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Billets sur les enjeux de la communication numérique européenne

L’UE s’ambitionne « Continent de l’IA » mais se réalise en îlot de bonnes intentions dans l’océan technologique mondial face aux USA et à la Chine ?

Bruxelles nous invite à rêver : l’Europe deviendrait le « Continent de l’IA », une ambition parée des vertus de l’éthique, du respect des droits et de notre précieux humanisme. Le plan d’action de l’UE décline infrastructures (les fameuses « AI Factories » et « Gigafactories »), données (« une Union des données »), régulation des algorithmes, recrutement des talents et, bien sûr, révision de l’AI Act. Un édifice intellectuellement séduisant. Mais osons poser des questions qui fâchent. Cette vision, quoiqu’ambitieuse sur le papier, est-elle réellement calibrée pour la compétition féroce et quasi-existentielle qui se joue ? Sommes-nous en train de bâtir un leader mondial, ou de nous draper dans une supériorité morale pendant que d’autres définissent de facto l’avenir technologique ? Tout effort de communication, bien qu’indispensable pour faire la pédagogie, ne risque-t-elle pas de n’être qu’un murmure face au vacarme des investissements et des déploiements américains et chinois ?

L’ambition concrètement, entre réalité chiffrée et illusion d’échelle ?

Regardons les chiffres annoncés : 10 milliards d’euros (public/privé) pour le supercalcul et les AI Factories jusqu’en 2027, un objectif de mobilisation de 200 milliards via InvestAI. Impressionnant ? Peut-être à l’échelle européenne. Mais est-ce seulement comparable aux centaines de milliards injectés par les fonds de capital-risque américains dans une poignée de géants de la tech, ou aux investissements massifs et dirigés par l’État chinois pour intégrer l’IA à toutes les strates de son économie et de sa société ? Quand une seule entreprise américaine, Nvidia, pèse plus en bourse que l’ensemble du CAC 40, pouvons-nous sérieusement parler de jouer dans la même cour avec nos budgets actuels, même mobilisés ? Ne sommes-nous pas en train de financer des laboratoires là où d’autres construisent des empires ?

Le temps institutionnel de l’UE face à la vitesse quantique de l’IA aux USA et en Chine

Le plan mentionne l’urgence, la nécessité d’agir vite (« Swift policy action is of highest priority »). Pourtant, les échéances clés semblent s’étirer : fin 2025, début 2026 pour des appels ou des législations structurantes, une application complète de l’AI Act s’étalant jusqu’en… 2027. Pendant ce temps, chaque trimestre voit émerger de nouveaux modèles fondamentaux aux États-Unis, potentiellement disruptifs, tandis que la Chine déploie l’IA à une échelle et une vitesse qui défient l’entendement européen. Ne sommes-nous pas condamnés à réguler hier les technologies que d’autres inventent aujourd’hui et déploieront demain ? Notre sens de la mesure et du processus démocratique, si précieux soit-il, est-il compatible avec la temporalité brutale de cette révolution ?

La primauté réglementaire : un bouclier protecteur ou un frein à main ?

L’AI Act est présenté comme notre avantage compétitif : la confiance, l’éthique. Mais cette primauté accordée à la règle avant l’innovation massive n’est-elle pas un pari risqué ? Alors que les États-Unis misent sur une innovation largement débridée (quitte à en gérer les conséquences a posteriori) et que la Chine optimise pour l’efficacité et le contrôle, ne risquons-nous pas de créer l’écosystème d’IA le plus éthique… mais le moins pertinent économiquement et géopolitiquement ? L’intention de faciliter la conformité pour les PME est louable, mais suffit-elle à compenser la complexité inhérente et le signal envoyé au marché : « innovez, mais faîtes attention » ?

Le déficit narratif : peut-on « communiquer » avec succès un géant aux pieds d’argile ?

Au-delà des budgets et des agendas, il y a le récit. Le plan d’action est un document technique, pas une épopée mobilisatrice. Où est la vision vibrante qui peut inspirer nos chercheurs, attirer les meilleurs talents mondiaux face aux sirènes de la Silicon Valley, convaincre nos PME d’adopter l’IA avec audace, et rassurer un public européen légitimement perplexe ? Est-il même possible pour une structure aussi complexe et consensuelle que l’UE de produire un récit aussi puissant et direct que celui des GAFA ?

Le « Continent de l’IA » risque fort de rester un slogan technocratique si nous n’investissons pas massivement, non pas dans la « communication » au sens traditionnel, mais dans la construction culturelle et politique d’une ambition partagée.

Il s’agit de dépasser l’illusion que l’adhésion à un projet aussi transformateur que l’intelligence artificielle à l’échelle européenne puisse être obtenue par des techniques de communication classiques – campagnes d’information, relations publiques, vulgarisation technique. Ces approches sont nécessaires mais radicalement insuffisantes face à l’ampleur du défi.

Pourquoi la communication traditionnelle ne suffirait pas à transformer l’UE en « continent de l’IA » ?

