Archives mensuelles : janvier 2011

Communiquer efficacement auprès des citoyens : l’exemple de la communication web de l’UE au Royaume-Uni

Réputé sensiblement plus eurosceptique que la plupart des autres États-membres, le Royaume-Uni se distingue en matière de communication par la modernité technique et l’efficacité affinitaire des actions web réalisées par l’UE…

“The EU: what is it for me?”: un portail d’information interactif sur ce que l’UE fait concrètement pour les citoyens du Royaume-Uni

Réalisé par la Représentation de la Commission au Royaume-Uni, le site “The EU and Me”, résolument conçu pour s’adresser directement aux citoyens se présente comme “a No-Nonsense Guide for UK Citizens to what the European Union Delivers”.

the-eu-and-me.org.uk

Conscient de l’état de l’opinion publique nationale plutôt défavorable à l’égard de l’UE, l’objectif n’est pas de plaquer une présentation théorique et inadaptée mais bien plutôt d’argumenter sur les bénéfices concrets apportés par l’UE :

Le Royaume-Uni, comme la plupart d’entre nous le savons, est un contributeur net au budget de l’UE. Par conséquent, il est compréhensible que les gens dans ce pays veulent en savoir plus sur la façon dont nous bénéficions de notre contribution collective.

Au travers d’une série de cartes interactives ainsi que des mini articles sur les “EU myths”, le site illustre avec un vocabulaire compréhensible les avancées acquises par l’UE dans la vie quotidienne, qu’il s’agisse de :

  • Se Déplacer dans toute l’Europe librement et en toute sécurité.
  • Donner aux consommateurs du Royaume-Uni une approche équitable.
  • Faire de notre alimentation et de notre environnement plus sûrs.
  • Lutter contre la criminalité et assurer la police aux frontières.

 

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EU_myths3Au total, le portail est agréable à consulter et particulièrement instructif en évacuant toute approche institutionnelle pour se consacrer sur 25 actions clées de l’UE.

“EuroAcademy”: un portail de documentation et de serious games sur l’UE à destination des élèves et des professeurs

Réalisé par le Bureau du Parlement européen au Royaume-Uni, le site “EuroAcademy” : euroacademyonline.eu, dédié aux élèves (de 11 à 16 ans) et à leurs professeurs, met en ligne deux serious game pour faciliter l’apprentissage de l’éducation civique européenne.

euroacademy

Annoncés par des vidéos bandes-annonces particulièrement crédibles autour de scénario de crise en Europe, 2 serious games sont disponibles :

  • Crisis Point : un jeu basé sur un scénario fictif dans lequel les étudiants doivent travailler en tant que citoyens, députés européens et commissaires européens pour sauver l’Europe d’une pandémie.
  • Duty Calls : un jeu dans lequel vous jouez le rôle d’un député européen, et vous avez une semaine pour tenter de sauver l’Europe d’une pandémie.

Les atouts clés de ces “scenario-based teaching tool” :

  • enseigne la citoyenneté et de l’UE avec un moyen amusant et intéressant,
  • enseigne sur comment fonctionnement le Parlement européen et la Commission européenne,
  • est un bon outil pour encourager l’apprentissage actif et multi-disciplinaire,
  • utilise des formats multimédia (jeu de rôle, vidéo et fonctions interactives).

Avec ces 2 exemples, la communication web de l’UE dans le Royaume-Uni démontre qu’il est possible de mener une communication offensive sur l’UE : “exciting, relevant and fun”.

Initiative citoyenne européenne et démocratie Internet : comment éviter l’échec ?

Le pouvoir conféré aux citoyens par l’initiative citoyenne introduite dans le traité de Lisbonne aurait pû permettre à l’UE de s’inscrire dans les promesses de la démocratie Internet. Le texte du compromis finalement adopté par les institutions européennes échoue à saisir la nouveauté démocratique d’Internet…

Comment s’auto-organisent les mobilisations collectives sur Internet selon Dominique Cardon ?

