Contexte, Touteleurope : professionnalisation des médias européens en ligne

Calendrier de rentrée chargé du côté des médias européens en ligne avec le nouveau média Contexte et la 3e refonte de Touteleurope – deux projets qui se rejoignent par leur professionnalisation renforcée du traitement médiatique des affaires européennes en France…

Contexte, un nouveau pure player payant et spécialisé pour les professionnels des politiques françaises et européennes

Le pure player Contexte – piloté par l’ancienne équipe d’Euractiv France – se positionne comme un média destiné aux professionnels des politiques françaises et européennes.

Conscient de l’impact des législations européennes (et nationales) sur des secteurs tels que l’Énergie, le Numérique et les Territoires, la rédaction se spécialise sur ces enjeux, avec notamment un correspondant à Bruxelles.

Cette démarche inédite d’un média pure player payant et spécialisé vise à répondre aux exigences des milieux professionnels gravitant dans les affaires publiques de mieux être informés du « contexte », c’est-à-dire des initiatives et des positions des différents acteurs, tant à l’échelle nationale qu’européenne.

Touteleurope, une refonte vers une agence de presse européenne en ligne ?

Le portail pédagogique Touteleurope fait l’objet d’une refonte qui affirme son positionnement d’agence de presse européenne en ligne :

  • une position charnière qui vise à la fois à combler le déficit de couverture et de compréhension des affaires européennes dans les médias généralistes tout en évitant la concurrence frontale avec les médias européens en ligne ;
  • une source d’information à la fois pour les citoyens ou pour les journalistes non spécialistes de l’Europe qui souffrent d’une même carence dans la méconnaissance de l’Europe mais également d’une même soif de comparaison européenne.

Au total, Contexte et Touteleurope sont deux projets différents mais qui se rejoignent dans leur professionnalisation de la prise en compte des attentes et besoins de leurs publics :

  • la pédagogie et la comparaison auprès des journalistes et du grand public pour Touteleurope ;
  • l’analyse et le contexte auprès des pros des affaires publiques pour Contexte.

Triple inquiétude sur la future campagne des élections européennes de 2014

Les élections européennes n’ont pas encore commencé qu’elles semblent déjà condamnées. A cause d’une série de raisons plus inquiétantes les unes que les autres, la campagne s’annonce au rabais, comme jamais. Jugez plutôt…

1e inquiétude : suppression envisagée de l’envoi par courrier des professions de foi et des bulletins de vote

Selon le Bulletin Quotidien du mardi 10 septembre, confirmé par Laurent Marchand de Ouest-France, « le Ministère de l’Intérieur aurait l’intention de supprimer, à l’occasion des prochaines élections européennes du 25 mai 2014, les envois de courrier par la poste contenant les professions de foi des candidats ainsi que les bulletins de vote pour les remplacer par des envois numériques ».

Une économie estimée à environ 27 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014 qui ne peut pas être sérieusement confirmée par les députés et les sénateurs, sinon au mépris de la fracture numérique et de la démocratie, d’autant que l’abstention était déjà à des niveaux record en 2009.

2e inquiétude : dépôt des candidatures très tardif laissant la place à un calendrier électoral exsangue

Lors du Conseil des ministres du mercredi 11 septembre, le Ministre de l’Intérieur a présenté un projet de loi qui ajuste – au rabais – le calendrier officiel des élections européennes. Les candidatures devront être déposées le 2 mai 2014, une date qui tombe 6 semaines après les résultats des élections municipales.

L’échéance du dépôt des candidatures – quoique apparemment technique et superficiel – pose néanmoins deux problèmes fondamentaux pour le bon déroulement démocratique des prochaines élections européennes, selon la pétition pour avancer le dépôt des candidatures pour les élections européennes 2014 avant les élections municipales :

  • Un dépôt de candidatures trois semaines avant les élections européennes n’incite pas les partis politiques à conduire une campagne électorale ambitieuse ;
  • Un dépôt de candidatures cinq semaines après les résultats du deuxième tour des élections municipales offre la possibilité aux candidats perdants de se représenter.