  1. Les limites d’une communication descendante : L’IA n’est pas un produit de consommation ordinaire ou une simple politique sectorielle. Elle touche aux fondements de nos sociétés : travail, vie privée, démocratie, identité, éthique. Tenter de « vendre » une vision pré-définie par les institutions, aussi bien intentionnée soit-elle, se heurte inévitablement à un mélange d’incompréhension, d’anxiété légitime et de scepticisme. La communication traditionnelle informe, mais elle ne crée pas intrinsèquement l’appropriation ni la confiance profonde requises ici. Elle peine à répondre au besoin fondamental de sens et de contrôle des citoyens face à une technologie perçue comme complexe et potentiellement déstabilisante.
  2. Le besoin d’une « acculturation » à l’IA : Parler d’une construction culturelle, c’est reconnaître que l’IA doit devenir un sujet de société largement débattu, compris (même sans expertise technique) et intégré dans notre paysage mental collectif. Cela implique :
    • Une éducation massive : Aller bien au-delà des spécialistes et intégrer une compréhension critique et pratique de l’IA à tous les niveaux du système éducatif, de l’école primaire à la formation continue des adultes.
    • Une dialogue public structuré : Créer des espaces permanents et accessibles (forums citoyens, débats locaux et nationaux, plateformes en ligne dédiées) où les enjeux éthiques, sociaux et économiques de l’IA sont discutés ouvertement, sans jargon, et où les préoccupations peuvent être exprimées et entendues.
    • Un soutien à la création et à la médiation : Encourager les artistes, les écrivains, les cinéastes, les journalistes à s’emparer du sujet de l’IA, à explorer ses potentialités et ses ambiguïtés, contribuant ainsi à forger un imaginaire collectif européen autour de cette technologie. Soutenir les musées, les centres de science pour rendre l’IA tangible et compréhensible.
    • Une visibilité des bénéfices tangibles : Mettre en lumière non seulement les plans, mais surtout les réalisations concrètes et les histoires humaines qui montrent comment l’IA « made in Europe » améliorera la santé, l’environnement, le travail, la culture – ancrer la vision dans le réel vécu.
  3. L’indispensable ancrage politique : La construction politique va au-delà des déclarations de la Commission ou des votes au Parlement européen. Elle nécessite :
    • Un Consensus transpartisan et transnational : Faire de l’IA européenne une priorité partagée qui dépasse les clivages politiques habituels et les intérêts nationaux. Cela demande un engagement fort et constant des chefs d’État et de gouvernement, des parlements nationaux.
    • Une co-construction de la vision : Impliquer activement les citoyens, les partenaires sociaux, la société civile dans la définition même des priorités et des garde-fous de l’IA européenne. Le projet ne doit pas être perçu comme imposé par « Bruxelles », mais comme émanant d’une volonté collective.
    • L’IA comme élément structurant du projet européen : Intégrer explicitement la vision d’une IA européenne souveraine et éthique au cœur du narratif politique global de l’Union, au même titre que la paix, la démocratie ou le marché unique. Ce n’est pas juste un dossier technique, c’est une dimension essentielle de l’avenir de l’Europe.

Investir dans une construction européenne culturelle et politique, c’est reconnaître que la légitimité et le succès du « Continent de l’IA » ne se décrètent ni depuis des bureaux ministériels ni dans des laboratoires de recherche. C’est un mouvement de société qui se construit patiemment dans les esprits, les cœurs et les débats démocratiques de millions d’Européens. Sans cet investissement massif dans le « logiciel » humain, culturel et politique, le « matériel » – les supercalculateurs, les data centers, les algorithmes – risque de tourner à vide, faute d’une appropriation collective et d’une direction politique claire et partagée. Le slogan restera lettre morte s’il ne devient pas une ambition vécue et portée par la société européenne dans son ensemble.

Quelle audace raisonnable entre puissance et marché pour l’Europe de l’IA ?

L’heure n’est plus aux demi-mesures ou aux satisfecits sur nos intentions vertueuses. L’Europe veut-elle être un acteur de premier plan dans la définition de l’avenir technologique mondial, avec les risques et les investissements colossaux que cela implique ? Ou se contente-t-elle d’être le régulateur bienveillant d’innovations conçues ailleurs, un « marché » plutôt qu’une « puissance » ?

La véritable audace ne réside pas seulement dans l’écriture de plans ambitieux, mais dans la lucidité de nos diagnostics, la rapidité de nos actions, l’échelle de nos investissements et, surtout, dans notre capacité à forger et à porter un récit qui transcende la technique pour toucher à l’imaginaire collectif. Sans un sursaut radical sur tous ces fronts, le « Continent de l’IA » risque de n’être qu’une note de bas de page dans l’histoire que d’autres sont en train d’écrire. Avons-nous encore le temps et la volonté politique de changer la donne ? La question reste douloureusement ouverte.

Élections européennes 2024 : quels impacts de l’IA générative dans les campagnes électorales ?

