Campagne numérique : les leçons d’Obama pour les élections européennes

Tandis que les Américains font le bilan de la campagne victorieuse de réélection de Barack Obama, les Européens préparent la prochaine campagne des élections européennes. Quelles sont les leçons à tirer en matière de campagne numérique ?

L’enseignement de la campagne d’Obama en 2012 : le numérique devient « la colonne vertébrale »

Pour Nicolas Vanbremeersch, l’évolution entre la campagne d’Obama en 2008 et celle de 2012, c’est le passage d’un complément numérique pour augmenter le potentiel du militantisme à une « colonne vertébrale » numérique professionnalisant ce militantisme :

  • En 2008, « l’application reine était le réseau social interne aux militants pour favoriser l’émulation et stimuler le militantisme de terrain par des mécanismes sociaux » ;
  • En 2012, l’enjeu roi s’est beaucoup plus concentré sur « la professionnalisation de ce militantisme » avec un dashboard pour analyser, organiser et partager.

Le « testament » de la campagne « Forward – Obama for America » : le numérique devient le cerveau

Selon TechPresident : « The Obama Campaign’s Legacy », la grande histoire de la campagne d’Obama en 2012 autrement dit cette professionnalisation de l’activité de la campagne par le numérique a été permise par la combinaison de la technologie et de l’analyse.

Le cœur de la campagne n’a pas été particulièrement novateur, sauf dans la volonté des cadres d’écouter les gens en ligne plutôt que les consultants agissant sur l’ancienne intuition politique… et dans l’efficacité des équipes (plus de 100 personnes dédiées) pour exploiter les outils numériques afin d’écouter et d’analyser, en particulier avec le système de base de données « Narwhal ».

Le cercle vertueux de la campagne repose sur le fait que le numérique était à la hauteur dans le traitement des données, pas tellement au niveau des technologiques, déjà utilisées par les entreprises, mais plutôt les équipes spécialement créées pour y parvenir, ce que le camp Romney n’a pas fait. Ainsi, plus des données étaient collectées et traitées et plus les contacts avec les électeurs étaient efficaces et documentés.

Au total, les Européens doivent retenir que le numérique – s’il est suffisamment dimensionné pour gérer la masse des données liées au temps réel et aux formats riches – permet de professionnaliser l’activité militante et de renouveler l’intelligence politique de la campagne.

Quelles sont les recommandations des abstentionnistes pour la campagne de communication sur les prochaines élections européennes ?

En préparation des prochaines élections européennes en 2014, la DG Communication du Parlement européen met en place un « desk research » consacré à l’abstention et aux comportements électoraux de juin 2009 en vue d’une « stratégie de marketing social » pour les prochaines élections en mai 2014. Puisque la communication sur l’élection est un élément essentiel pour améliorer la participation électorale, quelles sont, en matière de communication, les recommandations des abstentionnistes ?

Etape 1 : identifier les profils des abstentionnistes

Avec une première étude : « Eurobaromètre Spécial : Enquête post-électorale sur les élections européennes de 2009 », le « desk research » établit que les abstentionnistes ne sont pas un groupe homogène.

Selon le moment, crucial, auquel ils ont pris leur décision de ne pas aller voter, les abstentionnistes se distinguent et les répartissent selon 4 catégories :

  • les abstentionnistes « impulsifs » (26%) : groupe le plus féminin, légèrement plus jeune, mais également plus éduqué et le plus actif. Enfin, ce sont ceux qui utilisent le plus fréquemment Internet : c’est le cas des deux-tiers d’entre eux, dont notamment 44% qui le font pratiquement tous les jours.
  • les abstentionnistes « réfléchis » (26%) : groupe le plus âgé et qui utilise Internet le moins fréquemment.
  • les abstentionnistes « inconditionnels » (18%) : groupe le plus masculin, mais surtout, moins éduqué (plus d’ouvriers et de chômeurs) et où les jeunes sont le plus représentés
  • les abstentionnistes « indéterminés » (30%) : groupe qui se distingue le moins de la moyenne des abstentionnistes hormis par la proportion importante de personnes déclarant avoir voté aux dernières élections nationales (73%, pour 57% de l’ensemble des abstentionnistes).

Conclusion, parmi les 4 groupes d’abstentionnistes, les impulsifs sont sans doute les plus susceptibles de se déplacer lors du scrutin de 2014. Ce groupe représente environ 15% de l’électorat européen.

Etape 2 : identifier les leviers pour inciter à voter

Avec une deuxième étude : « Eurobaromètre Qualitatif : Groupes d’entretien avec des abstentionnistes « impulsifs » et « indéterminés » sur les blocages et les incitations au vote », le « desk research » vise à renouer les liens avec ces abstentionnistes « mobilisables » et à dégager des pistes afin d’assurer une communication efficace (impact maximum du message délivré auprès des cibles).

