Quelles sont les pratiques d’information et de communication dans le web social des acteurs européens ?

Dans le prolongement de deux études régulières portant sur les usages numériques des acteurs bruxellois :

  • 2e « the European Parliament Digital Trends survey » de Fleishman-Hillard Bruxelles réalisée en 2011 auprès d’un échantillon de 120 euro-députés ;
  • 3e « Capital Staffer Index » de Edelman réalisée en 2011 auprès de plus de 500 collaborateurs parlementaires à Washington DC, Bruxelles, Paris, Londres, Berlin, Pékin…

une nouvelle enquête « EU Digital Pulse » réalisée auprès des principaux acteurs européens (eurodéputés, collaborateurs parlementaires, fonctionnaires de la Commission ou d’agences, ONG européennes, journalistes européens…) vient de paraître. Quelles sont les principaux enseignements ?

Pratiques en matière d’information : très forte concentration autour de quelques titres de la presse anglo-saxonne ou spécialisés sur l’UE

Les pratiques des acteurs européens en matière d’information sont particulièrement concentrées autour de 5 sources anglosaxonnes ou spécialisées sur l’UE :

  • la BBC est la source la plus fréquemment citée auprès de tous les acteurs au sein des institutions européennes ;
  • le Financial Times et The Economist sont également très répandus auprès de la plupart des acteurs, en particulier les think tanks, les milieux académiques et les journalistes ;
  • Euractiv et European Voice – deux sources spécialisées sur l’UE – sont également très lus, notamment dans les associations professionnelles et les ONG.

Pratiques en matière d’information dans le web social : très forte utilisation de Wikipedia et Youtube chez l’ensemble des acteurs européens

Deux médias sociaux sont largement utilisés par l’ensemble des acteurs européens :

  • Wikipedia est le plus régulièrement utilisé : 67% des « influenceurs bruxellois » fréquentent la plateforme sur une base quotidienne ou hebdomadaire de même que 61% des eurodéputés ;
  • Youtube est également un réseau très répandu : 67% des eurodéputés et 41% des influenceurs (sur la même base).

La première recommandation de l’enquête porte donc sur une surveillance active et engagée de Wikipedia pour faire en sorte que « son » organisation et « ses » questions de politique clés soient présentés d’une manière qui soient factuellement correct, intéressant et pertinent.

Pratiques en matière de communication dans le web social : très légère distinction entre Twitter, Facebook et LinkedIn chez les acteurs européens

Les usages des principaux réseaux sociaux Twitter, Facebook et Linkedin sont davantage discriminés :

  • les eurodéputés utilisent très fréquemment Facebook (70%) loin devant Twitter (35%) et LinkedIn (20%) ;
  • les influenceurs – en revanche – utilisent moins fréquemment Facebook (39%) et Twitter (23%) mais davantage LinkedIn (35%).

Twitter est un réseau social particulièrement discriminant :

  • c’est le réseau social le plus utilisé par les journalistes et les think tanks ;
  • 60% des eurodéputés nés après 1960 utilisent Twitter fréquemment (quotidienne ou hebdomadaire), contre seulement 5% de ceux nés avant 1950 ;
  • seulement 6% des « communicants » de la Commission et 4% des agences de l’UE utilisent Twitter quotidiennement ou hebdomadairement.

Deux recommandations de l’enquête concluent :

  • d’une part, avec la prééminence de Facebook comme outil de choix des eurodéputés pour communiquer, ce réseau social devrait être davantage privilégié par les autres parties prenantes pour atteindre les eurodéputés en ligne. L’enquête évoque à ce sujet une occasion manquée pour les lobbyistes…
  • d’autre part, quoique l’utilisation de LinkedIn soit faible chez les eurodéputés, ce réseau social est adapté pour cibler les influenceurs bruxellois, en particulier les représentants des associations d’entreprises, d’ONG, de think tanks ainsi que les universitaires et les journalistes.

Ainsi, tandis que les pratiques en matière d’information via les médias traditionnels (anglo-saxon pour la plupart) ou les médias sociaux (Wikipedia tout particulièrement) sont très homogènes, les usages en matière de communication dans le web social des acteurs institutionnels européens sont plus segmentés.

