Dégradation du multilinguisme pour les Directions générales de la Commission européenne sur Internet ?

Quatre ans après notre enquête réalisée qui révélaient que près des deux tiers des Directions générales de la Commission européenne sont totalement multilingues en 22 ou 23 langues tandis que 4 DG ne sont lisibles en ligne qu’en anglais, la dégradation du multilinguisme est sensible au niveau des sites Internet des « DG »…

33 Directions générales de la Commission européenne : des sites Internet de présentation des DG ou thématiques très diversement multilingues

Une grande majorité des services de la Commission se présentent à la fois au travers d’un portail thématique « grand public » et d’un site plus dédié à l’administration à proprement parlé.

Sur l’ensemble de la cinquante de sites disponibles en ligne, 66% sont actuellement monolingues, contre 33% multilingues – un déséquilibre significatif et en nette dégradation. Alors qu’en 2012, 20 DG sur 31 étaient multilingues, c’est dorénavant la proportion inverse.

11 Directions générales, parmi les plus importantes, sont lisibles uniquement en anglais en ligne

La liste des Directions générales qui ne se donnent pas la peine de traduire, un minimum leurs sites est longue :

  • DG CNECT Réseaux de communication, contenu et technologies
  • DG EAC Education et culture
  • DG ENER Energie
  • DG GROW Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME
  • DG ENV Environnement
  • EUROPEAID Coopération internationale et développement
  • DG HOME Migration et affaires intérieures
  • DG MOVE Mobilité et transports
  • DG NEAR Elargissement
  • DG RTD Recherche et innovation
  • DG TRADE Commerce

Les virages les plus cinglants viennent par exemple des DG NEAR, DG ENV ou EUROPAID qui passent du multilinguisme total au monolinguisme anglophone.

La DG Traduction, comble de l’ironie, n’est toujours disponible qu’en 7 langues.

17 Directions générales, preuve qu’il s’agit d’une décision politique, sont très largement multilingues

Plusieurs DG n’ont pas hésité à inclure la 24e langue officielle de l’UE – le Croate – avec l’entrée du pays dans l’Union en 2013, comme par exemple la DG EMPL, la DG JUST, ou le Service européen de l’action extérieur dont le site n’était que trilingue en 2012.

Sinon, le choix des trois langues officielles de l’UE est en régression, avec seulement 9 sites disponibles actuellement.

multilinguisme_DG_2016

Pour rappel, la Commission européenne possède l’un des plus grands services de traduction au monde. Il compte 1 750 linguistes et un personnel administratif de 600 personnes. Le service d’interprétation de la Commission emploie 600 interprètes permanents, 3 000 interprètes indépendants et 250 assistants.

Au total, la dégradation du multilinguisme des Directions générales de la Commission européenne en ligne est significatif, en termes de volume, mais surtout en termes de message politique. Et, ce n’est pas le bon pour les citoyens européens.

De l’importance du « design » dans les projets de participation en ligne de l’UE

La fabrique de la participation des publics en ligne est largement conditionnée par le « design », selon Romain Badouard qui analyse plusieurs plateformes européennes dans « La mise en technologie des projets politiques : Une approche « orientée design » de la participation en ligne »…

Pourquoi le design compte dans la fabrique numérique de la participation politique ?

Dans l’univers « physique », la loi prime, alors que sur internet, c’est l’architecture qui domine : « code is law ». Les principes d’affichage et de fonctionnement d’un site font que « les web designers qui créent des sites participatifs construisent des modèles de participation » qui :

  • « font agir », c’est-à-dire cadrent, orientent, configurent les actions que les internautes réalisent ;
  • « font interagir », c’est-à-dire  rendent possible et contraignent certaines formes de communication ;
  • « font advenir » des pratiques participatives, en suscitant certaines formes d’engagement que les internautes choisissent (ou refusent) d’adopter (ou de bricoler).

Comment les ressources entrent en jeu dans la construction d’un modèle de participation en ligne ?

Les arborescences des sites balisent des parcours de navigation, qui peuvent s’apparenter à des procédures comme par exemple les étapes : information, débat et vote.

Les applications permettent d’agir sur les contenus : production, modification,  personnalisation, filtrage ou évaluation, et d’interagir entre internautes : fil de discussion chronologique ou organisation ante-chronologique.

La publicisation des données relatives à l’identité et aux activités des internautes dessinent une identité à la fois déclarative, agissante et calculée qui constitue également des formes de cadrage et d’incitation à l’action et à l’échange.

