Archives mensuelles : juillet 2019

Communiquer sur la politique de cohésion de l’UE : enquête sur l’impact auprès des publics locaux ?

Défi pourtant majeur pour les décideurs politiques et locaux, les résultats sociétaux de la politique de cohésion de l’UE sont encore moins bien compris que les résultats économiques. Le projet PERCEIVE a enquêté pour mieux comprendre dans quelle mesure la communication des praticiens de la politique de cohésion de l’UE est perçue et comprise par les publics locaux et produit et amplifie la « sensibilisation » à la politique de cohésion de l’UE et « l’appréciation » générale de l’UE…

Compréhension des mécanismes et des résultats de la communication dans la pratique actuelle de mise en œuvre de la politique de cohésion de l’UE

L’objectif de l’enquête porte sur deux aspects principaux de la manière dont la communication peut avoir des effets sur les audiences :

  • La mesure du contenu de la communication locale et son lien avec des contenus circulant au niveau paneuropéen ;
  • Le montant des fonds structurels et l’allocation spécifique des investissements en communication et leurs impacts.

Le périmètre de l’enquête s’intéresse aux pages Facebook des organisations de mise en œuvre de la politique de cohésion de l’UE, ayant le droit de communiquer. Ces autorités de gestion locales diffèrent selon les régions et les pays. Dans certains cas, la communication est gérée au niveau du gouvernement régional, dans d’autres, les efforts de communication sont plus ciblés au niveau opérationnel local.

L’hétérogénéité observée crée des différences importantes pour la communication : alors que les petites unités ont généralement moins de capacité à générer du trafic et donc moins de visibilité, elles peuvent néanmoins bénéficier d’un ciblage plus étroit et afficher ainsi un niveau plus élevé d’engagement communautaire.

Cartographie des conversations sur les médias sociaux pour mieux comprendre la configuration paneuropéenne et nationale des discussions sur la politique de cohésion de l’UE au niveau régional

Dans une large mesure, les sphères publiques affichent toujours un certain degré d’internationalité au niveau régional, c’est-à-dire qu’elles couvrent des sujets abordés dans plusieurs espaces publics nationaux.

Dans le même ordre d’idée, certains sujets liés à la politique de cohésion de l’UE sont très étroitement liés localement, tandis que d’autres sont plus répandus au niveau paneuropéen, comme par exemple l’archipel de sujets sous le label de l’euroscepticisme.

De manière générale, les sujets qui collectent des plaintes se retrouvent plus souvent dans les commentaires que dans les messages. D’ailleurs, les sujets qui expriment des critiques sont les plus largement diffusés. Parallèlement aux plaintes adressées aux fonds européens et à leur utilisation, le thème lié à la «vaccination» fait l’objet de débats très animés avec des adeptes de l’anti-vaccin largement actifs sur Facebook. Les sujets relatifs aux services sociaux et aux soins de santé semblent prédominés.

Analyse du lien entre investissement en communication et sensibilisation / appréciation des actions régionales liées à la politique de cohésion de l’UE

Le montant des fonds structurels en faveur de la population s’associe de manière significative et positive à la connaissance de la politique, à l’intérêt personnel perçu et à l’appréciation politique de l’adhésion des pays à l’UE. Ce résultat est stable.

Le montant des investissements dans la communication par habitant au cours de la période actuelle (2014-2020) est associé de manière significative et positive à la probabilité pour les citoyens de percevoir un avantage personnel découlant de l’action de l’UE à travers sa politique. En revanche, l’association est négative pour le cas de l’appréciation politique (c’est-à-dire l’adhésion d’un pays à l’UE), suggérant une non-linéarité dans les effets de la communication (c’est-à-dire que l’avantage personnel perçu ne se traduit pas automatiquement par une appréciation politique plus élevée).

L’investissement en communication au cours de la dernière période (2007-2013) n’est associé que très modestement et positivement à la prise de conscience, alors qu’il ne semble pas avoir d’effet sur la probabilité pour les citoyens de percevoir un avantage personnel ou d’exprimer une appréciation politique. Ce résultat suggère une diminution de l’efficacité de la communication dans la formation des opinions des citoyens au fil du temps.

