Depuis les premières élections européennes au suffrage universel direct en 1979, il s’agit objectivement d’un scrutin organisé dans tous les États-membres, même si la réalité se traduit plutôt par des campagnes nationales. En 2024, quelques sont les continuités et éventuellement les nouveautés, selon la table ronde de Cosmocène ?
Olivier Costa (CEVIPOF/Collège d’Europe) : des élections moins mal aimées et plus paneuropéennes
La création de l’institution du Parlement européen est un long process qui a été rendu possible à conditions qu’il ne soit pas un vrai pouvoir et qu’il n’y ait pas d’uniformisation du scrutin pour concurrencer les parlements nationaux. Du coup, les partis politiques nationales n’ont pas l’obligation de dire où ils vont siéger au Parlement européen. Le scrutin est donc organisé en silo, essentiellement à l’échelle nationale.
Pour autant, nous avons des sujets qui deviennent transversaux et sont appréhendés de la même manière dans les différents espaces publics nationaux. Nous assistons à une vraie européanisation de la vie politique.
D’une part, le jeu politique à Bruxelles est beaucoup plus politisé dans les institutions, les dirigeants se réunissent pour échanger, selon leurs familles politiques en amont des sommets européens.
D’autre part, l’européanisation des partis politiques, qui ne peuvent plus nier l’importance de l’Europe, que les électeurs voient bien. Le cartel des partis qui refusaient de parler d’Europe s’est dissout, les partis qui n’ont pas de positions claires sur l’Europe sont en déclin, à l’instar du système politique français dynamité sur l’Europe par Macron.
Au total, c’est une nouvelle appropriation des sujets européens (agriculture, migrations, numérique/IA, Ukraine) révisée dans une perspective européenne au niveau national. Aujourd’hui, la participation électorale est seulement supérieure lors de la présidentielle, toutes les autres élections, y compris les législatives, ont une abstention plus forte.
Caterina Avanza (Groupe Renew) : une campagne sur les familles politiques européennes pour clarifier les enjeux du scrutin
Conseillère politique auprès du Parlement européen au sein du groupe Renew Europe, Caterina Avanza confirme que les élections européennes sont encore des scrutins nationaux, à mi-mandat du quinquennat présidentiel avec un traitement médiatique autour du duel Attal-Bardella, sans jamais dire pour « quoi » faire.
Alors que de plus en plus de textes européens sont adoptés sous forme de règlements d’application directe, c’est important d’avoir une classe dirigeante à l’échelle européenne, d’autant que les forces politiques sont davantage dispersées au niveau du Parlement européen, les partis, membres de la Nupes siègent dans des groupes politiques différents. Ce serait utile de faire campagne sur les « familles » européennes, afin de clarifier les enjeux du scrutin.
La notion de « peuple » européen devient de plus en plus tangible, du « Friday for Future », venue de la Suède avec Greta Thunberg jusqu’au mobilisation transnationale des agriculteurs. Les sociétés, comme souvent, sont plus avancées que les médias et les partis politiques toujours en retard.
Néanmoins, une relative dichotomie s’établit entre le déclaratif des Eurobaromètres et les votes au scrutin : sur le papier, les citoyens veulent plus d’Europe mais dans les urnes, le rebond attendu de la participation sera entaché par la progression des partis politiques non pro-européens.
Gian-Paolo Accardo (Voxeurop) : la couverture des médias de masse est moins conscientisée à l’Europe
Les élections européennes sont des scrutins nationaux, sous drapeau européen, et la presse en est le reflet, avec un prisme national dans le traitement médiatique dans les affaires européennes. Les initiatives transnationales demeurent anecdotiques faute de mobilisation des grands partis politiques, tandis que peu de partis nationaux affichent leur affiliation aux forces politiques européennes.
Certes, la pression des médias lors de la crise Covid, sur les vaccins et la reconstruction, a été plus importante auprès de l’Europe, compte-tenu de l’importance des enjeux. Mais, les médias en masse ont une conscience et un esprit moins européens, qui font moins attention à ce qui se passe au niveau européen.