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Billets sur les enjeux de la communication numérique européenne

« Collection européenne » : regards croisés des Européens sur des sujets actualité, politique et société

Avec la « Collection européenne », cinq chaînes publiques européennes (ARTE, l’ARD, la ZDF, France Télévisions et la SRG SSR) s’associent afin de proposer une sélection commune de contenus (documentaires, reportages et magazines disponibles gratuitement en ligne) sur des sujets d’actualité, de politique et de société…

Donner à voir le point de vue du voisin européen sur des sujets contemporains

Comment nos voisins européens appréhendent-ils les questions urgentes auxquelles nos sociétés sont confrontées ? Quels sont les sujets qui les préoccupent ? Qu’en est-il de la place des jeunes en Europe ?

Comment sont traitées ici et là ces questions, la Collection européenne invite à découvrir, en proposant un point de vue européen sur des sujets contemporains.

Une offre multilingue, gratuite en ligne pour tous les Européens

Le catalogue commun, disponible en Europe, propose gratuitement et en cinq langues (français, allemand, anglais, espagnol et italien) des documentaires, reportages et magazines européens à retrouver sur chacune des offres numériques des partenaires (site internet, applications, Smart-TV) : arte.tvfrance.tvardmediathek.dezdf.de et Play Suisse.

Un financement de l’Union européenne

Le soft launch en 2020 a été rendu possible grâce à un cofinancement dans le cadre du volet MEDIA du programme Europe Créative.

Depuis 2021, la Collection européenne bénéficie d’un financement européen de 2.5 millions d’€ pour poursuivre cette offre commune de vidéo à la demande de moyenne durée, de documentaires approfondis et de rapports d’enquête sur les questions européennes actuelles, mise en œuvre par les télédiffuseurs.

Perception des Européens de leur habitudes médiatiques des médias traditionnels et en ligne

La perception que les citoyens ont de l’Union européenne est influencée par ce qu’ils voient, entendent et lisent dans divers médias, un Eurobaromètre Flash fournit des insights sur les usages médiatiques des Européens…

Sensibilisation à l’information européenne : des biais sociologiques persistants

72% des personnes interrogées répondent qu’elles ont récemment lu, vu ou entendu quelque chose sur l’Union européenne, que ce soit dans la presse, sur Internet, à la télévision ou à la radio.

Les résultats socio-démographiques indiquent que :

  • Les proportions ayant lu, vu ou entendu quelque chose augmentent avec l’âge, passant de 67 % des 15-24 ans à 75 % des 55 ans et plus pour l’actualité de l’Union européenne
  • Les hommes sont plus susceptibles que les femmes de dire qu’ils ont récemment lu, vu ou entendu quelque chose à propos de l’Union européenne (78 % contre 66 %, respectivement)
  • Les répondants les plus instruits sont plus susceptibles de dire qu’ils ont lu, vu ou entendu quelque chose récemment sur l’Union européenne (77 % des personnes les plus instruites contre 64 % des moins instruites)

Habitudes médiatiques entre médias traditionnels, médias en ligne et médias sociaux

La télévision domine comme première source d’information (75%), en particulier pour les plus de 54 ans (85% accèdent à l’information via la télévision). Viennent ensuite les plateformes d’information en ligne (43%), puis la radio (39%), puis les plateformes de médias sociaux et les blogs (26%). La presse écrite arrive en cinquième position (21%). Les répondants plus jeunes sont beaucoup plus susceptibles que les répondants plus âgés d’utiliser les plateformes de médias sociaux et les blogs pour accéder aux actualités (46 % des 15-24 ans contre 15 % des 55 ans et plus).

Bien que les sources d’information traditionnelles – en particulier la télévision – soient importantes, 88 % des répondants obtiennent au moins quelques nouvelles en ligne via leur smartphone, ordinateur ou ordinateur portable (vs 10 % qui n’accèdent jamais aux actualités en ligne). 43 % des répondants utilisent le site web de la source d’information pour accéder aux actualités en ligne, et 31 % lisent des articles ou des publications qui apparaissent sur leurs réseaux sociaux en ligne. Cette dernière réponse est retenue par 43 % des 15-24 ans (vs 24% des 55+ répondants).

