Archives de catégorie : Web et Europe

Billets sur les enjeux de la communication numérique européenne

Conférence sur l’avenir de l’Europe : comment réussir la participation des citoyens ?

La Représentation du Land de Bade-Wurtemberg auprès de l’UE à Bruxelles a organisé une table ronde sur les enjeux de la Conférence sur l’avenir de l’Europe sous l’angle de l’implication on et offline des citoyens…

La stratégie de l’UE repose sur 5 piliers : une promesse + des principes + une plateforme web + des panels citoyens + une plénière

Pour Sixtine Bouygues, la Directeur Générale Adjointe de la DG Communication de la Commission européen, la déclaration conjointe des institutions européennes prend une promesse sans précédent en termes d’« engagement des citoyens pour la démocratie » qui s’adresse à tous les Européens.

Les principes de la conférence sur l’avenir de l’Europe pour être à la hauteur de l’exercice :

  • Universalité : tous les citoyens européens sont appelés à s’exprimer ;
  • Transparence : toutes les contributions sont rendues publiques et accessibles en ligne ;
  • Indétermination : tous les résultats des discussions conduites vont être non préméditées ;
  • Engagement : toutes les institutions européennes vont écouter les contributions et assurer des recommandations dans le respect des valeurs de l’UE.

Une plateforme web est le hub de tous les événements, dont la conférence inaugurale lors de la Journée de l’Europe le 9 mai prochain et de toutes les contributions :

  • Design à partir d’une civic tech startup financée par un fond européen ;
  • Discussion paneuropéenne dans les 24 langues officielles de l’UE avec une traduction immédiate de toutes les contributions ;
  • Modération à posteriori et à minima pour ne pas censurer les contributions négatives ;
  • Feedbacks avec un partage de data à la fois quantitative et qualitative sur la participation.

Des panels citoyens seront organisés sur la base d’une sélection randomisée des participants sur la base de critères d’équilibre géographique, socio-économique, d’âge et de sexe afin d’assurer une variété et diversité maximale.

Les plénières, les réunions avec les élus, le dernier pilier de la stratégie pour la délibération sur les recommandations du rapport final est toujours en cours de négociation.

Les expériences antérieures inspirantes

Le Land du Bade-Wurtemberg déploie depuis une décennie une « politique pour être entendu » (policy of being heard) menée par Gisela Erler, Conseillère d’État pour la société civile et la participation civique.

La réussite repose sur un équilibre autant d’une part des citoyens pour jouer le jeu de la discussion collective et de la délibération commune pour formuler des contributions constructives que d’autre part des responsables politiques pour écouter les citoyens, vérifier les propositions, réagir activement et rendre des comptes sur leurs décisions.

La fondation Bertelsmann a organisé des dialogues citoyens multilingues transnationaux, Anna Renkamp, Senior Project Manager pour le Program Future of Democracy précise les modalités de cet exercice de démocratie très ambitieux et qualitatif en termes de participation et de contribution des citoyens.

Au final, les premiers résultats en 3 jours sur le site interinstitutionnel de la Conférence sur l’avenir de l’Europe FuturEU.europa.eu sont encourageants avec déjà quelques milliers d’inscrits et des premiers sujets sur l’économie, le climat et la démocratie européenne…

ENTR : lancement d’un nouveau média européen vidéo dédié aux jeunes

Événement suffisamment rare pour être signalé, un nouveau média européen va être lancé d’ici l’été pour faire réagir les jeunes à travers l’Europe, en cassant les barrières, et les faire interagir autour des grands sujets générationnels qu’ils ont en partage, dans toutes leurs différences, en contribuant à leur « conscience européenne »…

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Le projet franco-allemand, comme Arte

ENTR est un nouveau média entièrement en ligne et 100 % vidéo plurilingue sur YouTube, Twitter et Instagram en français, allemand, anglais, polonais, portugais et roumain ciblant les jeunes Européens de 18 à 34 ans porté par le groupe France Médias Monde (RFI, France 24 et la radio arabophone MCD) et son homologue allemand Deutsche Welle.

La ligne éditoriale, comme Brut

ENTR veut proposer des vidéos « sur toutes les thématiques qui suscitent l’intérêt et font le plus réagir les jeunes sur Internet et les réseaux sociaux, en s’adressant à eux dans leur langue maternelle et à travers les nouveaux formats numériques et modes narratifs de l’information », c’est-à-dire un modèle proche de Brut, Monkey ou Slash de France Télévisions.

