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Repenser les élections européennes

Alors que le mi-mandat approche au Parlement européen, les idées se bousculent pour réfléchir aux innovations démocratiques susceptibles de poursuivre la reconquête des électeurs après le succès lors du dernier scrutin. Cosmocène organise le débat…

Les listes transnationales

Christine Verger estime qu’afin de développer la dimension européenne de la campagne des élections européennes, les listes transnationales seraient un élément de réponse lors des élections européennes.

La constitution de listes transnationales composés de candidats représentant des partis politiques européens, venant compléter les listes nationales des candidats des partis politiques nationaux, aurait pour but d’assurer une tonalité plus européenne à la campagne, voire de faire émerger un demos européen.

Pourtant les obstacles sont nombreux : la barrière de l’unanimité des États-membres pour réformer, les positions souverainistes qui pèsent dans les débats, le risque discutable d’eurodéputés hors sol… Le lien entre les listes transnationales et les têtes de liste Spitzenkandidaten candidat à la présidence de la Commission européenne n’est pas forcé, même s’il est assez répandu.

Le fonctionnement de la démocratie représentative européenne poste la question du rôle du Parlement européen, donc de sa valeur ajoutée dans les décisions européennes. La position de rejet du Parlement européen sur l’accord d’investissement UE-Chine montre son intérêt aux citoyens, sans compter la prise de conscience plus large de l’importance de l’échelle européenne pour traiter les problèmes globaux.

La double proportionnalité

Pierre Jouvenat recommande de s’appuyer sur une logique de « tandem électoral » afin de développer des synergies entre les partis politiques nationaux et européens en vue de donner davantage de visibilité aux partis politiques européens.

La double proportionnalité vise à attribuer les votes du scrutin européen non seulement aux partis politiques nationaux suivant les quotas par nationalité, comme dans le système actuel, mais également à attribuer les votes aux partis politiques européens. L’européanisation de l’élections européennes porterait ainsi sur tous les sièges.

La machine à réformer relancée

Olivier Costa constate que la réforme électorale est le rocher de Sisyphe du Parlement européen en raison de la procédure de ratification à l’unanimité des États-membres. L’Union européenne n’est pas une vraie fédération, les citoyens ne tournent pas leur regard vers Bruxelles, les responsables politiques vivent dans l’illusion de garder le contrôle et les médias n’intègrent pas l’échelle européenne.

Le rapport en cours au Parlement européen insiste sur la nécessité de créer une sphère publique européenne, car il est plus facile de changer la loi électorale que les comportements électoraux, même s’il ne faut surestimer les blocages venant des citoyens. La lueur d’espoir aujourd’hui : même les eurosceptiques voient l’Union européenne comme un espace politique d’action, quasi plus aucun parti politique ne veut quitter l’UE. La vie politique européenne existe !

Les Spitzenkandidaten permettent de dramatiser le scrutin pour les électeurs, de simplifier les enjeux et de personnaliser dans les médias. Ce système, qui a plus de vertus que de vices, repose sur un fonctionnement informel entre partis politiques européens, qui devrait être inscrit dans une réforme plus large incluant d’autres avancées.

La révision constitutionnelle

La conférence sur l’avenir de l’Europe, qui donne carte blanche pour discuter des objectifs de l’intégration européenne, de ses modalités, des institutions et des politiques européennes pourrait déboucher sur une révision constitutionnelle.

De nouvelles priorités pourraient être la condition d’avoir des institutions plus légitimes. Aucune réforme électorale européenne ne se fera sinon inscrite dans une réforme institutionnelle d’envergure incluant de nouvelles politiques publiques européennes.

Quelles que soient les réformes pour améliorer la démocratie européenne, le Parlement européen en sera le moteur et l’aiguillon.

« Cette fois, je ne vote (pas) » : comment la campagne de communication influence la participation aux élections européennes ?

Lors des élections européennes de 2019, les formes actives d’engagement avec la campagne de communication et l’exposition passive des citoyens à la couverture médiatique et aux publicités politiques ont toutes été testées pour mesurer leurs contributions au vote. Quels sont les principaux résultats et enseignements d’une étude menée dans 10 États membres par Franziska Marquart, Andreas C Goldberg et Claes H de Vreese ?