Des proportions plus élevées de vocabulaire négatif (c’est-à-dire potentiellement porteur de sentiments négatifs) dans la communication en ligne s’associent de manière significative et négative à une probabilité plus faible que les citoyens apprécient l’impact des interventions politiques de l’UE sur les plans personnel et politique. Ce résultat est hautement cohérent.

La fréquence d’utilisation de sujets à connotation négative semble généralement conduire à une moindre appréciation en termes d’avantage personnel perçu et d’appréciation politique, même si les résultats ne sont pas toujours simples et mécaniques.

Implications politiques pour la mise en œuvre des actions régionales de la politique de cohésion de l’UE pour la communication

Une première et très générale conséquence est que les décideurs politiques doivent accorder une plus grande attention à la communication en tant que mécanisme permettant de sensibiliser et en particulier d’apprécier la politique de l’UE. Plus de financement se traduit par plus de sensibilisation et d’appréciation pour la politique de cohésion, en raison de son déploiement à l’échelle locale.

Une deuxième implication découle directement de la dissociation des aspects dynamiques : alors que les budgets spécifiquement alloués à la communication au cours de la période actuelle ont un effet positif sur l’appréciation personnelle des actions de l’UE, les fonds alloués à la communication lors de la période précédente n’ont aucun impact sur l’appréciation et seulement des impacts très limités sur la sensibilisation. L’implication pour le développement et la mise en œuvre de la politique de cohésion de l’UE repose sur l’idée d’un effet décroissant des impacts sur la communication.

En d’autres termes, les habitants des régions ayant bénéficié d’investissements dédiés en communication dans le passé pourraient connaître une baisse des niveaux de sensibilisation et d’appréciation après avoir reçu moins de fonds structurels ou des budgets de communication réduits.

En vue de la prochaine négociation budgétaire pluriannuelle de l’UE, il faudrait donc utiliser des stratégies de communication qui traitent spécifiquement de l’objectif de « maintenir » les niveaux de sensibilisation et d’appréciation sur les territoires locaux une fois que les régions atteignent des niveaux de développement plus élevés même si les niveaux de financement structurel de l’UE sont de facto en baisse.

Au total, puisque les citoyens et les décideurs politiques sont ancrés dans des structures de sens créées collectivement au niveau local – leur attitude à l’égard de l’UE dépendant de cet enracinement – la communication sur la politique de cohésion de l’UE devrait davantage capitaliser sur ces identités locales pour décupler son potentiel de sensibilisation et d’appréciation positives.

Programme politique de la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen

Le vote d’approbation du Parlement européen à la nouvelle présidente de la Commission européenne est l’occasion de s’intéresser à ses orientations politiques pour 2019-2014, son programme pour l’Europe et une « Union plus ambitieuse ». Une lecture brute pour découvrir et apprécier les mots et les idées d’Ursula von der Leyen, l’un de ses seuls atouts jusqu’à présent qu’elle a su utiliser avec talent entre la phase d’écoute des eurodéputés et de silence médiatique, puis la phase de révélation avec son discours et ses interviews média…

De manière synthétique, la vision d’Ursula von der Leyen pour l’Union européenne : « pour répondre à l’aspiration des citoyens d’une Europe à la pointe mondiale des principaux défis de notre temps (…) par une action à la hauteur des nouvelles ambitions d’aujourd’hui, nous devons redécouvrir notre unité et notre force intérieure liées à notre modèle unique d’économie sociale de marché (…) une approche de travail plus inclusive et plus ouverte, avec 6 grandes orientations politiques se fondant sur les idées et priorités communes qui nous unissent afin de prendre le leadership sur la scène mondiale. »

1. Un pacte vert pour l’Europe : le premier continent climatiquement neutre au monde

Devenir le premier continent climatiquement neutre au monde est le plus grand défi et la plus grande chance de notre temps afin d’ancrer l’objectif de la neutralité climatique à l’horizon 2050 :