Les moyens, co-financés par l’UE comme Euronews

Cofinancé par l’Union européenne, est qu’il vise à encourager l’engagement et le dialogue des jeunes en Europe et doté d’un budget de 3,2 millions d’euros pour 2020, et coordonnée par une équipe franco-allemande de 12 journalistes, elle s’appuiera sur une dizaine de médias partenaires implantés dans six pays.

Faire vivre l’esprit d’ouverture, de partage et de communauté de destins auprès des jeunes Européens, tel est l’ambition de ce nouveau média vidéo baptisé ENTR qui vient positionner une offre numérique plurilingue et paneuropéenne à mi-chemin entre Arte, Brut et Euronews.

Retard du service de presse de la Commission européenne sur Twitter

Alors que la place de Twitter dans l’infosphère bruxelloise n’est plus à démontrer et aurait même tendance à se renforcer avec la période de confinement, les membres du service de presse de la Commission européenne sont très en retard…

État des lieux inquiétant des forces en présence

Sur 84 fonctionnaires européens listés dans le service de porte-parole de la Commission européenne, seuls 2 comptes Twitter sont indiqués. L’analyse exhaustive révèle que 25 membres du service de presse ne sont même pas présents sur Twitter, soit quand même 30% des effectifs.

Panorama synthétique du service de presse sur Twitter :

  • Le Chief Spokeperson dispose de 2 comptes en français et en anglais – 20k followers au total ;
  • L’adjointe au porte-parole en chef est également présente – 8,5k followers ;
  • Sur les 11 Spokeperson, tous sont présents, mais la moyenne de leurs followers est seulement de 3,4k, seul un porte-parole dépasse les 10k followers ;
  • Sur les 30 Press Officer, 7 sont carrément absents, et la moyenne très faible se situe à 470 followers ;
  • Sur les 13 Press Assistant, 11 ne sont pas présents.

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La faiblesse de la présence des différents membres du service de porte-parole de la Commission européenne est inquiétante au regard de la présence en force au quotidien de nombreux correspondants de presse à Bruxelles, sans compter tous les journalistes qui pourraient s’intéresser aux activités de presse de la Commission européenne en période de pandémie sans possibilité de se déplacer.

Feuille de route urgente pour le service de porte-parole de la Commission européenne

Après plus d’un an de pandémie, de distanciation sociale, de restrictions aux événements physique en présentiel, il serait temps que tous les membres destinés à être en contact avec la presse soit présent sur Twitter, le réseau social le plus largement utilisés par les journalistes.

Pourquoi Twitter est indispensable pour les relations presse de la Commission européenne aujourd’hui ? Puisqu’il semble que la réponse n’aille pas de soi pour près d’un tiers des membres du service de presse de la Commission européenne, les raisons de rejoindre la plateforme semblent pourtant nombreuses :

D’abord, la première mission consiste à identifier les journalistes, en commençant par les correspondants de presse à Bruxelles, puis plus largement les journalistes s’intéressant aux affaires européennes et selon les domaines spécifiques, les « rubricards » des grands médias européens, en particulier dans l’audiovisuel public et privé.

Ensuite, la deuxième mission porte sur la nécessité avant toute chose d’écouter, d’observer les prises de parole, les sujets abordés et surtout les critiques émises sur les dossiers européens, afin de mieux comprendre les attentes, les arguments à développer pour répondre aux questions ou d’anticiper les critiques.

Enfin, la troisième mission vise à se rapprocher des journalistes, non pas pour faire la conversation de manière gratuite ou pire intéressée, il ne faut pas s’immiscer inutilement dans leur timeline, mais au-moins se donner les moyens de répondre aux besoins, de corriger des zones d’ombre, de donner des éléments de réponse à des questions laissées sans réponse.

L’absence aussi massive et la présence aussi discrète du service de presse de la Commission européenne sur Twitter ne devrait pas être considéré comme un sujet secondaire et un projet pour des jours meilleurs. C’est une question de survie, de pertinence, littéralement de service public.

En bref, le chantier de la présence proactive des membres du service de porte-parole de la Commission européenne sur Twitter ne fait vraiment que commencer, le chemin à parcourir sera long.

Quelle est la réputation des leaders européens sur Twitter ?

Loin des seuls propos officiels souvent auscultés de près par les commentateurs, qu’observe-t-on lorsque l’on regarde ce qui se dit sur Twitter en 2020 des dirigeants européens Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne et Charles Michel, président du Conseil européen, une démarche parallèle à l’étude des chefs d’État et de gouvernement sur Twitter…

Ursula von der Leyen : les événements #Covid et #Brexit dominent l’agenda politique

Les principaux hashtags associés aux mentions d’Ursula von der Leyen portent d’abord sur le coronavirus, la pandémie que le monde entier affronte depuis un an. Le Brexit apparaît comme le second thème de discussion. Le #SOTEU, le hashtag du discours sur l’état de l’Union se place à la 12e place, ce qui relative la prise de parole officielle dans l’ensemble des mentions sur l’année.

