Archives par étiquette : web social

Quelles sont les stratégies de communication web des eurodéputés ?

Après les enquêtes via questionnaires, réalisées par :

Pour la 1e fois, une analyse exhaustive des usages web des eurodéputés est réalisée par Darren G. Lilleker et Karolina Koc Michalska dans « MEPs online: Understanding communication strategies for remote representatives »…

Audiences potentielles et dispositifs web correspondants : les 4 stratégies en ligne des euro-parlementaires pour atteindre leurs objectifs

L’éloignement (politiquement de leurs parlements et partis nationaux et géographiquement de leurs électeurs) ainsi que la multiplicité de leurs audiences font que les eurodéputés conjuguent plusieurs stratégies d’interconnexion pour tenter d’attirer des publics spécifiques (électeurs, journalistes, militants, partisans…) :

Audience « civique » des internautes-électeurs à la recherche d’informations basiques pour se forger une intention de vote :

  • profil du député européen : informations sur la carrière politique, la famille, les hobbies et l’éducation ;
  • section sur le travail régional ou national de l’élu ;
  • section avec des vidéos et une galerie photos ;
  • section spéciale « interventions médias » : articles de journaux, émissions de TV, podcasts ;
  • FAQ ;
  • possibilité d’imprimer le site.

Audience « journalistique » des internautes à la recherche d’information pour un usage professionnel :

  • section spéciale pour les médias : agenda de l’élu, déplacements et discours, communiqués ;
  • section sur le travail de l’élu au Parlement européen ;
  • fonctionnalités : RSS ; Contact (e-mail, téléphone), Traduction multilingue, Téléchargements ;
  • Lien vers profil Twitter.

Audience « thématique » des internautes mobilisés/engagés pour une cause ou un enjeu spécial et souhaitant s’investir dans une campagne thématique :

  • blog additionnel avec possibilité de laisser des commentaires ;
  • section avec des numéros spéciaux (autres que le travail du PE) ;
  • les liens vers des ONG, vers des pages du portail web Europa.

Audience « partisane » des internautes-militants politiques voulant exercer un rôle de soutien actif :

  • Online chat, online web camera ou forum ;
  • fonctionnalités : partage et envoi de contenu (texte, photos et vidéos) du site vers d’autres plateformes (Flickr, Youtube…) ;
  • profil sur n’importe quel réseau social site et possibilité de commenter sur Facebook ;
  • possibilité de s’inscrire sur le site, de visite à Bruxelles, de devenir bénévole et de faire des dons d’argent en ligne.

Principaux enseignements de l’analyse des 440 dispositifs web des eurodéputés

1. « L’ère du site web brochure est finie » : les sites des eurodéputés présentent une large gamme de web 1.0 et web 2.0 afin d’offrir des expériences attrayantes et interactives pour les visiteurs. Certains s’engagent même dans une utilisation stratégique des environnements en ligne, ce qui permet un engagement plus fort avec des journalistes, des militants et des sympathisants sur des questions précises.

2. « L’hybridation des sites web se développe » : cette gamme de fonctionnalités produit un équilibre complexe entre l’information et les possibilités d’interaction, avec plusieurs niveaux d’engagements possibles.

3. « L’enchâssement entre réseaux sociaux et sites web est acquis » : 46% fournissent des liens vers au moins un profil de réseau social. Sur les 201 utilisant les réseaux sociaux, 198 sont sur Facebook qui apparaît comme l’espace où les députés européens construisent des profils et des communautés interactives avec un large éventail de personnes. Parallèlement l’usage de Twitter, YouTube et Flickr se généralise.

4. Le clivage idéologique : les euro-députés de gauche, issus de partis minoritaires et engagés sur des enjeux tels que l’environnement vont davantage tenter de s’engager avec des « demandeurs d’information », comme des journalistes, des blogueurs politiques ou des partisans en ligne.

5. Le fossé générationnel : les jeunes euro-députés ainsi que ceux qui représentent les nouveaux membres de l’UE sont les plus proactifs et novateurs.

