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Comment les médias tentent d’informer sur l’Europe ?

Dans « L’Union européenne et les médias – Regards croisés sur l’information européenne » paru en 2003 aux éditions L’Harmattan, Guillaume Garcia et Virginie Le Torrec rassemblent des analyses sur l’information européenne, dont Arnaud Mercier réalise une synthèse dans « Questions de communication » en 2005…

L’Europe, une actualité invendable

Olivier Baisnée souligne à quel point l’information sur l’Union européenne reste une actualité « invendable » :

  • l’actualité communautaire « réputée austère, technique et réservée aux spécialistes » « présente le gros handicap de ne pas se prêter à des images spectaculaires » ;
  • le traitement réservé à l’Europe se révèle essentiellement un traitement institutionnel, lors de grands événements, comme les Sommets européens.

L’Europe, une information polarisée sur quelques domaines

Guillaume Garcia et Virginie Le Torrec pointent « la forte polarisation de l’information européenne sur quelques domaines de politique publique » :

  • attention sélective selon une logique indexée sur des déterminants nationaux (ex : les pays agricoles accordent une place non négligeable aux questions paysannes européennes) ;
  • nationalisation des débats européens en fonction du possible écho que les journalistes perçoivent avec les préoccupations propres à chaque pays.

L’Europe, un sujet rarement de premier plan dans la presse écrite

Nicolas Hubé analyse la place réservée à l’UE dans la presse française et allemande :

  • la presse française couvre essentiellement – voire exclusivement – les enjeux de politiques publiques, c’est-à-dire les décisions, surtout si elles ont un impact en France ;
  • la presse allemande couvre également, sur le modèle de ce qui se fait pour la politique fédérale, les jeux politiciens, les débats internes et les querelles, donnant ainsi plus de chair à la vie politique communautaire.

Toutefois, « l’Union européenne n’est un sujet politique de premier plan ni dans la presse allemande, ni dans la presse française » ; sa présence en titre principal ou en deuxième titre n’excédant que rarement les 5 % des « unes ».

L’européanisation paradoxale de la consommation de médias

Éric Darras souligne combien la diffusion de biens d’information en Europe ne relève pas d’une véritable européanisation des consommations, ou alors d’une européanisation paradoxale, puisque les produits les plus fédérateurs sont les produits américains, ce qui justifie le titre : « Une internationalisation paradoxale des publics – En quête d’Europe ».

Le piège de l’information européenne officielle

Dominique Marchetti et Olivier Baisnée décryptent la chaîne d’information en continu « Euronews » :

  • difficulté à échapper au piège « naturellement » tendu d’être une chaîne porte-parole des institutions communautaires, relayant en priorité l’information européenne officielle ;
  • difficulté à « bricoler » un « point de vue européen forcément flou ».

L’européanité introuvable de l’actualité européenne

Érik Neveu étudie l’échec de la courte existence d’un hebdomadaire d’information spécialisé et militant « L’Européen » (seulement 21 numéros publiés en 1998) :

  • difficulté à trouver un public, sur la base d’un point de vue qui défend en fin de compte « une introuvable européanité » ;
  • difficulté à combler l’écart entre les enjeux réels pour la vie politique et quotidienne de ce qui se décide à l’échelon européen et les représentations mentales du public.

Ainsi, la place que les médias tentent de trouver à l’Europe – tant via un espace réservé aux questions européennes dans les médias nationaux qu’à une européanisation de l’information destinée à un public européen – se révèle problématique.

La révolution démocratique de l’UE se fera-t-elle par les médias sociaux ?