Selon un rapport de la Fondation Kofi Annan et de Democracy Reporting International, l’IA générative (GenAI) s’est immiscée dans les campagnes électorales. Bien que le déluge prédit de désinformation pilotée par l’IA ne se soit pas entièrement matérialisé, le rapport offre des conclusions sans ambiguïté : la GenAI n’est plus une menace hypothétique, mais un outil tangible activement exploré dans la sphère politique, principalement sous la forme d’images synthétiques, souvent déployée par des acteurs politiques populistes pour amplifier des récits préexistants. Le potentiel de manipulation sophistiquée est indéniable, même si son impact à grande échelle lors de ce cycle électoral aura été limité. Ce n’est pas le moment de l’alarmisme, mais de la prospective et de l’adaptation…

Principales conclusions sur la GenAI lors des élections européennes de 2024

Les préoccupations concernant l’utilisation abusive généralisée de l’IA générative étaient fortes mais aucune utilisation significative et généralisée n’a été observée. Cependant, la GenAI facilement identifiable a été le plus fréquemment utilisée en France, les partis politiques d’extrême droite en France, en Allemagne et en Italie s’avérant être les utilisateurs les plus constants, principalement pour la création d’images synthétiques non étiquetées promouvant des thèmes nationalistes, anti-islamiques et conservateurs. Les plateformes ont eu du mal à détecter et à étiqueter le contenu GenAI, malgré les cadres réglementaires tels que le DSA et les engagements volontaires pris par les plateformes. Les études sur la perception du public ont mis en évidence une faible confiance du public dans l’identification du contenu GenAI, soulignant le besoin urgent d’initiatives d’éducation aux médias. Malgré l’impact limité lors de ces élections, le rapport souligne que la GenAI est un facteur croissant dans le paysage de l’information, nécessitant des stratégies proactives pour atténuer les risques potentiels pour les processus démocratiques.

Transparence et détection sont primordiales, mais pas des panacées

Le rapport souligne les difficultés à détecter le contenu GenAI, même pour les plateformes équipées de technologies avancées. Bien que le règlement sur les services numériques de l’UE et l’AI Act soient des étapes essentielles pour établir un cadre réglementaire, se fier uniquement à la détection et à l’étiquetage est insuffisant.

Il faut développer des outils de détection robustes et évolutifs, tout en reconnaissant leurs limites inhérentes. La transparence, en particulier de la part des acteurs politiques, reste une pierre angulaire de l’intégrité démocratique. Le manquement constant à étiqueter le contenu GenAI, comme observé dans le rapport, est une tendance préoccupante qui exige une plus grande responsabilité et le respect de normes à sanctionner.

La culture médiatique est le fondement de la résilience, mais pas seule

Les conclusions du rapport sur la perception du public sont préoccupantes. La faible confiance du public dans l’identification du contenu GenAI, associée à une connaissance limitée de la technologie elle-même, crée une vulnérabilité que les acteurs malveillants peuvent exploiter. Investir dans des initiatives globales de culture médiatique n’est pas simplement une mesure réactive, mais une stratégie proactive pour autonomiser les citoyens.

Ces initiatives doivent aller au-delà de la simple vérification des faits pour englober les compétences en pensée critique, la vérification des sources et une compréhension de l’écosystème de l’information numérique en évolution. Le « pré-bunking« , mis en évidence dans le rapport, offre une voie prometteuse pour renforcer la résilience cognitive face à la désinformation.

La confiance dans les médias et les institutions est la monnaie ultime mais fragile

Le rapport souligne à juste titre que l’impact de la désinformation pilotée par la GenAI est intrinsèquement lié au niveau de confiance dans les institutions démocratiques et les médias. Dans une ère de paysages d’information fragmentés et d’érosion de la confiance, nos communications stratégiques doivent donner la priorité à la reconstruction et au renforcement de ces fondations.

Cela nécessite un engagement envers l’exactitude factuelle, des pratiques de communication transparentes et un dévouement manifeste à servir l’intérêt public. En renforçant la crédibilité des sources d’information établies et en favorisant un dialogue constructif, nous pouvons créer un environnement moins susceptible d’être manipulé, quels que soient les outils technologiques employés.

Facteurs de risque de la GenAI pour faire basculer une élection ?

Quant aux inquiétudes sur la désinformation et la manipulation de l’opinion publique, pour le professeur Thorsten Quandt, la GenAI aura un impact, mais ne sera pas forcément un « bouleversement » majeur. La confiance dans la démocratie, le système politique et le journalisme traditionnel reste déterminante pour la vulnérabilité d’une société. C’est pourquoi les acteurs populistes cherchent à saper la confiance dans les médias. Le « pré-bunking » s’avère plus efficace que le « débunking » pour renforcer la culture médiatique. La généralisation de la GenAI sur les réseaux sociaux pourrait paradoxalement renforcer la confiance envers les sources d’information fiables. La vulnérabilité à la désinformation est étroitement liée à la structure des systèmes médiatiques. La polarisation idéologique et les liens étroits entre les systèmes politiques et médiatiques augmentent également la susceptibilité à la désinformation. Ainsi, l’impact de la GenAI sur les élections dépendra largement du contexte médiatique et politique dans lequel elle est diffusée.