Parmi ceux qui accèdent aux actualités en ligne, 70 % n’utilisent que des contenus d’actualités gratuits ou des services d’actualités en ligne. Parmi ceux qui accèdent aux actualités en ligne, ce qui les rend susceptibles d’ouvrir un article, c’est un titre correspondant à leurs centres d’intérêt pour 54 % et 37 % qu’il est important qu’ils fassent confiance à la publication du média.

Il existe des différences d’utilisation des médias entre les groupes sociodémographiques :

  • Les répondants plus jeunes sont beaucoup plus susceptibles d’utiliser les plateformes de médias sociaux et les blogs (46 % des 15-24 ans contre 15 % des 55 ans et plus) ;
  • Mais ils sont également plus susceptibles d’utiliser YouTube et d’autres plateformes vidéo (34 % contre 8 %, respectivement) ;
  • Les personnes âgées utilisent beaucoup plus les médias d’information traditionnels (télévision, radio et presse écrite) ;
  • La plus grande différence en termes d’éducation est observée pour l’utilisation des plateformes d’information en ligne (sélectionnées par 49 % des diplômés de l’enseignement supérieur contre 30 % des répondants peu scolarisés). Seules des différences mineures sont observées pour l’utilisation des médias d’information traditionnels (télévision, radio et presse écrite).

Contenu d’actualités en ligne payant

Parmi les répondants qui accèdent aux actualités en ligne, 70 % n’utilisent que des contenus d’actualités gratuits et des services d’actualités en ligne.

Appareil pour accéder aux actualités en ligne

Parmi les répondants qui accèdent aux actualités en ligne, 77 % répondent qu’ils utilisent un smartphone pour accéder aux actualités en ligne et 59 % un ordinateur de bureau ou x un ordinateur portable. D’autres appareils sont moins fréquemment utilisés. 88 % des répondants les plus jeunes (15-24 ans) utilisent un smartphone pour accéder aux actualités en ligne, contre 66 % des répondants les plus âgés (55 ans et plus).

Médias sociaux

Une majorité de répondants utilisent Facebook (67%), WhatsApp (61%) et YouTube (56%). Chez les 15-24 ans, Instagram est la plateforme de médias sociaux la plus utilisée (79 %). TikTok (49 %) et Snapchat (43 %) sont également courants chez les plus jeunes répondants.

Dans tous les groupes d’âge, environ la moitié des répondants utilisent les médias sociaux pour envoyer des messages directs à leurs amis et à leur famille et au moins quatre sur dix utilisent les médias sociaux pour suivre les nouvelles et les événements actuels (44 % à 46 %), mais il y a une différence dans les habitudes de publication : 28 % des 15-24 ans publient leur propre contenu sur les réseaux sociaux, contre 15 % des 55 ans et plus.

Plateformes de médias sociaux en ligne

Facebook est la plate-forme de médias sociaux la plus fréquemment sélectionnée dans 20 États membres ; de plus, dans tous les États membres, cette plateforme est citée par plus de la moitié des répondants (de 52% en Allemagne à 91% à Malte).

WhatsApp est la plateforme la mieux classée (ou co-la mieux classée) dans huit États membres, comme l’Espagne (avec 86 % des utilisateurs de WhatsApp) et l’Italie (82 %). Dans six États membres, cependant, WhatsApp est sélectionné par moins d’un répondant sur cinq (Bulgarie, Danemark, Grèce, Hongrie, Lituanie et Slovénie).

Instagram, TikTok et Snapchat sont particulièrement répandus chez les 15-24 ans. Par exemple, alors que 6 % des 55 ans et plus choisissent TikTok comme plateforme de médias sociaux en ligne qu’ils utilisent, cette proportion passe à 49 % pour les 15-24 ans.