La question, posée par les auteurs, est de savoir si la nouvelle génération de parlementaires européens montre la voie en encourageant un mode plus interactif de communication politique ?

Publication en demi-teinte de la stratégie de communication de l’UE dans les médias sociaux

Aujourd’hui, la Commission européenne publie enfin sa stratégie de communication dans les médias sociaux. Une démarche longtemps attendue – une charte de communication dans les médias sociaux  était annoncée depuis le début de l’année – plutôt décevante…

La communication de l’UE dans les médias sociaux : une approche encore centrée sur l’institution et ses priorités

Certes, la Commission européenne admet que « les médias sociaux sont utilisés pour partager des opinions et des informations, favoriser la discussion, et bâtir des relations (…) ces plates-formes (sont utilisées) pour se mettre en relation avec les citoyens ». La Commission semble ainsi reconnaître qu’il s’agit d’un type de média où l’audience s’acquiert davantage qu’elle ne s’achète, comme avec les canaux de communication plus traditionnels.

Mais, les utilisations que la Commission envisage pour sa communication dans les médias sociaux demeure centrée sur ses préoccupations :

1er usage des médias sociaux : communiquer sur les priorités politiques

Pour cet usage top-down – très « old-fashioned » – il est explicitement indiqué que « le but de ce type de communication est de relayer les annonces officielles, communiqués de presse et déclarations de façon uniforme et cohérente ». Pas ou peu de place pour le dialogue avec les citoyens.

D’ailleurs, cette communication « officielle » sera faite par un réseau de personnel mandaté, i.e. « Réseau Médias Sociaux » (et visiblement identifié en ligne) dans les DG et les représentations, qui travaillera en étroite collaboration avec le service du Porte-parole.

La communication de l’UE dans les médias sociaux : une confiance mesurée dans les équipes communication au sein de la Commission européenne

Au-delà des agents mandatés, d’autres DG, service ou organisme « en étroite coordination avec la DG Communication et en coopérant avec le Réseau Médias Sociaux » peuvent utiliser les médias sociaux pour relayer leurs actions de communication.

2e usage des médias sociaux : réaliser des campagnes de communication

Envisager comme un support complémentaire aux moyens de communication déjà disponibles, les médias sociaux doivent permettre de :

  • informer les citoyens,
  • promouvoir des politiques ou des campagnes,
  • partager des expériences,
  • s’engager avec les parties prenantes.

Deux objectifs – le partage et l’engagement – sont clairement adaptés aux médias sociaux. Encore faudra-t-il que des entités internes à la Commission européenne osent se lancer. En effet, il est précisé que « toute décision de s’engager sur les médias sociaux doit être précédée d’un « contrôle d’aptitude  », pour savoir si l’action envisagée est « adaptée à l’usage ». Peu d’innovation est à prévoir avec ce verrouillage à priori.

La communication de l’UE dans les médias sociaux : une absence de transparence choquante concernant les « directives pour l’ensemble du personnel sur les médias sociaux »

Les « directives pour l’ensemble du personnel sur les médias sociaux » auraient représenté l’indication la plus intéressante de l’ouverture de la Commission européenne aux médias sociaux, qui demeurent des lieux d’interactions interpersonnelles. Pourtant, contrairement aux usages, la Commission ne publie pas ce document, exclusivement réservé à une diffusion interne.

Cette absence de transparence est d’autant plus choquante qu’un site comme « Social Media Governance » publie à ce jour plus de 179 chartes et autres guidelines d’institutions publiques ou d’organisations privées.

3e usage :  Les médias sociaux utilisés par du personnel en leur capacité personnelle

La participation dans les médias sociaux des fonctionnaires de la Commission est soumise au « Statut du personnel », au « Code de bonne conduite administrative » et donc aux « Directives pour l’ensemble du personnel sur les médias sociaux » non publiées.