Principaux enseignements des groupes d’entretien :

  • Principales sources d’information concernant le Parlement européen : médias classiques (journaux et télévision) et internet ;
  • Domaines clés augmentant résolument la probabilité d’aller voter : économie, santé et emploi ;
  • Connaissance sur les candidats et information sur les enjeux du vote : facteurs déterminant la décision d’aller voter ;
  • Demande d’informations et d’histoires positives sur l’UE, afin d’équilibrer le traitement négatif des médias ;

Suggestions quant à la meilleure manière de présenter les informations : diffusion régulière d’émissions de télévision sur le thème de l’Europe, émission de TV hebdo :  » la semaine au Parlement », rubrique du journal télévisé chaque soir, débats télévisés au cours de la campagne électorale et reportages en direct du PE.

Avis mitigés sur les campagnes de sensibilisation : très chères et trop ponctuelles, courriels directs et brochures à bannir, démarchage (porte à porte et téléphone) également très mal vu, textos tout aussi mal perçus.

Avis partagés quant à l’opportunité de faire appel aux médias sociaux : les plus jeunes pensent que le PE a sa pleine place sur les réseaux sociaux et d’autres estiment qu’il n’était pas convenable que le PE se présente en utilisant les médias sociaux.

Conclusion, il faut souligner les bénéfices associés au vote aux élections européennes :

  • mettre l’accent sur la valeur ajoutée de l’Europe en soulignant l’impact direct qu’exerce la législation sur la vie quotidienne de chacun ;
  • passer d’un sentiment abstrait et diffus des conséquences du vote européen à une perception plus concrète et ciblée des effets de celui-ci.

Au total, puisque les abstentionnistes les plus susceptibles d’aller voter semblent plutôt jeunes, éduqués, actifs et connectés, il est probable que les médias sociaux – qui ont progressé de manière exponentielle depuis 2009 et sont devenus le média privilégié de la jeunesse européenne – vont jouer un rôle majeur dans les prochaines élections européennes de 2014.

Une troisième étude Eurobaromètre permettra de récolter des informations sur les réseaux sociaux.

L’objet sera de prendre le pouls du débat sur un média qui accroît son importance d’années en années et qui est privilégié par les jeunes européens pour disséminer et obtenir de l’information autour de ce qui est dit sur la « toile » au sujet du Parlement européen, de son rôle, de son action et de sa capacité à avoir un impact positif sur la vie des Européens.

L’objectif de ce troisième volet sera dans un deuxième temps d’influencer via ces réseaux les internautes pour les inciter à aller voter en 2014.

Ainsi, les deux études Eurobaromètres du « desk research » au Parlement européen fournissent de précieuses recommandations pour la future campagne d’incitation à aller voter.

Communication politique européenne : quel est l’impact théorique du web sur les partis politiques européens ?

Les médias sociaux et la participation en ligne offrent de nouvelles opportunités mais représentent également des défis pour les partis politiques européens. Quel est l’impact théorique du web sur les partis politiques européens dans la perspective des élections européennes de 2014 ?

Vers un nouveau idéal-type de « cyber » partis politiques européens

Dans une étude sur les partis politiques européens : « All Tomorrow’s Parties: The Changing Face of European Party Politics », Florian Hartleb estime que les « partis de demain » seront des partis « avec plus de participation et moins d’adhésion ».

Au-delà des évolutions idéologiques ou sociologiques correspondant au déclin des partis politiques traditionnels « mainstream » et à l’émergence de nouveaux partis « de niche » (les verts, les partis populistes, le parti pirate…), les évolutions liées au web, qui touchent tous les partis politiques européens, sont particulièrement importantes.

Entre les partis de masse et les partis de niche, un nouvel idéal-type de « cyber » parti politique ou de « parti de réseau » émerge en fondant son mythe de légitimation non plus sur l’adhésion de militants et l’appropriation d’un territoire programmatique mais sur l’action en ligne et le potentiel d’accès à tous les citoyens.

Dans l’organisation et la participation des citoyens aux processus de décision politique, le modèle du « cyber » parti influence de plus en plus la vie politique. Pourquoi ?

Rôle des médias sociaux : De nos jours, le web social transforme non seulement la communication dans nos vies privées, mais également pour les organisations politiques. Le « cyber » parti offre une palette de choix beaucoup plus large aux citoyens. Les électeurs peuvent désormais interagir de manière nouvelle, à la fois pour promouvoir et pour critiquer les idées des partis politiques.