Les modèles de participation incorporés dans les consultations en ligne de la Commission européenne

Les plateformes consultatives de la Commission européenne constituent un bon exemple de la manière dont le design de dispositifs participatifs peut conduire à une mise en pratique de modèles de participation différents.

Ces plateformes sont à la fois mobilisées en tant qu’instruments de gouvernance dans le cadre de « nouveaux » processus de prise de décision, et comme outils de communication mettant en scène une participation citoyenne pour endiguer le « déficit démocratique ».

Votre point de vue sur l’Europe : une participation instrumentale

Votre Point de vue sur l’Europe, la plateforme qui héberge les consultations permanentes de la Commission européenne depuis 2001 vise à la fois à ouvrir et à réglementer les procédures consultatives.

La plateforme met en œuvre une participation « instrumentale », le modèle véhiculé est celui de l’expertise (profane ou organisée) : il s’agit de mobiliser des connaissances dispersées au sein de la « société civile » européenne comme autant de ressources pour la décision. Ce modèle est porté par des applications qui ne permettent qu’une participation individuelle à la consultation, qui valorisent la compétence et la responsabilité des internautes (via un passage « obligé » par une phase d’information et le recours aux identités civiles des participants) et la non-contrainte de leurs réponses (quand ceux-ci les envoient directement par mail).

La Consultation européenne des citoyens : une participation transformative

La Consultation européenne des citoyens vise à formuler des propositions de politiques publiques en vue des élections européennes de juin 2009 via une approche délibérative, où les positions sont discutées afin de produire des accords entre participants.

La plateforme met en œuvre une participation « transformative » pour sensibiliser les participants à leur citoyenneté européenne par des activités de débat et de vote. Elle valorise un citoyen actif et polyvalent (via la multitude des applications permettant de produire et d’agir sur les contenus). Pour autant, il n’est pas attendu de lui une quelconque expertise : il s’agit davantage de mettre en avant la dimension socialisante de la participation citoyenne (notamment par la place centrale des profils), et par un système de vote de faire émerger des préoccupations.

Dans ce cas précis, l’activité de participation compte davantage que ses résultats : on montre un espace public européen en train de se construire. Dans le cas précédent à l’inverse, les résultats de la participation comptaient davantage que l’activité : il s’agissait d’obtenir des informations pertinentes dans le cadre de la construction de directives.

Au total, le modèle de participation inscrit dans le design compte mais aussi les interprétations de l’internaute, qui peut adopter le projet ou manipuler les applications pour réaliser d’autres actions.

Les évolutions de la communication de l’UE tiennent-elles leurs promesses ?

Pour le grand public, c’est entendu, malgré les récentes évolutions de la communication de l’Union européenne, celle-ci n’est toujours pas audible. Nonobstant le temps – impératif – et les moyens – indispensables – pour que ces progrès portent leurs fruits, il est possible d’ores et déjà d’évaluer les premiers effets de cette nouvelle approche de la communication de l’UE…

1. Une coopération à la carte

La principale innovation sur laquelle la communication de l’UE s’est largement développée ces 10 dernières années fut le partenariat, introduit dans la déclaration politique du 22 octobre 2008 « Communiquer l’Europe en partenariat ». Avec les partenariats, ce sont de véritables campagnes de communication pilotées à la fois par les institutions européennes et les Etats-membres qui ont pu voir le jour. Mais, cette approche exigeante pour chacun des partenaires, a vécu.

Dorénavant, la coopération en matière de communication au sein de l’UE est beaucoup moins formalisée, donc moins interinstitutionnelle au profit de coopérations infra-étatiques à la carte, menées dans une logique plus opportunistique de « one shot » ou d’échange de visibilité entre organisations peu médiatisées. La promesse d’une audience captive plus réduite a eu raison de grandes opérations tout public sans garantie en termes de retour sur investissement.

2. Une décentralisation à fragmentation

Comme il existe des bombes à fragmentation qui dispersent leurs projectiles pour décupler leurs résultats, les réseaux et relais décentralisés de l’UE démultiplient la communication à l’échelle régionale et locale pour toucher les Européens. Le mouvement vers davantage de décentralisation, renforcé par les réseaux sociaux qui jouent la carte de la proximité, était irrésistible pour « Bruxelles », honnie par les grands médias et un large spectre des classes politiques nationales.

