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Comment les Eurobaromètres légitiment de nouvelles politiques publiques européennes ?

Dans une étude « L’Union européenne et ses citoyens : je t’aime, moi non plus ? », Salvatore Signorelli, un ancien acteur de l’analyse de l’opinion à la Commission européenne estime que « la parole du public analysée dans les sondages d’opinion n’est pas un simple instrument d’information, mais une source de légitimité »…

Une augmentation constante des Eurobaromètres Spéciaux, reflet d’une augmentation des compétences européennes

Pour Salvatore Signorelli, « parcourir les enquêtes Eurobaromètres Spécial ressemble à un passage en revue des politiques menées par l’UE ».

Les sujets sont des plus divers : on retrouve des enquêtes sur l’environnement, l’énergie, le cancer, le sida, la pauvreté, l’exclusion sociale, la famille, l’emploi, l’égalité homme/femme, la sécurité sociale, la recherche scientifique, les technologies de l’information, les OGM, l’euro, les services financiers, les langues, les jeunes, la mondialisation, le tourisme sexuel, Internet, le sport…

Autant de sujets que l’UE s’est peu à peu saisie au fur et à mesure de l’expansion des politiques publiques européennes.

En termes quantitatifs, les chiffres de l’explosion des Eurobaromètres sont impressionnants :

  • Entre 1970, date du premier EB Flash (« Les Européens et l’unification de l’Europe ») et 1984, 23 enquêtes soit 1,9 en moyenne par an ;
  • Entre 1985 et 1996, 98 enquêtes soit 8,1 en moyenne par an ;
  • Entre 1997 et 2009, 187 enquêtes soit 15,5 en moyenne par an ;
  • Depuis 2010, la moyenne annuelle est passée à 24 EB Spécial par an.

Ainsi, le nombre d’Eurobaromètres Spéciaux a donc été multiplié par 12 entre les années 1970 et les années 2010.

Une utilisation des Eurobaromètres Spéciaux par les DG de la Commission inversement proportionnelle aux compétences de l’UE

Paradoxalement, l’utilisation des Eurobaromètres Spéciaux par les Directions générales de la Commission européenne semble inversement proportionnelle aux compétences de l’UE :

Pour ce qui concerne les « compétences exclusives » de l’UE qui dispose seule peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants (union douanière, concurrence, politique monétaire, politique commerciale, pêche), les DG correspondantes sont soit des « non usagers (DG Concurrence), soit des « usagers occasionnels » (DG marché intérieur, DG Commerce, DG Agriculture…).

Pour ce qui concerne en revanche les « compétences de coordination » de l’UE, qui dispose de la faculté de « mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres » (Politique industrielle, Politique culturelle, Politique touristique, Politique d’éducation, de formation et de la jeunesse), les DG correspondantes sont des « usagers réguliers » (DG Education, jeunes et culture), voire des « usagers enthousiastes » (DG Emploi, affaires sociales et inclusion, DG santé et consommateurs).

Autrement dit, on assiste à une inversion problématique entre les usagers qui légitimement devraient être les usagers les plus actifs au vu de leur compétence européenne exclusives et les usagers les moins actifs au vu de leurs compétences de coordination.

Ainsi, la Commission européenne tend à faire une utilisation « politique » des Eurobaromètres Spéciaux afin de légitimer de nouvelles politiques publiques européennes.

Quand la Commission européenne instrumentalise les Eurobaromètres…

Après l’analyse universitaire implacable des Eurobaromètres par le chercheur Philippe Aldrin : « la fabrique monopolistique et officielle de l’opinion publique européenne », Salvatore Signorelli, qui a travaillé au suivi de l’opinion à la Commission européenne et au Parlement européen étudie de l’intérieur les Eurobaromètres qui d’un simple instrument d’information deviennent une source de légitimité de la communication européenne

L’institutionnalisation des Eurobaromètres depuis leur création en 1973 contribue à donner vie à « l’idée » qu’une opinion européenne existe. La parole du public devient alors une source de légitimité pour les décisions de l’UE.