Activités sur les réseaux sociaux

49 % des répondants utilisent les médias sociaux à des fins de communication – pour envoyer des messages directs à leurs amis et à leur famille – et 45 % répondent qu’ils utilisent ces médias à des fins d’information – pour se tenir au courant de l’actualité et de l’actualité. D’autres activités fréquemment sélectionnées sont suivre ce que font les amis, la famille et les collègues (41 %) et regarder du contenu photo et vidéo (40 %).

Dans tous les groupes d’âge, environ la moitié des répondants utilisent les médias sociaux pour envoyer des messages directs à leurs amis et à leur famille et au moins quatre sur dix les utilisent pour suivre les actualités et les événements actuels, mais il existe une différence dans les habitudes de publication selon les groupes d’âge : 28 % des 15-24 ans publient leur propre contenu sur les réseaux sociaux, contre 15 % des 55 ans et plus. De même, 59 % des 15-24 ans utilisent les médias sociaux pour regarder du contenu photo et vidéo, contre 28 % chez les 55 ans et plus.

Sources médiatiques les plus fiables

Les médias audiovisuels et imprimés traditionnels, ainsi que leur présence en ligne, sont mieux classés comme sources d’information fiables que les plateformes d’information en ligne et canaux de médias sociaux (par exemple, Instagram et YouTube).

49% attendent des télévisions et radios publiques qu’elles leur donnent des informations véridiques, suivies de la presse écrite (et de leur présence en ligne), sélectionnée par 39%. D’autre part, les chaînes de télévision et de radio privées (et leur présence en ligne) sont citées par 27 % comme une source médiatique de confiance.

49 % des répondants choisissent les stations de télévision et de radio publiques (y compris leur présence en ligne) comme source d’information en laquelle ils ont confiance, tandis que les chaînes de télévision et de radio privées.

La confiance du public de l’UE dans les chaînes de télévision et de radio publiques et la presse écrite varie considérablement d’un pays à l’autre. Alors qu’en Finlande, 73% des répondants font confiance aux chaînes de télévision et de radio publiques, cela n’est vrai que pour 22% des répondants en Hongrie et 23% en Pologne. De même, alors que 63% des Luxembourgeois répondent faire confiance à la presse écrite, seuls 18% des Bulgares et des Polonais répondent de la même manière.

Les médias audiovisuels et imprimés traditionnels, ainsi que leur présence en ligne, sont mieux classés comme sources d’information fiables que les plateformes d’information en ligne et les canaux de médias sociaux (par exemple, Instagram et YouTube). Un répondant sur sept (14 %) fait confiance aux personnes, groupes ou amis qu’il suit sur les réseaux sociaux pour lui donner des informations véridiques, 11 % répondent de la même manière à propos des plateformes d’actualités en ligne (y compris les blogs, les podcasts), 10 % à propos de YouTube ou d’autres plateformes vidéo et 5% sur les influenceurs sur les réseaux sociaux.

Les plateformes d’information en ligne, les canaux de médias sociaux et les influenceurs sont plus fréquemment approuvés par les jeunes répondants. Par exemple, 7 % des 55 ans et plus choisissent les plateformes d’information en ligne (y compris les blogs et les podcasts) comme source médiatique en laquelle ils ont confiance ; ce chiffre passe à 16 % pour les 15-24 ans. De même, 2% des 55 ans et plus font confiance aux influenceurs sur les réseaux sociaux, contre 13% des 15-24 ans.

Exposition à la désinformation et aux fake news

10% des répondants pensent qu’au cours de ces sept derniers jours, ils ont été « très souvent » exposés à de la désinformation et à de fausses nouvelles ; 18% répondent que cela s’est produit « souvent » au cours des sept derniers jours et 33 % ont répondu que cela s’est produit « parfois ». A l’autre extrême, 8% répondent qu’ils n’ont pas été exposés à la désinformation au cours des sept derniers jours. 13 % « ne savent pas » à quelle fréquence ils ont été exposés à la désinformation ou aux fausses nouvelles.