Mais, fragmentation doit également se comprendre comme une dispersion des messages entre le bras armé de la DG COMM « Europe Direct » chargé de répondre aux questions des Européens et la pléiade de réseaux thématiques pilotés par les différentes directions générales, notamment Your Europe Advice, Solvit, Fin-Net par la DG MARKT, Enterprise Europe Network par la DG ENTR, Eures par la DG EMPL, Eurodesk, Euroguidance ou Europass par la DG EAC, Euraxess par la DG RTD, etc. L’absence apparente de coordination nuit à l’harmonie de la voix européenne.

3. Une harmonisation à coup de corporate

Dernière évolution significative de la communication de l’UE ces dernières années, la rationalisation à marche forcée qui consiste, comme dans le lit de Procuste, à couper tout ce qui dépasse pour ne conserver qu’un brouet plutôt insipide. Cette démarche d’uniformisation qui correspond bien à une certaine culture administrative ne répond sans doute pas avec suffisamment d’agilité aux nécessaires adaptations exigées par le terrain et les circonstances.

Néanmoins, 2016 sera surtout marquée par la future campagne de communication corporate de la Commission européenne, qui prévoit – selon le document fuité par Politico Europe – de totaliser un budget pharaonique de près de 26 millions d’euros. Il est à la fois trop tôt avant les résultats de cette campagne, et surtout trop tard puisque le processus est largement entamé pour juger définitivement.

Reste que pour le moment, les promesses de l’année 2016 en matière de communication européenne sont nombreuses mais méconnues : les coopérations à la carte n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation aussi objective que les précédents partenariats de gestion ; les réseaux décentralisés, y compris « Share Europe Online » pour les community managers de l’UE non plus d’ailleurs ; et encore moins la campagne de communication corporate.

Comment les Eurobaromètres brouillent les lignes entre recherche et propagande ?

Lorsque la recherche académique s’intéresse de près aux enquêtes Eurobarmètres, les résultats sont décapants…

Généalogie d’une interrogation

Dès 1993, Elisabeth Noëlle-Neumann estime que l’instrument monopolisé par la Commission européenne pour produire l’opinion publique européenne est manipulé afin de rendre désirables les résultats les plus intégrationnistes.

Des chercheurs documentent les questions qui disparaîssent comme par exemple la disparition de la fameuse question « est-ce que l’appartenance à l’UE pour votre pays est une bonne chose ? » dans l’Eurobaromètre standard 73.

Martin Höpner et Bojan Jurczyk fournissent de nouvelles preuves avec 10 questions qui montrent des tendances manipulatives dans les Eurobaromètres standard de 43 à 73 publiés entre 1995 et 2010.

Des questions peu compréhensibles, plus complexes que nécessaire, trop hypothétiques et inappropriées au niveau de connaissances des répondants

Exemple 1 : une question sur la composition du Collège des Commissaires alors que sans renseignement sur les enjeux de la réforme de la Commission, la seule proposition disponible qui semble juste et équilibrée a reçu un taux d’approbation de plus de 70%, ce qui a permis à la Commission de revendiquer que « les citoyens veulent un Commissaire par État-membre ».

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Exemple 2 sur le budget du projet de système de navigation satellitaire « Galileo » exploitée par la Commission européenne comme « une majorité écrasante des Européens est en faveur du projet financé par l’UE » alors que 60% des répondants n’en avaient jamais entendu parlé.

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Exemple 3 : des questions sans connaissances préalables chez les répondants sur la confiance dans des institutions européennes comme la Cour des comptes européenne, le Conseil économique et social européen ou le médiateur européen, autant d’institutions largement méconnues mais pourtant systématiquement exploitées comme des succès en termes de confiance.

Exemple 4 : des questions hypothétiques trop complexes pour évaluer notamment l’impact des programmes de politiques économiques de l’UE d’ici 10 ans, dont le seul intérêt consiste à ce que les répondants se conforment à la réponse socialement désirable afin que la Commission européenne puisse déclarer que « les objectifs fixés dans la stratégie Europe 2020 semblent raisonnables pour les citoyens européens ».

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Des options de réponses limitatives

Exemple 5 : La plupart des questions posées portent une orientation “Europe-friendly”, notamment « les intérêts de [notre pays] sont bien pris en compte par l’UE » tandis que l’introduction d’un item négatif au printemps 2008 sous la forme « l’UE impose ses vues à [notre pays] » (dernier item) a reçu immédiatement le plus haut niveau d’approbation et a été retiré 2 enquêtes seulement après.

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Exemple 6 : Les questions sur l’élargissement de l’UE favorisent une vision intégrationniste, comme par exemple l’item « l’élargissement va aider à créer plus d’emplois ».

