Archives annuelles : 2011

Quels sont les « symboles » du budget communication de la Commission européenne en 2011 ?

La DG COMM à la Commission européenne vient de publier son programme de travail en matière de subventions et de marchés en communication pour 2011, représentant un total de 105 300 000 €. Comment apprécier les actions sinon en les comparant à l’exercice annuel précédent ?

Symbole n°1 : légère baisse des outils de communication en ligne

Alors que Viviane Reding, la Commissaire responsable de la communication confirmait dans sa réponse à la lettre ouverte des communicants web de la Commission européenne en mai dernier qu’« Internet doit être un élément essentiel de nos efforts pour communiquer », son premier budget sur une base annuelle complète est frappé par une baisse symbolique des moyens consacrés aux outils de communication en ligne :

  • moins 100 000 € pour le portail Europa ;
  • aucune indication sur des investissements dans les médias sociaux.

Symbole n°2 : franc recul des informations aux médias

Viviane Reding annonçait dans son plan d’actions en juin dernier un train de 14 mesures visant à renforcer la vocation servicielle de la DG Communication, en particulier avec de nouveaux outils pour les relations presse de la Commission.

Pourtant, le budget 2011 est marqué par la plus importante variation proportionnelle d’une année sur l’autre justement pour la ligne budgétaire « informations aux médias » : de 9,7 millions d’€ en 2010, les actions chutent à 4,8, en particulier dû à la couverture de l’actualité (TV et photo) : de 5,3 millions d’€ en 2010 à 2,4 en 2011.

Ultime symbole – pour le moins paradoxal sachant que Viviane Reding est une journaliste de profession – les séminaires de formation aux journalistes sont littéralement sacrifiés : de 1,7 millions d’€ 2010 à 0,5 en 2011.

Au regard des annonces de la Commissaire responsable de la communication – qu’il s’agisse de la réponse concernant le web ou le plan d’actions pour les relations presse – le budget des subventions et marchés en communication pour 2011 se trouve en relative contradiction.

Comparatif sur plusieurs années des actions en communication de la Commission européenne

La DG COMM à la Commission européenne vient de publier son programme de travail en matière de subvention et de marchés en communication pour 2011 (en anglais). Quels sont les principaux enseignements qui se dégagent sur ces dernières années ?

Principale évolution : une hausse continue et relativement soutenue sur quatre ans, mais une nette décélération sur la dernière année

Chaque année entre 2008 et 2011, le budget des subventions et marchés en communication n’a cessé de progresser, de 18% sur les 4 ans pour passer de 88 millions d’€ à 105. Néanmoins, la hausse entre 2010 et 2011 est infinitésimale puisqu’elle est inférieure à 1%. La communication ne serait-elle plus aussi prioritaire pour la Commission européenne ?

Principale tendance sur ces dernières années : les actions multimédias – le 1er poste budgétaire – progressent au détriment des actions de communication locales

Premier poste budgétaire représentant environ 30% des marchés et subventions de la DG COMM, les actions multimédias ont progressé de 40% en 4 ans pour atteindre 31 millions d’euros en 2011, dont :

  • Euronews : 11,6 millions d’€,
  • Euranet, le réseau radio : 6,3 millions d’€ (créé en 2008),
  • PressEurop : 3,1 millions d’€ (créé en 2010).

A contrario, les actions de communication locales menées par les Représentations de la Commission ne cessent de diminuer, passant de 11,4 millions d’€ en 2008 à 8,2 millions d’€ en 2011. Une baisse non compensée malgré la création d’Espaces publics européens en 2009 (1,4 millions d’€ en 2011), des « maisons de l’Europe » communes au Parlement européen et à la Commission européenne existant dans 13 capitales européennes, Paris exclue.

Principal succès de la stratégie de communication de la Commission européenne sur ces dernières années : la politique de partenariat

Initiée le 3 octobre 2007 avec le texte « Communiquer l’Europe en partenariat » – qui fera l’objet de la signature d’une déclaration politique entre les institutions européennes le 22 octobre 2008 – la politique de partenariat connaît un vif succès :

  • 3 partenariats conclus en 2007 : Allemagne, Hongrie et Slovénie (pays exerçant la présidence du Conseil de l’UE au 1er semestre 2008) ;
  • 5 partenariats complémentaires en 2008 : Autriche, Belgique, France, Italie et Portugal
  • 8 partenariats supplémentaires en 2009 : Espagne, Finlande, Grèce, Létonnie, Lituanie, Malte, Pologne et Suède ;
  • 2 nouveaux partenariats en 2010 : Estonie et Slovaquie ;
  • 18 partenariats au total avec un budget de 8,2 millions d’€ pour 2011 (850 000 euros pour la France).

Ainsi, l’analyse comparative des programmes annuels de travail de la DG COMM en matière de subventions et de marchés de communication (tableau synthétique) se révèle instructive, plus par ses évolutions, fruit de revirements stratégiques, que par ses constantes comme les budgets pour analyser l’opinion publique, exploiter les studios de radiodiffusion et de télévision ou animer le réseau des relais d’information Europe Direct.