À l’occasion de la « Social Media Week » à Paris, une conférence est organisée jeudi 10 février à l’institut Goethe pour disputer, selon le programme : « si les médias sociaux jouent-ils un rôle dans le rapprochement de l’Europe et des Européens et permettent-ils de combler la « fracture démocratique » ? »…

« Les médias sociaux aggravent autant qu’ils comblent la crise de la démocratie représentative. »

Dommage, la conférence n’a pas permis de trancher entre les 2 visions du rôle des médias sociaux dans la crise démocratique :

Ni vision angélique de médias sociaux qui sauveraient la représentation politique par la participation citoyenne, même si ceux-ci incontestablement bousculent les attentes et les pratiques des élus et des citoyens ;

Ni vision diabolique de médias sociaux qui détruiraient le pouvoir des élus par la mobilisation civique, même si ceux-ci indubitablement renversent les habitudes des élus et des citoyens (quoique cette vision soit effectivement angélique lorsqu’il s’agit de renverser le pouvoir de régimes anti-démocratiques…) ;

Mais un constat : la révolution numérique transforme le système démocratique.

En quoi, le fait que « la société civile a pris le pouvoir sur Internet » constitue-t-elle éventuellement une opportunité pour réaliser la « révolution démocratique » de l’UE ?

D’abord, les médias sociaux modifient l’espace du débat public. L’ère du débat public vécu par procuration avec la TV n’existe plus à l’heure de Facebook, Twitter et Youtube.

Cette nouvelle configuration du débat public peut représenter une opportunité pour l’UE à condition de savoir organiser les espaces européens de dialogue/échange/partage.

Ensuite, les médias sociaux accélèrent la synchronisation des opinions/émotions en créant une “coordination des humeurs” selon l’expression de Clay Shirky, analysée par Nicolas Vanbremeersch.

Cette nouvelle respiration des opinions publiques peut représenter une opportunité pour l’UE à condition de proposer des idées européennes mobilisatrices/fédératrices.

Enfin, les médias sociaux renforcent l’exigence de transparence des administrations publiques.

Cette nouvelle aspiration à l’ouverture des acteurs publics peut représenter une opportunité pour l’UE à condition de créer un mouvement d’open data permettant la mise à disposition des données publiques européennes.

Ainsi, si l’UE réussit à s’engager vraiment dans les médias sociaux, alors il n’est pas exclu qu’elle y réussisse sa « révolution démocratique ».

Comparatif sur plusieurs années des actions en communication de la Commission européenne

La DG COMM à la Commission européenne vient de publier son programme de travail en matière de subvention et de marchés en communication pour 2011 (en anglais). Quels sont les principaux enseignements qui se dégagent sur ces dernières années ?

Principale évolution : une hausse continue et relativement soutenue sur quatre ans, mais une nette décélération sur la dernière année

Chaque année entre 2008 et 2011, le budget des subventions et marchés en communication n’a cessé de progresser, de 18% sur les 4 ans pour passer de 88 millions d’€ à 105. Néanmoins, la hausse entre 2010 et 2011 est infinitésimale puisqu’elle est inférieure à 1%. La communication ne serait-elle plus aussi prioritaire pour la Commission européenne ?

Principale tendance sur ces dernières années : les actions multimédias – le 1er poste budgétaire – progressent au détriment des actions de communication locales

Premier poste budgétaire représentant environ 30% des marchés et subventions de la DG COMM, les actions multimédias ont progressé de 40% en 4 ans pour atteindre 31 millions d’euros en 2011, dont :

  • Euronews : 11,6 millions d’€,
  • Euranet, le réseau radio : 6,3 millions d’€ (créé en 2008),
  • PressEurop : 3,1 millions d’€ (créé en 2010).

A contrario, les actions de communication locales menées par les Représentations de la Commission ne cessent de diminuer, passant de 11,4 millions d’€ en 2008 à 8,2 millions d’€ en 2011. Une baisse non compensée malgré la création d’Espaces publics européens en 2009 (1,4 millions d’€ en 2011), des « maisons de l’Europe » communes au Parlement européen et à la Commission européenne existant dans 13 capitales européennes, Paris exclue.