« Rencontrez l’Europe » : une plateforme communautaire de la société civile sur l’Europe en France

Lors de la journée de l’Europe, Touteleurope, avec le soutien du Ministère des Affaires étrangères et européennes et de la Commission européenne, a lancé « Rencontrez l’Europe« , une plateforme communautaire autour de l’activité de la société civile sur l’Europe en France…

« Rencontrez l’Europe » : quel but et quels moyens ?

Quel est le but ?

  • Permettre aux citoyens de s’informer des événements européens qui se déroulent près de chez eux ;
  • Permettre également aux acteurs de la société civile d’échanger, et de mettre en place des actions communes ;
  • En somme, rassembler idées et projets et créer des synergies communes.

Quels sont les moyens ?

  • Un « Agenda » recensant tous les événements en lien avec l’Europe des organisations en France de la société civile (associations, fondations, think tanks… déjà 450 organisations référencées) ;
  • Un espace « Débat », lieu d’échanges avec les citoyens ;
  • Un espace « Société Civile » où ces organisations peuvent présenter leurs activités ;
  • Un espace « Membres » réservé aux organisations pour « créer des synergies entre eux, par exemple autour de l’organisation d’un événement et éventuellement réfléchir à des initiatives communes », selon la page de présentation.

« Rencontrez l’Europe » : quelles clés de succès et quels facteurs de risque ?

Selon la typologie établie par le livre blanc sur « les communautés de marque », la plateforme « Rencontrez l’Europe » correspondrait à une « communauté de pairs » autour de leur activité sur l’Europe en France, qui trouverait comme principal bénéfice « les solutions pour mieux vivre leur propre condition ».

Les clés du succès identifiées pour ce type de plateforme semblent bien prises en compte :

  • d’une part, le point commun des membres de cette communauté de « pairs » est particulièrement fort : l’activité et la volonté de mieux faire connaître l’Europe en France ;
  • d’autre part, leurs difficultés à résoudre dans leur quotidien sont effectivement nombreuses : l’exiguïté des moyens pour agir et la visibilité réduite dans les médias et en ligne auprès du public.

Les facteurs de risque pour ce type de plateforme s’avèrent en revanche plus problématiques :

Premier facteur de risque, ne pas bien identifier les vraies attentes. En l’occurrence, l’attente la plus pressante de la société civile exerçant dans les affaires européennes en France est-elle tournée vers une meilleure organisation interne ou bien plutôt vers une meilleure communication externe ? « Rencontrez l’Europe » ne risque-t-elle pas de toucher des cibles acquises plutôt que de conquérir de nouveaux publics ?

Second facteur de risque, ne pas offrir des services et des fonctionnalités qui répondent aux besoins et aux usages. En la matière, la limite la plus criante de la plateforme est de ne proposer aucune ouverture aux autres espaces du web :

  • ni possibilité de liker, twitter ou partager les contributions de la rubrique « Société civile » alors qu’il s’agit du meilleur moyen de disséminer les contenus auprès des internautes aujourd’hui ;
  • ni possibilité d’exporter (sauf RSS exhaustif) ou de personnaliser des entrées de l’agenda pour les inscrire dans son propre agenda (Outlook, Google, iOS, Android…).

Au total, l’idée de rassembler la communauté de « pairs » de ceux qui travaillent sur les questions européennes en France apparaît comme une excellente idée, sur le papier. La plateforme communautaire « Rencontrez l’Europe » parviendra-t-elle à les motiver et à créer de la valeur ajoutée pour les fidéliser ?

Initiative citoyenne européenne : qui détient le pouvoir de cet outil de lobbying ?

Après l’entrée en vigueur des initiatives citoyennes européennes (ICE) le 1er avril dernier, la première ICE « Fraternité 2020 – Mobility. Progress. Europe. » a été présentée par la Commission européenne à l’occasion de la journée de l’Europe. Indice ou symptôme, que révèlent les premières ICE ?

