Archives mensuelles : septembre 2011

Décryptage de la communication des « semaines européennes » organisées par l’UE

Depuis le début des années 2000, des « semaines européennes » ont été lancées au point que quasiment toutes les semaines, il y en a d’organiser tantôt par l’UE, tantôt par d’autres acteurs, avec des résultats plus ou moins probants. Comment s’organise la communication autour des principales semaines européennes de l’UE ?

Tentative de typologie des « semaines européennes » de l’UE

Invariablement structurées autour d’un enjeu de politique publique européenne (l’énergie durable, la réduction des déchets, l’environnement, les PME, les régions et les villes, la jeunesse ou la mobilité), les semaines européennes de l’UE se présentent comme de vastes actions de communication comportant les ingrédients suivants :

  • un thème annuel ;
  • un programme de manifestations organisés à Bruxelles en présence des pouvoirs publics européens, nationaux, régionaux et locaux (conférences, ateliers, expositions…) ;
  • une labellisation d’événements décentralisés dans les pays européens organisés par des partenaires ;
  • un concours et une promotion en ligne éventuels.

Deux catégories se dégagent des 7 semaines européennes de l’UE étudiées :

Panorama complet de la communication des semaines européennes organisées par l’UE

D’une part, les semaines européennes se présentent comme des opérations de fédération d’un segment de la société civile (associations, fédérations, ONG…) afin d’inciter au débat et à l’échanges d’expériences autour d’un événement central à Bruxelles.

Sous cette catégorie, peuvent être classées :

  • la « semaine verte européenne » incite depuis 2000 à l’échange d’expériences en matière d’environnement avec 4 jours de conférences à Bruxelles soit plus de 4 000 participants (associations et ONG, pouvoirs publics) ;
  • la « semaine européenne des régions et des villes » organisée depuis 2003 par les principales institutions de l’UE qui fédère les élus en vue d’échanger les bonnes pratiques en matière de développement régional ;
  • la « semaine européenne de l’énergie durable » eusew.eu organisée depuis 2005 pour promouvoir l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables auprès des fédérations professionnelles et des entreprises ;
  • la « semaine européenne des PME » organisée depuis 2009, par la DG Entreprises et industrie afin de promouvoir l’esprit d’entreprise auprès des organisations professionnelles.

D’autre part, les semaines européennes s’organisent comme des campagnes de sensibilisation d’un public large de citoyens afin d’inciter au changement des comportements et aux bonnes pratiques autour d’événements décentralisés.

Sous cette catégorie, peuvent être classées :

  • la « semaine européenne de la jeunesse » organisée depuis 2003 par la DG Education et culture afin de promouvoir les efforts entrepris au niveau européen en faveur des jeunes : environ 500 manifestations dans 33 pays européens et une distinction : la « Capitale européenne de la jeunesse » – youthweek.eu ;
  • la « semaine européenne de la réduction des déchets » organisée depuis 2009 par le Programme LIFE+ afin de sensibiliser un large public sur la réduction des déchets : plus de 4 300 actions sont organisées dans 22 pays européens.

A mi-chemin entre les 2 catégories, la « semaine européenne de la mobilité » – fondée par Margot Wallström en 2002 – vise à la fois à fédérer la société civile organisée avec des événements à Bruxelles mais également à sensibiliser un large public à l’utilisation des transports publics et alternatifs : plus de 2 200 villes dans 42 pays partout dans le monde participent ainsi en 2011 à la « journée sans voiture » – mobilityweek.eu.

Ainsi, entre opérations pour mobiliser et fédérer une cible plutôt professionnelle et campagnes de sensibilisation d’un large public, le format des semaines européennes est promis à un bel avenir.

Quelles sont les futures campagnes de communication de l’UE ?

Alors qu’un important appel d’offres est actuellement mené par la Direction Générale à la communication de la Commission européenne portant sur un accord-cadre de prestataires en matière de campagnes d’information et de communication, d’une durée de quatre ans et estimé à 80 M€, d’autres campagnes seront prochainement annoncées..

