Communication politique européenne : les candidats doivent-ils encore investir dans leur site web ?

Entre l’omniprésence des médias sociaux dans le quotidien des Européens en ligne, la visibilité des « têtes d’affiche » que sont les candidats des partis politiques européens au poste de président de la Commission et le facteur confiance, les candidats doivent-ils encore investir dans leur site web ?

A quoi sert un site de campagne pour un candidat aux élections européennes ?

A partir de 1 026 sites issus de 17 pays, l’analyse « Web campaigning in the 2009 European Parliament elections » offre la clé de lecture sur le rôle des sites web de campagne.

Selon les auteurs, les sites de campagne remplissent 4 fonctions :

  • Information : la première fonction d’un site politique (partis ou candidats) est évidemment d’informer les citoyens, notamment du programme ;
  • Réputation personnelle : le 2e fonction d’un site politique est de conforter la réputation du parti ou du candidat, notamment en riposte à diverses attaques ;
  • Connexion et partage : la 3e fonction d’un site politique est de permettre à l’internaute d’entrer en contact avec le parti ou le candidat et de partager, notamment dans les médias sociaux ;
  • Audio-visualisation : la 4e et dernière fonction d’un site politique est de proposer des contenus multimédia, notamment vidéo.

Quelles sont les différences significatives entre les sites des candidats aux élections européennes ?

Toute une série d’hypothèses – qui justifieraient des différences dans la conception des sites web des candidats – sont écartées :

  • les compétences digitales des citoyens n’ont aucun impact sur la conception des sites web des candidats ;
  • le système partisan (fractionné ou concentré) n’a également aucun impact ;
  • l’orientation idéologique et le parti politique du candidat n’ont aucune influence sur la conception de leur site.

En revanche, un seul critère semble pertinent : le niveau de confiance dans le personnel politique est significativement corrélé avec le niveau de contenus relevant de la réputation personnelle : moins la confiance règne en politique, plus les contenus réputationnels s’invitent sur les sites de campagne.

Bilan : les candidats ont intérêt à limiter leur site de campagne

Entre les conclusions d’une étude portant sur les élections européennes de 2009 et les tendances numériques des élections européennes de 2014, les candidats semblent avoir intérêt à limiter leur site de campagne :

D’une part, parmi les 4 fonctions des sites web des candidats, la plupart sont mieux remplies en assurant une présence active dans les médias sociaux. Seule la fonction d’information demeure à condition de bien référencer le site sur quelques mots clés.

D’autre part, dans la mesure où la seule variable vraiment distinctive parmi les sites des candidats porte sur le volume de contenus réputationnels, les candidats auraient intérêt à ne pas entrer dans une course stérile et décrédibilisante à force de jouer la réassurance et la transparence.

Au total, les sites de campagne apparaissent beaucoup moins essentiels aujourd’hui. D’ailleurs, au-delà des militants et des curieux, qui « surfent » encore sur les sites des candidats ?

Les think tanks jouent-ils la transparence ?

Mesurée par l’inscription sur le registre des institutions européennes, la transparence – parangon des recommandations en matière de bonnes pratiques dans les politiques publiques – est-elle de fait pratiquée par les principaux think tanks ?

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Transparence à l’échelle européenne : les think tanks mondiaux absents

De manière symptomatique, les 5 premiers think tanks mondiaux (Brookings, Chatham House, Carnegie, CSIS, SIPRI) – dans le classement de l’Université de Pennsylvanie « 2013 Global Go To Think Tanks Report » – ne sont pas inscrits sur le registre de la transparence de l’UE. Too big, big fail?

Plus exactement, c’est le premier pays au monde, les Etats-Unis avec 1828 think tanks – loin devant la Chine (426) et le Royaume-Uni (287) – qui ne semblent pas pratiquer la transparence à l’européenne : quasiment aucun think tank américain – hormis le International Crisis Group – n’est inscrit.

Transparence à l’échelle européenne : les think tanks allemands exemplaires

A l’opposé, les think tanks allemands les plus reconnus et respectés sont tous inscrits sur le registre de la transparence de l’UE, qu’il s’agisse de Konrad-Adenauer-Stiftung, Bertelsmann Stiftung, Stiftung Wissenschaft und Politik ou Friedrich-Ebert-Stiftung.