Autrement dit, d’un simple instrument scientifique d’investigation utilisé dans le cadre de la politique d’information de l’UE, les Eurobaromètres sont devenus des arguments de la politique de communication de l’UE.

Une instrumentalisation de « policy » : un instrument d’aide à la définition des politiques publiques européennes

Certaines enquêtes (EB Spécial) sont « difficilement défendables du point de vue de leur opportunité » sous l’angle de l’investigation mais illustrent l’utilisation des Eurobaromètres comme une aide à la définition d’une éventuelle politique publique européenne.

Ainsi par exemple l’EB Special 271 (2006) sur les « Attitudes des citoyens européens envers le bien-être des animaux » ou encore l’EB Special 330 (2010) sur la « Santé dentaire » semblent bien plus animées par la volonté éventuelle de définir de nouvelles politiques publiques européennes que d’un réel besoin de mieux connaître la santé dentaire ou le bien-être des animaux domestiques en Europe.

Une instrumentalisation de « politics » : des dissimulations menaçantes pour la rigueur scientifique

Certaines évolutions liées à la publication des questions sont problématiques en matière de rigueur scientifique et de manipulation.

Ainsi par exemple, la question « immuable » de l’EB Standard qui mesure le soutien des citoyens à la construction européenne est suspendue ou dissimulée lorsque les résultats sont « mauvais » pour l’UE :

  • Au printemps 2010, seulement 49 % des Européens interrogés estimaient que l’appartenance de leur pays à l’UE était une bonne chose (53 % en novembre 2009) ;
  • Dans l’enquête suivante de juin 2010 (EB 73), cette question n’est plus présente ;
  • Dans la vague de mai 2011 (EB 75), les résultats étant pires que ceux enregistrés précédemment, la question est publiée seulement sur la page internet du Système de recherche interactif de l’Eurobaromètre89, en-dehors donc des séries officielles de l’EB Standard.

Salvatore Signorelli ne s’étonne pas de ces pratiques : « l’Eurobaromètre demeure un instrument créé et financé par une institution politique et il est donc impensable qu’il puisse, en quelque sorte, lui nuire avec la publication de résultats lui étant défavorables ».

Autre exemple, dans l’EB Flash 151 « L’Irak et la paix dans le monde », avait été glissée la question de savoir si, parmi des pays cités, Israël constituait une menace pour la paix. À 59 %, les sondés avaient placé Israël en tête de liste.

La Commission avait publié, dans un premier temps, seulement les résultats partiels, en passant sous silence la question qui aurait pu déranger Israël.

Mais le quotidien espagnol El Pais affirma dans un éditorial l’existence de ces questions en mettant ainsi dans l’embarras Bruxelles, qui s’est vu accuser de censure.

La réponse balbutiante de la Commission fut de nier l’existence d’une « volonté politique » derrière le choix de la non-publication du questionnaire, et d’arguer de problèmes techniques liés à l’analyse des données.

Il faudra trois jours pour faire comprendre aux responsables de la Commission que les données devaient être publiées et elles le furent.

Au total, l’instrumentalisation de l’Eurobaromètre par la Commission européenne est problématique non seulement sous l’angle scientifique – alors qu’il s’agit de la seule mesure de l’opinion publique européenne – mais surtout du point de vue politique, surtout lorsqu’il s’agit de dissimuler les résultats.

Eurobaromètre : les contrastes de l’opinion publique sur l’Union européenne

Interrogés récemment dans le cadre de deux enquêtes récurrentes – l’Eurobaromètre Standard de la Commission européenne et l’Eurobaromètre du Parlement européen ou Parlamètre – les Européens délivrent des messages pour le moins contrastés sur l’Union européenne…

Image de l’UE : une perception temporellement contradictoire

Dans le Parlamètre EB/PE 77.4, l’image de l’UE – abordée dans l’absolu : « en général, l’image que vous avez de l’UE » – s’améliore aux yeux d’une majorité d’Européens (40% d’opinion positive +9 points par rapport à l’automne 2011 contre 23% d’opinion négative -3).

En revanche, dans l’Eurobaromètre standard 77, l’image de l’UE « après la forte baisse à l’automne 2011 (-9), la proportion d’image positive de l’UE se stabilise à 31% » tandis que les opinions négatives progressent légèrement (28%, +2).