Ainsi, la publication de la stratégie de communication de l’UE dans les médias sociaux est en demi-teinte :

  • d’une part, l’officialisation des prises de parole de l’institution dans le web social est un progrès ;
  • d’autre part, la non publication des directives pour le personnel sur les médias sociaux est une véritable régression.

Quels sont les chantiers prioritaires de la communication numérique de l’UE ?

Dorénavant, le réseau Internet se déploie partout : dans les tablettes, dans les mobiles, dans les écrans de TV, dans les objets…

Le métier du web n’est plus de faire des sites, même optimisés pour des formats smartphones. Le dilemme de la communication numérique de l’UE n’est plus entre amélioration des sites et du portail Europa VS engagement dans les « nouveaux médias » sociaux.

Quels sont les chantiers prioritaires de l’« EU Internet handbook », le manuel réalisé par l’« Information Providers Guide » et destiné aux webmasters, rédacteurs, éditeurs et développeurs – dont les règles sont obligatoires pour tout site du portail Europa ?

« The EU internet handbook » 1.0 : les guidelines actuels pour la communication numérique de l’UE

Aujourd’hui, l’« EU Internet handbook » formalise les bonnes pratiques en matière de conception et de réalisation de site :

Plusieurs « e-services » sont notamment à la disposition des équipes web, tels que des modules blog, chat, sondages, feedback, rating, social bookmarking and networking, RSS… afin de proposer des sites web normalisés de haute qualité.

« The EU internet handbook » 2.0 : les futurs chantiers prioritaires pour la communication numérique de l’UE

Parce que sur le web aujourd’hui est pleinement « une économie de l’attention et de la réputation » où l’audience se mérite plus qu’elle ne s’achète (earned media VS paid media), désormais :

  • l’UE doit offrir un service ou un contenu de valeur à l’internaute pour qu’il l’autorise à entrer en relation avec lui ;
  • l’UE doit être présente là où se trouve l’internaute pour s’inscrire dans une stratégie d’interactions en temps réel ;
  • l’UE doit enfin partager des expériences « riches » afin de nouer des relations de long terme (earned media) – cf. « Du brand content à la brand experience ».

Chantier n°1 : le communautaire et les réseaux sociaux

Il devient plus que temps de savoir ce que l’UE a décidé de faire dans le web social :

La charte de communication dans les médias sociaux, annoncée quasi officiellement depuis le début de l’année doit être distribuée aux fonctionnaires de l’UE pour qu’ils puissent s’exprimer en ligne.

La page « Use of Social Media in online communication » en maintenance depuis plus d’un an doit rapidement être actualisée pour que les webmasters, éditeurs et développeurs de l’UE puissent s’engager dans les médias sociaux. Le risque semble plus grand à ne rien faire plutôt que de s’inspirer des « best practices » anglo-saxonnes tel que le site « Howto.gov ».

Par ailleurs, le partage d’information sur les réseaux sociaux permettant de personnaliser les contenus, la réflexion sur un plan éditorial doit s’engager sur les types de contenus adaptés au web social.

Chantier n°2 : les interfaces mobiles/tactiles et les applications iPhone, iPad, Android…

Alors que la mobilité des internautes et la portabilité de l’information ne cesse de se développer, l’UE doit assurer la continuité de sa présence sur les interfaces mobiles/tactiles.

L’utilisation de ces nouveaux supports par l’UE doit être une occasion là encore pour mieux réfléchir aux contenus qui intéresseraient le public de ces supports :

  • D’une part, pour les publics mobiles il apparaît assez évident que l’UE aurait tout intérêt à créer des « appli » mobilité rassemblant des services destinés aux voyageurs européens ;
  • D’autre part, pour les publics très jeunes il semble également assez judicieux que l’UE s’appuie sur les usages du gaming.

