Priorités politiques et attentes des citoyens dans la perspective des prochaines élections européennes ?

Moment démocratique essentiel, les résultats des élections européennes vont forger les prochains choix législatifs et budgétaires « non seulement l’agenda de la future Commission mais plus largement l’orientation de la politique européenne à l’horizon 2030 », selon le Policy Paper de Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF et Thierry Chopin, professeur invité au Collège d’Europe pour Notre Europe – Institut Jacques Delors dans « Élections européennes : répondre aux attentes d’une opinion publique fragmentée dans un « nouvel âge des incertitudes » ».

Panorama de l’opinion publique européenne à la veille des élections européennes

Dans la cartographie du soutien à l’intégration européenne, outre « l’effet pays » qui continue de jouer un rôle éminent, il faut compter sur la résilience de la fracture sociale et du « biais sociologique » habituel de « l’effet diplôme », plus puissant que l’effet d’âge ou de génération, tous deux jouent un rôle de catalyseur des opinions.

Le clivage entre opinions positives et négatives des Européens sur l’UE est fortement structuré par une vision optimiste ou pessimiste de l’économie et par la confiance dans l’action publique nationale et européenne : d’un côté un fort soutien pour davantage d’intégration européenne dans de nombreux domaines et à l’opposé, les pessimistes sur l’avenir économique s’opposent à l’intégration européenne et aux actions de l’UE

Typologie des opinions qui regroupe les Européens : 58% d’opinions positives, 32% d’opinions négatives et 10% d’opinions ambivalentes :

  • 10% des Européens très favorables à l’intégration européenne : confiance dans les institutions européennes, optimisme sur l’UE et son avenir ;
  • 8% des Européens, ceux qui ont une opinion « assez positive » vis-à-vis de l’UE mais l’intensité de leur soutien est moins fortement exprimée
  • 10% des Européens « d’indifférents » ou n’ayant pas d’opinions très structurées sur l’UE : « ne sait pas » et « neutres » ou « plutôt défavorables ;
  • 26% des Européens « plutôt ou assez négatives » sur l’UE ;
  • 6% d’Européens « très négatifs » sur l’UE

Les citoyens expriment un intérêt accru pour les prochaines élections européennes :

  1. Une forme de « normalisation » de la vie politique européenne   le débat européen n’est plus réduit au clivage pour ou contre l’Union européenne mais davantage centré sur le projet politique pour toutes les familles politiques ;
  2. Les effets des crises récentes, où la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (36 %) et la santé publique (34 %) sont en tête des thèmes prioritaires devant la lutte contre le changement climatique, le soutien à l’économie et la création de nouveaux emplois (29%) tandis que l’immigration et l’asile (18%) dévissent.
  3. Le primat des inquiétudes socio-économiques pèse sur les entreprises comme sur le pouvoir d’achat des ménages ;
  4. Un « nouvel âge des incertitudes » entre peur du déclassement individuel, insécurité vis-à-vis de la mondialisation et peur du déclassement collectif sur les plans économique, géopolitique et technologique ;
  5. Une prise de conscience de la nécessité de renforcer la coopération européenne et de mener une action commune requise par les biens publics européens, comme la technologie, l’énergie ou encore la politique de sécurité de défense et tous présentent une dimension autant (géo)politique qu’économique.

Difficultés à créer du consensus entre Européens sur la sens de l’intégration européenne

Pour les chercheurs, « non seulement le soutien à l’égard de l’UE est différencié sociologiquement et nationalement, mais plus fondamentalement encore il est clivé sur le sens donné à l’intégration européenne. Il n’est alors pas étonnant de voir apparaître d’importants contrastes entre aspirations et attentes vis-à-vis des politiques publiques européennes ».

Tandis que les citoyens expriment des attentes et des priorités aisées à identifier et considèrent majoritairement l’UE comme une échelle pertinente ; les attitudes des Européens vis-à-vis de l’intégration et des politiques publiques européennes met en lumière une opinion européenne beaucoup plus complexe et fragmentée.

La question du sens du projet politique européen est essentielle car ce qui est en jeu lors des prochaines élections européennes réside précisément dans la possibilité de déterminer les conditions politiques et institutionnelles permettant de forger des politiques communes européennes afin de répondre aux attentes des Européens face aux défis actuels et à venir.

