Comment la communication européenne s’adapte au « nouveau monde » de l’abondance de l’information ?

L’évolution récente du paysage médiatique et numérique conduit les institutions, notamment l’Union européenne, à apprendre à communiquer – au sens de dialoguer – avec des publics mieux informés qu’elles ne savent pas ou ne veulent pas adresser. La communication de l’UE est-elle adaptée au « nouveau monde » de l’abondance de l’information ?

De l’ancien monde de la rareté de l’information et de la communication institutionnelle

L’ancien monde de la rareté de l’information se caractérise par quelques médias dominants et des modes de consommation de l’information très semblable entre les citoyens. La communication institutionnelle y est très top-down et limitée à quelques publics.

Sous cet empire de la rareté de l’information, la communication de l’UE maîtrise globalement l’actualité européenne et ne dialogue vraiment qu’avec quelques émetteurs captifs que l’UE se doit bien d’adresser, à savoir schématiquement journalistes spécialisés et diplomates nationaux.

Au nouveau monde de l’abondance de l’information et de la communication concurrentielle

Le « nouveau monde » de l’abondance de l’information se définit davantage par l’éclatement des médias et des canaux d’information ainsi que par une consommation individualisée de l’information. La communication, de fait, devient relationnelle avec de multiples publics mieux informés.

Dans une époque d’abondance de l’information (ce qui n’est pas synonyme de qualité et d’égalité d’accès), la communication de l’UE ne maîtrise plus autant l’agenda européen et se voit de plus en plus concurrencée par d’autres émetteurs plus ou moins légitimes : lobbyistes, experts, élus et citoyens.

Comment la communication européenne pourrait s’adapter ?

L’enjeu de la communication de l’UE aujourd’hui n’est plus dans la maîtrise de la rareté mais dans la gestion de l’abondance. Autrement dit, il ne s’agit plus d’alimenter quelques publics multiplicateurs d’opinion mais de dialoguer avec de multiples publics plus ou moins représentatifs des opinions.

Pour parvenir à délivrer ses messages, la communication européenne doit être en mesure de parvenir à la fois à :

  • renforcer sa capacité à définir quelques priorités pour les imposer aux autres émetteurs, cela ne peut se faire sans davantage coordonner sinon mutualiser les efforts de communication des institutions européennes ;
  • développer ses moyens pour définir quelques cibles afin de leur distribuer ces messages prioritaires, cela ne peut se faire sans une meilleure compréhension et à fortiori utilisation des phénomènes de mobilisation et d’opinion, notamment en ligne.

Ainsi, la communication européenne ne peut vraiment s’adapter au « nouveau monde » de l’abondance de l’information sans des efforts de mutualisation des messages et de compréhension de l’opinion publique en ligne.

Création d’un Prix européen de la communication publique

Tandis que nous proposions en 2010 de créer un « Prix de la communication publique européenne », les organisateurs d’EuropCom – la conférence annuelle sur la communication publique en Europe – remettront pour la première fois en 2013 un Prix européen de la communication publique

Prix de la meilleure campagne de communication sur l’Union européenne de l’année

Afin de partager les meilleures pratiques et de stimuler la communication de l’UE à tous les niveaux de gouvernance, les premiers prix européens de la communication publique récompenseront, dès 2013, les administrations publiques au niveau national, régional ou local des Etats-membres et des États candidats à l’adhésion qui ont développé une campagne de communication exceptionnelle sur l’UE.

Critères d’évaluation des campagnes :

  • Impact et efficacité de la campagne, avec un bonus pour des campagnes de long terme ;
  • Créativité et innovation (message, utilisation des médias, style, etc.) ;
  • Cohérence avec les priorités de communication de l’UE (Europe 2020, la relance européenne; citoyenneté de l’Union; participation aux élections européennes de 2014) ;
  • Intégration dans la stratégie de l’institution et des partenariats à plusieurs niveaux.

Prix du meilleur Communicateur de l’Union européenne de l’année

Un prix personnel récompensera les (anciens) membres du personnel spécialisé dans le domaine de la communication de l’UE au sein des administrations publiques aux niveaux national, régional ou local des Etats membres et des États candidats à l’adhésion.

Critères d’évaluation des noms proposés :

  • Mérites professionnels du candidat ;
  • Capacité à inspirer ses collègues (à l’intérieur et à l’extérieur de leurs services) ;
  • Sens de l’innovation, de la coopération multi-niveau et vision à long terme.

Chaque participant à la conférence EuropCom pourra voter pour son candidat préféré par un sondage en ligne.