3e inquiétude : absence éventuelle d’une campagne officielle d’incitation au vote après la disparition des partenariats de communication

Quoiqu’à ce stade encore prématuré la question ne soit pas définitivement tranchée, il demeure que la récente annonce de la Commission européenne de faire disparaître dès 2014 les partenariats de gestion entre les institutions européennes et les Etats-membres pour communiquer ensemble sur l’Europe obère fortement les chances de voir se monter une campagne de communication ambitieuse.

Au total, les inquiétudes autour de la future campagne des élections européennes de 2014 sont nombreuses. Y a-t-il une ferme volonté de lutter contre l’abstention ?

Elections européennes : benchmark des vidéos en ligne d’incitation au vote

Alors que le Parlement européen vient de lancer sa campagne en ligne d’appel au vote avec une vidéo plutôt triste et très « publicitaire » dans toutes les langues de l’UE, les vidéos d’appel au vote sont normalement beaucoup plus décalées et usent principalement de l’humour pour dédramatiser ou de la culpabilisation pour responsabiliser…

L’humour, la clé du succès d’une vidéo virale d’incitation au vote

Plusieurs exemples, plus ou moins récents, confirment que l’humour est sans doute le meilleur moyen de sensibiliser les citoyens à l’importance des élections :

Pour la campagne des prochaines élections législatives, le très sérieux syndicat IG Metall incite les électeurs allemands à se rendre aux urnes avec un clip très geeky « « Geh Wählen » Metallmix » détournant les extraits les plus connus de vidéos virales drôles. Les résultats sont impressionnants avec près de 1,5 millions de vues (version sous-titrée en anglais).

ig_metall

Pour les élections présidentielles de 2002, le spot TV officiel « Le choix du prénom » joue également sur la corde sensible de la dérision, du ridicule. On y voit un couple dans une salle d’opération après un accouchement. Le personnel de l’hôpital ainsi que les autres patients décident du prénom du bébé sans se soucier des parents. La vidéo se termine par la phrase «Ne laissez personne décider pour vous, votez ».

choix_prenom« Jean, c’est pas si mal…Paul…Jean-Paul ! Va pour Jean-Paul ! »

Dans la même veine, le clip TV réalisé pour les élections provinciales de 2003 en Ontario « Le restaurant » où l’on y voit un couple dans un restaurant qui s’apprête à commander lorsqu’un voisin de table commence à commander à leur place. La vidéo finit sur la phrase « When you don’t vote, you let others speak for you ».

restaurant_choix« A cheeseburger for this young lady…on a pita »

Autre exemple « à l’américaine » de l’usage de l’humour avec les spots de « Rock The vote », l’organisation dont l’objectif est d’inciter les jeunes à aller vote, dont le plus célèbre diffusé en 1991 où l’on y voit Madonna en tenue provocante tentant de chanter pour convaincre d’aller voter, dans un style très « MTV ».

rock_the_vote« And If you don’t vote, you’re gonna get a spanky ! »

Rappelons enfin dans cette catégorie, les vidéos parodiques réalisées par le Parlement européen lors de la précédente campagne des élections européennes de 2009 : « There’s always time to vote ».

time_to_vote

La culpabilisation, l’autre registre pour responsabiliser les abstentionnistes

Plus rarement, les vidéos d’incitation au vote visent à s’adresser au citoyen responsable qui sommeille dans le cœur de tout abstentionniste pour le réveiller, voire le culpabiliser :

Premier exemple de responsabilisation « light » avec le clip américain « Dunk the vote » où l’incitation destinée aux jeunes est transmise par la mobilisation des basketteurs professionnels.

dunk_the_vote

Plus dramatique, lors des élections tunisiennes de 2011, la vidéo « Retour de Ben Ali à La Goulette » n’hésite pas à faire planer le risque d’un retour de la dictature avec une immense affiche de l’ancien président Ben Ali déployées dans les rues de la Goulette (Tunis). Des passants outrés décident d’arracher l’affiche. Se dévoile alors une autre affiche où est inscrit le message principal.

retour_ben_ali« Attention, la dictature peut revenir, le 23 octobre votez »