Communication politique multi-canal : Les partis politiques ont beaucoup plus des moyens de toucher les électeurs, et les nouvelles plateformes sociales (comme Twitter) permettent une communication plus souple et plus diversifiée. L’utilisation du web social soulève également des risques en rendant plus difficile pour un parti d’avoir un agenda constant.

Cycle de l’information en continue : Le flot constant de l’information rend plus difficile aux partis politiques d’établir une présence dans une compétition avec des milliers de sources pour capter une attention limitée des électeurs. Avec l’info en continue, il y a aussi le risque que même de petites erreurs qui auraient pu passer inaperçues auparavant puissent maintenant se retrouver dans les campagnes négatives des rivaux politiques.

Baisse du coût de la mobilisation : Les cyber partis peuvent faire campagne grâce à des méthodes et outils moins coûteux avec les technologies modernes.

Des éléments optimistes (concernant les possibilités de militantisme « virtuel ») et pessimistes (concernant les adhésions « réelles » et la stabilité des électorats)

Les conséquences du modèle de « cyber » parti politique sont ambivalentes :

  • Les « cyber-optimistes » décrivent le potentiel démocratique d’internet et mettent l’accent sur l’amélioration de l’accès par internet ;
  • Les « cyber-pessimistes » soulignent les menaces potentielles pour la démocratie en termes de représentation institutionnelle traditionnelle.

Cette nouvelle forme de participation politique soulève des questions quant à la viabilité des partis politiques tels qu’ils existent aujourd’hui. Cela pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les partis politiques « mainstream » s’ils ne parviennent pas à s’adapter au web.

Quid de la future campagne des élections européennes ?

De grands espoirs sont placés sur le web 2.0. Cependant, il n’y aura pas d’effets miracles. Néanmoins, Facebook et Twitter et quelques autres médias sociaux peuvent contribuer à l’activation et à la mobilisation des membres et des non-membres (déjà politisés).

Le type d’adhésion classique à un parti politique perd de son importance. Les électeurs voteront de plus en plus pour des mouvements absents de la vie politique partisane. Mais, les partis politiques traditionnels ne sont pas pour autant en danger.

Avec moins de pénétration dans la société, la question est de savoir si les partis politiques sont encore légitimes. Pour le rester, le principal défi des partis de demain sera de mettre en œuvre de nouvelles formes de participation réalistes.

Les partis doivent adapter leur communication, tout en maintenant la stabilité, la crédibilité et la fidélité de leur électorat. Dans le cas contraire, les partis politiques seront des véhicules tout simplement interchangeables d’émotions imprévisibles produites par des médias (sociaux) et du marketing, et perdront leurs racines profondes et leurs fonctions dans la société qui est la transformation des intérêts de la population (input) dans le processus de prise de décisions publiques (output).

Au total, les élections européennes de 2014 étaient clés pour la légitimité de l’UE. Internet le sera également pour les partis politiques européens.

Communication européenne : tout a-t-il été vraiment tenté ?

Nonobstant les barrières endémiques liées à la juxtaposition de langues et d’espaces publics nationaux et le contexte de crise, le diagnostic sur la communication de l’Union européenne est unanimement moribond. Pourtant, en tenant compte de ces contraintes, tout a-t-il été vraiment tenté ?

Les rares achats publicitaires de l’UE sont-ils assez concentrés sur les messages essentiels de l’UE ?

Les campagnes de publicité de l’UE sont relativement exceptionnelles, compte tenu du coût prohibitif d’un achat d’espaces publicitaires à l’échelle d’un continent dans un environnement médiatique éclaté et très largement capitalistique – les médias publics étant eux-mêmes légitimement inaccessibles pour des raisons de déontologie.

Pour autant, lorsque l’UE recoure à de l’achat ciblé d’espaces publicitaires, la démarche est saluée pour son efficacité, comme le prouve le prix EFFIE 2012 remis en matière d’innovation de la publicité dans la presse magazine pour la campagne anti-tabac.

Néanmoins, ne faudrait-il pas réserver les rares occasions où l’UE est un annonceur pour porter les messages essentiels sur la plus value et l’intérêt de la construction européenne pour les citoyens ?

Les quelques supports hors media et web de l’UE sont-ils assez ajustés aux objectifs de l’UE ?

Les campagnes de communication de l’UE se traduisant par la production de supports permettant d’assurer à la fois une présence en ligne et hors médias (event et print) sont plutôt la « norme », notamment parce qu’elles offrent une maîtrise totale des messages et un déploiement moins onéreux que la publicité.

Outre le défaut principal de ces démarches qui est de se limiter le plus souvent à ne toucher que les publics déjà acquis de l’UE, sans parvenir à atteindre les cibles potentielles et à fortiori le grand public, ces « points de contact » ponctuels et sectorisés brouille ce que l’UE souhaiterait transmettre en priorité.