Communiquer efficacement auprès des citoyens : l’exemple de la communication web de l’UE au Royaume-Uni

Réputé sensiblement plus eurosceptique que la plupart des autres États-membres, le Royaume-Uni se distingue en matière de communication par la modernité technique et l’efficacité affinitaire des actions web réalisées par l’UE…

“The EU: what is it for me?”: un portail d’information interactif sur ce que l’UE fait concrètement pour les citoyens du Royaume-Uni

Réalisé par la Représentation de la Commission au Royaume-Uni, le site “The EU and Me”, résolument conçu pour s’adresser directement aux citoyens se présente comme “a No-Nonsense Guide for UK Citizens to what the European Union Delivers”.

the-eu-and-me.org.uk

Conscient de l’état de l’opinion publique nationale plutôt défavorable à l’égard de l’UE, l’objectif n’est pas de plaquer une présentation théorique et inadaptée mais bien plutôt d’argumenter sur les bénéfices concrets apportés par l’UE :

Le Royaume-Uni, comme la plupart d’entre nous le savons, est un contributeur net au budget de l’UE. Par conséquent, il est compréhensible que les gens dans ce pays veulent en savoir plus sur la façon dont nous bénéficions de notre contribution collective.

Au travers d’une série de cartes interactives ainsi que des mini articles sur les “EU myths”, le site illustre avec un vocabulaire compréhensible les avancées acquises par l’UE dans la vie quotidienne, qu’il s’agisse de :

  • Se Déplacer dans toute l’Europe librement et en toute sécurité.
  • Donner aux consommateurs du Royaume-Uni une approche équitable.
  • Faire de notre alimentation et de notre environnement plus sûrs.
  • Lutter contre la criminalité et assurer la police aux frontières.

 

EU_myths

EU_myths2

EU_myths3Au total, le portail est agréable à consulter et particulièrement instructif en évacuant toute approche institutionnelle pour se consacrer sur 25 actions clées de l’UE.

“EuroAcademy”: un portail de documentation et de serious games sur l’UE à destination des élèves et des professeurs

Réalisé par le Bureau du Parlement européen au Royaume-Uni, le site “EuroAcademy” : euroacademyonline.eu, dédié aux élèves (de 11 à 16 ans) et à leurs professeurs, met en ligne deux serious game pour faciliter l’apprentissage de l’éducation civique européenne.

euroacademy

Annoncés par des vidéos bandes-annonces particulièrement crédibles autour de scénario de crise en Europe, 2 serious games sont disponibles :

  • Crisis Point : un jeu basé sur un scénario fictif dans lequel les étudiants doivent travailler en tant que citoyens, députés européens et commissaires européens pour sauver l’Europe d’une pandémie.
  • Duty Calls : un jeu dans lequel vous jouez le rôle d’un député européen, et vous avez une semaine pour tenter de sauver l’Europe d’une pandémie.

Les atouts clés de ces “scenario-based teaching tool” :

  • enseigne la citoyenneté et de l’UE avec un moyen amusant et intéressant,
  • enseigne sur comment fonctionnement le Parlement européen et la Commission européenne,
  • est un bon outil pour encourager l’apprentissage actif et multi-disciplinaire,
  • utilise des formats multimédia (jeu de rôle, vidéo et fonctions interactives).

Avec ces 2 exemples, la communication web de l’UE dans le Royaume-Uni démontre qu’il est possible de mener une communication offensive sur l’UE : “exciting, relevant and fun”.

Initiative citoyenne européenne et démocratie Internet : comment éviter l’échec ?

Le pouvoir conféré aux citoyens par l’initiative citoyenne introduite dans le traité de Lisbonne aurait pû permettre à l’UE de s’inscrire dans les promesses de la démocratie Internet. Le texte du compromis finalement adopté par les institutions européennes échoue à saisir la nouveauté démocratique d’Internet…

Comment s’auto-organisent les mobilisations collectives sur Internet selon Dominique Cardon ?

Selon Dominique Cardon, auteur de « La démocratie Internet. Promesses et limites » lors de son intervention à la conférence « médias sociaux et démocratie » organisé par le Social Media Club France, Internet permet à la société civile de s’auto-organiser.

Des mobilisations collectives en ligne autour des savoirs (Wikipedia), des valeurs universelles (militantisme international) ou des convictions politiques (activisme militant) peuvent alors s’auto-organiser suivant les règles suivantes :

  • le périmètre du collectif est flou avec des niveaux d’engagement à géométrie variable ;
  • il n’y a pas de représentation explicite du collectif, il n’y a que des membres du collectif sans porte-paroles désignés ;
  • on ne vote pas sur Internet, sinon pour qualifier la force des arguments, mais les décisions sont arbitrées par consensus, souvent imposé par les plus actifs.

Comment s’organisent les initiatives citoyennes suivant le compromis entre les institutions européennes ?