Chantier n°3 : l’open-data

Dernier chantier, le déblocage du potentiel des données publiques à travers l’Europe : accéder, analyser, réutiliser, combiner et traiter des données publiques produit des bénéfices importants :

  • amélioration de la visibilité sur les informations des administrations publiques précédemment inaccessibles, en informant les citoyens et les entreprises sur les politiques, les dépenses publiques et les résultats ;
  • nouveaux services : les données combinées de manière novatrice et non prévues initialement permet de nouveaux services à valeur.

L’appel d’offre en cours pour développer et administrer le portail web open data de la Commission européenne « European Commission Open Data portal » comme point d’accès unique aux données produites et détenues par les services de la Commission européenne s’inscrit dans ce chantier.

Ainsi, bien au-delà de la création de« buzz », la communication numérique de l’UE doit déployer plusieurs chantiers concomitamment :

  • l’interactivité : permettre le partage des données de l’UE quelque soit le contenu et le réseau social ;
  • la mobilité : permettre l’accès aux données de l’UE quelque soit le mode de consultation et le support (ordinateurs, smartphones, tablettes) ;
  • l’accessibilité : mettre à disposition les données de l’UE.

Quelle est la place des médias sociaux dans la communication européenne selon Viviane Reding ?

Peu diserte dans la presse quant à la stratégie de communication de l’UE dans les médias sociaux, la Commissaire Viviane Reding s’est pliée à deux reprises à l’exercice de répondre aux questions parlementaires, écrites par Francisco Sosa Wagner, un eurodéputé espagnol non-inscrit…

Première question du 14 mars 2011 : vive critique contre la diffusion d’information – par le président du Conseil européen – en exclusivité sur Twitter

L’eurodéputé s’inquiète que « l’information selon laquelle les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro acceptaient de promouvoir le « pacte de compétitivité » exigé par l’Allemagne comme condition pour augmenter le fonds de sauvetage a, en premier lieu, été diffusée sur le réseau social Twitter par le président du Conseil européen M. Van Rompuy (…) trois heures avant d’être communiqué aux médias traditionnels. »

Effectivement, comme le relate Yann Ollivier, journaliste de l’AFP à Bruxelles sur MediaWatch dans « Les tweets de Van Rompuy le réservé bousculent la bulle bruxelloise » : lors du Conseil européen du 16 décembre 2010, le Président du Conseil européen avait en effet annoncé à la surprise générale sur son compte Twitter @euhvr : « Nous avons un accord sur un amendement du traité » bien avant l’alerte de l’Agence France-Presse : « Accord de l’UE pour changer le traité de Lisbonne et créer un Fonds de secours ».

L’eurodéputé formule alors la remarque suivante :

L’auteur de la présente est bien conscient de la nécessité pour les institutions européennes d’assurer une bonne communication, ainsi que de l’importance qu’ont actuellement les « réseaux sociaux », toujours à la pointe de la lutte pour les libertés publiques (sic). Parmi ceux-ci, le réseau Twitter se distingue par sa grande diffusion. Toutefois, je considère que ces messages devraient être publiés en même temps de manière ouverte, ce qui me paraît faisable et même facile.

En résumé, l’eurodéputé s’inquiète de savoir si la Commission européenne prévoit de généraliser la pratique de diffuser des informations en exclusivité sur Twitter.

Première réponse de Viviane Reding du 19 avril 2011 : « l’utilisation des médias sociaux n’est pas vue comme un obstacle à l’information ouverte, au contraire »

La Commissaire européenne ne peut que constater la réalité de l’importance de Twitter tant auprès des journalistes que des porte-parole de son institution :

La communication doit être adaptée aux instruments que les médias utilisent pour obtenir leurs informations. Par exemple, de plus en plus de journalistes utilisent Twitter pour recueillir des informations. Les institutions de l’UE doivent tenir compte de ces nouveaux outils lorsqu’il s’agit d’informer le public sur leurs décisions et leurs actions. L’utilisation de Twitter est très répandue dans la Commission : Commissaires, porte-parole et certains services communiquent avec leurs parties prenantes à travers ce médium.