Principaux déterminants de la participation des citoyens aux élections européennes

La campagne du Parlement européen en 2019 « Cette fois, je vote! », avec des informations, des campagnes publicitaires, des discussions politiques interpersonnelles a-t-elle contribué à l’augmentation du taux de participation aux élections ?

Certes, au fil du temps, un certain nombre de facteurs se sont avérés influencer le taux de participation aux élections européennes : les règles de vote obligatoire d’un pays, les élections tenues le même jour que les élections nationales, le vote le week-end, etc. De même, au niveau individuel, les plus âgés et les citoyens plus instruits sont plus susceptibles de participer aux élections européennes.

En outre, l’influence des médias d’information peut également être cruciale pour le taux de participation, car la plupart de ce que les gens savent sur l’UE provient des médias, le renforcement de la connaissance de l’UE est positivement lié à l’intention de voter et à la participation aux élections.

Pourtant, le rôle de la communication et la mesure de l’impact à l’exposition et à l’engagement des citoyens aux différentes formes de communication affectant leur participation électorale étaient inconnus jusqu’à cette étude…

Pertinence des différentes activités de la campagne de communication : engagement passif et actif, discussions politiques et rôle des activités en ligne

Les efforts de la campagne fournissent aux citoyens des informations cruciales, les motivent à rechercher des informations supplémentaires sur les élections et les incitent à se rendre aux urnes grâce à différentes formes de communication :

  • Une exposition passive à la communication et à la publicité des partis ;
  • Des formes d’engagement actives telles que la visite du site web d’un parti ou la participation à un événement de campagne ;
  • Des conversations interpersonnelles sur l’UE avec des membres de la famille, des amis et des personnes (en ligne).

Ce n’est qu’en tenant compte simultanément des différentes activités et en évaluant les effets pour différents groupes électoraux que nous pouvons comprendre les effets mobilisateurs de l’exposition et de l’engagement des citoyens à la campagne de communication sur la participation aux élections européennes.

Aperçu complet des différentes influences qui mobilisent l’électorat de l’UE

Il existe de grandes différences entre les activités :

  • Les plus traditionnelles (et passives) telles que l’exposition de campagne analogique et les affiches publicitaires étant les plus fréquentes ;
  • Les réseaux sociaux et la participation à un événement de campagne font partie des activités les moins fréquentes.

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Les facteurs ayant les plus fortes influences négatives sur le taux de participation sont la communication interpersonnelle avec les gens en ligne, la participation à des événements liés à la campagne, la communication en ligne active sur les élections et l’exposition générale de la campagne analogique.

En revanche, les influences positives significatives les plus fortes sur la probabilité de voter proviennent des tentatives de convaincre les autres (pour quoi) de voter (pour qui), des recherches actives d’informations en ligne et de l’exposition au matériel d’un parti. Des affiches politiques et la communication interpersonnelle de la famille sont d’autres facteurs importants, mais seulement lorsqu’ils sont (très) souvent pratiqués.

Les effets de l’exposition aux médias analogiques sont particulièrement importants pour les «certains» et les indécis, mais non significatifs pour les abstentionnistes.

Les effets positifs de la recherche active d’informations en ligne et de la tentative de convaincre les autres (pour quoi) de voter (pour qui) sont environ trois à cinq fois plus importants pour «certains» abstentionnistes que pour ceux qui voulaient voter dès le départ. La communication familiale, en revanche, ne parvient qu’à mobiliser des répondants incertains.

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Pour résumer, les résultats brossent un tableau mitigé des effets de la campagne sur la participation des citoyens aux élections européennes :

  1. L’exposition passive aux affiches politiques affecte positivement la participation électorale, mais l’exposition au contenu des médias analogiques diminue le taux de participation ;
  2. Le fait de participer activement au matériel du parti augmente les chances que les citoyens se rendent aux urnes, tandis que le partage actif en ligne du contenu lié aux élections les diminue ;
  3. Les conversations politiques avec les membres de la famille rendent la participation électorale plus probable, mais la communication interpersonnelle en ligne démobilise l’électorat européen.

Hypothèse d’un environnement « toxique » en ligne et sur les réseaux sociaux

Les informations en ligne liées à la campagne renforcent l’intention de s’abstenir: voir les publicités des partis sur les médias sociaux, communiquer avec les gens en ligne à propos de l’UE et publier ou commenter du contenu lié à l’élection sur les médias sociaux rend encore moins probable de voter.