Pour les 2 catégories de prix, les candidats peuvent être proposés par eux-mêmes, par leur administration, ou par d’autres acteurs (agences de communication, ONG, réseaux, partis politiques, etc.) Le Conseil consultatif EuropCom peut également proposer des candidats. Les prix seront remis lors de la 4e Conférence EuropCom, en Octobre 2013.

Une nouvelle initiative qui illustre la professionnalisation et la reconnaissance progressive de la communication européenne.

Lobbying, éthique et transparence : comment l’Union européenne pourrait tirer les leçons du Dalligate ?

La démission de John Dalli – Commissaire européen chargé de la santé et de la politique des consommateurs accusé de corruption – doit être l’occasion pour la Commission de « renforcer les règles d’éthique et de transparence en matière de lobbying », selon ALTER-EU, l’Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation dans l’UE…

Un renforcement de la transparence et de l’éthique dans le lobbying

Dans un courrier destiné à José Manuel Barroso, ALTER-EU constate que l’on ne sait pas exactement pourquoi M. Dalli a dû quitter la Commission. Son président devrait mettre fin au secret entourant l’affaire et publier la totalité des faits à propos de ce scandale, y compris le rapport du Bureau européen de lutte antifraude (OLAF).

Quelque soit la vraie raison de la démission de M. Dalli, cette situation soulève de sérieuses questions quant à l’accès privilégié des lobbyistes et à leur influence sur la prise de décision de la Commission européenne.

La Commission a un besoin urgent d’utiliser des mesures plus rigoureuses pour éviter toute influence indue, introduire de la transparence et des règles d’éthique plus strictes et rigoureusement appliquées.

1) Conflit d’intérêt : durcissement du Code de conduite applicable aux Commissaires et aux hauts fonctionnaires

Le cas Dalli montre clairement que les formulations actuelles particulièrement vagues des règles d’éthique sont insuffisantes. La Commission devrait adopter une approche pro-active pour empêcher l’influence indue.

Il faudrait une révision du Code de conduite des Commissaires et des règles éthiques dans le règlement du personnel afin par exemple d’énoncer clairement que les Commissaires et les hauts fonctionnaires ne doivent pas accepter de réunions organisées par des connaissances qui agissent à titre de lobbyistes.

Il faudrait également des règles de déontologie plus strictes et obligatoires pour les lobbyistes, à la place de celles énoncées dans le code de conduite lié au registre de la transparence volontaire afin par exemple de ne pas embaucher les anciens Commissaires ou hauts fonctionnaires au cours d’une période de trois ans après avoir quitté la Commission.

2) Transparence : un registre obligatoire et une transparence sur les réunions de la Commission avec les lobbyistes

Le registre de la Commission en matière de transparence – faible et volontaire – doit être remplacé par un système de transparence du lobbying obligatoire qui permet aux citoyens de l’UE de voir qui influence le processus décisionnel européen, sur quelles questions, au nom de qui et avec quel budget.

L’examen du registre de transparence, prévue pour la mi-2013 offre l’occasion idéale de commencer la transition vers un système obligatoire aux obligations d’information beaucoup plus strictes.

Dans le même temps, la Commission doit agir dès à présent pour rendre le registre obligatoire de facto en refusant de rencontrer les lobbyistes non enregistrés. Pour rappel, la connaissance de M. Dalli – incriminée par l’OLAF – n’était pas inscrite dans le registre de transparence de la Commission.

En plus de la refonte du registre de transparence, la Commission européenne devrait fournir des informations complètes en ligne sur toutes les réunions entre fonctionnaires de la Commission et lobbyistes. Pour rappel, un certain nombre de Commissaires, y compris le Président, refusent de divulguer sur demande quelles réunions ils ont eues avec des lobbyistes.

En résumé, pour ALTER-EU, le cas Dalli doit permettre de tirer la leçon de toute l’affaire. Le système actuel ne fonctionnant pas, un renforcement des règles et des procédures est nécessaire pour limiter l’influence indue du lobbying sur l’UE.

« Our space » : la nouvelle plateforme délibérative européenne destinée aux jeunes

À un an des élections européennes, une nouvelle plateforme délibérative est lancée par l’UE. « Our space – the virtual youth space » est le MySpace des jeunes européens pour parler, contribuer, partager, participer et voter « sur ce qui est décidé pour vous, sans vous ». L’objectif est de proposer un espace commun aux jeunes européens et aux décideurs politiques…

Quel est le bilan des initiatives délibératives et participatives européennes antérieures ?

