De l’importance du « design » dans les projets de participation en ligne de l’UE

La fabrique de la participation des publics en ligne est largement conditionnée par le « design », selon Romain Badouard qui analyse plusieurs plateformes européennes dans « La mise en technologie des projets politiques : Une approche « orientée design » de la participation en ligne »…

Pourquoi le design compte dans la fabrique numérique de la participation politique ?

Dans l’univers « physique », la loi prime, alors que sur internet, c’est l’architecture qui domine : « code is law ». Les principes d’affichage et de fonctionnement d’un site font que « les web designers qui créent des sites participatifs construisent des modèles de participation » qui :

  • « font agir », c’est-à-dire cadrent, orientent, configurent les actions que les internautes réalisent ;
  • « font interagir », c’est-à-dire  rendent possible et contraignent certaines formes de communication ;
  • « font advenir » des pratiques participatives, en suscitant certaines formes d’engagement que les internautes choisissent (ou refusent) d’adopter (ou de bricoler).

Comment les ressources entrent en jeu dans la construction d’un modèle de participation en ligne ?

Les arborescences des sites balisent des parcours de navigation, qui peuvent s’apparenter à des procédures comme par exemple les étapes : information, débat et vote.

Les applications permettent d’agir sur les contenus : production, modification,  personnalisation, filtrage ou évaluation, et d’interagir entre internautes : fil de discussion chronologique ou organisation ante-chronologique.

La publicisation des données relatives à l’identité et aux activités des internautes dessinent une identité à la fois déclarative, agissante et calculée qui constitue également des formes de cadrage et d’incitation à l’action et à l’échange.

Les modèles de participation incorporés dans les consultations en ligne de la Commission européenne

Les plateformes consultatives de la Commission européenne constituent un bon exemple de la manière dont le design de dispositifs participatifs peut conduire à une mise en pratique de modèles de participation différents.

Ces plateformes sont à la fois mobilisées en tant qu’instruments de gouvernance dans le cadre de « nouveaux » processus de prise de décision, et comme outils de communication mettant en scène une participation citoyenne pour endiguer le « déficit démocratique ».

Votre point de vue sur l’Europe : une participation instrumentale

Votre Point de vue sur l’Europe, la plateforme qui héberge les consultations permanentes de la Commission européenne depuis 2001 vise à la fois à ouvrir et à réglementer les procédures consultatives.

La plateforme met en œuvre une participation « instrumentale », le modèle véhiculé est celui de l’expertise (profane ou organisée) : il s’agit de mobiliser des connaissances dispersées au sein de la « société civile » européenne comme autant de ressources pour la décision. Ce modèle est porté par des applications qui ne permettent qu’une participation individuelle à la consultation, qui valorisent la compétence et la responsabilité des internautes (via un passage « obligé » par une phase d’information et le recours aux identités civiles des participants) et la non-contrainte de leurs réponses (quand ceux-ci les envoient directement par mail).

La Consultation européenne des citoyens : une participation transformative

La Consultation européenne des citoyens vise à formuler des propositions de politiques publiques en vue des élections européennes de juin 2009 via une approche délibérative, où les positions sont discutées afin de produire des accords entre participants.

La plateforme met en œuvre une participation « transformative » pour sensibiliser les participants à leur citoyenneté européenne par des activités de débat et de vote. Elle valorise un citoyen actif et polyvalent (via la multitude des applications permettant de produire et d’agir sur les contenus). Pour autant, il n’est pas attendu de lui une quelconque expertise : il s’agit davantage de mettre en avant la dimension socialisante de la participation citoyenne (notamment par la place centrale des profils), et par un système de vote de faire émerger des préoccupations.

Dans ce cas précis, l’activité de participation compte davantage que ses résultats : on montre un espace public européen en train de se construire. Dans le cas précédent à l’inverse, les résultats de la participation comptaient davantage que l’activité : il s’agissait d’obtenir des informations pertinentes dans le cadre de la construction de directives.

Au total, le modèle de participation inscrit dans le design compte mais aussi les interprétations de l’internaute, qui peut adopter le projet ou manipuler les applications pour réaliser d’autres actions.

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