Néanmoins, sans contester l’utilisation complémentaire que représentent la diffusion de la communication européenne dans les médias sociaux, la Commissaire européenne réaffirme l’importance primordiale du portail Europa :

Il reste que toutes les grandes déclarations de principe, les propositions, les livres verts… doivent être rendues accessibles sur le portail Europa de l’UE. Les institutions de l’UE gardent Europa à jour et accessible pour le grand public et les parties prenantes de l’UE.

Autrement dit, aucune inquiétude, l’information est d’abord publiée sur le portail Europa et ensuite promue via les médias sociaux. Pourtant, l’eurodéputé Francisco Sosa Wagner exerce un droit de suite.

Deuxième question du 11 mai 2011 : « l’utilisation exclusive ou préférentielle de Twitter par les institutions européennes (…) constitue une discrimination injustifiée »

La diffusion d’informations relatives aux institutions européennes, à ses accords et à ses projets doit être assurée via les médias appropriés en s’adaptant, comme il se doit, aux circonstances et aux progrès techniques.

L’auteur de la présente est bien conscient de l’importance que revêt cette idée aussi élémentaire que nécessaire pour resserrer les liens entre les citoyens européens et l’Union.

Il est bon de recourir à Twitter, à Facebook ou à toute autre application promue par des entreprises américaines qui jouissent d’une diffusion vaste et méritée.

Toutefois, l’utilisation exclusive ou préférentielle d’un média en particulier par les institutions européennes rompt avec le principe de neutralité et ne devrait donc pas être admise.

La Commission n’est-elle pas consciente que le recours à Twitter à défaut d’autres réseaux sociaux, et au lieu de mettre à jour les informations fournies sur les pages officielles constitue une discrimination injustifiée ?

Réponse de Viviane Reding du 16 Juin 2011 : « les médias sociaux sont utilisés pour attirer l’attention vers l’information pertinente sur le site Europa »

Certes, la Commissaire européenne admet la « valeur des médias sociaux » et précise la présence de la Commission dans le web social :

La Commission continue de communiquer en utilisant les médias traditionnels, mais elle explore également les médias sociaux dans le cadre de son mix de communication. La valeur des médias sociaux réside dans leur potentiel de se connecter avec les citoyens, les écouter et dialoguer avec eux et accéder à des groupes d’utilisateurs qui sont moins susceptibles d’être atteints par les médias traditionnels.

L’utilisation de Twitter et Facebook vient compléter l’utilisation des médias traditionnels comme la télévision, la radio et la presse écrite pour informer le grand public sur les politiques, programmes et activités de l’Union européenne. Selon les préférences nationales, régionales et locales, d’autres plateformes de médias sociaux sont utilisés. Plusieurs Commissaires et directions générales utilisent Twitter et Facebook. La Commission a également trois comptes centraux sur YouTube, Twitter et Facebook.

Mais, la Commissaire indique que l’utilisation des médias sociaux demeure limitée :

Indépendamment du type de média social que la Commission utilise, le site Europa reste la source d’information de référence pour les citoyens, les entreprises et les autres parties prenantes. La Commission veille à l’exactitude, l’accessibilité et la pertinence de l’information.

Les médias sociaux sont utilisés pour attirer l’attention vers l’information pertinente sur le site Europa. D’où l’investissement de la Commission déploie pour améliorer continuellement le site Europa.

Ainsi, la place réservée aux médias sociaux dans la communication européenne  se trouve particulièrement réduite par Viviane Reding : il ne s’agit que de faire la promotion des informations préalablement diffusées sur le portail officiel.

La communication européenne a-t-elle besoin de plus de transparence ou plutôt de plus de cohérence ?

