Initiative citoyenne européenne et démocratie Internet : comment éviter l’échec ?

Le pouvoir conféré aux citoyens par l’initiative citoyenne introduite dans le traité de Lisbonne aurait pû permettre à l’UE de s’inscrire dans les promesses de la démocratie Internet. Le texte du compromis finalement adopté par les institutions européennes échoue à saisir la nouveauté démocratique d’Internet…

Comment s’auto-organisent les mobilisations collectives sur Internet selon Dominique Cardon ?

Selon Dominique Cardon, auteur de « La démocratie Internet. Promesses et limites » lors de son intervention à la conférence « médias sociaux et démocratie » organisé par le Social Media Club France, Internet permet à la société civile de s’auto-organiser.

Des mobilisations collectives en ligne autour des savoirs (Wikipedia), des valeurs universelles (militantisme international) ou des convictions politiques (activisme militant) peuvent alors s’auto-organiser suivant les règles suivantes :

  • le périmètre du collectif est flou avec des niveaux d’engagement à géométrie variable ;
  • il n’y a pas de représentation explicite du collectif, il n’y a que des membres du collectif sans porte-paroles désignés ;
  • on ne vote pas sur Internet, sinon pour qualifier la force des arguments, mais les décisions sont arbitrées par consensus, souvent imposé par les plus actifs.

Comment s’organisent les initiatives citoyennes suivant le compromis entre les institutions européennes ?

Dans le texte adopté par le Parlement européen le 15 décembre 2010, les procédures et conditions requises pour l’initiative citoyenne sont points par points opposées à la logique des mobilisations collectives sur Internet :

  • le périmètre des citoyens – au-delà du million de signatures requis par le traité de Lisbonne – est très précisément défini puisqu’il doit être issu d’au moins un quart des États membres avec un nombre minimal de signataires requis dans chaque État membre.
  • la représentation est également très encadrée avec un « comité des citoyens » qui doit désigner des représentants qui assureront la liaison avec les institutions de l’Union tout au long de la procédure.
  • on ne débat pas de l’initiative citoyenne, puisque seuls compteront les « formulaires de déclaration de soutien » dûment remplis par les citoyens et dans un délai n’excédant pas douze mois.

In fine, « la Commission européenne présente l’action qu’elle compte entreprendre, le cas échéant, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre cette action ». Autrement dit, ce que les citoyens européens auront porté à l’attention de la Commission européenne peut être écarté d’un revers de main.

Comment les initiatives citoyennes européennes pourraient contribuer à un espace public européen avec Internet ?

Pour Stanislas Magniant sur Netpolitique, l’initiative citoyenne européenne pourrait néanmoins constituer une bonne nouvelle, par un usage adapté d’Internet :

  • « l’initiative citoyenne européenne pourrait avoir des effets secondaires positifs pour la constitution d’un espace public européen, mettant intelligemment à profit les outils et les atouts d’Internet pour faciliter la rencontre d’opinions de différents États-membres et la création d’interactions transnationales largement inexistantes » ;
  • « les médias contribueront à éclairer les opinions nationales sur les sujets européens ainsi « hissés » à l’agenda » ;
  • « l’opportunité de répondre par Internet pourrait ouvrir un dialogue, sans doute l’aspect le plus prometteur pour la constitution de cet embryon d’espace public européen ».

Ainsi, malgré l’autisme du texte final sur les initiatives citoyennes européennes aux « vertus démocratiques de l’Internet », selon Dominique Cardon ; ces consultations populaires pourraient néanmoins contribuer à combler – bien imparfaitement – le déficit démocratique entre l’UE et ses citoyens.

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