  • Une taxation revue des énergies et une taxe carbone aux frontières ;
  • Une nouvelle stratégie industrielle pour faire de l’Europe un leader mondial de l’économie circulaire et des technologies propres ;
  • Un nouveau Fonds pour une transition juste et équitable pour tous et un pacte climatique européen qui rassemblera régions, collectivités locales, société civile, industries et écoles ;
  • Un plan d’investissement pour une Europe durable dans la recherche de pointe et dans l’innovation via une stratégie en faveur de la finance privée verte et un plan d’investissement public pour une Europe durable à hauteur de mille milliards d’euros sur les dix prochaines années ;
  • Une stratégie en matière de biodiversité à l’horizon 2030 ;
  • Une nouvelle «stratégie “de la ferme à l’assiette”» pour une alimentation durable à tous les stades de la chaîne de valeur ;
  • Une stratégie transversale pour protéger la santé des personnes contre la détérioration de l’environnement et la pollution, en veillant à la qualité de l’air et de l’eau et en contrôlant les produits chimiques dangereux, les émissions industrielles, les pesticides et les perturbateurs endocriniens ;
  • Un nouveau plan d’action pour l’économie circulaire qui mettra l’accent sur l’utilisation durable des ressources ;
  • Un nouveau front dans notre lutte contre les déchets en plastique, en visant les microplastiques.

=> Pour dire les choses brutalement, la nouvelle présidente de la Commission européenne met le paquet sur une approche holistique de la transition climatique, industrielle, environnementale au point de ne même pas mentionner la PAC qui reste encore le premier budget de l’UE à ce jour. Des convictions plus marquées et des promesses fortes qui n’auront pas convaincus les eurodéputés Vert et devront être portées par des Commissaires crédibles.

2. Une économie au service des personnes : une Europe plus ambitieuse en matière d’équité sociale et de prospérité

Notre modèle européen unique d’économie sociale de marché constitue le moteur de la lutte contre la pauvreté et les inégalités et assure la primauté de l’équité sociale et du bien-être social :

  • Une stratégie spécifique pour les PME, afin qu’elles puissent prospérer, moyennant un allégement des formalités administratives et une amélioration de leur accès au marché ;
  • Un fonds public-privé spécialisé dans les introductions en bourse de PME, avec un investissement initial de l’UE ;
  • Approfondir notre Union économique et monétaire, exploiter pleinement la souplesse interne du pacte de stabilité et de croissance ;
  • Un système européen d’assurance des dépôts bancaires ;
  • Faire du Semestre européen un instrument qui intègre les objectifs de développement durable des Nations unies ;
  • Un plan d’action pour la mise en œuvre intégrale du socle européen des droits sociaux ;
  • Un salaire minimum équitable ;
  • Un régime européen de réassurance des prestations de chômage ;
  • Une garantie européenne pour l’enfance, tels que les soins de santé et l’éducation ;
  • Un plan européen de lutte contre le cancer ;
  • Une nouvelle stratégie européenne d’égalité entre les hommes et les femmes ;
  • L’instauration de mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations ;
  • Des quotas garantissant une égale représentation des hommes et des femmes dans les conseils d’administration ;
  • Une représentation pleinement paritaire à tous les niveaux d’encadrement de la Commission d’ici à la fin de mon mandat ;
  • Renforcer la directive sur les droits des victimes et ajouter la violence envers les femmes aux infractions pénales définies dans le traité.
  • Réformer les systèmes de l’impôt sur les sociétés au niveau de l’UE et au niveau international ;
  • Un impôt numérique équitable à l’échelle mondiale d’ici la fin 2020
  • Améliorer l’environnement fiscal des entreprises sur le marché unique, intensifier la lutte contre la fraude fiscale et renforcer notre action contre les régimes fiscaux dommageables dans les pays tiers.

=> Outre la carte féminine légitime, la présidente de la Commission européenne porte la vision allemande d’un capitalisme rhénan régulé et social qui apparaît comme une légère inflexion, dont on verra si elle parvient à convaincre sa famille politique et surtout les eurodéputés sociaux-démocrates divisés lors du vote d’investiture.