Les répondants en Bulgarie sont globalement les plus susceptibles de répondre qu’ils ont souvent été exposés à la désinformation et aux fausses nouvelles au cours des sept derniers jours (29 % de réponses « très souvent » et 26 % « souvent »), tandis que les répondants aux Pays-Bas sont les moins susceptibles de le dire (3 % de réponses « très souvent » et 9 % « souvent »).

Reconnaître la désinformation et les fausses nouvelles

Une majorité de répondants se sentent confiants de pouvoir reconnaître la désinformation : 12 % se sentent « très confiants » et 52 % « plutôt confiants ».

Dans tous les États membres, au moins une faible majorité de personnes interrogées sont convaincues de pouvoir reconnaître la désinformation et les fausses nouvelles. En Finlande, à Malte et en Irlande, environ huit répondants sur dix se disent confiants dans leur capacité à faire la distinction entre les vraies nouvelles et les fausses nouvelles.

Il existe également des différences entre les groupes socio-démographiques :

  • Sept hommes interrogés sur dix sont convaincus qu’ils peuvent reconnaître la désinformation et les fausses nouvelles ; parmi les femmes interrogées, moins de six sur dix se sentent confiantes (9 % de réponses « très confiant » et 49 % de « plutôt confiant »).
  • La confiance dans la distinction entre les vraies nouvelles et les fausses nouvelles diminue avec l’âge et augmente avec le niveau d’éducation.
  • Parmi les répondants encore scolarisés, 16 % répondent se sentir « très confiants » et 55 % « plutôt confiants » dans la reconnaissance de la désinformation et des fausses nouvelles. De même, parmi les 15-24 ans, 68 % sont convaincus de pouvoir reconnaître la désinformation, contre 59 % pour les 55 ans et plus.

Au total, cette vaste enquête sur les habitudes médiatiques des Européens est très utile pour mieux comprendre la manière dont les citoyens de l’UE s’informent.

Regards croisés sur les réseaux sociaux des visites des présidentes européennes en Ukraine

Entre la visite précoce de la présidente du Parlement européen Roberta Metsola, première représentante d’une institution européenne aux côtés des autorités publiques ukrainiennes début avril et la délégation composée de la présidente Ursula von der Leyen de la Commission européenne accompagnée du Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères Josep Borrell courant avril, la comparaison des mises en récit sur les réseaux sociaux peut être instructive

Roberta Metosla, présidente du Parlement européen : la force de l’humanité des gestes symboliques de soutien

Les codes des réseaux sociaux sont très judicieusement exploités par la nouvelle présidente du Parlement européen qui a encore un déficit de notoriété à combler dans le trio des présidences des institutions européennes.

Son capital sympathie, mis à profit au cœur de sa visite, constituée notamment d’un discours devant le parlement ukrainien et une discussion avec le Président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky se traduit par des clichés très travaillés pour symboliser son soutien et capturer une esthétique des sentiments forts et communicatifs.

En termes de résultats, le compte Instagram personnel de Roberta Metsola explose les compteurs avec un post iconique rassemblant plus de 53k likes pour 54k abonnés, soit un taux d’engagement extraordinaire de près de 100%. Sur le compte Twitter de la présidence du Parlement européen, le contenu le plus engageant est aussi visuellement très réussi avec le président de la Verkhovna Rada rassemblant plus de 21,5k likes pour 347.1K followers.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne : la force de la solidarité des gestes historiques d’union

La visite de la présidente de la Commission européenne est encore plus forte en termes d’importance et d’engagement de l’Union européenne, qui n’a pas été démenti depuis le début de l’invasion des forces armées russes en Ukraine.