Cette constatation soulève la question d’un environnement d’information et de communication potentiellement «toxique» sur les réseaux sociaux, dans lequel la diversité des opinions et des informations augmente également la probabilité que les citoyens soient exposés à des contenus critiques sur l’Union.

Les discussions en ligne sur l’UE réduisent la participation électorale de «certains» électeurs, même si les citoyens n’y participent que parfois. Étant donné que les réseaux de discussion sur les médias sociaux ont tendance à être plus hétérogènes que les relations que nous entretenons avec des personnes de notre environnement immédiat, les citoyens ayant une attitude positive au sein de l’UE pourraient rencontrer des partenaires de discussion démobilisants en ligne. Une telle discussion interpersonnelle peut conduire les citoyens à s’abstenir le jour du scrutin – même s’ils avaient au départ une forte intention de voter.

Si les citoyens publient quelque chose sur les élections ou mentionnent leur vote sur les réseaux sociaux ; qu’ils voient les publicités des partis politiques sur les réseaux sociaux ou parlent de la politique de l’UE avec des gens en ligne – toutes ces formes d’exposition ou d’activité réduisent la probabilité que les citoyens votent.

En partie, ces effets négatifs peuvent être attribuables à des perceptions de participation slacktiviste, c’est-à-dire à l’idée que les activités des médias sociaux à elles seules sont suffisantes pour avoir un impact politique significatif. En conséquence, les gens peuvent avoir le sentiment qu’ils ont déjà «fait leur part» et s’abstenir de participer à la politique hors ligne.

Ainsi, contrairement au slogan de la campagne de l’UE «Cette fois, je vote», tous les efforts – et en particulier en ligne – n’ont pas augmenté le taux de participation le jour du scrutin…

Eurobaromètre post-électoral : les raisons de la participation aux élections européennes

La première enquête Eurobaromètre approfondie analyse les résultats des élections européennes de juin 2019 et les raisons de la participation électorale et les problématiques qui ont incités en particulier un électorat pro-européen et jeune, aux attentes précises à voter…

Les citoyens ont voté avec un soutien très fort à l’UE et une conviction renforcée que leur voix compte dans l’UE

Dans la foulée des élections européennes marquées par une participation jamais atteinte depuis 20 ans, en particulier avec une participation des jeunes qui a cru de 50%42% (contre 28% en 2014), les fondamentaux sont au beau fixe :

  • 68% des citoyens considèrent que leur pays a bénéficié de l’adhésion à l’UE ;
  • 56% des citoyens estiment que leur voix compte dans l’UE : + 7 points depuis mars 2019, le résultat le plus élevé depuis que cette question a été posée pour la première fois en 2002.

Les citoyens ont voté par devoir civique, soutien à l’Europe, et comme moyen de faire changer les choses

Outre l’argument démocratique par excellence, le devoir civique étant la raison la plus souvent invoquée par 52% des votants, les citoyens européens ont voté car ils se déclarent en faveur de l’UE (28%, +11 points) ou parce qu’ils ont le sentiment qu’ils peuvent changer les choses en votant (18%, +6 points). Il s’agit donc principalement d’un vote d’adhésion plus que de rejet.

Première cartographie distinctive de l’Union européenne sous l’angle des raisons du vote :

  • Le devoir civique augmente en Allemagne (39%, +14 points), en Irlande (27%, +15 points), en Italie (23%, +14 points) et en Espagne (23%, +15 points) ;
  • Le soutien à l’UE progresse en Irlande et Pologne (+15) mais aussi en Allemagne et Italie (+14) – à contrario le soutien est faible en Europe centrale et orientale ;
  • L’expression d’un désaccord d’abord au Royaume-Uni (22%, + 13), en France (22%, +3) et en Grèce – à contrario la colère est faible dans l’Europe du nord.

Deuxième cartographie des nouveaux clivages dans l’Union européenne sous l’angle des « drivers » de politiques publiques qui poussent les citoyens à voter :

  • L’économie et la croissance domine dans 17 États-membres, plutôt à l’est et au sud ;
  • Le climat et l’environnement est prioritaire à l’ouest et au nord ;
  • L’immigration et le fonctionnement de l’UE en mineur.