Comme le rappelle Thomas Delahais dans « Les effets de programmes européens de participation citoyenne sur l’action publique européenne : les cas de Plan D et Debate Europe » : les résultats des nombreuses initiatives européennes, notamment en ligne, ont souvent été très limités.

De 2006 à 2009, « la Commission européenne a investi 10 millions d’euros dans une centaine de débats organisés à travers toute l’Europe, dont un certain nombre de projets participatifs, voire délibératifs, à l’échelle européenne. Or, malgré la bonne volonté de leurs organisateurs et la bonne tenue, en général, de ces débats, leur caractère innovant aussi, leurs effets sur la sphère publique et sur ses acteurs se sont généralement révélés à peine perceptibles, voire totalement absents.

Les initiatives délibératives et participatives de la Commission européenne se confrontent toujours, selon Thomas Delahais à la « difficulté des fonctionnaires à accepter la parole de citoyens “qui ne représentent qu’eux mêmes” ».

Que faut-il attendre du MySpace des jeunes européens ?

Qu’en sera-t-il des effets attendus ou induits par « Our space » à la lecture des principales limites constatées dans les projets précédents ?

our_space

Our space aura-t-il des effets utilisables pour l’action publique, dans le cadre du processus électoral ?

Sûrement, est-ce l’effet attendu le plus recherché si le projet réussi, encore que les jeunes participants seront recrutés parmi des jeunes déjà engagés et que tout dépendra de l’implication des candidats aux élections européennes.

Our space produira-t-il des résultats utiles pour l’action publique, en vue de proposer une solution à des problèmes européens ?

Sans doute, est-ce l’effet attendu le moins susceptible d’être obtenu, compte tenu de l’étendue relativement limitée des législations européennes, de la méconnaissance répandue des politiques publiques européennes et que tout dépendra de la qualité du community management.

Our space sera-t-il communiqué aux bonnes personnes, notamment les participants, sans même parler des destinataires des conclusions ?

Comme dans la plupart des actions de l’UE, la publicisation est réduite et ce n’est pas la page Facebook (360 like) ou le compte Twitter (264 followers) qui suffiront à ce que la participation ne se limitent pas, comme trop souvent, aux publics proche de l’UE.

Au total, « Our space » représente une réelle innovation : la 1e plateforme pan-européenne de dialogue entre les jeunes et les politiques sur l’Europe. Reste à savoir si c’est également une opportunité pour mobiliser les jeunes à voter aux élections européennes.

Quel est l’impact chiffré de l’UE à Bruxelles : fonctionnaires européens, diplomates, journalistes, lobbyistes ?

Selon une étude réalisée en 2011 par le Bureau de Liaison Bruxelles – Europe, au total, la présence européenne (et internationale) générerait de 13 à 14 % de l’emploi et du PIB bruxellois, ce qui représente environ 100 000 postes, dont 30 000 dans les institutions européennes, 15 à 20 000 lobbyistes, 5 000 diplomates et environ 1 000 journalistes…

1. Impact démographique de l’UE sur Bruxelles

1.1. Impact démographique des institutions européennes

Globalement, les Européens vivant à Bruxelles du fait de leur emploi dans les institutions européennes représente un total de 31.491 personnes :

Commission européenne : 21.635 personnes y travaillent à Bruxelles au 1e octobre 2011. Ce chiffre reprend différentes catégories du personnel mais ne compte pas les experts nationaux détachés (905), les prestataires de services, les intérimaires et les stagiaires (environ 650 par sessions de 5 mois).

Parlement européen : 5 549 personnes à Bruxelles au 1er septembre 2011. Ce chiffre décompte les 736 députés européens, les 1.600 assistants accrédités et les 3.600 fonctionnaires titulaires, les contrats à durée déterminée et les contractuels travaillant auprès du secrétariat général et des groupes politiques ainsi que les stagiaires officiels (150 par semestre à Bruxelles et +/- 100 pour les groupes politiques par an) puisque les stagiaires des eurodéputés ne sont enregistrés nulle part.

Conseil de l’Union européenne : 3.091 personnes à Bruxelles

Comité économique et social européen : 800 personnes et Comité des Régions : 506 personnes

1.2. Impact démographique des métiers liés à l’UE

Les Européens qui travaillent à Bruxelles du fait de la présence des institutions européennes dans des organisations non gouvernementales, des bureaux de lobbying, des représentations régionales, des organes de presse représentent :

Lobbyistes : entre 15.000 à 20.000, Bruxelles est la ville qui compte le plus grand nombre de lobbyistes au monde après Washington.