Focus sur des incidents en France, en Allemagne et en Italie

En France, des comptes TikTok se faisant passer pour des proches fictifs de Marine Le Pen et Marion Maréchal ont utilisé la GenAI avec la génération de fakes en « face-swapping » pour promouvoir des sentiments nationalistes, gagnant des centaines de milliers de vues (plus de 30 000 abonnés et jusqu’à 400 000 likes par vidéo) avant d’être supprimés. Amandine Le Pen, Léna Maréchal, des deepfakes qui entrent en campagne en se sont présentant comme des influenceuses nièces de Marine Le Pen, Amandine Le Pen et Léna Maréchal. De plus, le Rassemblement National et Reconquête ont largement utilisé des images GenAI non étiquetées dans leurs campagnes, se concentrant sur des thèmes nationalistes et anti-immigration. Des acteurs étrangers sont également intervenus, avec une vidéo GenAI de faible qualité imitant un journaliste de France24 pour affirmer faussement que le président Macron avait annulé une visite à Kiev en raison d’un complot d’assassinat, diffusée par des médias pro-russes.

En Allemagne, l’Alternative für Deutschland (AfD) a principalement utilisé la GenAI sur Facebook, déployant des images pour alimenter des sentiments anti-migrants et la nostalgie d’une Allemagne ethniquement homogène. Des branches régionales de l’AfD ont partagé des images de jeunes inexistants approuvant le parti et des contenus provocateurs comme une image de « fête allemande du barbecue » partagée pendant le Ramadan, dont aucune n’était étiquetée comme générée par l’IA.

En Italie, Matteo Salvini et son parti, la Lega, ont été identifiés comme des utilisateurs importants de la GenAI, déployant au moins 19 publications dans le cadre de leur campagne « Più Italia, Meno Europa » (Plus d’Italie, Moins d’Europe). Ces images, diffusées sur Facebook, X et Instagram, ont promu des opinions nationalistes et eurosceptiques, utilisant parfois des images controversées pour critiquer la gestation pour autrui et d’autres fois évoquant des sentiments anti-islamiques. Ni la Lega, ni les plateformes n’ont étiqueté ce contenu GenAI.

Perspectives pour une approche collaborative et adaptative

L’avenir de la communication électorale à l’ère de la GenAI exige une approche multidimensionnelle, collaborative et adaptative visant à :

  • Renforcer les cadres réglementaires : Mettre en œuvre vigoureusement les DSA et AI Act et évaluer en permanence son efficacité pour relever les défis évolutifs de la GenAI.
  • Favoriser l’innovation de détection et de vérification : Soutenir la recherche et le développement de technologies de détection et de vérification de l’IA, tout en reconnaissant le jeu du chat et de la souris en cours avec les acteurs malveillants.
  • Investir dans la culture médiatique : Développer et déployer des programmes complets de culture médiatique dans toutes les catégories démographiques, en mettant l’accent sur la pensée critique et la résilience numérique.
  • Promouvoir des pratiques éthiques en matière d’IA : Encourager l’auto-régulation et l’adoption de lignes directrices éthiques par les acteurs politiques, les entreprises technologiques et les développeurs d’IA.
  • Construire une collaboration intersectorielle : Faciliter le dialogue et la coopération entre les décideurs politiques, les plateformes, les organisations médiatiques, la société civile et le monde universitaire afin d’élaborer des stratégies coordonnées.

Les élections européennes de 2024 peuvent servir de signal que la GenAI n’est pas une menace à éradiquer, mais une technologie transformatrice qui remodèle le paysage de l’information. Notre défi, et notre opportunité, résident dans l’exploitation de son potentiel tout en atténuant ses risques en embrassant un engagement de toutes les parties-prenantes envers les valeurs démocratiques afin de franchir la frontière générative en garantissant que les communications lors des campagnes électorales restent dignes de confiance dans les années à venir.

Panorama du marché de l’information européenne : dépasser la bulle bruxelloise des médias européens vers l’agora européenne

Au-delà des bourdonnements familiers à la « bulle bruxelloise », l’écosystème médiatique européen, carrefour complexe d’ambitions politiques, d’enjeux économiques et de mutations technologiques oscille entre le marché des informations pointues pour des publics de décideurs, de diplomates, d’experts et de lobbyistes et l’impératif démocratique d’informer des citoyens européens. Comment rendre l’information européenne accessible au citoyen lambda, souvent éloigné des arcanes communautaires et pourtant directement impacté par les décisions prises à Bruxelles ?

Problématiques de l’information européenne

Dans un contexte de défiance croissante envers les médias traditionnels, exacerbée par la montée en puissance du « journalisme citoyen » non professionnel parfois instrumentalisé sur les réseaux sociaux – à l’image des dérives observées sur la plateforme X d’Elon Musk –, la crédibilité et la légitimité de l’information européenne sont plus que jamais en jeu.

Parallèlement, la question du modèle économique des médias européens se pose avec acuité. Entre la dépendance à la publicité, la recherche d’abonnements professionnels, la diversification vers l’événementiel ou les services spécialisés, et la difficile conquête d’un public plus large sur les plateformes, les acteurs médiatiques sont confrontés à une équation complexe. Comment assurer la viabilité économique d’une information européenne de qualité, indépendante et multilingue, tout en relevant le défi de la désinformation et en s’adaptant aux nouvelles pratiques de consommation médiatique des jeunes générations, massivement présentes sur les réseaux sociaux ?