Au total, l’hétérogénéité des préférences transforme la fabrique des récits européens et nationaux vis-à-vis de la construction européenne et disrupte les élections européennes pour faire des campagnes des moments démocratiques de confrontation entre les narratifs politiques en compétition.

Enjeux et défis des élections européennes de 2024

A l’occasion d’une invitation du think tank européen IIEA, the Institut of International European Affairs, le professeur de droit européen à la chaire Jean Monnet à HEC Paris, Alberto Alemanno, s’est interrogé sur comment rendre intéressant aux médias et aux citoyens les élections européennes de juin prochain ?

Enjeux en route vers les élections européennes de 2024 : une démocratie sans politique

A la question quelque peu provocante de savoir ce que les Européens ne font vraiment jamais ensemble, la seule réponse, en vrai, c’est la politique. Pour les élections européennes, les Européens vont voter à des jours différents, pour des partis nationaux, sur des programmes nationaux et avec des candidats nationaux. Il s’agit d’une compétition domestique, qui est artificiellement agrégée ex-post au sein d’une institution européenne, le Parlement européen.

Toujours ni système européen de partis politiques, ni espace public européen. D’une part, les partis politiques existants sont des alliances légères, sans que quiconque sache qu’elles sont les affiliations des partis politiques nationaux au niveau des groupes politiques du Parlement européen, souvent méconnu avant le résultat et parfois encore après le scrutin. D’autre part, les actualités européennes sont encore largement traitées sous l’angle et les intérêts nationaux.

Par conséquent, l’Union européenne ne souffre pas d’un déficit démocratique, mais d’un déficit d’intelligibilité. Pour le dire autrement, dans l’UE, chaque décision est démocratique mais aucune décision n’est compréhensible, débouchant sur un anti-modèle de démocratie sans politique.

Défis des élections européennes de 2024 : européanisation de la politique

La démocratie européenne sans politique n’est pas sans conséquences. D’une part, un manque d’affectation des responsabilités. Par exemple, au sujet du programme du Green Deal, qui est vraiment responsable des succès ou des échecs, et donc pour qui voter pour approuver ou sanctionner. D’autre part, la politique n’existe pas de manière transnationale, alors que l’européanisation avance plus vite que la politique. Pour le comprendre, deux chiffres illustrent la situation : alors que seuls 3% des citoyens résidents dans un autre pays que celui de leur nationalité dans l’UE, 50% des Européens au contraire sont exposés quotidiennement au projet européen.

Le principal défi des élections européennes de juin prochain réside dans l’européanisation du scrutin. Ce qui veut dire que la première règle, c’est d’embrasser toute forme timide mais nécessaire de parlementarisation. Cela requière que les décisions doivent tenir compte des résultats électoraux dans les prochaines nominations aux principaux postes de responsabilité dans l’UE ; et que la Commission européenne soit responsable devant le Parlement européen.

Le principe des Spitzenkandidaten, que les familles politiques choisissent leur tête de liste choisie en fonction du résultat des élections européennes pour présider la Commission européenne est en question. Seul Juncker, en 2014, est le seul et unique Spitzenkanditat tandis qu’en 20219, les libéraux n’avaient même pas participé, à cause d’En Marche se situant à mi-chemin entre le Fidesz et La Legua.

Pourquoi les citoyens devraient-ils aller voter s’ils n’ont aucun impact, ni sur les politiques publiques, ni sur les leaders politiques en Europe ?

La tentative de modifier la loi européenne pour une réforme électorale a échoué, c’était la première promesse de la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, mais elle n’a même pas été considérée pendant toute la mandature. Tous les amendements pour européaniser le scrutin comme les listes transnationales et les Spitzenkandidaten ont été rejetés.

Le réveil après les élections prendra du temps puisque les élections courent du mercredi au lundi matin. Le premier résultat attendu est la baisse des partis sortants des principales forces politiques du PPE, des S&D et de Renew, tandis que les Verts seront le plus lourdement sanctionnés et risquent d’être les premiers perdants. Le second résultat sera la progression des députés européens non rattachés à des groupes politiques ainsi que l’extrême droite divisée entre les groupes ID et ECR. Le troisième résultat sera que 58% des députés européens sont des nouveaux élus sans mandat précédent, ce qui pourrait être aussi un facteur déterminant pour la suite.

