Lors du premier débat, animé sur Public Sénat, le 14 mars, avec toutes les têtes de liste, sauf Bardella remplacé par Mariani, c’est l’occasion d’analyser la campagne, à partir des éléments de langage des têtes de liste aux élections européennes de juin 2024, en prenant comme matière les réponses à la première question « faut-il plus ou moins d’Europe » de faire le tour des « professions de foi européenne », un exercice pour faire passer quelques messages majeurs et mineurs…
Synthèse des discours des têtes de liste des élections européennes en France
Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) : Tenir tête aux puissances, être une puissance ensemble.
- Social-démocrate, Pro-européen
- Favorable à une Europe puissante et solidaire
- Soucieux des enjeux géopolitiques et environnementaux
- Attaché aux valeurs humanistes et progressistes
- Grave et rhétorique, références historiques
Léon Defontaine (PCF) : Reprendre la main sur l’Europe.
- Communiste eurocritique
- Favorable à une Europe sociale et démocratique
- Opposé à la politique libérale et austéritaire de l’UE
- Soucieux de la souveraineté populaire et des droits des travailleurs
- Mécontentement, volonté de changement, critique, référence au passé
Valérie Hayer (Renaissance) : Avoir de l’influence sur les textes, ne pas laisser le champ aux populistes.
- Libérale, pro-européenne
- Favorable à une Europe de la croissance et de l’innovation
- Soucieuse de la compétitivité et de l’attractivité de l’UE
- Attachée aux valeurs de compromis et de tolérance
- Optimisme, détermination, , constructive et déterminée
François-Xavier Bellamy (LR) : Faire entendre la voix des Français.
- Conservateur, pro-européen
- Favorable à une Europe des nations et des projets
- Soucieux de la préservation des identités culturelles et des valeurs traditionnelles
- Attaché à la défense de la souveraineté nationale et de la démocratie
- Frustration, volonté de changement, réfléchi, questionnement
Thierry Mariani (RN) : Prendre en compte les intérêts de la France.
- Nationaliste eurosceptique
- Favorable à une Europe des coopérations et des frontières
- Opposé à la politique migratoire et économique de l’UE
- Soucieux de la défense des intérêts nationaux et de la sécurité
- Mécontentement, volonté de contrôle Critique, bilan négatif
Marie Toussaint (les écologistes) : Mettre l’économie au service du climat et de la paix.
- Écologiste, pro-européenne
- Favorable à une Europe écologique et solidaire
- Soucieuse de la transition énergétique et de la justice sociale
- Attachée aux valeurs de solidarité, de paix et de démocratie
- Espoir, vision idéaliste
Manon Aubry (LFI) : Baisser les prix de l’alimentation et de l’énergie, promouvoir la paix.
- Insoumise eurocritique
- Favorable à une Europe sociale et démocratique
- Opposée à la politique libérale et austéritaire de l’UE
- Soucieuse de la souveraineté populaire et des droits sociaux
- Urgence, volonté de changement
Marion Maréchal (Reconquête) : Une autre Europe, authentiquement de droite.
- Nationaliste eurosceptique
- Favorable à une Europe des nations et des identités
- Opposée à la politique migratoire et économique de l’UE
- Soucieuse de la défense des valeurs traditionnelles et de la sécurité
- Mécontentement, volonté de reconstruction, vision d’une autre Europe
Mapping des candidats en fonction de leur positionnement
En plaçant les différents candidats, à la tête des principales listes dont les électeurs sont invités à choisir leur préférence, selon un positionnement classique sur un axe horizontal gauche-droite d’une part et un axe vertical pro-européen vs eurosceptiques d’autre part, plusieurs éléments se dessinent :
- Ce qui est visible : une impression que les forces pro-européennes, dans toutes leurs nuances sont mieux représentées que les forces eurosceptiques, au sens qu’on y retrouve plus de listes.
- Ce qui est moins visible : la balance électorale, nous le savons selon les derniers sondages penchent plutôt à l’inverse, en faveur des forces eurosceptiques, héritage de l’échec du référendum de 2005.