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Au total, la bonne nouvelle de la hausse de la participation électorale ne doit pas empêcher de voir que des nouveaux clivages post-électoraux en termes de priorités politiques se dessinent entre les pays européens.

Élections européennes : la procédure des Spitzenkandidaten est-elle morte ?

Selon Sophia Russack dans « EU parliamentary democracy: how representative? », la procédure des Spitzenkandidaten visant à accroître les enjeux des élections européennes et à personnaliser la politique européenne n’a pas atteint ses promesses. Explications à l’aune de la nomination de la ministre de la défense Ursula von der Leyen par le Conseil européen pour la présidence de la Commission européenne.

Échec relatif en 2014 : aucun effet sur la participation électorale, mais une hausse de l’influence du Parlement européen

Lors des élections européennes de 2014, le système des Spitzenkandidaten n’a eu aucun effet tangible. Non seulement, le taux de participation a été au plus bas mais les électeurs ignoraient dans une large mesure les candidats, en particulier en dehors de leur pays avec une moyenne de notoriété de 8,2% et surtout les débats sur des questions politiques clés n’ont pas été façonnés par les Spitzen, mais plutôt par des partis opposés à l’établissement et eurosceptiques.

Au final, ni les campagnes préélectorales, ni les prises de décision postélectorales ne se sont traduites par une plus grande concurrence entre les partis politiques ou un véritable choix entre des programmes politiques rivaux. Au lieu de cela, les élections 2014 ont perpétué la tendance à long terme d’étroite coopération entre les partis favorables à l’intégration situés au centre du spectre politique.

Ainsi, le système Spitzenkandidaten n’a eu aucun effet positif sur la participation. Il s’est donc avéré incapable d’améliorer la représentativité ou la responsabilité du Parlement européen. N’ayant pas été un succès démocratique, le seul effet provoqué aura été de nature institutionnelle, le Parlement européen ayant renforcé sa propre influence dans la sélection du président de la Commission, modifiant ainsi légèrement la dynamique interinstitutionnelle de l’UE.

Échec terminal en 2019 : hausse non attribuable de la participation et baisse de l’influence du Parlement européen

Lors de la campagne électorale de 2019, la plupart des partis politiques européens ont sélectionné un Spitzenkandidat pour faire campagne dans toute l’Europe. Cependant, le système ayant perdu son élan a été considérablement affaibli institutionnellement et ne peut pas se voir attribuer la cause de la hausse surprise de la participation aux élections.

Le système Spitzenkandidaten promeut implicitement la «parlementarisation» de l’UE et un modèle fédéral de démocratie européenne, dans lequel le Parlement européen reçoit un mandat démocratique de l’électorat lui permettant de sélectionner l’exécutif – et de le tenir pour responsable.

Cette tentative de construire un système quasi parlementaire ne correspond pas à la nature de l’Union européenne qui n’est pas un véritable système parlementaire. La structure institutionnelle de l’UE en tant que système politique hybride implique des limitations structurelles dans lesquelles des domaines clés de la prise de décision restent entre les mains des gouvernements nationaux en tant qu’« acteurs constituants ».

Par conséquent, la Commission européenne n’est en aucun cas le « gouvernement » responsable devant le Parlement européen auquel les partisans du processus Spitzenkandidaten s’attendaient. Un tel gouvernement impliquerait une interdépendance institutionnelle et politique entre le législatif et l’exécutif.

Le système Spitzenkandidaten n’aide pas vraiment à combler le fossé entre le législatif et l’exécutif, parce que le système lui-même est institutionnellement illogique : la procédure ne concerne que le président de la Commission, pas l’ensemble du pouvoir exécutif. La nomination des autres membres du collège suit une logique différente : même si le président attribue leurs portefeuilles, ils sont sélectionnés par leurs gouvernements nationaux respectifs.

Un autre « défaut » institutionnel, qui illustre davantage le fossé entre le législatif et l’exécutif, est le fait que les candidats à la présidence de la Commission ne sont pas tenus de se présenter aux élections au Parlement européen. Le traité de Lisbonne exclut même cette option en indiquant que les membres du collège ne sont pas autorisés à occuper d’autres fonctions. Le statut parlementaire des membres de l’exécutif est toutefois un « principe fondamental du modèle parlementaire ».