Enfin, la question de la diversité – linguistique, culturelle, mais aussi sociale et professionnelle au sein des rédactions – apparaît comme un enjeu crucial pour garantir la pertinence et la crédibilité de l’information européenne auprès de publics pluriels. Un paysage médiatique trop homogène, trop centré sur une perspective unique, risque de renforcer le sentiment de déconnexion entre Bruxelles et les citoyens. Comment esquisser des pistes pour un avenir où l’information européenne ne soit plus confinée à une « bulle », mais irrigue une véritable « agora » citoyenne, éclairée, engagée et diverse ?

Le pouvoir des médias dans la « bulle bruxelloise » et ses limites : des chambres d’écho ?

Politico Europe, Euractiv ou dans une moindre mesure EUobserver incarnent la force d’une couverture spécialisée et approfondie des affaires européennes, comme les rubriques spécialisées de médias comme le Financial Times, Bloomberg ou The Economist, souvent en anglais, s’adressant à un public professionnel.

Cependant, cette force est aussi une limite, notamment en termes de modèle économique. Ces médias, souvent financés par des abonnements professionnels (comme pour Politico Europe et Contexte en France), de la publicité ciblée, l’organisation d’événements et la vente de données dépendent fortement de ce public restreint.

Ces « médias de la bulle » peinent souvent à trouver un écho auprès d’un plus grand public européen, risquant de créer une chambre d’écho, déconnectée des préoccupations et des réalités des citoyens à travers le continent. La dépendance à un public professionnel restreint peut fragiliser ces modèles économiques à long terme.

L’essor des modèles hybrides et des newsletters : une voie vers une plus large portée ?

Le paysage médiatique européen est dominé par le modèle des pure players numériques, ces médias de niche comme The Parliament Magazine, EU Reporter, Voxeurop, B2-Bruxelles2 (défense), Eunews ou Investigate Europe qui tirent parti des plateformes en ligne pour une diffusion plus large tout en conservant des éléments des médias traditionnels, démontrant l’agilité et l’accessibilité de l’information en ligne. Le modèle économique de ces acteurs numériques repose souvent sur un mix de publicité en ligne, d’abonnements, de financements de projets européens et, pour certains, de dons en particulier pour les acteurs non-lucratifs. Ce virage numérique offre un immense potentiel pour s’affranchir des limitations géographiques et atteindre des publics plus diversifiés.

Les newsletters deviennent des outils de plus en plus puissants pour une communication ciblée, offrant un contenu personnalisé directement aux personnes intéressées. De la newsletter de Politico Europe « Brussels Playbook » l’exemple parfait visant à définir l’agenda quotidien du monde politique européen à d’autres newsletters indépendantes comme La Matinale Européenne (FR and IT) avec David Carretta & Christian Spillmann ou The Parliament, The European Correspondent ou The Battleground.

Les newsletters répondent à des intérêts de niche et établissent des relations directes avec les lecteurs. Cependant, la monétisation des newsletters reste un défi, oscillant entre modèles gratuits financés par la publicité ou le sponsoring, et modèles payants par abonnement, souvent plus viables à long terme mais limitant la portée.

Le potentiel du storytelling audio avec les podcasts

Si le format texte reste dominant, l’essor plus récent des podcasts est indéniable pour offrir des formats engageants et conversationnels pour explorer en profondeur les affaires européennes. Outre les plus anciens déjà bien installés comme EU Confidential par Politico Europe, EU Scream de James Kanter, Euronews héberge 9 podcasts en 3 langues, dont Radio Schuman et Euractiv développe Today in the EU et France 24 L’Europe dans tous ses Etats. Du côté de projets plus récents, sans exhaustivité, EU Bubble Insider de Krzysztof Bulski, Long Story Short d’Evi Kiorri, The Europeans avec Katy Lee & Dominic Kraemer, Eurointelligence avec Wolfgang Munchau et Trait d’Union d’Audrey Vuertaz.

C’est un domaine crucial pour développer des formats accessibles et engageants pour un public plus large, en particulier les jeunes générations. Ils offrent des opportunités de storytelling créatif, humanisant des questions européennes complexes et favorisant une connexion émotionnelle. L’enjeu est de trouver des modèles de monétisation adaptés, qui peuvent être plus coûteux à produire que du texte, mais potentiellement plus attractifs pour les annonceurs et les abonnés.

Le défi persistant du plurilinguisme : la traduction ou la localisation ?

Outre le manque de médias non anglophones dans la couverture de l’actualité des institutions européennes, puisque l’anglais est la lingua franca de la bulle bruxelloise, se pose la question de l’ouverture à d’autres univers linguistiques. Le modèle économique des médias multilingues est intrinsèquement plus complexe et coûteux.