Principal succès de la stratégie de communication de la Commission européenne sur ces dernières années : la politique de partenariat

Initiée le 3 octobre 2007 avec le texte « Communiquer l’Europe en partenariat » – qui fera l’objet de la signature d’une déclaration politique entre les institutions européennes le 22 octobre 2008 – la politique de partenariat connaît un vif succès :

  • 3 partenariats conclus en 2007 : Allemagne, Hongrie et Slovénie (pays exerçant la présidence du Conseil de l’UE au 1er semestre 2008) ;
  • 5 partenariats complémentaires en 2008 : Autriche, Belgique, France, Italie et Portugal
  • 8 partenariats supplémentaires en 2009 : Espagne, Finlande, Grèce, Létonnie, Lituanie, Malte, Pologne et Suède ;
  • 2 nouveaux partenariats en 2010 : Estonie et Slovaquie ;
  • 18 partenariats au total avec un budget de 8,2 millions d’€ pour 2011 (850 000 euros pour la France).

Ainsi, l’analyse comparative des programmes annuels de travail de la DG COMM en matière de subventions et de marchés de communication (tableau synthétique) se révèle instructive, plus par ses évolutions, fruit de revirements stratégiques, que par ses constantes comme les budgets pour analyser l’opinion publique, exploiter les studios de radiodiffusion et de télévision ou animer le réseau des relais d’information Europe Direct.

Initiative citoyenne européenne et démocratie Internet : comment éviter l’échec ?

Le pouvoir conféré aux citoyens par l’initiative citoyenne introduite dans le traité de Lisbonne aurait pû permettre à l’UE de s’inscrire dans les promesses de la démocratie Internet. Le texte du compromis finalement adopté par les institutions européennes échoue à saisir la nouveauté démocratique d’Internet…

Comment s’auto-organisent les mobilisations collectives sur Internet selon Dominique Cardon ?

Selon Dominique Cardon, auteur de « La démocratie Internet. Promesses et limites » lors de son intervention à la conférence « médias sociaux et démocratie » organisé par le Social Media Club France, Internet permet à la société civile de s’auto-organiser.

Des mobilisations collectives en ligne autour des savoirs (Wikipedia), des valeurs universelles (militantisme international) ou des convictions politiques (activisme militant) peuvent alors s’auto-organiser suivant les règles suivantes :

  • le périmètre du collectif est flou avec des niveaux d’engagement à géométrie variable ;
  • il n’y a pas de représentation explicite du collectif, il n’y a que des membres du collectif sans porte-paroles désignés ;
  • on ne vote pas sur Internet, sinon pour qualifier la force des arguments, mais les décisions sont arbitrées par consensus, souvent imposé par les plus actifs.

Comment s’organisent les initiatives citoyennes suivant le compromis entre les institutions européennes ?

Dans le texte adopté par le Parlement européen le 15 décembre 2010, les procédures et conditions requises pour l’initiative citoyenne sont points par points opposées à la logique des mobilisations collectives sur Internet :

  • le périmètre des citoyens – au-delà du million de signatures requis par le traité de Lisbonne – est très précisément défini puisqu’il doit être issu d’au moins un quart des États membres avec un nombre minimal de signataires requis dans chaque État membre.
  • la représentation est également très encadrée avec un « comité des citoyens » qui doit désigner des représentants qui assureront la liaison avec les institutions de l’Union tout au long de la procédure.
  • on ne débat pas de l’initiative citoyenne, puisque seuls compteront les « formulaires de déclaration de soutien » dûment remplis par les citoyens et dans un délai n’excédant pas douze mois.

In fine, « la Commission européenne présente l’action qu’elle compte entreprendre, le cas échéant, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre cette action ». Autrement dit, ce que les citoyens européens auront porté à l’attention de la Commission européenne peut être écarté d’un revers de main.

Comment les initiatives citoyennes européennes pourraient contribuer à un espace public européen avec Internet ?