Selon Dominique Cardon, auteur de « La démocratie Internet. Promesses et limites » lors de son intervention à la conférence « médias sociaux et démocratie » organisé par le Social Media Club France, Internet permet à la société civile de s’auto-organiser.

Des mobilisations collectives en ligne autour des savoirs (Wikipedia), des valeurs universelles (militantisme international) ou des convictions politiques (activisme militant) peuvent alors s’auto-organiser suivant les règles suivantes :

  • le périmètre du collectif est flou avec des niveaux d’engagement à géométrie variable ;
  • il n’y a pas de représentation explicite du collectif, il n’y a que des membres du collectif sans porte-paroles désignés ;
  • on ne vote pas sur Internet, sinon pour qualifier la force des arguments, mais les décisions sont arbitrées par consensus, souvent imposé par les plus actifs.

Comment s’organisent les initiatives citoyennes suivant le compromis entre les institutions européennes ?

Dans le texte adopté par le Parlement européen le 15 décembre 2010, les procédures et conditions requises pour l’initiative citoyenne sont points par points opposées à la logique des mobilisations collectives sur Internet :

  • le périmètre des citoyens – au-delà du million de signatures requis par le traité de Lisbonne – est très précisément défini puisqu’il doit être issu d’au moins un quart des États membres avec un nombre minimal de signataires requis dans chaque État membre.
  • la représentation est également très encadrée avec un « comité des citoyens » qui doit désigner des représentants qui assureront la liaison avec les institutions de l’Union tout au long de la procédure.
  • on ne débat pas de l’initiative citoyenne, puisque seuls compteront les « formulaires de déclaration de soutien » dûment remplis par les citoyens et dans un délai n’excédant pas douze mois.

In fine, « la Commission européenne présente l’action qu’elle compte entreprendre, le cas échéant, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre cette action ». Autrement dit, ce que les citoyens européens auront porté à l’attention de la Commission européenne peut être écarté d’un revers de main.

Comment les initiatives citoyennes européennes pourraient contribuer à un espace public européen avec Internet ?

Pour Stanislas Magniant sur Netpolitique, l’initiative citoyenne européenne pourrait néanmoins constituer une bonne nouvelle, par un usage adapté d’Internet :

  • « l’initiative citoyenne européenne pourrait avoir des effets secondaires positifs pour la constitution d’un espace public européen, mettant intelligemment à profit les outils et les atouts d’Internet pour faciliter la rencontre d’opinions de différents États-membres et la création d’interactions transnationales largement inexistantes » ;
  • « les médias contribueront à éclairer les opinions nationales sur les sujets européens ainsi « hissés » à l’agenda » ;
  • « l’opportunité de répondre par Internet pourrait ouvrir un dialogue, sans doute l’aspect le plus prometteur pour la constitution de cet embryon d’espace public européen ».

Ainsi, malgré l’autisme du texte final sur les initiatives citoyennes européennes aux « vertus démocratiques de l’Internet », selon Dominique Cardon ; ces consultations populaires pourraient néanmoins contribuer à combler – bien imparfaitement – le déficit démocratique entre l’UE et ses citoyens.

Comment la Commission européenne et le Conseil de l’UE communiquent auprès des médias ?

Les actions de communication auprès des médias de la Commission européenne et du Conseil de l’UE illustrent parfaitement leur rôle institutionnel dans l’Union…

Le service du Porte-Parole de la Commission européenne : une approche proactive et promotionnelle auprès de la sphère médiatique bruxelloise

Selon le chercheur Spanier dans  “Trying to Square the Circle – The Challenges of Being an EU Commission Spokesperson” (2010) :

  • les relations avec les médias  sont exclusivement orientées vers une sphère d’experts transnationaux composée par les correspondants de presse basés à Bruxelles et la presse spécialisée sur l’UE ;
  • les relations avec les médias sont largement destinées à promouvoir les intérêts de l’Union européenne en tant que telle ;
  • les relations avec les médias sont couramment menées de manière proactive et promotionnelle.