Faut-il envisager des logiques de traductions pour proposer une plateforme multilingue, nécessitant des ressources pour la traduction, l’adaptation et la gestion de différentes versions linguistiques sans commune mesure avec l’autre option ? Voxeurop parvient à traduire ses contenus dans plusieurs langues tandis que la revue de presse d’Eurotopics est disponible en plusieurs langues pour mettre en lumière des points de vue divers à travers l’Europe.

S’agit-il de développer des rédactions localisées principalement dans les capitales européennes pour adapter la production de l’information à une échelle nationale en intégrant les biais culturels et les traits spécifiques nationaux, sur le modèle de Politico à Paris (déjà 27 journalistes), Berlin et Londres ; ou de Contexte, média d’origine française très présent à Bruxelles ?

L’avenir de l’information européenne doit embrasser le multilinguisme non pas comme un fardeau, mais comme un atout afin de puiser dans la richesse des cultures et des perspectives européennes, de favoriser un dialogue authentique et de garantir que l’information de l’UE soit accessible à tous les citoyens dans leur propre langue. Des partenariats et des modèles économiques innovants seront nécessaires pour soutenir le développement de médias européens véritablement multilingues et viables.

Au-delà de la diffusion de l’information : favoriser l’engagement citoyen et le dialogue

L’information ne consiste plus seulement à diffuser des messages ; il s’agit de créer des espaces d’interaction, de participation et de co-création. Pour toucher les nouvelles générations, il est impératif d’investir les réseaux sociaux et d’adapter les formats et les narrations. Une partie de l’avenir réside dans l’autonomisation des citoyens : de consommateurs à participants actifs en explorant des approches innovantes :

  • Formats live interactifs : développer des formats s’appuyant sur l’IA pour permettre aux citoyens de discuter en direct des questions européennes, de partager leurs points de vue et de dialoguer avec des avatars de journalistes ou décideurs européens.
  • Gamification et expériences immersives : utiliser des formats innovants pour rendre l’information de l’UE plus engageante et accessible, en particulier pour les jeunes publics, en tirant parti des codes et des plateformes qu’ils utilisent.
  • Sensibilisation à la culture médiatique : doter les citoyens des compétences de pensée critique nécessaires pour naviguer dans le paysage informationnel complexe et distinguer les sources crédibles de la désinformation.

Assurer la diversité des journalistes, reflet de la diversité des audiences

Un enjeu crucial pour la crédibilité et la pertinence des médias européens est de garantir la diversité au sein des rédactions. Des journalistes issus de différents horizons culturels, sociaux, géographiques et linguistiques apporteront des perspectives plus riches et nuancées, permettant de mieux refléter la diversité des audiences européennes. 

Cette diversité est essentielle pour éviter l’écueil d’une information européenne perçue comme déconnectée des réalités vécues par les citoyens. Elle permet également de mieux comprendre et traiter les enjeux européens sous différents angles, en évitant une vision trop homogène ou biaisée. Les médias européens doivent activement promouvoir la diversité dans leurs recrutements et leurs pratiques journalistiques.

Rendre l’information européenne accessible et attractive

Politico Europe a réussi à rendre l’information européenne plus attractive et exclusive pour les décideurs en créant un lien entre le monde politique et la sphère économique. Leur recette : un ton incisif et direct, une couverture axée sur le pouvoir et les politiques, un format professionnel et engageant et une forte présence numérique.

L’enjeu est de s’inspirer de cette approche pour rendre l’information européenne plus accessible et pertinente pour un public plus large, avec une information accessible et attractive capitalisant sur les codes et les formats adaptés, en vulgarisant le jargon européen, et en montrant l’impact concret des politiques européennes sur la vie quotidienne des citoyens. Le défi est de trouver le juste équilibre entre information de qualité et accessibilité, sans sacrifier la rigueur et la profondeur de l’analyse.

Une vision pour une agora européenne véritablement inclusive

L’avenir de l’information européenne ne consiste pas seulement à s’adapter aux nouvelles technologies ou aux formats innovants. Il s’agit de dépasser une approche descendante et centrée sur Bruxelles et de construire une véritable agora européenne – un espace dynamique et inclusif où :

  • Des voix diverses sont entendues et valorisées : dépasser la domination de l’anglais et adopter le multilinguisme comme principe fondamental.
  • L’information est accessible et engageante : tirer parti des plateformes numériques, des formats audiovisuels et du storytelling innovant pour atteindre un public plus large.
  • Le dialogue et la participation sont encouragés : créer des espaces permettant aux citoyens de s’engager sur les questions européennes, de partager leurs points de vue et de contribuer au projet européen.
  • Le journalisme de qualité et indépendant est soutenu : reconnaître le rôle crucial d’un écosystème médiatique dynamique et diversifié pour garantir la transparence, la responsabilité et un débat public éclairé.
  • La diversité des journalistes est promue : assurer que les rédactions reflètent la diversité des sociétés européennes pour une information plus pertinente et crédible.
  • Des modèles économiques viables et diversifiés soutiennent cette information européenne de qualité et accessible à tous.

Pour concrétiser cette vision, il faut des volontaires inspirés et inspirant pour expérimenter et libérer le potentiel d’une véritable agora européenne cette espace vibrant de dialogue, de compréhension et d’un avenir partagé entre nous.