Au total, partant que l’ADN du Parlement européen est très différent de celui des parlements nationaux, les Spitzenkandidaten en tant que tentative de « parlementariser » l’UE (une entité hybride sui generis) ne rend pas justice à la structure institutionnelle sophistiquée de l’UE et ne fait donc pas du Parlement un meilleur représentant de l’électorat européen.

Nominations post-élections européennes : quelles stratégies de communication politique européenne ?

La période actuelle – ouverte au soir des résultats aux élections européennes et qui se clôturera avec la prise de fonction de la nouvelle Commission européenne – est particulièrement sensible, au point qu’il est à craindre que la culture du compromis – au cœur du projet européen – soit en partie en danger. Pourquoi ?

Communication consensuelle vs. Communication partisane

Le système démocratique européen, mis à rude épreuve avec la phase de nominations post-électorales, repose sur une double légitimité entre la logique quasi-diplomatique, autant que possible consensuelle du côté des chefs des États-membres au Conseil européen, qui dispose du pouvoir de choisir en particulier le président de la Commission européenne « en tenant compte des résultats aux élections européennes » selon le traité et la logique partisane, du fait majoritaire du côté du Parlement européen pour approuver les candidats.

Ce système, en l’absence de compromis de parts et d’autres, risque de sombrer dans la crise, si le Conseil européen ne parvient pas à s’accorder (à vrai dire peu vraisemblable si les chefs d’État et de gouvernement se réunissent autant que nécessaire) mais surtout si le Parlement européen ne ratifie pas les choix soumis au vote – d’autant plus que les Spitzenkandidaten ont été d’ores et déjà écartés lors du dernier sommet européen – afin in fine que les partis politiques européens gardent la main sur le président de la Commission européenne.

Dans ce dialogue entre les institutions européennes, la communication des chefs d’Etat et de gouvernement est beaucoup plus audible et médiatique que la communication des chefs de partis politiques au Parlement européen : les uns peuvent prétendre incarner la légitimité démocratique nationale tandis que les autres tentent d’incarner la légitimité démocratique européenne issue des élections européennes. Dans cet exercice, il est fort à craindre que le choc des légitimités soit défavorable au Parlement européen.

Communication sur les programmes vs. Communication sur les personnalités

Entre les programmes sur la table après les résultats aux élections européennes et les personnalités dans les tablettes, il est intéressant de noter une position diamétralement opposée entre les deux institutions européennes en dialogue :

Du côté du Conseil européen, éclate à la fois un relatif consensus sur les priorités de l’UE, comme la lecture du « nouveau programme stratégique 2019-2024 » adopté dans une relative indifférence le prouve alors qu’il s’agit ni plus ni moins de la feuille de route de la Commission européenne pour les prochaines années; et un complet désaccord sur le choix des personnalités pour incarner les principales institutions de l’Union européenne. En termes de communication, cette querelle des chefs est préjudicielle à la matrice du fonctionnement consensuel routinier de son institution.

Du côté du Parlement européen, on assiste étonnamment à l’exacte inverse : d’une part, les partis politiques européens peinent à définir un programme de travail législatif indicatif susceptible de rassembler une majorité au-delà des familles traditionnelles PPE et PSE, avec le temps qui s’écoule les eurodéputés ont globalement perdu l’initiative sur ce sujet. D’autre part, les partis politiques européens jouent un jeu potentiellement dangereux de soutien arc bouté aux Spitzenkandidaten alors que le système permettrait de dégager naturellement une majorité avec un scrutin à deux tours mais ne marche pas avec un scrutin à un tour.

Dans ce registre entre programmes et personnalités, il aurait été attendu que le Parlement européen préempte le programme législatif (même s’il n’a pas le droit d’initiative) pour construire une majorité d’idées qui aurait infusée au sein du Conseil européen et pesée sur les nominations, alors qu’en l’occurrence le Parlement européen s’illustre à la fois par la guerre des chefs et l’absence de direction.

Au final, la période des nominations post-électorale est un moment très difficile à gérer pour le nouveau Parlement européen tandis que « la politique de l’événement » est plus naturelle au Conseil européen.