Sa démarche déjà hautement symbolique, renforcée hélas encore par les atrocités commises à Bucha ; vient inscrire des engagements concrets de nouveaux financements, le renouvellement du message que les Ukrainiens appartiennent à la famille européenne, ce qu’Ursual von der Leyen fut la première à dire dans les médias, sous le coup des émotions et de convictions fortes. Sans oublier, la consultation formelle de Zelensky en vue de la future candidature de son pays à l’adhésion à l’Union européenne dont les chefs d’État et de gouvernement ont demandé à la Commission européenne de se prononcer d’ici leur prochain Conseil européen en juin prochain.

En termes de résultats, le compte Twitter partage ses différentes séquences, et la présence à Bucha récolte le maximum d’engagement avec un taux d’engagement d’environ 10% pour 1,1 millions d’abonnés, une très belle performance ; tandis que sur Instagram, c’est la vidéo de l’échange qui obtient à peu près le même niveau d’engagement.

Au total, la communication de leurs visites respectives en Ukraine des présidentes du Parlement européen et de la Commission européenne sur les réseaux sociaux montre l’importance primordial et l’impact magistral de leur démarche auprès des publics.

Illusions institutionnelles et monolinguisme de la communication européenne sur les médias sociaux

Dans un système de 23 langues officielles, certaines sont en pratique plus égales que d’autres, et en particulier les institutions européennes se sont illusionnées en sacrifiant à la promotion d’une sphère publique européenne, des pratiques de communication linguistiques hégémoniques où l’anglais domine, selon Kaisa Koskinen dans « Social media and the institutional illusions of EU communication »…

Des « illusions institutionnelles » du multilinguisme plus théorique que pratique

Dans la théorie littéraire, le concept de « la suspension volontaire de l’incrédulité » ou « foi poétique » développé par William Coleridge en 1817, fait référence à l’acceptation par les lecteurs de la fictionnalité de la fiction. Nous acceptions les règles de la fiction pour profiter d’une histoire divertissante.

Les politiques linguistiques institutionnelles reposent sur une attitude quelque peu similaire en ce sens qu’elle implique une ignorance volontaire de certains aspects pragmatiques de la vie quotidienne au profit d’un principe d’« illusions institutionnelles ». Le multilinguisme peut être à jamais inaccessible dans la vie quotidienne, mais il peut être nécessaire de continuer « comme si » il était la réalité car l’abandonner ferait s’effondrer la construction d’ensemble.

De la « cyberécologie linguistique » virtuelle : le monolinguisme pragmatique des institutions européennes

Les illusions institutionnelles d’égalité et d’équivalence entre les langues n’ont pas survécu au passage aux médias sociaux. Le choix de l’anglais en tant que lingua franca européenne s’est réalisé sans discussion des questions d’égalité et d’accès à l’information, afin de favoriser un dialogue européen en atteignant directement les citoyens intéressés par les affaires européennes au détriment du multilinguisme institutionnel. L’anglais devient la langue commune par laquelle les Européens se comprennent ; rien à voir avec l’impérialisme linguistique britannique ou américain et tout à voir avec l’aspect pratique.

Le développement simultané de se connecter directement aux citoyens en adaptant la communication aux besoins locaux s’est traduit, si l’on peut dire par le détachement d’une partie des traducteurs dans des bureaux locaux et la création d’une unité de traduction web distincte à Bruxelles. Les traducteurs de ces deux unités ont pour tâche explicite de briser l’illusion d’équivalence dans leurs stratégies de traduction et de commencer à localiser les communiqués et pages web en adaptant à la fois leur style et leur contenu aux mieux se conformer aux intérêts locaux dans la culture cible.

Sur les réseaux sociaux, la plupart des profils dans des langues autres que l’anglais sont ceux mis en place par les représentations locales et la coexistence avec d’autres langues que l’UE est devenue rare.

L’anglais est en effet majoritaire sur la chaîne Youtube de la Commission européenne EUtube qui permet les commentaires, et il y en a souvent, majoritairement en anglais. EuroparlTV, en revanche, la webTV du Parlement euuropéen est une chaîne à sens unique, diffusant des informations dans plusieurs langues mais n’invitant à aucune réponse.