3. Une Europe adaptée à l’ère du numérique : saisir les possibilités offertes par l’ère du numérique, au sein d’un cadre garant de la sécurité et de l’éthique

  • Parvenir à une souveraineté technologique dans certains domaines essentiels : blockchain, calcul à haute performance, informatique quantique, algorithmes et outils permettant le partage ainsi que l’exploitation des données ;
  • Aider à trouver des solutions aux enjeux sociétaux actuels, que ce soit dans le domaine de la santé ou de l’agriculture, de la sécurité ou de l’industrie manufacturière ;
  • Une approche européenne coordonnée relative aux implications humaines et éthiques de l’intelligence artificielle ;
  • Une nouvelle législation sur les services numériques en matière de responsabilité et de sécurité pour les plateformes, les services et les produits numériques ;
  • Une unité conjointe de cybersécurité, afin d’accélérer le partage d’informations et de mieux nous protéger ;
  • Mettre l’Europe à niveau en matière de compétences numériques, tant pour les jeunes que pour les adultes, en actualisant le plan d’action en matière d’éducation numérique ;
  • Tripler le budget d’Erasmus+.

=> Manifestement moins à l’aise au vue des propositions moins précises, la nouvelle présidente de la Commission européenne pose néanmoins un regard pas béat mais lucide sur les enjeux numériques contemporains qui devraient monté en puissance lors de son mandat.

4. Protéger notre mode de vie européen et nos valeurs

L’Union européenne est une communauté de droit, c’est la marque de fabrique de l’Europe :

  • Un nouveau mécanisme européen complet de protection de l’état de droit, applicable dans l’ensemble de l’UE, avec établissement de rapports annuels objectifs ;
  • Faire de l’état de droit une partie intégrante du prochain cadre financier pluriannuel ;
  • Un nouveau pacte sur la migration et l’asile, avec notamment la réouverture des discussions pour la réforme des règles de Dublin en matière de droit d’asile ;
  • Renforcer l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ;
  • Un nouveau mode de répartition de la charge de l’asile ;
  • Renforcer la coopération avec les pays tiers, notamment via des corridors humanitaires ;
  • Une approche plus soutenable en matière de recherche et de sauvetage et de retour des migrants ;
  • Intensifier notre coopération transfrontière pour combler les failles de la lutte menée en Europe contre les formes graves de criminalité et le terrorisme et les nouveaux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;
  • Une approche européenne intégrée, afin de renforcer la gestion des risques en matière douanière et d’aider les États membres à procéder à des contrôles efficaces.

=> Sur les défis régaliens, la feuille de route est copieuse, mais encore faut-il que les Etats-membres y souscrivent et surtout que les budgets prochainement négociés soient à la hauteur des ambitions.

5. Une Europe plus forte sur la scène internationale : un leadership mondial responsable qui fait sa singularité

  • Renforcer le rôle de chef de file de l’Europe et sa vocation à fixer les normes au niveau mondial, par un solide programme en faveur d’un commerce libre et équitable ;
  • Conclure rapidement les négociations en cours avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande et de poursuivre de nouveaux partenariats si les conditions sont réunies ;
  • Consolider un partenariat commercial équilibré et mutuellement bénéfique avec les Etats-Unis ;
  • Tout nouvel accord conclu comporte un chapitre consacré au développement durable et adhère aux normes les plus élevées de protection en matière de climat, d’environnement et de travail, y compris une tolérance zéro pour le travail des enfants ;
  • Un responsable du commerce chargé de veiller à un meilleur respect de nos accords, de les faire effectivement appliquer ;
  • Jouer un rôle moteur dans la modernisation et la réforme de l’Organisation mondiale du commerce ;
  • Adopter une stratégie globale à l’égard de l’Afrique ;
  • Ouvrir des négociations avec la Macédoine du Nord et l’Albanie ;
  • Une nouvelle prolongation du Brexit à condition que de bonnes raisons soient avancées ;
  • Renforcer le Fonds européen de la défense afin de soutenir la recherche et le développement des capacités.

=> Sur les dossiers internationaux, la feuille de route est plutôt classique, dans le prolongement des engagements et des trajectoires. La capacité de pédagogie de la nouvelle présidente de la Commission sera mise à l’épreuve en particulier sur les sujets commerciaux qui peinent de plus en plus à convaincre les Européens.