Les prédictions sont doubles. D’une part, une plus grande européanisation puisque la présidente de la Commission européenne, accidentelle s’étant montrée résiliente, se positionne comme la candidate du TINA, il n’y a pas d’alternative faute de meilleur candidat, endosse le rôle de tête de liste du PPE. D’autre part, une dé-européanisation se manifeste tant par l’absence de partis politiques transnationaux que par l’absence de candidats européens dans d’autres pays que les leurs.

Le risque d’une paralysie de l’ensemble du cycle politique est à craindre. Avec des Commissaires européens nommés par des partis populistes, le défi pour une institution ou le consensus du collège des Commissaires est déterminant est mis en risque, au point de perdre l’intérêt européen qui devrait être au cœur de l’institution supranationale dominée par les intérêts nationaux. Le soutien politique plus faible risque de réduire la capacité de la Commission européenne à produire des décisions politiques, rendant tout plus difficile à négocier et moins facile à délivrer.

Au final, assisterons-nous à un réveil tardif des partis politiques traditionnels pour sauver le projet européen ou au contraire prenons-nous le risque d’une prise d’otage par les populistes qui risquent de paralyser la capacité à produire des politiques publiques européennes, voire à mettre en danger la nature même du projet européen.

Communiquer l’Europe numérique et technologique : innover pour l’avenir

L’Union européenne s’engage à façonner une Europe adaptée à l’ère numérique, plaçant les sciences, l’innovation, le numérique, les technologies et l’intelligence artificielle au cœur de son action. Quelles actions de communication nécessaires pour informer et mobiliser Bruxelles, les États membres, leaders d’opinion, journalistes et le grand public sur les multiples facettes de cette vision novatrice ?

Compétences numériques pour tous : l’éducation du futur

Des campagnes éducatives sur l’importance de l’adoption des compétences numériques à tous les niveaux de la société. Des partenariats avec les écoles et les universités pour intégrer ces compétences dans les programmes éducatifs.

Stratégies pour l’IA et les données

Des campagnes d’information et des webinaires pour expliquer les décisions européennes relatives à l’intelligence artificielle, à la protection des données, les marchés et les services numériques à l’heure des grandes plateformes. Des séances de questions-réponses en ligne pour clarifier les implications et les avantages pour les entreprises et les citoyens.

Souveraineté technologique et sécurité

Des campagnes médiatiques pour mettre en évidence la souveraineté technologique dans les technologies critiques, la 5G, la blockchain et le quantique. Des témoignages d’experts nationaux et européens pourraient renforcer la confiance dans ces avancées.

Des outils de communication pour présenter la nouvelle stratégie industrielle, le plan d’action sur les FinTech, le marché des paiements intégré, les cryptoactifs, le cloud européen et les supercalculateurs. Des sessions de formation en ligne pour les entreprises sur la manière de tirer parti de ces nouvelles opportunités.

Conditions de travail numériques et règles du jeu

Des campagnes de sensibilisation sur les défis et opportunités liés aux conditions de travail des travailleurs des plateformes. Des dialogues en ligne avec les travailleurs, les entreprises et les syndicats pour élaborer des normes équitables.

Synergies industrielles et industries innovantes

Des séminaires en ligne et des publications pour présenter le plan d’action sur les synergies entre les industries civile, de défense et spatiale. Des forums pour promouvoir la collaboration et l’innovation trans-sectorielles.

Des conférences pour expliquer l’industrialisation des technologies innovantes telles que les puces quantiques. Des informations sur la sécurité de l’approvisionnement et les capacités de production dans la fabrication de semi-conducteurs. Des sessions en ligne pour discuter du système d’alerte de la chaîne de valeur dans la production en semi-conducteurs.

L’Europe se positionne comme un acteur majeur dans l’innovation numérique et technologique. Des actions de communication dynamiques pourraient garantir une compréhension approfondie des initiatives en cours, suscitant ainsi l’engagement et le soutien nécessaire pour faire de cette vision une réalité vraiment partagée et à terme prospère.