La « défense psychologique », nouvelle arme technologique de lutte contre les manipulations de l’information

La possibilité imminente d’une seconde présidence quasi-impériale de Trump combiné au techno-populisme d’Elon Musk, sans oublier l’escalade des tactiques de guerre de l’information employées par des pays comme la Chine, l’Iran et la Russie, nécessite une stratégie holistique de « défense technologique » pour l’Union européenne. S’appuyant sur l’analyse de David Colon, enseignant et chercheur en histoire à Sciences Po, dans « La « défense psychologique » face aux manipulations de l’information », publiée dans la Revue Défense Nationale, à quoi cela pourrait-il correspondre ?

Le modèle suédois de la défense proactive et psychologique

La création d’une Agence suédoise de défense psychologique sert de modèle. Elle est chargée de protéger « la société ouverte et démocratique, et la libre formation d’opinions en identifiant, analysant et répondant aux influences inappropriées et autres informations trompeuses dirigées contre la Suède ou les intérêts suédois ».

Son objectif est « d’identifier, d’analyser et de répondre aux influences inappropriées et autres informations trompeuses » et souligne la nécessité d’une approche préventive, mettant l’accent sur la pensée critique et l’éducation aux médias.

Ses tâches comprennent la sensibilisation à la menace informationnelle, le développement de méthodes et de technologies permettant d’identifier et de contrer les ingérences informationnelles, la formation des journalistes et des institutions, ainsi que le financement de recherches liées à la défense psychologique.

Cette position proactive est essentielle pour construire une « immunité » sociétale aux campagnes de désinformation. La conception suédoise de la défense psychologique repose sur la résilience, l’analyse de la menace, la dissuasion et la communication stratégique.

Les nouvelles armes psychologiques de lutte contre les manipulations de l’information

Dans son papier, David Colon mentionne les travaux de Jon Roozenbeek et Sander van der Linden qui proposent un état des lieux des interventions visant à lutter à l’échelle individuelle et sociétale contre la désinformation.

D’abord des mesures destinées à renforcer les capacités des citoyens à résister à la désinformation :

  • Boosting, l’éducation aux médias et à l’information, le renforcement de l’esprit critique
  • Prebunking, la réfutation par anticipation une technique préventive de lutte contre la manipulation de l’information consistant à créer des « anticorps mentaux » en aidant le public à identifier et à réfuter par anticipation des récits faux et trompeurs de façon à l’immuniser contre les effets de campagnes de désinformation

Ensuite les nudges, ces incitations indirectes intégrées au design des pages Web et destinées à inciter les gens à se détourner de la désinformation en apportant des changements à l’architecture de leurs choix sur les médias sociaux et de dispositifs d’étiquetage des contenus (content labelling).

Enfin Debunking et Fact-Checking, dont l’efficacité est bien établie empiriquement.

Les nouvelles perspectives avec l’IA générative pour mettre en place rapidement et à grande échelle des mesures de « défense psychologique »

David Colon souligne le potentiel de l’IA pour étendre ces efforts. Il cite des exemples de chercheurs ayant testé avec succès à l’été 2024 le Prebunking assisté par IA générative de pré-démystification assistée par l’IA qui ont réussi à réduire la croyance en la désinformation liée aux élections et à accroître la confiance des électeurs. Les dialogues alimentés par l’IA se sont également avérés efficaces pour réduire les croyances en matière de complot. L’IA générative a été mise à profit pour identifier dans de vastes données comportementales d’utilisateurs de X-Twitter les facteurs psychologiques associés aux croyances dans les théories du complot.

En substance, se préparer au second mandat de Trump et à la guerre de l’information en cours nécessite que l’UE adopte une stratégie globale de « défense technologique » impliquant non seulement de renforcer les capacités de réflexion critique des citoyens, mais aussi de tirer parti des technologies de pointe comme l’IA pour contrer de manière préventive la désinformation, identifier les vulnérabilités et renforcer la résilience de la société, avec l’engagement des pouvoirs publics, des élus, de la communauté scientifique, des médias et de tous ceux qui veulent défendre la liberté cognitive, qui nous permettra de nous immuniser.

La révolution de l’influence : comment l’Europe peut reprendre le leadership pour une nouvelle stratégie d’engagement citoyen ?

À l’ère des réseaux sociaux, où les créateurs de contenu redéfinissent les règles du jeu médiatique, l’Union européenne doit réinventer sa stratégie de communication dans un environnement volatil, incertain, complexe et ambigu où le succès des influenceurs doit inspirer l’UE et offrir une opportunité de leadership auprès des citoyens européens. Face à la montée des défis sociétaux et géopolitiques, l’UE doit s’approprier les nouveaux codes de l’influence numérique pour renforcer son impact et son rayonnement.