Par ailleurs, ces think tanks allemands – dont les budgets annuels sont de plusieurs dizaines de millions d’€ – partagent tous également le fait de ne pas recevoir de subvention de l’UE.

Transparence à l’échelle européenne : les think tanks européens globalement présents

Avec des budgets annuels très inégaux de l’ordre de quelques millions d’€ et des financements de l’UE également très différents mais quasi systématiques, les principaux think tanks européens jouent le jeu de la transparence.

Une règle semble s’imposer qui veut que plus un think tank est important – notamment mesurée par son budget annuel et sa communauté d’abonnés sur Twitter – plus celui-ci semble susceptible d’être inscrit sur le registre de la transparence, et de recevoir des financements européens.

Par ailleurs, Transparency International, Greenpeace et Amnesty International – trois « think tanks » activistes sont inscrits sur le registre pour ce qui concerne leurs activités auprès de l’UE.

Transparence à l’échelle européenne : les think tanks français dans la moyenne

En ne se distinguant pas – ni par un excès ou un déficit de transparence – les think tanks français sont dans la moyenne :

  • Les « in » : Fondation Robert Schuman, Institut Français des Relations Internationales, Confrontations Europe, Terra Nova et Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme…
  • Les  « out » : Notre Europe, Fondapol, Fondation pour la recherche stratégique, CERI, Fondation Jean Jaures, Fondation Res Publica…

Pour aller plus loin, consultez notre cartographie complète de la scène des think tank européens.

Au total, sur une sélection des 30 principaux think tanks à l’échelle européenne, 70% jouent le jeu de la transparence européenne. La prochaine étape de la mise à jour annuelle des données sera décisive pour mesurer la qualité de la transparence sur la durée.

Publicités politiques télévisées : pourquoi il n’y a pas de véritable campagne électorale européenne ?

La publicité politique à la télévision conserve aux Etats-Unis un rôle important dans les campagnes électorales – même à l’heure des médias sociaux – tandis qu’en Europe, il n’en est rien. « Advertising for Europe » compare les publicités télévisées diffusées lors de la campagne des élections européennes de 2009 en France, Allemagne, Suède et au Royaume-Uni. Y a-t-il de solides divergences, notamment liées à des différences culturelles et à la relation de chaque pays à l’UE ou de profondes convergences, notamment dans les formats et les messages dans la façon dont les partis politiques se présentent au public lors des élections européennes ?

Des similitudes attribuées aux archétypes de la publicité politique et aux thèmes de campagne

1. Le manque de créativité dans les formats des spots TV est la chose la mieux partagée.

Partout, les partis politiques n’investissent pas beaucoup ni en termes d’argent, ni en termes d’idées dans la production des spots.

Parmi une demi-douzaine de formats, la déclaration d’une personnalité politique en plan fixe face à la caméra avec un « pack-shot » final reprenant le slogan et le logo du parti semble partout la figure de style imposée par l’exercice.

Dans tous les pays, les spots TV ont recours à la personnalisation, une option qui est définitivement devenue une caractéristique dominante de la publicité électorale.

2. Les spots TV portent sur des questions politiques similaires.

On pourrait expliquer cela par l’existence de problèmes politiques communs dans les Etats membres de l’UE, qui auraient à en discutés et décidés au niveau européen.

En fait, c’est la crise économique et financière mondiale qui s’est imposée et offre la possibilité aux partis politiques de se présenter sous cet angle :

  • Les partis libéraux et de droite affirment leur compétence en matière de politique économique et financière ;
  • Les partis de gauche se posent en gardiens de la sécurité sociale en période difficile.

Des différences liées à des particularités culturelles (systèmes électoraux et paysages médiatiques)

1. Le rôle et la tradition de la publicité électorale dans les différents pays ont clairement une influence.

Principales différences d’accès à la télévision :

  • France, Allemagne et Royaume-Uni obligent leurs stations de service public à offrir du temps d’antenne gratuit pour les partis se présentant aux élections.
  • Au Royaume-Uni, les chaînes commerciales ont également du temps d’antenne gratuit pour la publicité électorale.
  • En France et en Allemagne, les partis déjà représentés au Parlement européen reçoivent plus de temps d’antenne que les petits partis.
  • En plus de temps libre fourni par les chaînes de service public, les partis allemands sont autorisés à acheter du temps sur les chaînes commerciales.
  • En Suède, les partis ne reçoivent pas de temps d’antenne gratuit et ne peuvent acheter du temps sur les chaînes commerciales.