Campagne de communication pour les 50 ans de la PAC

La Politique agricole commune fêtera ses 50 ans en 2012. Aussi, la Commission européenne « souhaite accorder la priorité aux actions à grand impact, à caractère créatif, et destinées non seulement au monde rural, mais à la société dans son ensemble », selon l’appel d’offre.

Afin de sensibiliser davantage le grand public au cinquantième anniversaire de la PAC, un budget total de 3,2 M€ est prévu pour mener des actions d’information telles que : production et distribution de matériel multimédia ou audiovisuel à caractère innovant, campagnes publiques d’affichage, événements médiatiques, conférences ou séminaires…

Depuis l’an 2000, presque 25 M€ ont été octroyés à plus de 480 projets.

Campagne de promotion de l’Europe, comme première destination touristique au monde

Afin de rehausser le profil de l’Europe comme une destination touristique mondiale, l’objectif principal de cet appel d’offres est de développer et mettre en œuvre une stratégie de communication pour promouvoir l’image de l’Europe comme une collection de destinations touristiques durables, diverses et de haute qualité.

Les cibles définies sont « les nouvelles sources potentielles du marché des destinations européennes », à savoir les classes moyennes des “BRIC”: Brésil, Russie, Inde et Chine, ainsi que l’Argentine et le Chili.

Campagne d’information sur la sécurité des jouets dans l’UE

Spécifiquement destinée aux PME directement impliqués sur le marché de la fabrication et la distribution des jouets, une campagne d’information est programmée pour « mieux faire comprendre et appliquer les nouvelles exigences en matière de sécurité des jouets ».

Campagne d’information sur l’Union européenne en Islande

Dans le cadre de la procédure de pré adhésion de l’Islande à l’UE, une campagne de communication est envisagée en vue d’améliorer la connaissance et la compréhension de l’Union européenne, en Islande.

L’objectif de la campagne, selon l’appel d’offre, consiste à faciliter le débat et informer la société islandaise sur l’UE, afin de contribuer ainsi à donner aux citoyens informés les moyens de se forger leurs propres conclusions.

Le plan de communication pluriannuel comprend des actions sur le web et les médias sociaux, la gestion d’événements, des relations avec les médias, ainsi que la mise en place et la gestion d’un centre d’information de l’UE.

Quelles sont les clés du succès de ces futures campagnes de communication ?

Les clés du succès résident d’une part, dans la définition d’une « bonne stratégie » et d’autre part, dans la réalisation d’une « bonne création » :

D’une part, une « bonne stratégie », qu’est-ce que cela signifie ?

  • Fonder la pertinence et la performance à partir de la stratégie de marque ;
  • Déployer le capital émotionnel de la marque ;
  • Poser la problématique de communication, fonder un parti stratégique qui réponde aux objectifs et aux cibles.
  • Formuler le concept créatif et l’exprimer à travers tous les supports de la communication.

D’autre part, une « bonne création », comment attirer l’attention et créer l’empathie et la mémorisation ?

  • Certains vont privilégier l’émotion au risque souvent d’être retranscrit sur un ton nostalgique.
  • D’autres vont chercher à choquer au risque de brutaliser avec excès le public.
  • Selon Gabriel Szapiro, les clefs de la réussite d’une campagne de communication reposent sur les « 4 valeurs du paradoxe » : l’humour, l’intrigue, l’inattendu et la séduction.

Patience, dans les prochains mois, nous découvrirons ces futures campagnes de communication européenne…

Quelles sont les stratégies de communication web des eurodéputés ?