Dans ces lignes directrices pour une action responsable dans les médias sociaux, la Commission européenne ne s’exprime pas sur les langues à utiliser. La pratique où l’anglais domine a été autorisée à se développer de manière organique, car L’utilisation d’une langue commune dans les discussions accroît les possibilités d’une sphère publique européenne commune.

Du « linguicisme » : le monolinguisme dans la participation des « citoyens »

Les principes du multilinguisme institutionnel sont bouleversés dans les médias sociaux : le multilinguisme institutionnel a traditionnellement permis aux citoyens de rester individuellement monolingue, mais comme l’institution est désormais plutôt monolingue en n’utilisant que l’anglais dans les médias sociaux, c’est aux commentaires des citoyens d’introduire davantage de langues. Cependant, peu d’entre eux sont disposés à le faire. La majorité des commentateurs optent pour le renforcement du choix linguistique préétabli par l’institution.

Si l’objectif est de permettre une participation démocratique de tous les groupes linguistiques, l’absence de toute régulation institutionnelle des pratiques langagières dans les médias sociaux est donc frappante. Cette absence de politique linguistique explicite laisse place à une évolution que l’on pourrait qualifier de linguicisme, c’est-à-dire de pratiques qui légitiment ou reproduisent une répartition inégale du pouvoir et des ressources sur la base de la langue.

Si la Commission européenne avait une politique de traduction réfléchie pour les médias sociaux, elle aurait pu résoudre différemment la question du multilinguisme. L’unité de traduction web distincte aurait pu élargir sa portée pour inclure les médias sociaux, sachant qu’il existe désormais des services de traduction commerciaux qui fournissent des traductions automatiques pour les besoins des médias sociaux instantanément.

De deux choses l’une sur les réseaux sociaux, soit les pratiques soutenant l’hégémonie de l’anglais sont le résultat accidentel d’un développement organique des stratégies de communication de la Commission européenne, soit il existe des motivations considérées comme plus précieuses qu’un régime linguistique égalitaire pour créer une identité européenne commune et un sentiment d’appartenance et in fine une sphère publique européenne partagée.

Il est évident que l’utilisation croissante des médias sociaux par les institutions de l’Union européenne a un effet profond sur leur paysage linguistique virtuel. En l’absence d’une politique linguistique explicite, les pratiques entraînent une perte importante des formes démocratiques de multilinguisme et une augmentation de la prédominance d’une langue, l’anglais.

Si l’égalité entre les langues officielles demeure l’idéologie dominante, il y a très peu de preuves de tentatives de sauvegarde de l’illusion d’égalité. Il s’ensuit que la question de l’équivalence ne se pose même pas dans la plupart des cas. L’illusion d’équivalence n’a donc pratiquement aucune place dans ces forums.

Si l’on devait identifier quels types d’illusions sont venues remplacer les anciennes : la première illusion est que si la politique linguistique n’est pas explicitée, elle n’existe pas ; la seconde est que tout le monde connaît l’anglais ; la troisième pourrait être que la langue n’est qu’une question pragmatique de communication, sans rapport avec les questions d’identification, d’idéologie, de politique, de pouvoir ou d’éthique.

Sur les médias sociaux, la politique linguistique hégémonique émergente basée sur l’anglais peut bien soutenir l’objectif politique de créer la sphère publique européenne, mais il faut accepter que cette sphère publique ne sera pas « sociale », mais sera alors une construction d’élite non accessible à ceux qui ne sont pas adeptes du numérique et ne maîtrisent pas bien l’anglais.

Quels sont les principaux risques et remèdes des médias sociaux pour la démocratie ?