Enfin, l’ultime exemple consiste à instrumentaliser Hitler, comme avec ce spot « Voice over » réalisé pour les élections allemandes de 2005 où se superposent aux images du Führer les voix de citoyens prononçant des arguments classiques pour ne pas aller voter.

abstention_hilter« Si tu ne votes vas, tu donnes ta voix aux mauvaises personnes »

Ainsi, l’humour et la culpabilisation présentent deux réalités de l’incitation au vote : pour le premier il s’agit de dédramatiser la démarche civique afin d’atténuer le sentiment d’éloignement entre le monde politique et le monde du simple citoyen ; pour le second il s’agit au contraire de dramatiser l’importance du vote et de responsabiliser l’électeur en suscitant une prise de conscience du devoir civique.

Quels sont les publics du discours sur l’état de l’Union européenne de Barroso ?

Dans l’indifférence quasi générale, le président de la Commission européenne a prononcé, hier, le désormais traditionnel discours sur « l’Etat de l’Union européenne ». Après l’année de la nouveauté en 2010 et des problématiques de communication spécifiques liée à la visibilité pour le 2e et l’interactivité pour l’année dernière, 2013 pose la question des publics du discours sur l’Etat de l’Union européenne.

Discours sur l’état de l’Union européenne destiné aux eurodéputés ? Pas vraiment

Première hypothèse, le discours étant prononcé dans l’hémicycle du Parlement européen, les députés européens en seraient donc le public destinataire principal. Pourtant, ce n’est pas vraiment le cas puisque selon le journaliste à LCI Hughes Beaudouin, sur un total de 766 eurodéputés, seule une centaine était présente dans l’hémicycle strasbourgeois hier matin.

Au terme du 2e mandat de José Manuel Barroso à la tête de la Commission, les eurodéputés semblent accorder peu d’intérêt au discours annuel de rentrée.

Discours sur l’état de l’Union européenne destiné au grand public ? Pas davantage

S’agit-il alors d’un discours retransmis en direct par les télévisions européennes et suivi en ligne par les Européens ? Pas davantage, même s’il faut bien reconnaître que le rendez-vous s’est installé dans l’eurosphère, avec cette année des résultats sensiblement équivalents à l’année dernière (environ 10K de tweets utilisant #SOTEU, dont de nombreux comptes de l’UE et une place en trending topic mondial en début de matinée).

L’enthousiasme du public est effectivement mesuré lorsque l’on regarde les tweets – relativement interchangeables d’une année à l’autre – publiés par le compte de Barroso et leurs retweets plutôt limités :

 

Discours sur l’état de l’Union européenne destiné aux journalistes ? Oui, un peu

Cette hypothèse pourrait être plus sérieuse dans la mesure ou la plupart des journalistes spécialisés dans les affaires européennes suivent, par devoir professionnel, ce rendez-vous annuel.

Mais pour autant, le discours est tellement calibré, avec des petites phrases prévues pour frapper les esprits qu’il ne répond pas aux attentes des journalistes : du fond, des annonces, des initiatives et un agenda législatifs.

En outre, l’absence de traduction dans toutes les langues officielles de l’UE indisponible immédiatement après le prononcé est problématique pour le travail des journalistes qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes.

Discours sur l’état de l’Union européenne destiné aux insiders ? Oui, beaucoup

En fait, les publics captifs qui s’intéressent vraiment au discours sur l’état de l’Union européenne semblent correspondre à la foule des fonctionnaires européens et des groupes d’intérêts. Logiquement, ce sont ceux qui ont des choses à dire à Barroso qui le lui disent à l’occasion de ce discours annuel, dont ils savent qu’ils auront son attention à cette occasion.

Euractiv estime que « le hashtag #AskBarroso (…) a surtout été utilisé par des lobbys ou des fonctionnaires européens… et snobé par les électeurs ». « Une grande partie de l’activité sur Twitter provient de fonctionnaires des institutions européennes ou d’entités proches du milieu européen. » Seuls « « plusieurs centaines de vrais citoyens » ont posé des questions.

Transparency International illustre également l’intérêt des ONG en retournant la petite phrase de Barroso sur l’UE qui a besoin d’être « big on big things » pour regretter l’absence d’engagement dans la lutte contre la corruption.