6. Un nouvel élan pour la démocratie européenne : nourrir, protéger et renforcer notre démocratie

  • Une conférence sur l’avenir de l’Europe, en fixant clairement sa portée et ses objectifs et donner suite aux points qui y seront décidés ;
  • Renforcer le partenariat entre la Commission européenne et le Parlement européen : établir en priorité un dialogue permanent, raviver la tradition de l’Heure des questions et favorable à un droit d’initiative pour le Parlement européen ;
  • Supprimer l’unanimité pour les politiques en matière de climat et d’énergie, en matière sociale et de fiscalité ;
  • Améliorer le système des Spitzenkandidaten et étudier la question de listes transnationales aux élections européennes ;
  • Un organe éthique indépendant commun à toutes les institutions de l’UE ;
  • Accroître la transparence tout au long du processus législatif ;
  • Une approche conjointe ainsi que des normes communes pour traiter des problèmes tels que désinformation et messages de haine en ligne, transparence en matière de publicité politique payante et financement des partis politiques européens.

=> Ce dernier chapitre semble avoir été le plus travaillé en fonction des auditions par les groupes politiques au Parlement européen en amont de son investiture. La plupart de ses propositions traduisent une volonté  – une nécessité  – de davantage collaborer avec le Parlement européen qui aura été davantage en capacité de négocier le programme par rapport à Juncker qui s’était imposé par les urnes.

La conclusion est éclairante pour voir le fil du mandat se dérouler : « Dès le premier jour, je présenterai un Collège qui respectera la parité hommes-femmes. Dans les 100 premiers jours de mon mandat, je présenterai un pacte vert pour l’Europe. D’ici à l’année prochaine, les Européens auront leur mot à dire lors d’une conférence sur l’avenir de l’Europe. D’ici à 2024, 10 000 garde-frontières et garde-côtes européens devraient contribuer à protéger nos frontières extérieures et chaque travailleur devrait bénéficier d’un salaire minimum équitable. Et d’ici à 2050, l’Europe devrait être le premier continent au monde à atteindre la neutralité climatique. Telle est ma vision d’une Europe plus ambitieuse. »

Eurobaromètre post-électoral : les raisons de la participation aux élections européennes

La première enquête Eurobaromètre approfondie analyse les résultats des élections européennes de juin 2019 et les raisons de la participation électorale et les problématiques qui ont incités en particulier un électorat pro-européen et jeune, aux attentes précises à voter…

Les citoyens ont voté avec un soutien très fort à l’UE et une conviction renforcée que leur voix compte dans l’UE

Dans la foulée des élections européennes marquées par une participation jamais atteinte depuis 20 ans, en particulier avec une participation des jeunes qui a cru de 50%42% (contre 28% en 2014), les fondamentaux sont au beau fixe :

  • 68% des citoyens considèrent que leur pays a bénéficié de l’adhésion à l’UE ;
  • 56% des citoyens estiment que leur voix compte dans l’UE : + 7 points depuis mars 2019, le résultat le plus élevé depuis que cette question a été posée pour la première fois en 2002.

Les citoyens ont voté par devoir civique, soutien à l’Europe, et comme moyen de faire changer les choses

Outre l’argument démocratique par excellence, le devoir civique étant la raison la plus souvent invoquée par 52% des votants, les citoyens européens ont voté car ils se déclarent en faveur de l’UE (28%, +11 points) ou parce qu’ils ont le sentiment qu’ils peuvent changer les choses en votant (18%, +6 points). Il s’agit donc principalement d’un vote d’adhésion plus que de rejet.

Première cartographie distinctive de l’Union européenne sous l’angle des raisons du vote :

  • Le devoir civique augmente en Allemagne (39%, +14 points), en Irlande (27%, +15 points), en Italie (23%, +14 points) et en Espagne (23%, +15 points) ;
  • Le soutien à l’UE progresse en Irlande et Pologne (+15) mais aussi en Allemagne et Italie (+14) – à contrario le soutien est faible en Europe centrale et orientale ;
  • L’expression d’un désaccord d’abord au Royaume-Uni (22%, + 13), en France (22%, +3) et en Grèce – à contrario la colère est faible dans l’Europe du nord.

Deuxième cartographie des nouveaux clivages dans l’Union européenne sous l’angle des « drivers » de politiques publiques qui poussent les citoyens à voter :

  • L’économie et la croissance domine dans 17 États-membres, plutôt à l’est et au sud ;
  • Le climat et l’environnement est prioritaire à l’ouest et au nord ;
  • L’immigration et le fonctionnement de l’UE en mineur.

eurobarometre_post_elections_2019_drivers_vote

Au total, la bonne nouvelle de la hausse de la participation électorale ne doit pas empêcher de voir que des nouveaux clivages post-électoraux en termes de priorités politiques se dessinent entre les pays européens.

