal informés mais satisfaits des médias

Paradoxe selon l’Eurobaromètre 74 « l’information sur les questions politiques européennes » réalisé en novembre 2010 et publié en février 2011 : les Européens ont le sentiment d’être très largement mal informés sur les questions européennes tout en estimant également que la quantité d’informations sur l’UE dans les médias est satisfaisante…

Sentiment collectif et individuel d’être largement mal informé sur l’Europe

Le constat d’une mauvaise information de la population sur l’UE concerne une majorité absolue de répondants et reste valable dans tous les pays de l’Union (hormis le Luxembourg) :

  • Près de trois quarts des Européens (73%) considèrent que les citoyens de leur pays sont mal informés sur les questions européennes.
  • Au niveau individuel, deux tiers des Européens (66%) avouent être mal informés sur les questions européennes.

Ce sentiment d’une mauvaise information sur les enjeux européens est fortement déterminé par les variables sociales et éducatives : « S’il est majoritaire dans toutes les catégories de la population, il est toutefois bien plus marqué au sein des couches les plus modestes et les moins diplômées ».

La télévision, le vecteur d’information et de recherche d’informations prépondérant sur les affaires européennes

Première source d’information sur l’UE, 61% des Européens citent la télévision, très loin devant la presse (14%), Internet (10%) et la radio (7%).

La domination de la télévision comme source d’information principale sur les affaires européennes est écrasante dans tous les pays de l’Union.

56% des Européens citent encore la télévision comme le média privilégié pour chercher de l’information sur l’UE, alors même qu’elle se situe davantage dans une logique de réception passive que dans celle d’une quête active de recherche d’informations.

Même dans une démarche active de recherche d’information, et alors qu’il est à l’évidence le média le plus approprié pour cela, Internet est relégué derrière la télévision.

Si la télévision reste donc le média de masse, il existe toutefois des disparités générationnelles :

  • auprès des 15-24 ans, télévision et Internet (respectivement 47% et 48%) font jeu égal comme source de recherche d’informations sur l’Union ;
  • auprès des 55 ans et plus, la télévision écrase internet (62% contre 13%).

Quantité d’informations sur l’UE dans les médias globalement satisfaisante pour les Européens

Si les Européens ont très majoritairement le sentiment d’être mal informés sur l’Union, ils jugent cependant l’information dispensée par les différents médias « suffisante » : 50% des répondants estiment que la télévision dans leur pays parle suffisamment de l’UE.

Quel que soit le support médiatique considéré, des minorités importantes (les plus diplômées) considèrent qu’il y a trop peu d’informations concernant l’UE.

Pour tous les types de médias considérés, la proportion d’Européens jugeant l’information sur les sujets européens suffisante est en forte progression : le gain est ainsi de 11 points pour la télévision, et de 8 points pour la radio, la presse et Internet par rapport à novembre 2007.

Dorénavant, une majorité des Européens estiment que la télévision et la radio parlent assez des affaires européennes.

L’information délivrée par les médias nationaux sur l’Union paraît objective pour une majorité d’Européens : 55% des répondants font ainsi ce constat pour la télévision, alors que 16% jugent qu’elle parle de l’Union de façon trop positive et 12% de façon trop négative.

En somme, hormis le sentiment d’être mal informé sur l’UE, les Européens sont satisfaits de la couverture médiatique des affaires européennes. Autrement dit, quoique conscients de leur faible connaissance des enjeux européens, ils ne ressentent pas le besoin de combler leur déficit.

Comparatif sur plusieurs années des actions en communication de la Commission européenne

La DG COMM à la Commission européenne vient de publier son programme de travail en matière de subvention et de marchés en communication pour 2011 (en anglais). Quels sont les principaux enseignements qui se dégagent sur ces dernières années ?

Principale évolution : une hausse continue et relativement soutenue sur quatre ans, mais une nette décélération sur la dernière année

Chaque année entre 2008 et 2011, le budget des subventions et marchés en communication n’a cessé de progresser, de 18% sur les 4 ans pour passer de 88 millions d’€ à 105. Néanmoins, la hausse entre 2010 et 2011 est infinitésimale puisqu’elle est inférieure à 1%. La communication ne serait-elle plus aussi prioritaire pour la Commission européenne ?

Principale tendance sur ces dernières années : les actions multimédias – le 1er poste budgétaire – progressent au détriment des actions de communication locales

Premier poste budgétaire représentant environ 30% des marchés et subventions de la DG COMM, les actions multimédias ont progressé de 40% en 4 ans pour atteindre 31 millions d’euros en 2011, dont :

  • Euronews : 11,6 millions d’€,
  • Euranet, le réseau radio : 6,3 millions d’€ (créé en 2008),
  • PressEurop : 3,1 millions d’€ (créé en 2010).