Initiative citoyenne européenne : un nouveau pouvoir pour instrumentaliser les citoyens entre les mains de la Commission européenne

Seule institution européenne ne disposant pas d’une légitimité issue directement des citoyens (comme le Parlement européen avec l’élection) ou indirectement (comme le Conseil de l’UE avec les gouvernements représentatifs), la Commission européenne se voit octroyer un nouveau pouvoir « civique » avec le droit d’initiative citoyenne.

En principe, l’ICE est conçue pour permettre aux citoyens de faire entendre leur voix entre les élections et d’accroître la légitimité du processus décisionnel européen en incluant une capacité de pression des citoyens sur les initiatives de la Commission.

En pratique, l’ICE risque de devenir un nouvel outil à la disposition de la Commission européenne pour exercer une nouvelle forme de pression sur les autres institutions européennes au nom des citoyens, ayant réussi à réunir 1 million de signatures sur une proposition.

Maîtrisant intégralement la procédure : du contrôle ex ante des ICE autorisées à l’opportunité ex post de décider ou non de donner une suite, la Commission européenne semble la grande bénéficiaire de cette nouvel instrument de « démocratie participative ».

Initiative citoyenne européenne : un nouveau cauchemar dans la société civile pour organiser l’expression des citoyens

Face aux multiples risques de la procédure tant en raison de la mainmise de la Commission que de la difficulté à agir sur une année, en respectant à la fois les quotas par pays et les contraintes sur la qualité des signatures, les organisations de la société civile risquent de réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une ICE.

Seuls les acteurs disposant à la fois d’une cause populaire et des ressources suffisantes pour réaliser la campagne de collecte des signatures – donc des ONG internationales ou des entreprises multinationales – se lanceront dans une « vraie » ICE.

D’autres acteurs moins dotés désireux de renforcer leur réseau européen en trouvant de nouveaux partenaires ralliés à la cause de leur ICE ou de mener une campagne de notoriété auprès des parties prenantes européennes sans forcément s’assurer du succès de la collecte des signatures se lanceront dans l’ICE.

Au total, les ICE n’apparaissent vraiment pas comme un nouvel instrument d’empowerment des citoyens, tout au plus, un nouvel outil de lobbying discriminant tant les obstacles à surmonter sont nombreux.

Comment renverser les initiatives citoyennes européennes pour en faire un moyen de pression sur la Commission ?

Bruno Kaufmann dans « Europe Day: Hard challenges, soft democracy » décrypte le vice des premières ICE à la fois trop lyriques et europhiles et en même temps très compatibles avec les intentions de la Commission :

Initiative proposals like “Fraternité 2020” and the upcoming “Right to Water” and “Let me Vote” are still very much an immature way of using the new instrument. They do not concern tough legislative proposals but address the Commission in a old-style petition manner. Such initiatives are not challenging. There is nothing new in it and nothing which opposes current policies.

Traduction : Les propositions des ICE, comme « Fraternité 2020 », « Droit à l’eau » et « Laissez-moi voter » sont encore très immatures dans la façon d’utiliser le nouvel instrument. Il ne s’agit pas de propositions législatives difficiles, mais d’une adresse à la Commission à la manière des pétitions à l’ancienne. De telles initiatives ne donnent aucun défi à la Commission. Il n’y a rien de nouveau et rien qui s’oppose à des politiques actuelles.

Plutôt que de s’adresser à l’idéalisme de jeunes Européens motivés sur le continent et de faire plaisir à la Commission avec des propositions qui auraient pu être envisagées en interne, les organisateurs d’ICE doivent proposer des sujets qui touchent la vie quotidienne des citoyens et qui ambitionnent de faire évoluer la législation européenne.

Ainsi, face à une initiative citoyenne européenne prétendument capable d’empowerment selon la Commission européenne, les organisateurs doivent plutôt viser l’enlightment des citoyens européens.

