Programme politique de la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen

Le vote d’approbation du Parlement européen à la nouvelle présidente de la Commission européenne est l’occasion de s’intéresser à ses orientations politiques pour 2019-2014, son programme pour l’Europe et une « Union plus ambitieuse ». Une lecture brute pour découvrir et apprécier les mots et les idées d’Ursula von der Leyen, l’un de ses seuls atouts jusqu’à présent qu’elle a su utiliser avec talent entre la phase d’écoute des eurodéputés et de silence médiatique, puis la phase de révélation avec son discours et ses interviews média…

De manière synthétique, la vision d’Ursula von der Leyen pour l’Union européenne : « pour répondre à l’aspiration des citoyens d’une Europe à la pointe mondiale des principaux défis de notre temps (…) par une action à la hauteur des nouvelles ambitions d’aujourd’hui, nous devons redécouvrir notre unité et notre force intérieure liées à notre modèle unique d’économie sociale de marché (…) une approche de travail plus inclusive et plus ouverte, avec 6 grandes orientations politiques se fondant sur les idées et priorités communes qui nous unissent afin de prendre le leadership sur la scène mondiale. »

1. Un pacte vert pour l’Europe : le premier continent climatiquement neutre au monde

Devenir le premier continent climatiquement neutre au monde est le plus grand défi et la plus grande chance de notre temps afin d’ancrer l’objectif de la neutralité climatique à l’horizon 2050 :

  • Une taxation revue des énergies et une taxe carbone aux frontières ;
  • Une nouvelle stratégie industrielle pour faire de l’Europe un leader mondial de l’économie circulaire et des technologies propres ;
  • Un nouveau Fonds pour une transition juste et équitable pour tous et un pacte climatique européen qui rassemblera régions, collectivités locales, société civile, industries et écoles ;
  • Un plan d’investissement pour une Europe durable dans la recherche de pointe et dans l’innovation via une stratégie en faveur de la finance privée verte et un plan d’investissement public pour une Europe durable à hauteur de mille milliards d’euros sur les dix prochaines années ;
  • Une stratégie en matière de biodiversité à l’horizon 2030 ;
  • Une nouvelle «stratégie “de la ferme à l’assiette”» pour une alimentation durable à tous les stades de la chaîne de valeur ;
  • Une stratégie transversale pour protéger la santé des personnes contre la détérioration de l’environnement et la pollution, en veillant à la qualité de l’air et de l’eau et en contrôlant les produits chimiques dangereux, les émissions industrielles, les pesticides et les perturbateurs endocriniens ;
  • Un nouveau plan d’action pour l’économie circulaire qui mettra l’accent sur l’utilisation durable des ressources ;
  • Un nouveau front dans notre lutte contre les déchets en plastique, en visant les microplastiques.

=> Pour dire les choses brutalement, la nouvelle présidente de la Commission européenne met le paquet sur une approche holistique de la transition climatique, industrielle, environnementale au point de ne même pas mentionner la PAC qui reste encore le premier budget de l’UE à ce jour. Des convictions plus marquées et des promesses fortes qui n’auront pas convaincus les eurodéputés Vert et devront être portées par des Commissaires crédibles.

2. Une économie au service des personnes : une Europe plus ambitieuse en matière d’équité sociale et de prospérité

Notre modèle européen unique d’économie sociale de marché constitue le moteur de la lutte contre la pauvreté et les inégalités et assure la primauté de l’équité sociale et du bien-être social :