Insinuation et questions suggestives

Exemple 7 : une question suggestive introduite par l’accroche favorable à l’élargissement de l’UE, sans compter que le choix des réponses laisse entendre qu’il s’agit d’un fait accompli à moins de répondre spontanément par la négative.

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Exemple 8 : une autre question suggestive sur les priorités de l’UE, puisque les réponses évoquent des actions « réussies » pour l’élargissement et l’euro, plus difficile de s’y opposer. Entre 2 enquêtes, le mot « successful » a été retiré pour l’élargissement et le soutien à baisser de 6%, commenté par la Commission européenne comme un soutien « virtuellement identique », tandis que le succès pour l’euro est resté dans les 21 enquêtes suivantes.

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Options de réponse asymétriques, sans neutralité possible

Exemple 9 sur l’effet de l’appartenance à l’UE avec une question asymétrique : seuls les bénéfices sont mentionnés et l’option neutre n’est pas disponible, permettant souvent à la Commission de conclure : « une majorité croit encore que leur pays bénéficie de son appartenance à l’UE ».

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Exemple 10 sur les bénéfices de l’union monétaire : 2 des 3 options de réponses sont en faveur, et l’option neutre n’existe pas.

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Exemple 11 sur ce que l’UE signifie pour le répondant : 6 items sont positifs, tous parmi les premières réponses et 2 négatifs.

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Effets contextuels : l’enchainement des questions influence les réponses

Exemple 12 : la première question porte sur les résultats positifs de l’UE introduisant un effet contextuel potentiel sur les questions suivantes portant sur le futur de l’UE.

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Conclusion : que prouvent ces résultats ?

Toutes les violations (limitées compte tenu du volume des Eurobaromètres) orientent systématiquement les réponses dans une direction pro-européenne, ce qui laisse penser à une intention intégrationniste des concepteurs des Eurobaromètres, alors que ce n’est manifestement pas en biaisant les questions que l’opinion publique sera de nouveau favorable à la construction européenne.

Le plus grand service au projet européen des Eurobaromètres serait de ne pas brouiller les lignes entre recherche et propagande.

L’Europe des Médias : présentation de l’espace médiatique européen

Aujourd’hui, l’information européenne est en profonde mutation au point que le pluralisme de la presse européenne et l’urgence de conserver une représentation médiatique pour l’idée européenne ne semblent plus pour le moment menacés. Pourtant, l’espace public européen demeure embryonnaire et les médias vraiment européens sont peu nombreux. (Article paru initialement dans la Revue Tank)

Qu’est-ce que l’espace public européen ?

Le concept d’espace public européen possède en effet souvent le défaut d’échapper à ses auteurs. Existerait-il seulement à l’occasion de l’Eurovision et de la finale de la Ligue des champions, à défaut d’une meilleure maîtrise des langues européennes et d’une mobilité renforcée des Européens ? Mettons de côté l’intérêt académique du concept, limpide dans la réflexion d’Olivier Baisnée autour d’un espace public européen « orléaniste », au sens où il n’implique qu’une élite socialisée à, et intéressée par, les questions européennes, constituée au premier chef par les journalistes européens.

La réalité, c’est plutôt qu’entre un espace public vraiment transeuropéen encore en gestation et des espaces publics nationaux cloisonnés, les limites d’un espace public européen sont fortes. Du coup, les médias transeuropéens sont relativement faibles et l’Europe dispose d’une portion congrue dans les médias nationaux.

Qui s’intéresse à l’Europe ?

Dans les médias nationaux, que l’on juge qu’il s’agisse d’un problème d’offre (les médias nationaux et les politiques ne savent pas vendre l’UE) ou de demande (les citoyens ne s’intéressent pas à l’UE), le résultat est le même. Les médias octroient à l’UE l’importance que les citoyens et les politiques lui donnent, hormis éventuellement quelques médias anglo-saxons transnationaux monolingues (The Economist, The Financial Times Europe et The Wall Street Journal Europe), qui poursuivent une couverture élitiste de l’UE à travers un prisme national assumé correspondant à l’expansion culturelle ou idéologique d’un média à forte notoriété, lus dans plusieurs pays européens et qui forgent l’opinion auprès des milieux dirigeants. Pour les médias transeuropéens, la règle est somme toute assez cruelle : l’importance des publics est inversement proportionnelle au traitement de l’UE. Autrement dit, les médias transeuropéens de masse ne traitent quasiment pas de l’UE tandis que les médias couvrant les affaires européennes tentent une approche plus pluraliste du sujet mais s’adressent de facto à un public restreint, qu’il soit monolingues ou multilingues.