Elections présidentielles en France et réactions politiques des personnalités européennes

Le résultat du second tour de l’élection présidentielle en France permet de noter les différentes manières qu’ont eues les personnalités européennes de communiquer à cette occasion…

Un soutien quant aux orientations de « politics » du nouveau président français pour l’un des seuls Commissaire social-démocrate

László Andor, l’un des rares Commissaire européen social-démocrate dans le collège présidé par José Manuel Barroso, a exprimé sa proximité partisane et son soutien politique d’une manière discrète mais significative.
Comme le raconte Ronny Patz dans « Applause from Commissioner Andor for the socialist turn in France », le compte twitter du Commissaire @LaszloAndorEU a retwitté un statut publié par le président social démocrate du Parlement européen, Martin Schulz :
« Félicitations à François Hollande! C’est le moment de changer de direction en Europe. #FH2012 ».

Une revanche personnelle quant aux décisions partisanes de l’ancien président français pour Viviane Reding

Viviane Reding, Commissaire à la Justice, s’était vivement opposée aux expulsions de Roms par le gouvernement français en septembre 2010. Une crise qui s’était soldée par le franchissement de ligne de part et d’autre (cf. Jean Quatremer : « Roms: Le dérapage de Viviane Reding et la colère de Nicolas Sarkozy »).

Qualifié par le journaliste Jean-Sébastien Lefebvre de « meilleur tweet de la soirée électorale », la réaction de Viviane Reding est un plat qui se mange froid : « Une France de la justice – enfin! #presidentielles2012 ». Par ailleurs, dès le lendemain, selon RTBF, deux députés européens français de droite ont demandé des excuses à la Commissaire européenne.

Une tentative d’alliance quant aux décisions de « policy » pour le président Barroso

Le président de la Commission européenne – soucieux de replacer la méthode communautaire et lae pouvoir d’impulsion de son institution en bon ordre après qu’elle ait été malmenée par la démarche intergouvernementale du couple Merkozy – a « félicité à titre personnel [François Hollande] de ne pas avoir cédé aux discours populistes et anti-européens, a indiqué à l’AFP un porte-parole » ; une référence aux prises de position « musclées » de Nicolas Sarkozy lors du discours à Villepinte pour la révision des accords de Schengen et la création d’un Buy European Act, sous la pression d’un ultimatum français.

Selon Yacine Le Forestier, directeur du bureau de l’AFP à Bruxelles : « Barroso rêve de profiter de Hollande pour revenir dans le jeu européen où il est marginalisé. In his dreams? ». Par ailleurs, Barroso chercherait, selon la dépêche, « à savoir si le futur président socialiste sera plus enclin à accepter un futur budget pluri-annuel important pour l’UE ».

Bref, les réactions politiques à l’élection présidentielle en France sont signifiantes de l’état d’esprit des personnalités européennes : chacun instrumentalise les résultats électoraux en fonction de ses propres intérêts.

Journée mondiale de la liberté de la presse : la Commission européenne s’offre une polémique avec les journalistes

Quelle meilleure manière de célébrer (sic) aujourd’hui la Journée mondiale de la liberté de la presse que de refuser un point presse aux journalistes, alors que le probable futur Premier ministre chinois Li Keqiang rencontre Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso à Bruxelles ?

Le jour de la journée mondiale de la liberté de la presse, la Commission européenne refuse un point presse à l’occasion d’une visite importante d’un dignitaire chinois

Plusieurs journalistes, notamment le correspondant de l’agence AFP à Bruxelles, se sont plaints, ce matin, que le responsable chinois (et les dirigeants européens) n’ait « pas retenu l’option d’un point presse » lors de sa visite à Bruxelles.

La réaction du service de porte-parole de la Commission européenne est d’un humour déplacé puisque la porte-parole répond que la liberté de la presse est « saine et sauve puisque l’Association internationale de la presse peut critiquer l’absence de point presse » à l’occasion de la visite du dignitaire chinois à Bruxelles.

L’Association internationale de la presse dépose une plainte formelle contre le service de presse de la Commission européenne

En signe de protestation, la journée étant pour le moins mal choisie pour se comporter ainsi avec les correspondants de presse, l’Association international de la presse dépose une plainte formelle contre le service de presse de la Commission européenne.

Bref, la Commission européenne s’offre une polémique regrettable, qui ne fait que renforcer les tensions existantes entre le service de porte-parole et les correspondants de presse à Bruxelles.