Pour Stanislas Magniant sur Netpolitique, l’initiative citoyenne européenne pourrait néanmoins constituer une bonne nouvelle, par un usage adapté d’Internet :

  • « l’initiative citoyenne européenne pourrait avoir des effets secondaires positifs pour la constitution d’un espace public européen, mettant intelligemment à profit les outils et les atouts d’Internet pour faciliter la rencontre d’opinions de différents États-membres et la création d’interactions transnationales largement inexistantes » ;
  • « les médias contribueront à éclairer les opinions nationales sur les sujets européens ainsi « hissés » à l’agenda » ;
  • « l’opportunité de répondre par Internet pourrait ouvrir un dialogue, sans doute l’aspect le plus prometteur pour la constitution de cet embryon d’espace public européen ».

Ainsi, malgré l’autisme du texte final sur les initiatives citoyennes européennes aux « vertus démocratiques de l’Internet », selon Dominique Cardon ; ces consultations populaires pourraient néanmoins contribuer à combler – bien imparfaitement – le déficit démocratique entre l’UE et ses citoyens.

Comment la communication de l’UE s’adapte-t-elle au web social ?

Quoique la communication numérique de l’UE soit prise dans un dilemme inextricable – faut-il améliorer les sites du portail Europa ou faut-il s’engager dans le web social ? – comment s’adapte-t-elle aux évolutions du web ?

La communication actuelle de l’UE dans le web social s’inscrit dans une logique d’échange

Aujourd’hui, la communication de l’UE dans le web social consiste à sensibiliser un public relativement passif au travers d’échanges limités avec des cibles potentiellement nombreuses mais faiblement engagées.

La rubrique « Communiquer avec l’UE sur les réseaux sociaux » rassemble les liens vers différents espaces ouverts dans cette logique d’échange :

  • les contributions interactives asynchrones : des espaces où tout internaute peut contribuer ou partager sans modifier ou supprimer les autres contributions (blogs, pages sur des réseaux sociaux comme Facebook, présence sur des sites de partage photos ou vidéos) ;
  • les conversations délibératives synchrones : des espaces où tout internaute identifié peut dialoguer en temps réel via un engagement simultané des participants (Twitter, chats sur Facebook et concours en ligne).

Il faut regretter sans doute en raison du multilinguisme que l’UE ne propose pas de rédaction collective où tout internaute pourrait ajouter du contenu sur les écrits des autres, modifier ou effacer et remplacer les contenus précédemment ajoutés (wikis).

La communication future de l’UE dans le web social s’inscrira dans une logique d’engagement

Demain, la communication de l’UE dans le web social consistera de plus en plus à activer l’engagement des internautes en leur proposant de jouer des « rôles » plus élaborés. C’est l’intuition de Nicolas André, Directeur Associé en charge du digital chez TBWA Corporate dans le « Buzzomètre #16 : La communication corporate peut-elle s’adapter au digital ? ».

Quels peuvent être ces « rôles » qui au-delà de l’échange de contenus tentent de tirer des connaissances tacites des participants ou d’articler des valeurs plus ou moins formulées ?

  • les applications de visualisation de données : à partir de bases de données, des outils de visualisation qui permettraient de mieux connaître les territoires et d’engager les participants dans une découverte des subventions et des projets. Exemple lié à la politique régionale : combiner la carte interactive des fonds réalisée par la DG Regio avec la base de données sur les bénéficiaires réalisée par le Financial Times (eufunds.ftdata.co.uk).
  • les applications de budgétisation participative : à partir de bases de données, des outils de calcul qui permettraient de mieux connaître les budgets et d’engager les participants dans une découverte des recettes et dépenses et des arbitrages envisageables.

Ainsi, la communication de l’UE dans le web social n’a pas fini d’« exploiter la puissance d’Internet pour une meilleure communication » pour reprendre le titre de la lettre ouverte au Président Barroso de la communauté des éditeurs et des webmasters de la Commission européenne.