Ainsi, dans ses relations avec la presse, la Commission dispose de marges de manœuvre assez importantes, qui correspond au rôle de proposition et de décision de la Commission dans le système institutionnel de l’UE.

Le service presse du Conseil de l’UE : une approche réactive et informationnelle auprès des journalistes politiques des médias nationaux

Selon les chercheurs Bo Laursen et Chiara Valentini dans “Communicating the EU to the media: the delicate role of press officers at the Council of the European Union” (2010), les objectifs des relations avec les médias du Conseil de l’UE sont fortement contraintes :

  • dépendance des autres DG pour obtenir des informations détaillées,
  • discipline vis-à-vis des orientations générales du Secrétariat du Conseil pour la conduite des relations médias : « en guise de règle générale, les attachés de presse ne sont autorisés qu’à fournir uniquement des informations  de contexte (background information) »  ;
  • surveillance générale des Etats-membres notamment les plus euro-sceptiques  et particulière du pays exerçant la « présidence » souvent en concurrence auprès des médias.

Le dilemme des relations avec les médias du Conseil de l’UE réside dans les tensions entre la mission d’information sur les décisions prises par le Conseil de l’UE et les attentes des journalistes sur les négociations entre Etats-membres :

  • d’une part les attachés de presse sont censés expliquer ce qui se passe dans la salle de réunion du Conseil,
  • mais d’autre part les attachés de presse ne sont pas autorisés en principe à révéler les positions nationales alors que les journalistes veulent des informations pour évaluer les performances de leur ministre pour leur public national.

Ainsi, contrairement aux porte-paroles de la Commission européenne, les attachés de presse du Conseil de l’UE ne peuvent pas être cités par les médias, ils ne parlent que « off the record  » dans un registre non promotionnel et davantage en réponse aux questions des journalistes.

Entre l’approche proactive des relations presse la Commission européenne et l’approche réactive des relations presse du Conseil de l’UE, il ne reste plus qu’une étude approfondie des retombées presse pour évaluer l’efficacité relative de ces 2 approches de relation avec les médias.

Indications sur la présence web du Parlement européen

Lors de la conférence « Butterfly Europe : quand médias et réseaux sociaux font l’opinion publique européenne », Stephen Clark, le responsable de la communication web du Parlement européen a abordé les 2 enjeux de sa mission : réussir à toucher à la fois la « bulle bruxelloise » composée des professionnels de l’UE tout en s’adressant par ailleurs aux 500 millions de citoyens européens…

Alors que le site institutionnel du Parlement européen permet de toucher tous les publics, la présence sur Facebook correspond aux attentes des citoyens européens en matière d’information qui conjugue interactivité et affinité tandis que la présence sur Twitter répond davantage aux attentes d’exhaustivité et d’utilité attendues par les professionnels de l’UE.

Site institutionnel : la présence multi-cible du Parlement européen sur le web

Avec une fréquentation mensuelle estimée à 1,5 millions de pages vues (soit 60 000 par jour en moyenne et 20 000 pour la page d’accueil), le site du Parlement européen s’adresse à toutes les cibles de l’institution avec en moyenne 4 000 vues par article de base (traduit systématiquement dans les 23 langues officielles de l’UE).

Facebook : la présence affinitaire dans le web social dédiée aux citoyens européens

Avec près de 110 000 fans (5% provenant de la Belgique), la page du Parlement européen sur Facebook est suivie quasi-exclusivement par des citoyens européens « de base » pour un total de 3 722 957 impressions en décembre dernier selon Stephen Clark.

Chaque post reçoit en moyenne 100 000 impressions, soit 25 fois plus qu’un article publié sur le site institutionnel. Le trafic provenant de Facebook vers le site institutionnel le positionne comme 4e source principale.