Au bout du compte, on distingue une dichotomie de plus en plus flagrante entre d’un côté, une presse ultra-spécialisée sur l’Europe, très difficile d’accès, au sens strict, par son coût et la difficulté que représente sa lecture pour le non-spécialiste, et de l’autre, une presse populaire nationalo-centrée, qui se désintéresse de plus en plus de ces questions et laisse le grand public largement dans l’ignorance de la chose européenne.

Un média paneuropéen est-il possible ?

Certes, il existe quelques médias audiovisuels transeuropéens. Mais force est de constater qu’ils ne parviennent pas à toucher le grand public, soit qu’ils s’agissent de médias à vocation européenne dont le cœur de métier n’est pas nécessairement de couvrir l’actualité institutionnelle européenne (chaînes de télévision Euronews, Arte ou Eurosports) soit qu’il s’agisse des agences de presse spécialisées (Agence Europe – Bulletin Quotidien Europe, Europolitique aujourd’hui disparue). En dépit de plusieurs tentatives, il n’existe donc pas vraiment, à ce jour, de média paneuropéen grand public. Pourquoi ?

  • difficultés du côté de la demande : absence de langue et de références culturelles communes au sein de l’UE alors que le traitement de l’information se réalise en fonction des préoccupations et des sujets d’intérêt du public.
  • conséquences du côté de la demande : financement exsangue, parce qu’il n’existe pas véritablement de marché publicitaire paneuropéen et parce qu’il est très difficile de mesurer les audiences européennes.
  • difficultés du côté de l’offre médiatique : faible européanisation des pratiques journalistiques, en raison de la pression du système journalistique national, y compris chez les correspondants de presse à Bruxelles.
  • conséquence du côté de l’offre : complexité de faire travailler au sein d’une même rédaction des journalistes en provenance de différents pays européens pour des raisons interculturelles.

Etat de l’offre

Pourtant, une presse écrite et en ligne spécialisée sur les questions européennes méconnue du grand public existe. Malgré un débat sur leur modèle économique ou leur équilibre dans la place accordée aux professionnels et aux amateurs de l’information, une vingtaine de médias européens dédiés aux affaires européennes coexistent.

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Face aux médias européens « historiques » (New Europe, European Voice aujourd’hui racheté par Politico Europe) assurant leurs revenus avec de la publicité et des abonnements à des éditions papier et offrant de la visibilité à des experts via des tribunes libres, de nouveaux acteurs « pure player web » plus ouverts au sponsoring et aux partenariats (Euractiv, EU Business, Contexte) sont apparus, eux-mêmes concurrencés par des médias reposant davantage sur la vidéo (Vieuws, EU Reporter) et proposant des services de média training et de production en complément de leur activité éditoriale.

Des projets financés par les acteurs publics (Eurotopics, Touteleurope), par des cabinets de conseil (The Parliament Magazine, Paris-Berlin) ou alors par des volontaires (VoxEurope), des amateurs (E!Sharp) ou des freelances (MyEurope) tentent de se faire également une place.

Nouveaux sujets, nouvelles opportunités ?

Par ailleurs, de nouvelles thématiques s’européanisent et trouvent des échos dans des médias inattendus, comme les euromythes dans la presse grand public britannique ou les blogs contestataires qui s’intéressent de près aux projets « bruxellois ». Là, l’Europe devient peu à peu un espace naturel et un centre d’intérêt même si un certain populisme se développe aussi.

Et de nouvelles pratiques se développent comme la professionnalisation de la prise en compte des attentes et besoins de leurs publics avec davantage de pédagogie et de comparaison pour les médias grand public ou d’analyse et de contexte pour les médias destinés aux professionnels des affaires publiques européennes. Une certaine éditocratisation politique du journalisme européen favorisant un traitement plus politique des affaires européennes vise davantage à « mener » le débat politique européen.

En somme, le paysage médiatique européen est beaucoup plus divers avec une plus grande segmentation des manières de pratiquer le métier entre correspondants à Bruxelles précarisés, spécialistes européens marginalisés et éditocrates européens installés. Le journalisme européen est en profonde transformation, tant avec l’arrivée de pure players dont Politico Europe, du data journalisme, d’une nouvelle euro-génération Erasmus multilingue et digital native, de médias décalés et satiriques, d’une alliance inédite baptisée : « Leading European Newspaper Alliance » (LENA) d’échange d’articles entre des journaux européens de référence, etc.