Décryptage de la campagne nationale des élections européennes

Lors du premier débat, animé sur Public Sénat, le 14 mars, avec toutes les têtes de liste, sauf Bardella remplacé par Mariani, c’est l’occasion d’analyser la campagne, à partir des éléments de langage des têtes de liste aux élections européennes de juin 2024, en prenant comme matière les réponses à la première question « faut-il plus ou moins d’Europe » de faire le tour des « professions de foi européenne », un exercice pour faire passer quelques messages majeurs et mineurs…

Synthèse des discours des têtes de liste des élections européennes en France

Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) : Tenir tête aux puissances, être une puissance ensemble.

  • Social-démocrate, Pro-européen
  • Favorable à une Europe puissante et solidaire
  • Soucieux des enjeux géopolitiques et environnementaux
  • Attaché aux valeurs humanistes et progressistes
  • Grave et rhétorique, références historiques

Léon Defontaine (PCF) : Reprendre la main sur l’Europe.

  • Communiste eurocritique
  • Favorable à une Europe sociale et démocratique
  • Opposé à la politique libérale et austéritaire de l’UE
  • Soucieux de la souveraineté populaire et des droits des travailleurs
  • Mécontentement, volonté de changement, critique, référence au passé

Valérie Hayer (Renaissance) : Avoir de l’influence sur les textes, ne pas laisser le champ aux populistes.

  • Libérale, pro-européenne
  • Favorable à une Europe de la croissance et de l’innovation
  • Soucieuse de la compétitivité et de l’attractivité de l’UE
  • Attachée aux valeurs de compromis et de tolérance
  • Optimisme, détermination, , constructive et déterminée

François-Xavier Bellamy (LR) : Faire entendre la voix des Français.

  • Conservateur, pro-européen
  • Favorable à une Europe des nations et des projets
  • Soucieux de la préservation des identités culturelles et des valeurs traditionnelles
  • Attaché à la défense de la souveraineté nationale et de la démocratie
  • Frustration, volonté de changement, réfléchi, questionnement

Thierry Mariani (RN) : Prendre en compte les intérêts de la France.

  • Nationaliste eurosceptique
  • Favorable à une Europe des coopérations et des frontières
  • Opposé à la politique migratoire et économique de l’UE
  • Soucieux de la défense des intérêts nationaux et de la sécurité
  • Mécontentement, volonté de contrôle Critique, bilan négatif

Marie Toussaint (les écologistes) : Mettre l’économie au service du climat et de la paix.

  • Écologiste, pro-européenne
  • Favorable à une Europe écologique et solidaire
  • Soucieuse de la transition énergétique et de la justice sociale
  • Attachée aux valeurs de solidarité, de paix et de démocratie
  • Espoir, vision idéaliste

Manon Aubry (LFI) : Baisser les prix de l’alimentation et de l’énergie, promouvoir la paix.

  • Insoumise eurocritique
  • Favorable à une Europe sociale et démocratique
  • Opposée à la politique libérale et austéritaire de l’UE
  • Soucieuse de la souveraineté populaire et des droits sociaux
  • Urgence, volonté de changement

Marion Maréchal (Reconquête) : Une autre Europe, authentiquement de droite.

  • Nationaliste eurosceptique
  • Favorable à une Europe des nations et des identités
  • Opposée à la politique migratoire et économique de l’UE
  • Soucieuse de la défense des valeurs traditionnelles et de la sécurité
  • Mécontentement, volonté de reconstruction, vision d’une autre Europe

Mapping des candidats en fonction de leur positionnement

En plaçant les différents candidats, à la tête des principales listes dont les électeurs sont invités à choisir leur préférence, selon un positionnement classique sur un axe horizontal gauche-droite d’une part et un axe vertical pro-européen vs eurosceptiques d’autre part, plusieurs éléments se dessinent :

  • Ce qui est visible : une impression que les forces pro-européennes, dans toutes leurs nuances sont mieux représentées que les forces eurosceptiques, au sens qu’on y retrouve plus de listes.
  • Ce qui est moins visible : la balance électorale, nous le savons selon les derniers sondages penchent plutôt à l’inverse, en faveur des forces eurosceptiques, héritage de l’échec du référendum de 2005.