A contrario, les actions de communication locales menées par les Représentations de la Commission ne cessent de diminuer, passant de 11,4 millions d’€ en 2008 à 8,2 millions d’€ en 2011. Une baisse non compensée malgré la création d’Espaces publics européens en 2009 (1,4 millions d’€ en 2011), des « maisons de l’Europe » communes au Parlement européen et à la Commission européenne existant dans 13 capitales européennes, Paris exclue.

Principal succès de la stratégie de communication de la Commission européenne sur ces dernières années : la politique de partenariat

Initiée le 3 octobre 2007 avec le texte « Communiquer l’Europe en partenariat » – qui fera l’objet de la signature d’une déclaration politique entre les institutions européennes le 22 octobre 2008 – la politique de partenariat connaît un vif succès :

  • 3 partenariats conclus en 2007 : Allemagne, Hongrie et Slovénie (pays exerçant la présidence du Conseil de l’UE au 1er semestre 2008) ;
  • 5 partenariats complémentaires en 2008 : Autriche, Belgique, France, Italie et Portugal
  • 8 partenariats supplémentaires en 2009 : Espagne, Finlande, Grèce, Létonnie, Lituanie, Malte, Pologne et Suède ;
  • 2 nouveaux partenariats en 2010 : Estonie et Slovaquie ;
  • 18 partenariats au total avec un budget de 8,2 millions d’€ pour 2011 (850 000 euros pour la France).

Ainsi, l’analyse comparative des programmes annuels de travail de la DG COMM en matière de subventions et de marchés de communication (tableau synthétique) se révèle instructive, plus par ses évolutions, fruit de revirements stratégiques, que par ses constantes comme les budgets pour analyser l’opinion publique, exploiter les studios de radiodiffusion et de télévision ou animer le réseau des relais d’information Europe Direct.

Communiquer efficacement auprès des citoyens : l’exemple de la communication web de l’UE au Royaume-Uni

Réputé sensiblement plus eurosceptique que la plupart des autres États-membres, le Royaume-Uni se distingue en matière de communication par la modernité technique et l’efficacité affinitaire des actions web réalisées par l’UE…

“The EU: what is it for me?”: un portail d’information interactif sur ce que l’UE fait concrètement pour les citoyens du Royaume-Uni

Réalisé par la Représentation de la Commission au Royaume-Uni, le site “The EU and Me”, résolument conçu pour s’adresser directement aux citoyens se présente comme “a No-Nonsense Guide for UK Citizens to what the European Union Delivers”.

the-eu-and-me.org.uk

Conscient de l’état de l’opinion publique nationale plutôt défavorable à l’égard de l’UE, l’objectif n’est pas de plaquer une présentation théorique et inadaptée mais bien plutôt d’argumenter sur les bénéfices concrets apportés par l’UE :

Le Royaume-Uni, comme la plupart d’entre nous le savons, est un contributeur net au budget de l’UE. Par conséquent, il est compréhensible que les gens dans ce pays veulent en savoir plus sur la façon dont nous bénéficions de notre contribution collective.

Au travers d’une série de cartes interactives ainsi que des mini articles sur les “EU myths”, le site illustre avec un vocabulaire compréhensible les avancées acquises par l’UE dans la vie quotidienne, qu’il s’agisse de :

  • Se Déplacer dans toute l’Europe librement et en toute sécurité.
  • Donner aux consommateurs du Royaume-Uni une approche équitable.
  • Faire de notre alimentation et de notre environnement plus sûrs.
  • Lutter contre la criminalité et assurer la police aux frontières.

 

EU_myths

EU_myths2

EU_myths3Au total, le portail est agréable à consulter et particulièrement instructif en évacuant toute approche institutionnelle pour se consacrer sur 25 actions clées de l’UE.

“EuroAcademy”: un portail de documentation et de serious games sur l’UE à destination des élèves et des professeurs

Réalisé par le Bureau du Parlement européen au Royaume-Uni, le site “EuroAcademy” : euroacademyonline.eu, dédié aux élèves (de 11 à 16 ans) et à leurs professeurs, met en ligne deux serious game pour faciliter l’apprentissage de l’éducation civique européenne.

euroacademy

Annoncés par des vidéos bandes-annonces particulièrement crédibles autour de scénario de crise en Europe, 2 serious games sont disponibles :

  • Crisis Point : un jeu basé sur un scénario fictif dans lequel les étudiants doivent travailler en tant que citoyens, députés européens et commissaires européens pour sauver l’Europe d’une pandémie.
  • Duty Calls : un jeu dans lequel vous jouez le rôle d’un député européen, et vous avez une semaine pour tenter de sauver l’Europe d’une pandémie.