  • Une stratégie spécifique pour les PME, afin qu’elles puissent prospérer, moyennant un allégement des formalités administratives et une amélioration de leur accès au marché ;
  • Un fonds public-privé spécialisé dans les introductions en bourse de PME, avec un investissement initial de l’UE ;
  • Approfondir notre Union économique et monétaire, exploiter pleinement la souplesse interne du pacte de stabilité et de croissance ;
  • Un système européen d’assurance des dépôts bancaires ;
  • Faire du Semestre européen un instrument qui intègre les objectifs de développement durable des Nations unies ;
  • Un plan d’action pour la mise en œuvre intégrale du socle européen des droits sociaux ;
  • Un salaire minimum équitable ;
  • Un régime européen de réassurance des prestations de chômage ;
  • Une garantie européenne pour l’enfance, tels que les soins de santé et l’éducation ;
  • Un plan européen de lutte contre le cancer ;
  • Une nouvelle stratégie européenne d’égalité entre les hommes et les femmes ;
  • L’instauration de mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations ;
  • Des quotas garantissant une égale représentation des hommes et des femmes dans les conseils d’administration ;
  • Une représentation pleinement paritaire à tous les niveaux d’encadrement de la Commission d’ici à la fin de mon mandat ;
  • Renforcer la directive sur les droits des victimes et ajouter la violence envers les femmes aux infractions pénales définies dans le traité.
  • Réformer les systèmes de l’impôt sur les sociétés au niveau de l’UE et au niveau international ;
  • Un impôt numérique équitable à l’échelle mondiale d’ici la fin 2020
  • Améliorer l’environnement fiscal des entreprises sur le marché unique, intensifier la lutte contre la fraude fiscale et renforcer notre action contre les régimes fiscaux dommageables dans les pays tiers.

=> Outre la carte féminine légitime, la présidente de la Commission européenne porte la vision allemande d’un capitalisme rhénan régulé et social qui apparaît comme une légère inflexion, dont on verra si elle parvient à convaincre sa famille politique et surtout les eurodéputés sociaux-démocrates divisés lors du vote d’investiture.

3. Une Europe adaptée à l’ère du numérique : saisir les possibilités offertes par l’ère du numérique, au sein d’un cadre garant de la sécurité et de l’éthique

  • Parvenir à une souveraineté technologique dans certains domaines essentiels : blockchain, calcul à haute performance, informatique quantique, algorithmes et outils permettant le partage ainsi que l’exploitation des données ;
  • Aider à trouver des solutions aux enjeux sociétaux actuels, que ce soit dans le domaine de la santé ou de l’agriculture, de la sécurité ou de l’industrie manufacturière ;
  • Une approche européenne coordonnée relative aux implications humaines et éthiques de l’intelligence artificielle ;
  • Une nouvelle législation sur les services numériques en matière de responsabilité et de sécurité pour les plateformes, les services et les produits numériques ;
  • Une unité conjointe de cybersécurité, afin d’accélérer le partage d’informations et de mieux nous protéger ;
  • Mettre l’Europe à niveau en matière de compétences numériques, tant pour les jeunes que pour les adultes, en actualisant le plan d’action en matière d’éducation numérique ;
  • Tripler le budget d’Erasmus+.

=> Manifestement moins à l’aise au vue des propositions moins précises, la nouvelle présidente de la Commission européenne pose néanmoins un regard pas béat mais lucide sur les enjeux numériques contemporains qui devraient monté en puissance lors de son mandat.

4. Protéger notre mode de vie européen et nos valeurs

L’Union européenne est une communauté de droit, c’est la marque de fabrique de l’Europe :

  • Un nouveau mécanisme européen complet de protection de l’état de droit, applicable dans l’ensemble de l’UE, avec établissement de rapports annuels objectifs ;
  • Faire de l’état de droit une partie intégrante du prochain cadre financier pluriannuel ;
  • Un nouveau pacte sur la migration et l’asile, avec notamment la réouverture des discussions pour la réforme des règles de Dublin en matière de droit d’asile ;
  • Renforcer l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ;
  • Un nouveau mode de répartition de la charge de l’asile ;
  • Renforcer la coopération avec les pays tiers, notamment via des corridors humanitaires ;
  • Une approche plus soutenable en matière de recherche et de sauvetage et de retour des migrants ;
  • Intensifier notre coopération transfrontière pour combler les failles de la lutte menée en Europe contre les formes graves de criminalité et le terrorisme et les nouveaux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;
  • Une approche européenne intégrée, afin de renforcer la gestion des risques en matière douanière et d’aider les États membres à procéder à des contrôles efficaces.