Aperçu par le Service de recherche du Parlement européen des principaux risques posés par les médias sociaux à la démocratie et leurs remèdes pour offrir de nouvelles opportunités pour étendre et améliorer la démocratie tout en perturbant le paysage politique, déstabilisant les élites gouvernantes et accélérant le rythme du changement et sans plonger dans le « solutionnisme technologique » – la croyance que des solutions technologiques faciles peuvent résoudre des problèmes sociaux et politiques complexes…

1. L’âge de la surveillance

Principaux risques de la surveillance :

  • Surveillance politique : Les médias sociaux offrent des moyens nouveaux et plus efficaces de surveiller les gens, qui peuvent être utilisés par les gouvernements pour cibler les citoyens politiquement actifs et faire taire la dissidence. Même en l’absence de coercition explicite, les citoyens qui soupçonnent qu’ils sont la cible d’une surveillance en ligne peuvent entraver leur expression politique en ligne par crainte de représailles (effets dissuasifs) ;
  • Perte de vie privée et d’autonomie : La collecte massive de données par les plateformes de médias sociaux crée des risques pour la vie privée des utilisateurs et peut affecter leur capacité à former et à exprimer des opinions politiques. Le modèle de capture d’attention des médias sociaux, d’une part, et les stratégies visant à exploiter les besoins et les préjugés humains pour accroître l’engagement, d’autre part, minent tous deux l’autonomie individuelle ;
  • Désengagement politique : Les médias sociaux peuvent contribuer au désengagement politique croissant des citoyens même s’ils ne sont pas les seuls responsables de ce phénomène. L’indifférence des médias sociaux à la démocratie se heurte de plus en plus au fait que les médias sociaux ont un impact croissant sur la démocratie.

2. L’ère de la personalisation

Principaux risques de la personnalisation :

  • Visions du monde rétrécies : En limitant la gamme d’informations à la disposition des citoyens, les modèles de partage d’informations et d’interactions sur les médias sociaux peuvent contribuer au renforcement des frontières de groupe qui empêcheraient un dialogue politique plus large. Malgré les inquiétudes généralisées, les preuves empiriques existantes suggèrent que les effets de personnalisation et de filtrage des médias sociaux sont moins graves et omniprésents qu’on ne le craignait initialement.
  • Fragmentation sociale et politique : Les effets négatifs de la personnalisation sont plus présents dans certains contextes politiques et tendent à toucher davantage certains groupes, comme les hyperpartisans. Les effets politiques négatifs de la personnalisation semblent moins graves et généralisés, le risque de fragmentation et de polarisation sociétale demeure. L’évaluation des effets des médias sociaux dépend également d’hypothèses politiques (idéologiques) sur la nature et les conditions de la politique démocratique.

3. Le fléau de la désinformation

Principaux risques de la désinformation :

  • Distorsion d’opinions et de préférences : Le plus souvent motivée par des entrepreneurs qui font la promotion d’un contenu très engageant pour tirer profit de la vente d’annonces, la diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux peut saper la capacité des citoyens à former et exprimer des opinions politiques. Malgré les preuves croissantes d’une exposition significative à la désinformation politique en ligne, l’impact réel de la désinformation sur les opinions et les préférences des citoyens est difficile à évaluer. Bien que la portée et l’impact de la désinformation semblent avoir été surestimés, il existe des preuves d’effets négatifs dans des contextes particuliers et sur des groupes spécifiques.
  • Distorsion des résultats électoraux : La désinformation peut être utilisée pour persuader ou embrouiller les électeurs, et pour mobiliser ou démobiliser les citoyens pour qu’ils votent, ce qui peut, dans certaines conditions, être un facteur déterminant des résultats des élections. La désinformation généralisée et la perception aiguë de celle-ci par le public (amplifiées par le manque de recherches et des rapports inadéquats) peuvent saper la confiance dans (toutes) les informations en ligne et les institutions démocratiques.
  • Désinformation automatisée : Les comptes et algorithmes automatisés contribuent à la propagation de la désinformation sur les réseaux sociaux, mais l’interaction entre les utilisateurs et les algorithmes est indispensable pour que la désinformation soit efficace. Les algorithmes utilisés pour diffuser de fausses informations exploitent les préjugés et les prédispositions humaines, tels que le biais de confirmation humaine, l’inclination à croire des histoires répétées et l’attirance pour un nouveau contenu.