2. Les modèles médiatiques divergent dans les Etats-membres de l’UE.

Plusieurs systèmes médiatiques coexistent en Europe et ne sont pas sans conséquence sur la publicité politique.

Les pays méditerranéens (France, Italie, Espagne, Portugal et Grèce) appartiennent au « modèle pluraliste polarisé » et sont caractérisés par la faiblesse relative des systèmes de radiodiffusion publique tandis que les acteurs politiques ont une forte influence sur les médias.

Les États du Nord et d’Europe centrale (pays scandinaves, Allemagne, Pays-Bas et Belgique) représentent le « modèle corporatiste démocratique » et ont une longue tradition de radiodiffusion publique avec de solides institutions de régulation des médias qui garantissent un haut niveau d’indépendance des médias.

Enfin, des idées plus libérales et orientées vers le marché dominent les systèmes de médias qui suivent le « modèle libéral » (Royaume-Uni et Irlande).

Ainsi, les résultats soulignent le lien étroit entre la publicité politique et la culture politique d’un pays. Pour les auteurs, même à l’égard de l’élection européenne, il serait difficile d’arriver à une campagne publicitaire commune pouvant être utilisée dans tous les pays. Au total, la prévalence de la culture politique nationale pourrait expliquer l’absence de véritable campagne européenne.

Wiki, curation, open-data et crowd-checking: quelles sont les formes nouvelles de suivre la campagne des élections européennes ?

À J-100 avant les élections européennes et au-delà des moyens de suivre la campagne sur Twitter, le web se mobilise à travers des initiatives inédites autour de wiki, de curation, d’open-data et de crow-checking. Quelles sont les formes nouvelles de suivre la campagne des élections européennes ?

Factcheck.eu : la première plate-forme européenne de crowd-checking

factcheckEUSans aucun doute l’une des initiatives les plus utiles à l’aune de la campagne électorale européenne qui s’annonce, Factcheck.eu vise à mettre en ligne des citations de personnalités politiques, à les traduire et surtout à vérifier « la réalité des chiffres et des faits plutôt que les stéréotypes et les préjugés ».

Sans orientation politique et sans but lucratif, Factcheck.eu s’inscrit dans une tendance à jauger la crédibilité des paroles publiques déjà illustrée en matière européenne lors de la campagne présidentielle française avec Vigie 2012.

Wikipedia : multilinguisme paneuropéen et curation collaborative

Deuxième nœud du web à signaler autour de la campagne des élections européennes, les pages Wikipedia consacrées aux élections européennes de 2014, dont l’activité est une indication intéressante :

Sondages et projections en sièges en ligne : curation et open-data sur les intentions de votes

Grâce à Electionista, il est d’ores et déjà possible de consulter un Google Document qui rassemble l’ensemble des sondages d’intention de votes réalisés dans les Etats-membres de l’UE. Une initiative plutôt utile, complétée d’ailleurs par une liste des comptes Twitter de tous les partis présentant des candidats dans l’UE.

pollwatch2014Grâce à PollWatch2014.eu et @pollwatch2014, il sera bientôt possible de consulter des projections de la future répartition des sièges dans le Parlement européen.

Au total, avec tous ces outils offrant le meilleur des nouvelles formes de suivre la campagne des élections européennes, l’information – à défaut d’être connue du grand public – sera plus que jamais accessible et transparente.

Comment évaluer les médias de la communication européenne ?

Puisque le « PESO model » distinguant le Paid, Earned, Shared and Owned media tend à s’imposer pour répartir et analyser les canaux de communication à la disposition d’une marque ou d’une institution, qu’en est-il du PESO de la communication de l’UE ?