Si l’on devait simplifier l’offre électorale européenne, on pourrait considérer qu’il y a 5 familles européennes :
- une offre proeuropéenne de gauche, divisée entre écologistes et sociaux-démocrates, sans doute une perte d’influence pour ces deux options séparées ;
- une offre proeuropéenne de droite républicaine, mais fortement concurrencée à droite, au risque que la barre des 5% pour être représenté se pose ;
- une offre eurosceptique de gauche, entre LFI et le PCF, là encore une division qui signifiera moins d’élus pour cette offre politique désunie sur le même créneau ;
- une offre eurosceptique de droite nationaliste, l’offre politique qui a le plus de suffrages exprimés dans les sondages, et qui correspond à la dichotomie entre droite populiste ID et droite conservatrice ECR au Parlement européen ;
- une offre proeuropéenne centriste, à cheval entre le centre-gauche, le centre et le centre-droit, rassemblant les partis politiques de la majorité présidentielle, minoritaire à l’Assemblée nationale.
Analyse des éléments de langage des candidats
Quoique l’exercice ne puisse permettre à lui seul de tirer des enseignements définitifs sur l’ensemble d’une campagne, et la suite du débat autour de 4 thèmes d’actualité (agriculture, immigration, Ukraine et énergie), la forme identique aux différentes interventions permet d’en tirer des lignes communes ou en partage, au même titre que les affiches électorales, autre patrimoine de la communication électorale dans le registre de la propagande politique.
Du côté des convergences, tous les candidats jouent le jeu de tenter d’incarner en une minute la profession de foi de leur famille politique, en ayant recours à des arguments le plus souvent simplifiés, certains diraient simplistes, d’autres font des effets rhétoriques ou des mentions à référence, clin d’œil, à leur électorat.
Du côté des divergences ; la mention de la France ou pas et des Français ou pas ; la mention de sujets perçus comme mobilisateur pour certains électorats ; plusieurs candidats mentionnent des personnalités comme caution ou comme repoussoir ; une seule personnalité conteste les prémices de la question posée.
Verbatim des professions de foi européenne
Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) : Il s’agit des élections les plus importantes, nous sommes seuls face à la guerre en Europe, et la catastrophe climatique. Être une puissance ensemble ou ne plus être. Mention des figures de Jacques Delors et Robert Badinter, récemment décédées. Il faut tenir tête aux puissances extérieures et intérieures, de l’argent.
Léon Defontaine (PCF) : Si c’est l’Europe actuelle, après le référendum de 2005, c’est moins d’Europe, celle de la guerre sociale, qui nous prépare à la guerre contre la Russie, que nous ne voulons pas. Il faut reprendre la main sur l’Europe.
Valérie Hayer (Renaissance) : La Parlement européen, c’est la culture du compromis sans les compromissions. L’enjeu, c’est l’influence pour faire changer les textes sans dogmatisme, sans tabou, comme le plan de relance, le Green Deal. Ne pas laisser le champ aux populistes, ce n’est pas « plus » (fini) mais « plus » (davantage) d’Europe.
François-Xavier Bellamy (LR) : C’est une fausse question. Qu’est-ce qu’on veut faire en Europe ? Retrouver les moyens de notre destin, ne pas subir la politique européenne qui nous a fragilisé au lieu de nous renforcer, avec la majorité de gauche et du centre. Il faut faire entendre la voix des Français.
Thierry Mariani (RN) : Changer l’Europe sans la détruire. Le bilan de l’Europe de Macron : inflation, croissance en berne, immigration incontrôlée Il faut prendre en compte les intérêts de la France avec ses atouts.
Marie Toussaint (les écologistes) : L’écologie, cause de tous les maux ; l’Europe, cause de tous les problèmes, c’est faux. Il faut mettre l’économie au service du climat : nouvelle PAC plus verte, un protectionnisme vert, une Europe de la justice, contre l’austérité, une Europe de la paix avec une armée commune et un cessez-le-feu à Gaza.
Manon Aubry (LFI) : Soit continuer l’autoroute du chaos, soit tout changer, pour baisser les prix de l’alimentation et de l’énergie, contre le libre-échange, pour la paix en Ukraine et un cessez-le-feu à Gaza. L’après-Macron commence dès après les élections.
Marion Maréchal (Reconquête) : Moins d’Europe de celle que nous connaissons avec la coalition autour d’Ursula von der Leyen. Plus d’une autre Europe, authentiquement de droite : civilisation, frontières, autonomie énergétique, souveraineté alimentaire, protection des entreprises, soutien à la recherche ; une opportunité historique.