Après les enquêtes via questionnaires, réalisées par :

Pour la 1e fois, une analyse exhaustive des usages web des eurodéputés est réalisée par Darren G. Lilleker et Karolina Koc Michalska dans « MEPs online: Understanding communication strategies for remote representatives »…

Audiences potentielles et dispositifs web correspondants : les 4 stratégies en ligne des euro-parlementaires pour atteindre leurs objectifs

L’éloignement (politiquement de leurs parlements et partis nationaux et géographiquement de leurs électeurs) ainsi que la multiplicité de leurs audiences font que les eurodéputés conjuguent plusieurs stratégies d’interconnexion pour tenter d’attirer des publics spécifiques (électeurs, journalistes, militants, partisans…) :

Audience « civique » des internautes-électeurs à la recherche d’informations basiques pour se forger une intention de vote :

  • profil du député européen : informations sur la carrière politique, la famille, les hobbies et l’éducation ;
  • section sur le travail régional ou national de l’élu ;
  • section avec des vidéos et une galerie photos ;
  • section spéciale « interventions médias » : articles de journaux, émissions de TV, podcasts ;
  • FAQ ;
  • possibilité d’imprimer le site.

Audience « journalistique » des internautes à la recherche d’information pour un usage professionnel :

  • section spéciale pour les médias : agenda de l’élu, déplacements et discours, communiqués ;
  • section sur le travail de l’élu au Parlement européen ;
  • fonctionnalités : RSS ; Contact (e-mail, téléphone), Traduction multilingue, Téléchargements ;
  • Lien vers profil Twitter.

Audience « thématique » des internautes mobilisés/engagés pour une cause ou un enjeu spécial et souhaitant s’investir dans une campagne thématique :

  • blog additionnel avec possibilité de laisser des commentaires ;
  • section avec des numéros spéciaux (autres que le travail du PE) ;
  • les liens vers des ONG, vers des pages du portail web Europa.

Audience « partisane » des internautes-militants politiques voulant exercer un rôle de soutien actif :

  • Online chat, online web camera ou forum ;
  • fonctionnalités : partage et envoi de contenu (texte, photos et vidéos) du site vers d’autres plateformes (Flickr, Youtube…) ;
  • profil sur n’importe quel réseau social site et possibilité de commenter sur Facebook ;
  • possibilité de s’inscrire sur le site, de visite à Bruxelles, de devenir bénévole et de faire des dons d’argent en ligne.

Principaux enseignements de l’analyse des 440 dispositifs web des eurodéputés

1. « L’ère du site web brochure est finie » : les sites des eurodéputés présentent une large gamme de web 1.0 et web 2.0 afin d’offrir des expériences attrayantes et interactives pour les visiteurs. Certains s’engagent même dans une utilisation stratégique des environnements en ligne, ce qui permet un engagement plus fort avec des journalistes, des militants et des sympathisants sur des questions précises.

2. « L’hybridation des sites web se développe » : cette gamme de fonctionnalités produit un équilibre complexe entre l’information et les possibilités d’interaction, avec plusieurs niveaux d’engagements possibles.

3. « L’enchâssement entre réseaux sociaux et sites web est acquis » : 46% fournissent des liens vers au moins un profil de réseau social. Sur les 201 utilisant les réseaux sociaux, 198 sont sur Facebook qui apparaît comme l’espace où les députés européens construisent des profils et des communautés interactives avec un large éventail de personnes. Parallèlement l’usage de Twitter, YouTube et Flickr se généralise.

4. Le clivage idéologique : les euro-députés de gauche, issus de partis minoritaires et engagés sur des enjeux tels que l’environnement vont davantage tenter de s’engager avec des « demandeurs d’information », comme des journalistes, des blogueurs politiques ou des partisans en ligne.

5. Le fossé générationnel : les jeunes euro-députés ainsi que ceux qui représentent les nouveaux membres de l’UE sont les plus proactifs et novateurs.

La question, posée par les auteurs, est de savoir si la nouvelle génération de parlementaires européens montre la voie en encourageant un mode plus interactif de communication politique ?