=> Sur les défis régaliens, la feuille de route est copieuse, mais encore faut-il que les Etats-membres y souscrivent et surtout que les budgets prochainement négociés soient à la hauteur des ambitions.

5. Une Europe plus forte sur la scène internationale : un leadership mondial responsable qui fait sa singularité

  • Renforcer le rôle de chef de file de l’Europe et sa vocation à fixer les normes au niveau mondial, par un solide programme en faveur d’un commerce libre et équitable ;
  • Conclure rapidement les négociations en cours avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande et de poursuivre de nouveaux partenariats si les conditions sont réunies ;
  • Consolider un partenariat commercial équilibré et mutuellement bénéfique avec les Etats-Unis ;
  • Tout nouvel accord conclu comporte un chapitre consacré au développement durable et adhère aux normes les plus élevées de protection en matière de climat, d’environnement et de travail, y compris une tolérance zéro pour le travail des enfants ;
  • Un responsable du commerce chargé de veiller à un meilleur respect de nos accords, de les faire effectivement appliquer ;
  • Jouer un rôle moteur dans la modernisation et la réforme de l’Organisation mondiale du commerce ;
  • Adopter une stratégie globale à l’égard de l’Afrique ;
  • Ouvrir des négociations avec la Macédoine du Nord et l’Albanie ;
  • Une nouvelle prolongation du Brexit à condition que de bonnes raisons soient avancées ;
  • Renforcer le Fonds européen de la défense afin de soutenir la recherche et le développement des capacités.

=> Sur les dossiers internationaux, la feuille de route est plutôt classique, dans le prolongement des engagements et des trajectoires. La capacité de pédagogie de la nouvelle présidente de la Commission sera mise à l’épreuve en particulier sur les sujets commerciaux qui peinent de plus en plus à convaincre les Européens.

6. Un nouvel élan pour la démocratie européenne : nourrir, protéger et renforcer notre démocratie

  • Une conférence sur l’avenir de l’Europe, en fixant clairement sa portée et ses objectifs et donner suite aux points qui y seront décidés ;
  • Renforcer le partenariat entre la Commission européenne et le Parlement européen : établir en priorité un dialogue permanent, raviver la tradition de l’Heure des questions et favorable à un droit d’initiative pour le Parlement européen ;
  • Supprimer l’unanimité pour les politiques en matière de climat et d’énergie, en matière sociale et de fiscalité ;
  • Améliorer le système des Spitzenkandidaten et étudier la question de listes transnationales aux élections européennes ;
  • Un organe éthique indépendant commun à toutes les institutions de l’UE ;
  • Accroître la transparence tout au long du processus législatif ;
  • Une approche conjointe ainsi que des normes communes pour traiter des problèmes tels que désinformation et messages de haine en ligne, transparence en matière de publicité politique payante et financement des partis politiques européens.

=> Ce dernier chapitre semble avoir été le plus travaillé en fonction des auditions par les groupes politiques au Parlement européen en amont de son investiture. La plupart de ses propositions traduisent une volonté  – une nécessité  – de davantage collaborer avec le Parlement européen qui aura été davantage en capacité de négocier le programme par rapport à Juncker qui s’était imposé par les urnes.

La conclusion est éclairante pour voir le fil du mandat se dérouler : « Dès le premier jour, je présenterai un Collège qui respectera la parité hommes-femmes. Dans les 100 premiers jours de mon mandat, je présenterai un pacte vert pour l’Europe. D’ici à l’année prochaine, les Européens auront leur mot à dire lors d’une conférence sur l’avenir de l’Europe. D’ici à 2024, 10 000 garde-frontières et garde-côtes européens devraient contribuer à protéger nos frontières extérieures et chaque travailleur devrait bénéficier d’un salaire minimum équitable. Et d’ici à 2050, l’Europe devrait être le premier continent au monde à atteindre la neutralité climatique. Telle est ma vision d’une Europe plus ambitieuse. »

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