Dans le texte adopté par le Parlement européen le 15 décembre 2010, les procédures et conditions requises pour l’initiative citoyenne sont points par points opposées à la logique des mobilisations collectives sur Internet :

  • le périmètre des citoyens – au-delà du million de signatures requis par le traité de Lisbonne – est très précisément défini puisqu’il doit être issu d’au moins un quart des États membres avec un nombre minimal de signataires requis dans chaque État membre.
  • la représentation est également très encadrée avec un « comité des citoyens » qui doit désigner des représentants qui assureront la liaison avec les institutions de l’Union tout au long de la procédure.
  • on ne débat pas de l’initiative citoyenne, puisque seuls compteront les « formulaires de déclaration de soutien » dûment remplis par les citoyens et dans un délai n’excédant pas douze mois.

In fine, « la Commission européenne présente l’action qu’elle compte entreprendre, le cas échéant, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre cette action ». Autrement dit, ce que les citoyens européens auront porté à l’attention de la Commission européenne peut être écarté d’un revers de main.

Comment les initiatives citoyennes européennes pourraient contribuer à un espace public européen avec Internet ?

Pour Stanislas Magniant sur Netpolitique, l’initiative citoyenne européenne pourrait néanmoins constituer une bonne nouvelle, par un usage adapté d’Internet :

  • « l’initiative citoyenne européenne pourrait avoir des effets secondaires positifs pour la constitution d’un espace public européen, mettant intelligemment à profit les outils et les atouts d’Internet pour faciliter la rencontre d’opinions de différents États-membres et la création d’interactions transnationales largement inexistantes » ;
  • « les médias contribueront à éclairer les opinions nationales sur les sujets européens ainsi « hissés » à l’agenda » ;
  • « l’opportunité de répondre par Internet pourrait ouvrir un dialogue, sans doute l’aspect le plus prometteur pour la constitution de cet embryon d’espace public européen ».

Ainsi, malgré l’autisme du texte final sur les initiatives citoyennes européennes aux « vertus démocratiques de l’Internet », selon Dominique Cardon ; ces consultations populaires pourraient néanmoins contribuer à combler – bien imparfaitement – le déficit démocratique entre l’UE et ses citoyens.

Comment la Commission européenne et le Conseil de l’UE communiquent auprès des médias ?

Les actions de communication auprès des médias de la Commission européenne et du Conseil de l’UE illustrent parfaitement leur rôle institutionnel dans l’Union…

Le service du Porte-Parole de la Commission européenne : une approche proactive et promotionnelle auprès de la sphère médiatique bruxelloise

Selon le chercheur Spanier dans  “Trying to Square the Circle – The Challenges of Being an EU Commission Spokesperson” (2010) :

  • les relations avec les médias  sont exclusivement orientées vers une sphère d’experts transnationaux composée par les correspondants de presse basés à Bruxelles et la presse spécialisée sur l’UE ;
  • les relations avec les médias sont largement destinées à promouvoir les intérêts de l’Union européenne en tant que telle ;
  • les relations avec les médias sont couramment menées de manière proactive et promotionnelle.

Ainsi, dans ses relations avec la presse, la Commission dispose de marges de manœuvre assez importantes, qui correspond au rôle de proposition et de décision de la Commission dans le système institutionnel de l’UE.

Le service presse du Conseil de l’UE : une approche réactive et informationnelle auprès des journalistes politiques des médias nationaux

Selon les chercheurs Bo Laursen et Chiara Valentini dans “Communicating the EU to the media: the delicate role of press officers at the Council of the European Union” (2010), les objectifs des relations avec les médias du Conseil de l’UE sont fortement contraintes :

  • dépendance des autres DG pour obtenir des informations détaillées,
  • discipline vis-à-vis des orientations générales du Secrétariat du Conseil pour la conduite des relations médias : « en guise de règle générale, les attachés de presse ne sont autorisés qu’à fournir uniquement des informations  de contexte (background information) »  ;
  • surveillance générale des Etats-membres notamment les plus euro-sceptiques  et particulière du pays exerçant la « présidence » souvent en concurrence auprès des médias.

Le dilemme des relations avec les médias du Conseil de l’UE réside dans les tensions entre la mission d’information sur les décisions prises par le Conseil de l’UE et les attentes des journalistes sur les négociations entre Etats-membres :

  • d’une part les attachés de presse sont censés expliquer ce qui se passe dans la salle de réunion du Conseil,
  • mais d’autre part les attachés de presse ne sont pas autorisés en principe à révéler les positions nationales alors que les journalistes veulent des informations pour évaluer les performances de leur ministre pour leur public national.

Ainsi, contrairement aux porte-paroles de la Commission européenne, les attachés de presse du Conseil de l’UE ne peuvent pas être cités par les médias, ils ne parlent que « off the record  » dans un registre non promotionnel et davantage en réponse aux questions des journalistes.

Entre l’approche proactive des relations presse la Commission européenne et l’approche réactive des relations presse du Conseil de l’UE, il ne reste plus qu’une étude approfondie des retombées presse pour évaluer l’efficacité relative de ces 2 approches de relation avec les médias.