Les citoyens du monde entier attendent de plus en plus que la démocratie soit transparente et demandent une voix et une implication directe dans les affaires qui les concernent. L’initiative citoyenne européenne a été conçue pour « faire le pont entre l’UE et les citoyens » selon Marcel Sangsari, qui en propose une « évaluation précoce ». Les initiatives citoyennes européennes vont-elles rendre plus participatives les affaires européennes ou ne servir qu’à augmenter la méfiance des citoyens européens ?
Bilan des 9 premiers mois : moins d’un million de signatures collectées… pour l’ensemble des 15 initiatives citoyennes européennes en cours
A ce jour, 23 initiatives citoyennes européennes ont été soumises. Seulement 15 sont ouvertes à la collecte des signatures, tandis que 7 ont été rejetées par la Commission européenne. Une dernière sur le bien-être des vaches laitières a été retirée par ses organisateurs.
Principales informations relatives aux initiatives citoyennes européennes en cours :
- la plus avancée avec 776 980 signatures revendiquées porte sur l’eau et l’assainissement pour en faire un bien public ;
- la plus dotée avec 150 000 € de soutien vise à la résiliation du contrat de libre circulation des personnes avec la Suisse ;
- la première « Fraternité 2020 – Mobilité. Progrès. Europe. » affiche 58 480 signatures et se voit traduite dans toutes les langues de l’UE ;
- une seule ICE ne dispose pas de site Internet tandis que toutes (sauf 3) ont été déposées en anglais.
Pour Marcel Sangsari, « il est trop tôt pour juger, mais il est clair que les organisateurs devraient chercher des conseils juridiques avant de proposer leur initiative citoyenne, la base juridique utilisée et la langue peut faire la différence ».
Un autre élément du bilan concerne l’expertise technique. L’un des problèmes majeurs concerne la difficulté de faire face à la mise en place d’un système de collecte en ligne. Le coût d’un serveur sécurisé « aux normes » est estimé de 20.000 à 30.000 €, un montant au-delà des moyens de la plupart des organisateurs. D’ailleurs, il y a même une initiative citoyenne européenne pour les rendre plus conviviales aux citoyens dans la collecte des signatures.
Comment faire des initiatives citoyennes européennes une vraie opportunité pour les citoyens et une réelle innovation de démocratie participative pour l’UE ?
Le seuil d’un million de signatures est une tâche complexe et difficile, qui consiste à collecter une moyenne de 2.740 signatures par jour !
Les organisateurs voient la nécessité pour la Commission de fournir une infrastructure de soutien et d’assistance. Par exemple, alors que la Commission fournit un point de contact pour obtenir des informations et de l’aide, et utilise ses 800 bureaux Europe Direct dans les États membres pour les demandes des citoyens de base, les ressources dédiées aux initiatives sont limitées.
Les outils nécessaires sont un centre d’aide (une hotline) à Bruxelles ainsi que d’une plateforme centralisée et permanente (un serveur) pour la collecte en ligne permettrait de faciliter la capacité des citoyens à faire usage de leur nouveau droit.
Les évolutions apportées au règlement des initiatives citoyennes européennes, dont la révision est prévue en 2015, devraient mettre l’accent sur les besoins des différents publics :
- Besoin de soutien pour les organisateurs, y compris leur nécessité d’une collecte de fonds ;
- Besoin d’une infrastructure plus proche et plus conviviale des citoyens au sein des autorités de l’UE ;
- Besoin de relais dans les États membres, notamment dans la compréhension des procédures et la diffusion des ressources disponibles.
L’optimisme laisse voir que les citoyens peuvent désormais prendre le siège du conducteur pour, peut-être, surmonter la paralysie institutionnelle dans des domaines importants tels que l’aide au développement de l’UE, sa politique énergétique, ou pour faire pression sur l’UE sur un sujet comme la taxe sur les transactions financières, comme l’a récemment suggéré le président du Parlement européen, Martin Schulz.
Le réalisme oblige à considérer que le citoyen lambda de l’UE n’est pas encore au courant de l’existence ou du potentiel des initiatives citoyennes européennes. Les institutions de l’UE feraient bien de mettre en place une stratégie de communication et une campagne paneuropéenne pour informer les citoyens de l’Union : l’Année européenne des citoyens en 2013 et la course aux élections européennes en 2014 offrent d’excellentes possibilités.
Au total, les initiatives citoyennes européennes peuvent tout à la fois faire avancer l’UE ou l’affaiblir en ajoutant de la frustration. Le potentiel d’engagement des citoyens repose sur des évolutions qui feront des initiatives citoyennes européennes un catalyseur pour une plus grande participation démocratique participative.