Les fondamentaux de l’influence numérique appliqués à l’UE

L’influence à l’ère digitale repose sur des principes fondamentaux identifiés par Robert Cialdini, qui prennent une résonance particulière dans le contexte européen :

  • La réciprocité : l’UE doit créer une dynamique d’échange avec ses citoyens, en valorisant leur participation et en démontrant concrètement l’impact de leurs contributions sur les politiques européennes.
  • La cohérence : maintenir une ligne directrice claire dans les communications tout en adaptant le message aux différentes audiences et contextes culturels des États membres.
  • La preuve sociale : mettre en avant les succès collectifs et l’adhésion des citoyens aux projets européens, notamment via des témoignages et des cas concrets.
  • L’autorité : affirmer l’expertise de l’UE sur les sujets clés tout en restant accessible et pédagogue dans sa communication.
  • La sympathie : développer une connexion émotionnelle avec les citoyens en humanisant l’institution et en mettant en avant des histoires personnelles.
  • La rareté : souligner le caractère unique du projet européen et l’opportunité historique qu’il représente.

La Fenêtre d’Overton, une opportunité tactique pour l’UE

Le concept de la fenêtre d’Overton offre un cadre précieux pour introduire progressivement des idées novatrices dans le débat public. L’UE peut utiliser cette approche pour faire évoluer des sujets complexes, tels que la transition écologique ou la souveraineté numérique, du statut de radical à celui de norme acceptée. En engageant un dialogue continu avec les citoyens et en intégrant leurs préoccupations, l’UE peut faciliter l’acceptation de politiques ambitieuses.

Le concept de la fenêtre d’Overton offre un cadre stratégique précieux pour l’UE dans sa gestion des transitions majeures. Prenons l’exemple de la transition écologique :

  1. Impensable : Les mesures radicales de transformation économique semblaient initialement utopiques.
  2. Radical : L’introduction du Green Deal européen a d’abord été perçue comme excessive.
  3. Acceptable : Les études scientifiques et la sensibilisation ont progressivement légitimé ces mesures.
  4. Raisonnable : L’intégration des objectifs climatiques dans toutes les politiques devient une évidence.
  5. Populaire : L’adhésion citoyenne aux initiatives vertes se généralise.
  6. Politique : L’adoption de législations climatiques ambitieuses devient la norme.

Construire un mouvement d’influence paneuropéen

À l’ère numérique, la capacité à créer et animer des communautés en ligne est cruciale pour déployer les différentes séquences de l’ouverture de la fenêtre d’Overton. L’UE doit mieux exploiter les algorithmes des réseaux sociaux pour diffuser rapidement ses messages et fédérer des partisans autour de ses initiatives. En cultivant des chambres d’écho positives, elle peut amplifier l’engagement citoyen et transformer des idées marginales en mouvements influents. Cela nécessite une stratégie de contenu agile, capable de s’adapter aux tendances émergentes et de répondre aux attentes des différents publics.

Dans l’écosystème numérique actuel, l’UE doit exploiter trois leviers majeurs :

  1. La propagation algorithmique : Optimiser la diffusion des messages sur les réseaux sociaux en comprenant et utilisant les mécanismes de viralité.
  2. La création de communautés : Fédérer des groupes engagés autour des valeurs européennes et faciliter les interactions entre citoyens de différents États membres.
  3. L’animation de « chambres d’écho » positives : Cultiver des espaces de dialogue constructif tout en évitant les dérives de la polarisation.

Recommandations stratégiques pour un leadership numérique efficace

  1. Orchestrer une influence multi-niveaux : créer une task force Influence digitale coordonnant les institutions européennes, les États membres et les relais locaux, en parallèle ou complément du réseau des Community Managers de l’UE plus ou moins déjà structurés en vue de développer une stratégie de « micro-influenceurs européens » en identifiant et formant des citoyens engagés dans chaque région, y compris afin de réagir rapidement aux désinformations sur l’UE
  2. Maîtriser les nouveaux formats d’influence : lancer des formations à l’influence digitale européenne formant les communicants institutionnels aux codes de l’influence, des opportunités de collaborations sur la base de guidelines partagées ; voire créer un laboratoire d’innovation narrative expérimentant de nouvelles façons de raconter l’Europe avec des influenceurs partenaires.
  3. Exploiter la puissance des données pour l’influence : développer un observatoire européen des conversations digitales pour anticiper les mouvements d’opinion afin de mettre en place un système d’alerte précoce sur les sujets sensibles grâce à l’analyse prédictive.
  4. Construire des coalitions d’influence digitale : fédérer des réseaux d’influenceurs pro-européens dans des domaines stratégiques (climat, tech, culture…), idéalement rassemblés autour d’une plateforme collaborative développée par l’UE pour ces créateurs de contenu européens afin de déployer des campagnes d’influence transnationales sur les grands enjeux européens et potentiellement à l’échelle locale.
  5. Activer les leviers émotionnels de l’engagement : concevoir des récits européens inspirants adaptés aux différentes générations en utilisant le storytelling transmedia pour créer des expériences immersives autour des valeurs européennes et des formats participatifs permettant aux citoyens de devenir co-créateurs du récit européen.

Adopter l’influence digitale représente une transformation, l’UE pourrait non seulement renforcer sa légitimité mais aussi façonner activement l’avenir de la démocratie européenne à l’ère numérique.