Publication en demi-teinte de la stratégie de communication de l’UE dans les médias sociaux

Aujourd’hui, la Commission européenne publie enfin sa stratégie de communication dans les médias sociaux. Une démarche longtemps attendue – une charte de communication dans les médias sociaux  était annoncée depuis le début de l’année – plutôt décevante…

La communication de l’UE dans les médias sociaux : une approche encore centrée sur l’institution et ses priorités

Certes, la Commission européenne admet que « les médias sociaux sont utilisés pour partager des opinions et des informations, favoriser la discussion, et bâtir des relations (…) ces plates-formes (sont utilisées) pour se mettre en relation avec les citoyens ». La Commission semble ainsi reconnaître qu’il s’agit d’un type de média où l’audience s’acquiert davantage qu’elle ne s’achète, comme avec les canaux de communication plus traditionnels.

Mais, les utilisations que la Commission envisage pour sa communication dans les médias sociaux demeure centrée sur ses préoccupations :

1er usage des médias sociaux : communiquer sur les priorités politiques

Pour cet usage top-down – très « old-fashioned » – il est explicitement indiqué que « le but de ce type de communication est de relayer les annonces officielles, communiqués de presse et déclarations de façon uniforme et cohérente ». Pas ou peu de place pour le dialogue avec les citoyens.

D’ailleurs, cette communication « officielle » sera faite par un réseau de personnel mandaté, i.e. « Réseau Médias Sociaux » (et visiblement identifié en ligne) dans les DG et les représentations, qui travaillera en étroite collaboration avec le service du Porte-parole.

La communication de l’UE dans les médias sociaux : une confiance mesurée dans les équipes communication au sein de la Commission européenne

Au-delà des agents mandatés, d’autres DG, service ou organisme « en étroite coordination avec la DG Communication et en coopérant avec le Réseau Médias Sociaux » peuvent utiliser les médias sociaux pour relayer leurs actions de communication.

2e usage des médias sociaux : réaliser des campagnes de communication

Envisager comme un support complémentaire aux moyens de communication déjà disponibles, les médias sociaux doivent permettre de :

  • informer les citoyens,
  • promouvoir des politiques ou des campagnes,
  • partager des expériences,
  • s’engager avec les parties prenantes.

Deux objectifs – le partage et l’engagement – sont clairement adaptés aux médias sociaux. Encore faudra-t-il que des entités internes à la Commission européenne osent se lancer. En effet, il est précisé que « toute décision de s’engager sur les médias sociaux doit être précédée d’un « contrôle d’aptitude  », pour savoir si l’action envisagée est « adaptée à l’usage ». Peu d’innovation est à prévoir avec ce verrouillage à priori.

La communication de l’UE dans les médias sociaux : une absence de transparence choquante concernant les « directives pour l’ensemble du personnel sur les médias sociaux »

Les « directives pour l’ensemble du personnel sur les médias sociaux » auraient représenté l’indication la plus intéressante de l’ouverture de la Commission européenne aux médias sociaux, qui demeurent des lieux d’interactions interpersonnelles. Pourtant, contrairement aux usages, la Commission ne publie pas ce document, exclusivement réservé à une diffusion interne.

Cette absence de transparence est d’autant plus choquante qu’un site comme « Social Media Governance » publie à ce jour plus de 179 chartes et autres guidelines d’institutions publiques ou d’organisations privées.

3e usage :  Les médias sociaux utilisés par du personnel en leur capacité personnelle

La participation dans les médias sociaux des fonctionnaires de la Commission est soumise au « Statut du personnel », au « Code de bonne conduite administrative » et donc aux « Directives pour l’ensemble du personnel sur les médias sociaux » non publiées.

Ainsi, la publication de la stratégie de communication de l’UE dans les médias sociaux est en demi-teinte :

  • d’une part, l’officialisation des prises de parole de l’institution dans le web social est un progrès ;
  • d’autre part, la non publication des directives pour le personnel sur les médias sociaux est une véritable régression.