Si l’on devait simplifier l’offre électorale européenne, on pourrait considérer qu’il y a 5 familles européennes :

  1. une offre proeuropéenne de gauche, divisée entre écologistes et sociaux-démocrates, sans doute une perte d’influence pour ces deux options séparées ;
  2. une offre proeuropéenne de droite républicaine, mais fortement concurrencée à droite, au risque que la barre des 5% pour être représenté se pose ;
  3. une offre eurosceptique de gauche, entre LFI et le PCF, là encore une division qui signifiera moins d’élus pour cette offre politique désunie sur le même créneau ;
  4. une offre eurosceptique de droite nationaliste, l’offre politique qui a le plus de suffrages exprimés dans les sondages, et qui correspond à la dichotomie entre droite populiste ID et droite conservatrice ECR au Parlement européen ;
  5. une offre proeuropéenne centriste, à cheval entre le centre-gauche, le centre et le centre-droit, rassemblant les partis politiques de la majorité présidentielle, minoritaire à l’Assemblée nationale.

Analyse des éléments de langage des candidats

Quoique l’exercice ne puisse permettre à lui seul de tirer des enseignements définitifs sur l’ensemble d’une campagne, et la suite du débat autour de 4 thèmes d’actualité (agriculture, immigration, Ukraine et énergie), la forme identique aux différentes interventions permet d’en tirer des lignes communes ou en partage, au même titre que les affiches électorales, autre patrimoine de la communication électorale dans le registre de la propagande politique.

Du côté des convergences, tous les candidats jouent le jeu de tenter d’incarner en une minute la profession de foi de leur famille politique, en ayant recours à des arguments le plus souvent simplifiés, certains diraient simplistes, d’autres font des effets rhétoriques ou des mentions à référence, clin d’œil, à leur électorat.

Du côté des divergences ; la mention de la France ou pas et des Français ou pas ; la mention de sujets perçus comme mobilisateur pour certains électorats ; plusieurs candidats mentionnent des personnalités comme caution ou comme repoussoir ; une seule personnalité conteste les prémices de la question posée.

Verbatim des professions de foi européenne

Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) : Il s’agit des élections les plus importantes, nous sommes seuls face à la guerre en Europe, et la catastrophe climatique. Être une puissance ensemble ou ne plus être. Mention des figures de Jacques Delors et Robert Badinter, récemment décédées. Il faut tenir tête aux puissances extérieures et intérieures, de l’argent.

Léon Defontaine (PCF) : Si c’est l’Europe actuelle, après le référendum de 2005, c’est moins d’Europe, celle de la guerre sociale, qui nous prépare à la guerre contre la Russie, que nous ne voulons pas. Il faut reprendre la main sur l’Europe.

Valérie Hayer (Renaissance) : La Parlement européen, c’est la culture du compromis sans les compromissions. L’enjeu, c’est l’influence pour faire changer les textes sans dogmatisme, sans tabou, comme le plan de relance, le Green Deal. Ne pas laisser le champ aux populistes, ce n’est pas « plus » (fini) mais « plus » (davantage) d’Europe.

François-Xavier Bellamy (LR) : C’est une fausse question. Qu’est-ce qu’on veut faire en Europe ? Retrouver les moyens de notre destin, ne pas subir la politique européenne qui nous a fragilisé au lieu de nous renforcer, avec la majorité de gauche et du centre. Il faut faire entendre la voix des Français.

Thierry Mariani (RN) : Changer l’Europe sans la détruire. Le bilan de l’Europe de Macron : inflation, croissance en berne, immigration incontrôlée Il faut prendre en compte les intérêts de la France avec ses atouts.

Marie Toussaint (les écologistes) : L’écologie, cause de tous les maux ; l’Europe, cause de tous les problèmes, c’est faux. Il faut mettre l’économie au service du climat : nouvelle PAC plus verte, un protectionnisme vert, une Europe de la justice, contre l’austérité, une Europe de la paix avec une armée commune et un cessez-le-feu à Gaza.

Manon Aubry (LFI) : Soit continuer l’autoroute du chaos, soit tout changer, pour baisser les prix de l’alimentation et de l’énergie, contre le libre-échange, pour la paix en Ukraine et un cessez-le-feu à Gaza. L’après-Macron commence dès après les élections.

Marion Maréchal (Reconquête) : Moins d’Europe de celle que nous connaissons avec la coalition autour d’Ursula von der Leyen. Plus d’une autre Europe, authentiquement de droite : civilisation, frontières, autonomie énergétique, souveraineté alimentaire, protection des entreprises, soutien à la recherche ; une opportunité historique.