Au total, l’ensemble des euro-députés sur Facebook rassemble +/- 900 000 fans et/ou amis.

Twitter : la présence utilitaire dans le web social dédiée aux professionnels de l’UE

Avec plus ou moins 10 000 Followers pour l’ensemble des comptes Twitter du Parlement européen (version anglaise ou française par exemple), seuls sont touchés les professionnels de l’UE basés pour l’essentiel à Bruxelles. Le trafic provenant de Twitter vers le site institutionnel le situe comme 10e source principale.

Au total, l’ensemble des euro-députés sur Twitter soit 255 selon Laura Dagg, la responsable du portail Touteleurope rassemble +/- 215 000 followers.

Ainsi, alors que « le Parlement européen est le leader mondial dans l’utilisation de Facebook par une institution parlementaire », selon l’état des lieux de la communication du Parlement européen sur Facebook dressé en juillet dernier, la complémentarité de la présence web de l’institution en fonction de ses cibles illustre l’importance du multilinguisme et de l’adéquation entre la stratégie de contenus et les attentes des internautes selon les réseaux sociaux.

Comment la communication de l’UE s’adapte-t-elle au web social ?

Quoique la communication numérique de l’UE soit prise dans un dilemme inextricable – faut-il améliorer les sites du portail Europa ou faut-il s’engager dans le web social ? – comment s’adapte-t-elle aux évolutions du web ?

La communication actuelle de l’UE dans le web social s’inscrit dans une logique d’échange

Aujourd’hui, la communication de l’UE dans le web social consiste à sensibiliser un public relativement passif au travers d’échanges limités avec des cibles potentiellement nombreuses mais faiblement engagées.

La rubrique « Communiquer avec l’UE sur les réseaux sociaux » rassemble les liens vers différents espaces ouverts dans cette logique d’échange :

  • les contributions interactives asynchrones : des espaces où tout internaute peut contribuer ou partager sans modifier ou supprimer les autres contributions (blogs, pages sur des réseaux sociaux comme Facebook, présence sur des sites de partage photos ou vidéos) ;
  • les conversations délibératives synchrones : des espaces où tout internaute identifié peut dialoguer en temps réel via un engagement simultané des participants (Twitter, chats sur Facebook et concours en ligne).

Il faut regretter sans doute en raison du multilinguisme que l’UE ne propose pas de rédaction collective où tout internaute pourrait ajouter du contenu sur les écrits des autres, modifier ou effacer et remplacer les contenus précédemment ajoutés (wikis).

La communication future de l’UE dans le web social s’inscrira dans une logique d’engagement

Demain, la communication de l’UE dans le web social consistera de plus en plus à activer l’engagement des internautes en leur proposant de jouer des « rôles » plus élaborés. C’est l’intuition de Nicolas André, Directeur Associé en charge du digital chez TBWA Corporate dans le « Buzzomètre #16 : La communication corporate peut-elle s’adapter au digital ? ».

Quels peuvent être ces « rôles » qui au-delà de l’échange de contenus tentent de tirer des connaissances tacites des participants ou d’articler des valeurs plus ou moins formulées ?

  • les applications de visualisation de données : à partir de bases de données, des outils de visualisation qui permettraient de mieux connaître les territoires et d’engager les participants dans une découverte des subventions et des projets. Exemple lié à la politique régionale : combiner la carte interactive des fonds réalisée par la DG Regio avec la base de données sur les bénéficiaires réalisée par le Financial Times (eufunds.ftdata.co.uk).
  • les applications de budgétisation participative : à partir de bases de données, des outils de calcul qui permettraient de mieux connaître les budgets et d’engager les participants dans une découverte des recettes et dépenses et des arbitrages envisageables.

Ainsi, la communication de l’UE dans le web social n’a pas fini d’« exploiter la puissance d’Internet pour une meilleure communication » pour reprendre le titre de la lettre ouverte au Président Barroso de la communauté des éditeurs et des webmasters de la Commission européenne.