Les atouts clés de ces “scenario-based teaching tool” :

  • enseigne la citoyenneté et de l’UE avec un moyen amusant et intéressant,
  • enseigne sur comment fonctionnement le Parlement européen et la Commission européenne,
  • est un bon outil pour encourager l’apprentissage actif et multi-disciplinaire,
  • utilise des formats multimédia (jeu de rôle, vidéo et fonctions interactives).

Avec ces 2 exemples, la communication web de l’UE dans le Royaume-Uni démontre qu’il est possible de mener une communication offensive sur l’UE : “exciting, relevant and fun”.

Faut-il parler d’un « journalisme citoyen européen » ?

La sortie récente d’un dossier de l’Observatoire géostratégique de l’information « Médias et Europe » sous la direction d’Eddy Fougier, chercheur associé à l’IRIS, relance le débat sur l’existence éventuelle d’un « journalisme citoyen européen »…

Sous l’angle du public, le journalisme citoyen européen existerait : les euro-bloggeurs sont des médiateurs de l’information européenne

Thèse défendue par Eddy Fougier, l’Europe offrirait un nouvel espace pour le « journalisme citoyen ».

Par leur volonté de décrypter « une actualité souvent complexe, mais importante, à destination d’un public dont l’intérêt n’est pas toujours acquis d’avance », les euro-blogeurs et, au-delà, l’ensemble des parties prenantes au débat européen joueraient un « rôle d’intermédiaire entre le fait brut européen et le public », rôle qui ne serait donc « plus monopolisé par le journaliste et l’expert professionnel ».

Par leur « démarche de type bottom-up en partant des citoyens et des États, plutôt que des institutions européennes et de leur agenda », les euro-blogueurs « combleraient un vide qui existe entre, d’un côté, la masse des citoyens passifs et largement indifférents vis-à-vis de l’actualité européenne qui sont informés par les grands médias et, de l’autre, des professionnels de l’Europe informés par une presse spécialisée très technique, institutionnelle et bruxelloise ».

Ainsi, l’existence de ce « journalisme citoyen européen » naissant via des blogs individuels ou collectifs comme 27etc sur slate ou des sites internet participatifs apparaît, selon Eddy Fougier, « donc plutôt comme une bonne nouvelle pour la démocratie européenne ».

Sous l’angle du métier, le journalisme citoyen n’existe pas : les internautes sont des interlocuteurs-contributeurs face aux journalistes

Thèse récemment défendue par Axelle Tessandier sur ReadWriteWeb : « un internaute ne sera jamais journaliste ».

Rien ne sert de reprendre toutes les différences fondamentales (activité récréative vs. activité rémunérée, point de vue particulier vs. point de vue général, prisme de l’information vs. prisme de l’opinion…) entre l’exercice du blog et celui du journalisme, que François Guillot avait exposé lors d’un colloque en septembre dernier : « les blogs sont des médias, mais les blogueurs ne sont pas des journalistes ».

Rien n’empêche pour autant de reconnaître que les blogs contribuent à reposer la question du métier de journaliste. Pour Axelle Tessandier, « lorsque les points de vue s’échangent pour s’enrichir, cela créer sans aucun doute une nouvelle façon de s’informer » et les rôles de contributeur et d’interlocuteur des internautes auprès des journalistes ne sont plus à remettre en cause.

Ainsi, l’existence de ces contributeurs-interlocuteurs émergeant dans les médias sociaux constitue le « journalisme conversationnel » comme « un fait inéluctable » et même « un bienfait ».

Sous l’angle de la finalité, euro-blogeurs et journalistes sur l’Europe réalisent une « information européenne 2.0 »

En raison des risques et des dérives du terme de « journalisme citoyen », la notion d’« information européenne 2.0 » correspond davantage à la réalité de l’éco-système médiatique européen.

D’une part, les journalistes professionnels conservent les médias susceptibles de remplir les missions d’« agenda setting » pour fixer la hiérarchie des priorités et de « gate keeper » pour sélectionner les sujets traités.

D’autre part, les euro-blogeurs disposent de médias capables de proposer des angles originaux et de contribuer aux débats.

Ainsi, pour reprendre l’interview de Julien Frisch à CaféBabel, « les blogs citoyens ne peuvent pas remplacer le journalisme professionnel, car les enquêtes demandent du temps et de l’argent. Mais les blogs peuvent aider à comprendre ce qui se dit à l’intérieur d’organes officiels ».

Au fond, si les euro-blogueurs et les journalistes sur l’Europe partagent le même but de rendre plus transparent l’UE alors de ces interactions interpersonnelles naîtra une « information européenne 2.0 ».