Élections européennes : la procédure des Spitzenkandidaten est-elle morte ?

Selon Sophia Russack dans « EU parliamentary democracy: how representative? », la procédure des Spitzenkandidaten visant à accroître les enjeux des élections européennes et à personnaliser la politique européenne n’a pas atteint ses promesses. Explications à l’aune de la nomination de la ministre de la défense Ursula von der Leyen par le Conseil européen pour la présidence de la Commission européenne.

Échec relatif en 2014 : aucun effet sur la participation électorale, mais une hausse de l’influence du Parlement européen

Lors des élections européennes de 2014, le système des Spitzenkandidaten n’a eu aucun effet tangible. Non seulement, le taux de participation a été au plus bas mais les électeurs ignoraient dans une large mesure les candidats, en particulier en dehors de leur pays avec une moyenne de notoriété de 8,2% et surtout les débats sur des questions politiques clés n’ont pas été façonnés par les Spitzen, mais plutôt par des partis opposés à l’établissement et eurosceptiques.

Au final, ni les campagnes préélectorales, ni les prises de décision postélectorales ne se sont traduites par une plus grande concurrence entre les partis politiques ou un véritable choix entre des programmes politiques rivaux. Au lieu de cela, les élections 2014 ont perpétué la tendance à long terme d’étroite coopération entre les partis favorables à l’intégration situés au centre du spectre politique.

Ainsi, le système Spitzenkandidaten n’a eu aucun effet positif sur la participation. Il s’est donc avéré incapable d’améliorer la représentativité ou la responsabilité du Parlement européen. N’ayant pas été un succès démocratique, le seul effet provoqué aura été de nature institutionnelle, le Parlement européen ayant renforcé sa propre influence dans la sélection du président de la Commission, modifiant ainsi légèrement la dynamique interinstitutionnelle de l’UE.

Échec terminal en 2019 : hausse non attribuable de la participation et baisse de l’influence du Parlement européen

Lors de la campagne électorale de 2019, la plupart des partis politiques européens ont sélectionné un Spitzenkandidat pour faire campagne dans toute l’Europe. Cependant, le système ayant perdu son élan a été considérablement affaibli institutionnellement et ne peut pas se voir attribuer la cause de la hausse surprise de la participation aux élections.

Le système Spitzenkandidaten promeut implicitement la «parlementarisation» de l’UE et un modèle fédéral de démocratie européenne, dans lequel le Parlement européen reçoit un mandat démocratique de l’électorat lui permettant de sélectionner l’exécutif – et de le tenir pour responsable.

Cette tentative de construire un système quasi parlementaire ne correspond pas à la nature de l’Union européenne qui n’est pas un véritable système parlementaire. La structure institutionnelle de l’UE en tant que système politique hybride implique des limitations structurelles dans lesquelles des domaines clés de la prise de décision restent entre les mains des gouvernements nationaux en tant qu’« acteurs constituants ».

Par conséquent, la Commission européenne n’est en aucun cas le « gouvernement » responsable devant le Parlement européen auquel les partisans du processus Spitzenkandidaten s’attendaient. Un tel gouvernement impliquerait une interdépendance institutionnelle et politique entre le législatif et l’exécutif.

Le système Spitzenkandidaten n’aide pas vraiment à combler le fossé entre le législatif et l’exécutif, parce que le système lui-même est institutionnellement illogique : la procédure ne concerne que le président de la Commission, pas l’ensemble du pouvoir exécutif. La nomination des autres membres du collège suit une logique différente : même si le président attribue leurs portefeuilles, ils sont sélectionnés par leurs gouvernements nationaux respectifs.

Un autre « défaut » institutionnel, qui illustre davantage le fossé entre le législatif et l’exécutif, est le fait que les candidats à la présidence de la Commission ne sont pas tenus de se présenter aux élections au Parlement européen. Le traité de Lisbonne exclut même cette option en indiquant que les membres du collège ne sont pas autorisés à occuper d’autres fonctions. Le statut parlementaire des membres de l’exécutif est toutefois un « principe fondamental du modèle parlementaire ».