Paid media de la communication européenne : une double spécificité peu efficace en termes d’exposition de l’image de l’UE

Normalement, le paid media d’un annonceur représente l’ensemble des investissements en achat d’espace publicitaire lui permettant d’exposer ses messages auprès du grand public.

Les investissements de l’UE en matière de paid media se conjuguent pour en limiter l’impact :

  • d’une part, à défaut de pouvoir s’appuyer sur des médias de masse paneuropéens inexistants faute d’un espace public européen, l’UE s’est engagée dans une démarche de création de médias européens (Euronews, Euranet, PressEurop, CaféBabel…) qui de facto ne permet pas de toucher un très large public ;
  • d’autre part, les achats d’espace publicité par l’UE sont relativement rares et extrêmement morcelés entre les institutions, agences et organes entraînant une dilution des capacités de négociation auprès des régies et une dilution également des messages audibles auprès du public.

Au total, le paid media de la communication européenne souffre – sous l’angle de son efficacité pour toucher un large public – d’un double handicap lié à la fois à des contraintes politiques plutôt légitimes et techniques beaucoup moins justifiables.

Earned media de la communication européenne : une capacité inégale à influer sur l’activité des journalistes

Le earned media correspond à l’ensemble des mentions d’un annonceur « gagnées » grâce à l’intérêt éditorial des relations publiques.

Les activités de relations publiques de l’UE visant le earned media sont sans doute les moins développées tandis que leurs résultats potentiels sont les plus prometteurs :

  • à Bruxelles, l’UE s’organise avec des porte-parole pour travailler auprès du corps de presse européen : l’investissement en expertise et en technique tente de surmonter les handicaps d’une institution face à des journalistes ;
  • ailleurs, les efforts déconcentrés pourtant auprès de l’essentiel des journalistes dans les médias nationaux et locaux sont plus limités, faute de moyens.

Au total, l’influence potentielle liée à l’intérêt des informations européennes est inégale entre les journalistes européens et les autres ; et globalement sous exploitée.

Shared media de la communication européenne : un engagement hyper-conditionné en fonction des attitudes et opinions sur l’UE

Le shared media, c’est la nouveauté introduite par le web social : l’ensemble des contributions du public d’un annonceur en ligne.

Quoique l’investissement de l’UE dans le shared media soit important, les résultats sont hyper-conditionnés en fonction des attitudes et opinions des publics en ligne :

  • les publics anti-UE et pro-UE sont – à l’image des fans et des anti-fans d’une marque – d’autant plus hyperactifs en ligne qu’ils s’appuient sur des positions tranchées ;
  • les publics neutres ou indifférents – les plus nombreux – n’ont le plus souvent pas d’avis sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas et n’ont donc plus qu’à contempler des espaces sociaux remplis par des contributions trop souvent caricaturales.

Au total, l’engagement des publics en ligne avec l’UE est extrêmement encadré par une sorte de compétence minimale qui bloque l’accès et par une sorte d’extrême maximaliste dans un sens ou dans l’autre.

Owned media de la communication européenne : une action rationalisée pour porter les messages de l’UE

Le owned media, c’est l’ensemble des outils de communication dont l’annonceur en est l’ultime propriétaire.

Globalement, les canaux de communication maîtrisés par l’UE sont sur une trajectoire de modernisation et d’adaptation aux nouvelles exigences et contraintes :

  • rationalisation du portail europa.eu visant à réduire le nombre de sites et à améliorer l’accès aux informations ;
  • raréfaction des publications écrites des institutions européennes pour ne conserver que les contenus d’utilité générale (textes juridiques) ou extrêmement ciblés, notamment auprès des jeunes ;
  • consolidation des réseaux, notamment les Centres d’information Europe Direct sur le territoire de l’UE ;
  • harmonisation des messages corporate de l’UE autour de quelques priorités de communication…

Au total, les canaux de communication de l’UE s’optimisent sous le poids conjugué des évolutions techniques/technologiques et des pressions budgétaires tandis que leur mutualisation constituerait l’étape suivante logique.

Que retenir de l’évaluation des médias de la communication européenne ?

  • Paid media = déficit d’efficacité
  • Earned media  = potentiel inexploité
  • Shared media  = nouveauté hyper-segmentée
  • Owned media = rationalisation non-mutualisée