Au total, le discours sur l’état de l’Union européenne s’est en quelque sorte routinisé, en s’installant dans le paysage comme un nouveau dispositif d’interactivité en ligne entre le président de la Commission et le milieu européen.

Alerte sur le budget sacrifié et l’approche stratégique reconcentrée de la communication de l’UE pour 2014

De profonds changements dans le budget (sacrifié avec une baisse moyenne de 20%) et l’approche stratégique (reconcentrée sur Bruxelles avec un abandon des partenariats avec les Etats-membres) de la communication de l’UE, qui font polémiques sont prévus pour 2014, selon le compte-rendu de la dernière reunion, le 12 juillet dernier, du Groupe de travail sur l’information réunissant les communicants des institutions européennes. De quoi s’agit-il ?

Propositions de la Commission européenne réduisant le budget de la communication de 20% et abandonnant les partenariats avec les Etats-membres

Afin de se conformer au plafond du nouveau budget de l’UE, la DG COMM de la Commission estime nécessaire une réduction moyenne de 20% du budget global de la communication.

Pour la communication de l’UE en 2014, la Commission décide :

  • de réduire le nombre de lignes budgétaires et d’accroître leur flexibilité ;
  • d’identifier les domaines jugés inefficaces au lieu d’opérer une réduction globale de toutes les activités.

Sur le papier, cette approche semble intelligente, mais le choix des activités sacrifiées en 2014 l’est un peu moins :

  • Le programme « L’Europe pour les citoyens » réduit de 20% ;
  • Les « actions multimedias » réduites de 35%, à savoir le réseau de radio « Euranet » et l’outil en ligne « Presseurop » ;
  • La nouvelle activité « Communication des Représentations de la Commission, y compris les actions de partenariat » (jusqu’à présent dissocié) coupée de 45%, avec l’interruption des partenariats de gestion dès 2014 malgré les engagements pluriannuels au profit d’autres formes de coopération avec les Etats-membres. En revanche, les centres d’information sur l’Europe « Europe Direct » sont sanctuarisés.

Réactions des autres institutions et des Etats-membres

Fort logiquement, le représentant du Parlement européen regrette que la Commission s’écarte de l’esprit de la Déclaration conjointe signée par les institutions européennes en octobre 2008. A ce jour, cette déclaration politique reste le texte européen le plus contraignant (texte non obligatoire) qui fonde le début d’une coopération interinstitutionnelle renforcée et efficace dans le domaine de la communication de l’UE. Un tel irrespect de la part de la Commission, l’institution normalement garante de l’intérêt européen est pour le moins inquiétant.

Par ailleurs, le représentant du Parlement européen craint que les nouveaux moyens budgétaires soient en deçà des attentes afin de susciter l’intérêt et la sensibilisation des citoyens dans la perspective des élections européennes de 2014. Un tel désengagement de la part de la Commission l’année même d’un scrutin européen ne peut être interprété autrement que comme un signe de démission dans sa tache d’informer les Européens.

 

Rejoignant les préoccupations formulées par plusieurs délégations d’Etats-membres au sujet de l’approche de la Commission, il est possible de reprocher toute une série de choses :

  • La décision de la Commission de démanteler les accords de partenariat de gestion est prise sans consultation préalable des parties prenantes – un bel exemple de « gouvernance » ;
  • La base sur laquelle la Commission n’a pas jugé les partenariats rentables n’est pas claire, puisque toutes les évaluations nationales qui ont été effectués par des organismes extérieurs ont jusqu’ici conclu à des résultats positifs ;
  • Les ressources financières allouées par la Commission aux partenariats sont nécessaires pour mener avec les Etats-membres une variété d’activités d’information axées sur l’UE, que les Etats-membres ne porteraient pas seuls.

Les négociations sur l’avenir du budget et de l’orientation stratégique de la communication européenne seront à l’ordre du jour de la prochaine réunion le 13 septembre prochain.

Pourquoi la Commission décide de réduire les dépenses opérationnelles engagées dans les Etats-membres de façon drastique au lieu d’opter pour des coupes horizontales, notamment dans les frais d’administration ?