Indubitablement, la transparence est une valeur démocratique qui s’est progressivement imposée dans les esprits et tout particulièrement avec le web social. Pour les individus, la chose est entendue, il s’agit de la disparition de la vie privée dans toutes les sphères du quotidien. Il en va de même pour les institutions publiques invitées à voir disparaître leur vieille posture de discrétion (lire le billet de Mathew Lowry relatif à la communication de l’UE : « Does more transparency make better comms? »). Pourtant, les choses ne sont pas si simples…

Garantir la transparence de l’information n’est pas la garantie d’une bonne communication basée sur la confiance

Qu’il s’agisse tant des individus que des institutions, la dynamique d’ouverture à l’autre – de pleine communication – consiste à établir et gérer des relations de confiance :

  • pour les individus, le succès de la dite transparence induite par le web social ne repose pas vraiment sur le seul attrait de la mise à nu, mais bien plutôt sur l’émergence d’une « sphère extime » faite d’interactions sociales renouvelées, à la fois plus légères et plus authentiques ;
  • pour les institutions, l’attrait de la transparence permise par le web social ne repose pas seulement sur le sensationnalisme des « leaks », qui suppose la détention d’un savoir ou de techniques que les citoyens n’ont pas seuls, mais bien plutôt sur le mouvement vers une plus grande association des citoyens à la décision publique.

Autrement dit, alors que l’information publique même plus abondante – ce qui laisse croire à la soi-disant transparence de l’information – demeure contrôlée et de nature descendante, l’aspiration à la vraie transparence repose sur l’échange dans la confiance et conduit à une co-production des informations échangées entre l’émetteur et le récepteur en vue d’une meilleure décision publique.

Assurer la co-production de la décision publique ne peut se faire qu’en assurant la cohérence de la communication publique

Si l’UE veut développer une relation de confiance avec les citoyens et assurer ainsi une co-production de la décision publique européenne – ce qui constituerait une véritable avancée démocratique – alors il faut assurer la cohérence de la communication européenne, au sens où l’entend Anthony Hamelle dans « 2012 : Netpolitique & Cohérence ».

La cohérence, une obligation nouvelle qui « ne s’attache pas nécessairement au résultat produit mais aux moyens déployés », c’est-à-dire à la manière de faire de la communication :

1. Besoin d’une cohérence dans l’immédiat pour permettre la discussion en temps réel avec les citoyens

Aujourd’hui, avec la pression du temps réel dans le web social qui fait que les médias et les citoyens exigent des informations « synchronisées », il n’est plus possible pour une institution publique de dissimuler des informations, sans risquer de rompre la relation de confiance.

Ainsi, « c’est à une forme de cohérence immédiate que les institutions publiques doivent s’astreindre, en épousant les contours de l’actualité en temps réel pour assumer ou réfuter (de manière argumentée) les représentations qu’elle construit ».

2. Besoin d’une cohérence dans la durée pour permettre le fact checking des citoyens

Aujourd’hui, avec les capacités de mémoire collective que permet le web, il n’est plus possible pour une institution publique de se contredire sans risquer de rompre la confiance que son discours peut construire.

Ainsi, c’est à une forme de cohérence dans la durée que les institutions publiques doivent se conformer pour éviter de décrédibiliser leur parole tandis que le « fact checking » – exercés notamment par des leaders d’opinion actifs sur des blogs et sur Twitter – se développent.

3. Besoin d’une cohérence dans les formats pour permettre l’open data

Aujourd’hui, « faciliter l’accès à des données publiques toujours plus nombreuses pour vérifier, analyser et croiser des « réalités » sociales, économiques ou politiques et de les juxtaposer aux affirmations et prétentions des institutions publiques » correspond à une avancée démocratique que l’UE ne peut se permettre d’échouer.

Ainsi, c’est à une forme de cohérence dans les formats que les institutions publiques sont tenues pour permettre l’« open data » l’exploitation et l’appropriation des données publiques par le plus grand nombre.

Ainsi, satisfaire la demande citoyenne d’établir et de nourrir une relation de confiance entre l’UE et les citoyens ne se fera pas par une communication plus transparente – illusoire sinon dangereuse, même à l’échelle des individus – mais par une communication plus cohérente – un signe de respect pour les parties prenantes, de meilleure gouvernance et de maturité démocratique.