Élections européennes, un scrutin vraiment paneuropéen ?

Depuis les premières élections européennes au suffrage universel direct en 1979, il s’agit objectivement d’un scrutin organisé dans tous les États-membres, même si la réalité se traduit plutôt par des campagnes nationales. En 2024, quelques sont les continuités et éventuellement les nouveautés, selon la table ronde de Cosmocène ?

Olivier Costa (CEVIPOF/Collège d’Europe) : des élections moins mal aimées et plus paneuropéennes

La création de l’institution du Parlement européen est un long process qui a été rendu possible à conditions qu’il ne soit pas un vrai pouvoir et qu’il n’y ait pas d’uniformisation du scrutin pour concurrencer les parlements nationaux. Du coup, les partis politiques nationales n’ont pas l’obligation de dire où ils vont siéger au Parlement européen. Le scrutin est donc organisé en silo, essentiellement à l’échelle nationale.

Pour autant, nous avons des sujets qui deviennent transversaux et sont appréhendés de la même manière dans les différents espaces publics nationaux. Nous assistons à une vraie européanisation de la vie politique.

D’une part, le jeu politique à Bruxelles est beaucoup plus politisé dans les institutions, les dirigeants se réunissent pour échanger, selon leurs familles politiques en amont des sommets européens.

D’autre part, l’européanisation des partis politiques, qui ne peuvent plus nier l’importance de l’Europe, que les électeurs voient bien. Le cartel des partis qui refusaient de parler d’Europe s’est dissout, les partis qui n’ont pas de positions claires sur l’Europe sont en déclin, à l’instar du système politique français dynamité sur l’Europe par Macron.

Au total, c’est une nouvelle appropriation des sujets européens (agriculture, migrations, numérique/IA, Ukraine) révisée dans une perspective européenne au niveau national. Aujourd’hui, la participation électorale est seulement supérieure lors de la présidentielle, toutes les autres élections, y compris les législatives, ont une abstention plus forte.

Caterina Avanza (Groupe Renew) : une campagne sur les familles politiques européennes pour clarifier les enjeux du scrutin

Conseillère politique auprès du Parlement européen au sein du groupe Renew Europe, Caterina Avanza confirme que les élections européennes sont encore des scrutins nationaux, à mi-mandat du quinquennat présidentiel avec un traitement médiatique autour du duel Attal-Bardella, sans jamais dire pour « quoi » faire.

Alors que de plus en plus de textes européens sont adoptés sous forme de règlements d’application directe, c’est important d’avoir une classe dirigeante à l’échelle européenne, d’autant que les forces politiques sont davantage dispersées au niveau du Parlement européen, les partis, membres de la Nupes siègent dans des groupes politiques différents. Ce serait utile de faire campagne sur les « familles » européennes, afin de clarifier les enjeux du scrutin.

La notion de « peuple » européen devient de plus en plus tangible, du « Friday for Future », venue de la Suède avec Greta Thunberg jusqu’au mobilisation transnationale des agriculteurs. Les sociétés, comme souvent, sont plus avancées que les médias et les partis politiques toujours en retard.

Néanmoins, une relative dichotomie s’établit entre le déclaratif des Eurobaromètres et les votes au scrutin : sur le papier, les citoyens veulent plus d’Europe mais dans les urnes, le rebond attendu de la participation sera entaché par la progression des partis politiques non pro-européens.

Gian-Paolo Accardo (Voxeurop) : la couverture des médias de masse est moins conscientisée à l’Europe

Les élections européennes sont des scrutins nationaux, sous drapeau européen, et la presse en est le reflet, avec un prisme national dans le traitement médiatique dans les affaires européennes. Les initiatives transnationales demeurent anecdotiques faute de mobilisation des grands partis politiques, tandis que peu de partis nationaux affichent leur affiliation aux forces politiques européennes.

Certes, la pression des médias lors de la crise Covid, sur les vaccins et la reconstruction, a été plus importante auprès de l’Europe, compte-tenu de l’importance des enjeux. Mais, les médias en masse ont une conscience et un esprit moins européens, qui font moins attention à ce qui se passe au niveau européen.