4. Les dérives de la modération

Principaux risques de la modération :

  • Censure politique : Les mesures de modération peuvent contribuer à lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux, tout autant que porter atteinte à la liberté d’expression et permettre la censure politique. Toutes mesures de modération sont risquées, la suppression de contenu est particulièrement problématique lorsque le contenu ciblé n’est pas explicitement illégal. Supprimer et étiqueter le contenu peut être contre-productif, car cela peut renforcer les perceptions concernant la censure injuste et injustifiée de points de vue et de groupes particuliers.
  • Biais algorithmique : Alors que l’automatisation peut alléger certains fardeaux de la modération humaine, elle peut également amplifier les erreurs et automatiser les biais préexistants. Une pression accrue sur les médias sociaux pour s’attaquer aux contenus problématiques peut pousser les plateformes à s’appuyer encore plus sur des outils automatisés, conduisant ainsi à une censure excessive.
  • Pouvoir irresponsable : Malgré les efforts visant à rendre la modération plus transparente et systématique, les mesures de modération sur les réseaux sociaux restent largement floues, arbitraires et appliquées de manière incohérente. La modération des médias sociaux soulève un sérieux problème de responsabilité sur les décisions des plateformes relatives aux contenus problématiques.

5. Les excès du microtargeting

Principaux risques du miocrotargeting :

  • Manipulation politique : Par rapport à la publicité politique conventionnelle, le microciblage politique exploite des types de données plus larges pour identifier des micro-groupes de personnes et pour tester et leur proposer des messages personnalisés. Alors que le microciblage peut servir à réengager les citoyens dans la politique, il peut également être utilisé pour manipuler les opinions et les attentes des citoyens. Le microciblage est intrusif car il est basé sur un grand nombre de données et d’informations (y compris des profils psychologiques) sur les personnes, ce qui peut porter atteinte à la vie privée et à l’autonomie. La nature secrète ou cachée du microciblage augmente le risque de manipulation et sape ainsi la capacité des citoyens à se former et à faire des choix politiques.
  • Distorsion du processus électoral : Le micro-ciblage politique remet en cause les règles électorales existantes concernant la transparence, les campagnes et le financement politique et peut fausser les processus électoraux et politiques. Les preuves d’une large utilisation du micro-ciblage politique sont de plus en plus nombreuses, l’impact réel du micro-ciblage politique reste incertain. Il est possible que les campagnes de micro-ciblage politique puissent déterminer le résultat des élections, en particulier dans les systèmes électoraux où le vainqueur rafle tout. Même si le microciblage ne peut pas être blâmé pour avoir fait basculer les élections récentes, les risques qu’il crée sont susceptibles d’augmenter, étant donné les intérêts politiques et économiques élevés en jeu et les futures avancées technologiques.

Aucun de ces risques n’est à négliger, mais aucun ne doit être pour autant surestimer. Les solutions simplistes n’existent pas. Les technologiques autant que les usages individuels ainsi les comportements collectifs doivent être considérés.

Plusieurs mesures pourraient viser à :

  1. Renforcer la concurrence pour lutter contre les abus de position dominante sur le marché ;
  2. Protéger les données et la vie privée pour empêcher le traitement abusif des données ;
  3. Revoir les règles de responsabilité du contenu pour clarifier les responsabilités pour le contenu en ligne ;
  4. Accroître la transparence et la responsabilité pour le filtrage et la modération du contenu ;
  5. Superviser les algorithmes pour augmenter leur transparence et leur fiabilité ;
  6. Réglementer la publicité politique ciblée pour empêcher les abus et la manipulation ;
  7. Donner aux citoyens les moyens de comprendre les risques numériques et de repousser les attaques.