Au total, partant que l’ADN du Parlement européen est très différent de celui des parlements nationaux, les Spitzenkandidaten en tant que tentative de « parlementariser » l’UE (une entité hybride sui generis) ne rend pas justice à la structure institutionnelle sophistiquée de l’UE et ne fait donc pas du Parlement un meilleur représentant de l’électorat européen.

Nominations post-élections européennes : quelles stratégies de communication politique européenne ?

La période actuelle – ouverte au soir des résultats aux élections européennes et qui se clôturera avec la prise de fonction de la nouvelle Commission européenne – est particulièrement sensible, au point qu’il est à craindre que la culture du compromis – au cœur du projet européen – soit en partie en danger. Pourquoi ?

Communication consensuelle vs. Communication partisane

Le système démocratique européen, mis à rude épreuve avec la phase de nominations post-électorales, repose sur une double légitimité entre la logique quasi-diplomatique, autant que possible consensuelle du côté des chefs des États-membres au Conseil européen, qui dispose du pouvoir de choisir en particulier le président de la Commission européenne « en tenant compte des résultats aux élections européennes » selon le traité et la logique partisane, du fait majoritaire du côté du Parlement européen pour approuver les candidats.

Ce système, en l’absence de compromis de parts et d’autres, risque de sombrer dans la crise, si le Conseil européen ne parvient pas à s’accorder (à vrai dire peu vraisemblable si les chefs d’État et de gouvernement se réunissent autant que nécessaire) mais surtout si le Parlement européen ne ratifie pas les choix soumis au vote – d’autant plus que les Spitzenkandidaten ont été d’ores et déjà écartés lors du dernier sommet européen – afin in fine que les partis politiques européens gardent la main sur le président de la Commission européenne.

Dans ce dialogue entre les institutions européennes, la communication des chefs d’Etat et de gouvernement est beaucoup plus audible et médiatique que la communication des chefs de partis politiques au Parlement européen : les uns peuvent prétendre incarner la légitimité démocratique nationale tandis que les autres tentent d’incarner la légitimité démocratique européenne issue des élections européennes. Dans cet exercice, il est fort à craindre que le choc des légitimités soit défavorable au Parlement européen.

Communication sur les programmes vs. Communication sur les personnalités

Entre les programmes sur la table après les résultats aux élections européennes et les personnalités dans les tablettes, il est intéressant de noter une position diamétralement opposée entre les deux institutions européennes en dialogue :

Du côté du Conseil européen, éclate à la fois un relatif consensus sur les priorités de l’UE, comme la lecture du « nouveau programme stratégique 2019-2024 » adopté dans une relative indifférence le prouve alors qu’il s’agit ni plus ni moins de la feuille de route de la Commission européenne pour les prochaines années; et un complet désaccord sur le choix des personnalités pour incarner les principales institutions de l’Union européenne. En termes de communication, cette querelle des chefs est préjudicielle à la matrice du fonctionnement consensuel routinier de son institution.

Du côté du Parlement européen, on assiste étonnamment à l’exacte inverse : d’une part, les partis politiques européens peinent à définir un programme de travail législatif indicatif susceptible de rassembler une majorité au-delà des familles traditionnelles PPE et PSE, avec le temps qui s’écoule les eurodéputés ont globalement perdu l’initiative sur ce sujet. D’autre part, les partis politiques européens jouent un jeu potentiellement dangereux de soutien arc bouté aux Spitzenkandidaten alors que le système permettrait de dégager naturellement une majorité avec un scrutin à deux tours mais ne marche pas avec un scrutin à un tour.

Dans ce registre entre programmes et personnalités, il aurait été attendu que le Parlement européen préempte le programme législatif (même s’il n’a pas le droit d’initiative) pour construire une majorité d’idées qui aurait infusée au sein du Conseil européen et pesée sur les nominations, alors qu’en l’occurrence le Parlement européen s’illustre à la fois par la guerre des chefs et l’absence de direction.

Au final, la période des nominations post-électorale est un moment très difficile à gérer pour le nouveau Parlement européen tandis que « la politique de l’événement » est plus naturelle au Conseil européen.