D’une enquête à l’autre – sondages réalisés par le même prestataire TNS opinion – la même question non seulement entraîne des niveaux de résultats significativement différents mais en pus avec des tendances inverses. Seule la période du terrain (du 3 au 20 novembre 2011 pour le Parlamètre et du 12 au 27 mai 2012 pour l’Eurobaromètre standard) peut justifier un tel écart.

La tendance à la dégradation de l’image de l’UE serait donc le phénomène le plus récemment mesuré.

Sentiment d’appartenance, confiance et participation dans l’UE : une perception faussement contradictoire

Autres conclusions contradictoires – à la première lecture – des deux enquêtes récurrentes :

  • Bonne nouvelle : « une majorité absolue se dégage pour dire que l’appartenance à l’UE est une « bonne chose » », une grande première, selon le Parlamètre ;
  • Mauvaise nouvelle : la confiance dans l’UE s’est encore dégradée pour atteindre le plus bas niveau jamais mesuré (31%, – 3 points), selon l’Eurobaromètre standard.

Autrement dit, les Européens – dans la crise – considèrent que l’appartenance à l’UE ne peut être qu’un « plus » – quoiqu’ils soient sans illusion sur les capacités réelles de l’UE – quasi équivalentes aux autres institutions publiques – à résoudre difficultés et problèmes.

La construction européenne devient un phénomène majoritairement soutenu dans la société, mais dans un état d’esprit sinon résigné, du moins aussi peu enthousiaste qu’en matière de politique nationale.

Des sentiments contrastés de l’opinion publique européenne sur l’UE à mettre en parallèle avec le fait que « la majorité des personnes interrogées pensent toujours que leur voix  « ne compte pas dans l’UE » ».

Quelles ont été les dépenses de la Direction Générale Communication à la Commission européenne en 2011 ?

Avec un volume total de dépenses de 153.488.557€, la Direction Générale Communication de la Commission européenne a pratiquement doublé son activité depuis 2007 avec 82.189.337€, selon le registre des bénéficiaires de l’argent public européen

En 2011, la DG COMM a souscrit près de 5 000 prestations au total :

  • 1 contrat à plus de 10 millions d’€
  • 20 contrats à plus de 1 millions d’€
  • 170 contrats à plus de 100 000€

Les principaux bénéficiaires récurrents de la DG COMM en 2011

Les médias ou réseaux de médias, première catégorie parmi les principaux bénéficiaires :

  • Euronews : 10.896.403€ pour la production et la diffusion de programmes audiovisuels sur les affaires européennes, 5.469.808€ pour la chaîne en polonais et 4.720.287€ pour la chaîne en arabe ;
  • Euranet : 6.036.320€ pour le réseau de radios européennes ;
  • Presseurop : 2.996.844€ pour le portail de sélection et traduction du meilleur de la presse européenne.

La maintenance du centre de contact (par téléphone et mail) Europe Direct : 3.583.011€.

Les services photos/audiovisuels pour la Commission européenne :

  • 3.288.560€ pour la couverture audiovisuelle, le montage et la transmission de l’actualité européenne ;
  • 1.499.784€ pour la mise à disposition des médias d’une infrastructure pour la transmission de services télévisuels par satellite, autrement appelé EBS « Europe by Satellite » ;
  • 411.600€ pour le streaming EBS, EBS+, EBS audio, EBS mobile ;
  • 121.608€ pour le service de couverture photo de l’actualité de l’UE au sein de la Commission européenne (intra-muros).

L’institut de sondage TNS-Opinion, avec près de 3,4 millions d’€ pour mesurer l’opinion publique européenne :

Le monitoring des mentions de la Commission européenne dans les médias, réalisé par Kantar, pour 4.411.916€.

L’animation des sites web du Président de la Commission et de la Vice-Présidente Reding, pour eux deux : 282.700€.

Les principales réalisations de la DG COMM en 2011

Subvention de 4 millions d’euros pour le musée d’Auschwitz-Birkenau

Campagnes de communication pilotées par la DG COMM :

Identité visuelle de la Commission européenne :

  • Création du nouveau logo et de la charte graphique : 134.860€,
  • Adaptation de la nouvelle identité visuelle dans la Commission : 248.980€.