Faute d’atteindre les objectifs, ne faudrait-il pas mieux organiser ces multiples actions de communication afin d’une part qu’elles soient davantage destinées (dès la conception et jusqu’à la réalisation) aux multiplicateurs d’opinion qui sont d’abord sensibles à la qualité de l’information ; et d’autre part, que ces diverses prises de parole soient davantage orchestrées dans un plan global intelligible ?

Les multiples voix de l’UE dans le web social sont-elles assez adaptées aux publics de l’UE ?

L’activité des institutions de l’UE est importante dans les médias sociaux en particulier à travers le bruit permanent sur Twitter et Facebook.

A défaut d’une conversion générale au meilleur de la « culture du web » faite de transparence (opendata) et de dialogue constructif (opengov), les acteurs des institutions européennes semblent être davantage embarquée dans une conversation le plus souvent réduite aux « insiders » de la sphère bruxelloise.

Ne faudrait-il pas mieux comprendre et répondre à ce que les usagers de ces réseaux sociaux, pour la plupart des professionnels ou des amateurs très avertis de la chose européenne – journalistes, bloggeurs, chercheurs, lobbyistes… – recherchent en matière d’information européenne (demandes de mise en contexte/perspective et de relations de travail) ?

Ainsi, des opportunités d’améliorer la communication de l’UE, à périmètre constant, existent.

Quel bilan pour le registre de transparence de l’UE ?

Lancé le 1er juillet 2011, le registre de transparence commun à la Commission et au Parlement européen publie son rapport annuel : chiffres clés, qualité des informations, résultats de la consultations, évolutions… que faut-il retenir ?

Bilan chiffré : près de 5 500 inscrits, 50% de lobbyistes – représentants d’intérêts privés soit une estimation de 27 000 représentants d’intérêts

Au 22 octobre 2012, le registre de transparence compte 5 431 organisations enregistrées :

  • près de la moitié (48 %) dans la catégorie des « Représentants et groupements professionnels », les lobbyistes ;
  • l’autre moitié est composée d’ONG, de think-tank et de représentations publiques, notamment les institutions locales.

La Commission évalue ainsi que « plus de 27 000 représentants d’intérêts » sont inscrits sur le registre de transparence. Une nouvelle estimation à la hausse de l’importance du lobbyisme à Bruxelles.

Par ailleurs, le site web du registre de transparence reçoit une moyenne de 7 000 visiteurs uniques chaque mois.

Qualité mesurée : 60% des contrôles aléatoires de qualité sont problématiques, mais une seule radiation

Depuis mars 2012, plus de 400 contrôles de qualité, soit 15 par semaine ont été effectués. En moyenne, 60% des contrôles aléatoires constatent des données « problématiques », c’est-à-dire incomplètes ou inexistantes.

Pour autant, seul 5 plaintes ont été traitées et seul un cas a débouché sur une radiation du registre.

Vers un « pacte de transparence » ? Enjeux du registre : le caractère obligatoire et les avantages pour les inscrits

Dans le communiqué, Rainer Wieland, vice-président du Parlement européen « invite tous les acteurs engagés dans la représentation d’intérêts au niveau de l’UE à signer ce “pacte de transparence” ». Que faudrait-il entendre par cette notion de pacte ?

Tirant le bilan de la consultation publique menée pendant l’été 2012 (5% des inscrits y ont participé), le rapport demande à ce que des aspects concrets soient pris en compte dans l’examen de l’année prochaine :

1. Le caractère volontaire ou obligatoire de l’enregistrement : réclamé par les ONG pour véritablement assurer la transparence – quoique la Commission considère que la pression sur l’image soit une coercition non virtuelle – le caractère contraignant risque de ne pas avancer faute de texte européen. D’ailleurs, le rapport note qu’« aucun participant à la consultation publique ne fournit d’indication sur la signification juridique réelle d’un « registre obligatoire » ».

2. Les avantages pour les inscrits : souhaitée par une majorité écrasante des inscrits, la façon d’accroître les avantages pour ceux qui sont inscrits par rapport aux non-inscrits semble également timidement pris en compte par le rapport qui préconise vaguement « une utilisation active du système par le personnel et les membres des deux institutions en leur fournissant des orientations sur le registre et des mesures de sensibilisation à l’utilisation du registre auprès d’autres instances, organes et agences de l’UE ».

Au total, le 1er rapport sur le registre de transparence est instructif tant par ses données chiffrées (évaluation globale des lobbyistes et qualité moyenne de l’information) que par ses enjeux (caractère hypothétiquement obligatoire et avantages très immatériels  pour les inscrits).