Initialement, le Parlement européen et la Commission européenne tenaient, séparément, un registre de lobbyistes (« lobby register »). En juin 2011, le Parlement européen et la Commission européenne ont lancé un nouveau registre de transparence public et commun. Au 26 octobre 2012, il y a 5 450 entités enregistrées dans le registre. L’ancien registre de la Commission comprenait plus de 4.000 organisations, celui du Parlement 1.700.

Le guide Lobby Planet de 2005 de l’ONG Corporate Europe Observatory, avance un chiffre de 15.000 lobbyistes, dont 70 % servent directement ou indirectement les intérêts d’entreprises, 20 % défendent les intérêts de régions, villes ou institutions internationales et 10 % ceux des ONG (dont les syndicats et les groupes de défense de l’environnement).

D’autres sources pertinentes sont le guide EPAD (European Public Affairs Directory) et celui du Stakeholder.eu – The Directory for Brussels. Le site Stakeholder.eu reprend des données concernant plus de 4.500 bureaux et 14.000 adresses personnelles, dont 162 bureaux d’avocats internationaux, 80 think tanks, 208 bureaux de consultance, 300 ONGs, 800 fédérations internationales…

Presse internationale : Bruxelles est l’un des plus grands centres de presse au monde. En 2011, on dénombre 951 journalistes accrédités auprès de la Commission européenne et 368 techniciens46 accrédités (cameramen, photographes…), ce qui fait un total d’environ 1.319 personnes travaillant pour la presse internationale. L’accréditation auprès de la Commission est reconnue également par le Conseil et par le Parlement. Durant la tenue des Conseils européens, le nombre des journalistes présent augmente de manière significative et fluctue entre 1.500 et 2.000.

Représentations régionales : plus de 300 représentations d’autorités régionales et locales auprès de l’UE. Un certain nombre de ces représentations, comme la plupart des Länder allemands, possèdent une infrastructure impressionnante et emploient parfois jusqu’à 50 collaborateurs ; les représentations plus petites ne comptent que quelques personnes.

Diplomates : Bruxelles compte 5.415 diplomates, chiffre le plus élevé au monde. 2.105 diplomates travaillent pour les représentations permanentes auprès de l’UE. Le nombre de missions diplomatiques auprès de l’UE atteint un total de 555.

Personnel des institutions internationales (hors du cadre de l’UE) : près de 4.000 personnes travaillent au siège politique de l’OTAN à Bruxelles et 2.000 personnes travaillent pour les délégations permanentes des États membres ou pour les représentations nationales militaires.

2. Impact économique de l’UE pour Bruxelles

Près de 56 % des congrès qui se déroulent à Bruxelles sont organisés par des institutions européennes. Chaque année à Bruxelles, plus de 70.000 réunions et événements réunissent plus de 7 millions de participants.

Selon Eurostat, Bruxelles se situe au 3e rang des régions les plus riches de l’UE après Londres et Luxembourg – le PIB par habitant à Bruxelles s’élève à presque 2,5 fois la moyenne européenne.

2.1. Impact économique des institutions européennes

Il n’est pas évident de quantifier précisément l’impact socioéconomique de la présence de l’Union européenne et de ses institutions sur Bruxelles. Sur les secteurs tels que l’HORECA (hôtellerie, restauration et cafés), le commerce et le tourisme, on estime que ce sont 28.000 emplois qui sont créés de façon indirecte.

2.2. Occupation de bureaux

Les cinq principales institutions européennes et les organismes leur étant associés occupent 1,9 millions de m² de superficie de bureaux. Si l’on ajoute l’espace occupé par les autres acteurs européens (parmi lesquels les lobbies, les bureaux régionaux, les ONG…) le chiffre se porte à 3,3 millions de m², soit 30 % de l’espace de bureaux total disponible à Bruxelles. La Commission européenne occupe actuellement 66 bâtiments à Bruxelles et ce pour une surface totale de bureaux d’environ 860.000 m².

2.3. Démographie

181.655 des Bruxellois non-Belges sont de nationalité européenne, soit le groupe majoritaire d’étrangers dans la ville (environ 60 % des non-Belges de Bruxelles), ce qui représente 30 % de la population bruxelloise. Les Français, avec 46.006 habitants, forment la communauté la plus importante.

Ainsi, l’impact démographique et économique de l’UE sur Bruxelles (100 000 personnes) se décompose à égalité entre les institutions européennes et les emplois commerciaux et touristiques induits par l’UE (30 000 personnes chacun) tandis que les lobbyistes (15 à 20 000) sont beaucoup plus nombreux que les diplomates (5 000) ou les journalistes (environ 1 000).