Production du clip vidéo pour la Journée de l’Europe 2011 : 198.599€.

Refonte de la salle de presse en ligne « EU press room » : 289.700€.

Au total, la plupart des principales dépenses (contrats de plus de 100 000€) de la DG COMM correspondent à des prestations de services et non à des campagnes thématiques auprès du grand public.

Eurobaromètre : quelle est l’image de l’Union européenne auprès des Européens ?

Un Eurobaromètre consacré au Futur de l’Europe (EBS 379), publié en avril 2012, aborde la question de l’image de l’Union européenne auprès des citoyens des Etats-membres. Tandis que seule une majorité relative d’Européens se définit comme étant à la fois de sa propre nationalité et européenne. Quels sont les qualités, les réalisations, les atouts et les valeurs de l’UE, selon les Européens ?

Qualités principales de l’UE : une « communauté » et des réalités économiques et financières

Lorsque les mots « Union européenne » sont mentionnés, ce qui vient à l’esprit des Européens, le plus souvent, ce sont :

  • les notions d’« unité, de communauté, d’égalité et de règles communes », avec 24% des réponses spontanées dans cette catégorie ;
  • les références à l’euro, 2e association la plus fréquente avec 22% des réponses ;
  • les réponses faisant état des vacances, du tourisme et de la liberté de circulation, 3e catégorie avec 13% des réponses ;
  • les renvois à la crise économique et au problème de la dette, mentionnés par 11% des réponses ;
  • l’UE à proprement parlé avec ses institutions, évoquée par 10% des réponses.

Réalisations de l’UE les plus positives : la paix et la libre circulation des personnes, des biens et des services

Lorsque les Européens sont interrogés sur les résultats les plus positifs de l’UE, une majorité d’Européens choisit la paix et la libre circulation des personnes, des biens et services (57%).

Un quart des Européens considère « l’influence politique et diplomatique de l’UE dans le reste du monde », « l’euro » et « la puissance économique de l’UE », comme parmi ses résultats les plus positifs.

Les autres propositions – plus spécifiques – sont marginales :

  • « le bien-être social de l’UE » (23%) ;
  • « les programmes d’échanges d’étudiants comme Erasmus » (22%) ;
  • « la politique agricole commune » (13%).

Sinon, près d’un Européen sur dix (9%) dit spontanément qu’aucun des résultats indiqués compte comme l’un des résultats les plus positifs de l’UE.

Atouts principaux de l’UE : de bonnes relations entre les États membres et le niveau de vie

Lorsque les Européens sont interrogés sur les principaux atouts de l’UE aujourd’hui :

  • près de trois Européens sur dix sélectionnent la bonne relation entre les États membres (29%) ;
  • plus d’un quart choisit le niveau de vie des citoyens de l’UE (26%).

Plus de deux Européens sur cinq afficher la puissance commerciale de l’UE (22%) comme l’un des principaux atouts.

Valeurs incarnées par l’UE : la liberté d’opinion, la paix et la solidarité sociale

Interrogés sur les valeurs, les Européens considèrent la liberté d’opinion (64%), la paix (63%), l’égalité sociale et la solidarité (61%) comme les valeurs les mieux incarnées par l’UE – par rapport à d’autres pays ou groupes de pays dans le monde.

Une majorité d’Européens pense également que la tolérance et l’ouverture aux autres (56%), le respect de la nature et de l’environnement (55%) et le respect pour l’histoire et ses leçons (52%) sont également les mieux incarnées par l’UE.

Moins distinctement européens, la diversité culturelle (44%), le progrès et l’innovation (34%) et l’entrepreneuriat (32%) sont néanmoins cités comme des valeurs mieux incarnées par l’UE que par d’autres pays dans le monde.

Ainsi, se dessine l’image d’une Union européenne perçue comme humaniste, structurée autour de ses grands projets historiques. Les capacités de projection tant au sens de prospective dans des ambitions futures que d’incarnation dans des réalités concrètes font néanmoins défauts.