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Les termes dans le nuage des mots clés confirment l’orientation majoritaire des conversations avec la présence bien visible du Brexit et de Boris Johnson. Les autres personnalités associées à Ursula von der Leyen sont Charles Michel, le président du Conseil européen et Angela Merkel qui a exercé la présidence semestrielle du Conseil de l’UE. Une seule politique européenne, le commerce apparaît. Dignité et humilité sont des termes manifestement associés à la présidente de la Commission européenne.

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Les pays mentionnant le plus Ursula von der Leyen sont en premier le Royaume-Uni de très loin, puis au coude à coude l’Allemagne et la France. La Belgique se classe à la 7e place, avec quelques milliers de tweets, ce qui relativise l’importance de la bulle bruxelloise hyper-active sur Twitter.

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Dans l’ensemble des plus de 405k mentions de von der Leyen sur l’année, l’agenda politique de la Commission européenne, en particulier le plan de relance, le Green Deal ou les initiatives dans le numérique ne sont pas du tout visible dans les hashtags et les mots clés les plus récurrents.

Charles Michel : les sommets #EUCO priment les sujets plus diplomatiques

Les principaux hashtags utilisés dans les mentions de Charles Michel en 2020 sur Twitter – qui sont au nombre de près de 148k, soit trois fois moins – sont plus spécifiques. Ainsi, le premier #EUCO est le hashtag officiel des sommets des chefs d’État et de gouvernement tandis que #MFF correspond au budget de l’UE.

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Les mots clés rassemblés dans le nuage font référence à la fonction institutionnelle et au compte Twitter @EUCOpresident, un tel compte qui se transmet entre présidents qui n’existent pas à la Commission européenne. Aucun chef d’État et de gouvernement ne sont visiblement mentionnés avec Charles Michel.

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Les pays mentionnant le plus Charles Michel sont plus internationaux avec les États-Unis en 2e place et la Turquie en 6e position. Pour le coup, la Belgique avec un peu plus de 25k mentions dans l’année apprécie son ancien Premier ministre dans ses nouvelles fonctions européennes.

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Au total, ce qui est frappant lorsque l’on prend en compte toutes les mentions associées aux leaders des institutions européennes, c’est la dilution des initiatives même d’envergure, comme le plan de relance historique de l’UE, dans l’ensemble des sujets liés à l’actualité.

« Cette fois, je ne vote (pas) » : comment la campagne de communication influence la participation aux élections européennes ?

Lors des élections européennes de 2019, les formes actives d’engagement avec la campagne de communication et l’exposition passive des citoyens à la couverture médiatique et aux publicités politiques ont toutes été testées pour mesurer leurs contributions au vote. Quels sont les principaux résultats et enseignements d’une étude menée dans 10 États membres par Franziska Marquart, Andreas C Goldberg et Claes H de Vreese ?

Principaux déterminants de la participation des citoyens aux élections européennes

La campagne du Parlement européen en 2019 « Cette fois, je vote! », avec des informations, des campagnes publicitaires, des discussions politiques interpersonnelles a-t-elle contribué à l’augmentation du taux de participation aux élections ?

Certes, au fil du temps, un certain nombre de facteurs se sont avérés influencer le taux de participation aux élections européennes : les règles de vote obligatoire d’un pays, les élections tenues le même jour que les élections nationales, le vote le week-end, etc. De même, au niveau individuel, les plus âgés et les citoyens plus instruits sont plus susceptibles de participer aux élections européennes.

En outre, l’influence des médias d’information peut également être cruciale pour le taux de participation, car la plupart de ce que les gens savent sur l’UE provient des médias, le renforcement de la connaissance de l’UE est positivement lié à l’intention de voter et à la participation aux élections.

Pourtant, le rôle de la communication et la mesure de l’impact à l’exposition et à l’engagement des citoyens aux différentes formes de communication affectant leur participation électorale étaient inconnus jusqu’à cette étude…

Pertinence des différentes activités de la campagne de communication : engagement passif et actif, discussions politiques et rôle des activités en ligne

Les efforts de la campagne fournissent aux citoyens des informations cruciales, les motivent à rechercher des informations supplémentaires sur les élections et les incitent à se rendre aux urnes grâce à différentes formes de communication :

  • Une exposition passive à la communication et à la publicité des partis ;
  • Des formes d’engagement actives telles que la visite du site web d’un parti ou la participation à un événement de campagne ;
  • Des conversations interpersonnelles sur l’UE avec des membres de la famille, des amis et des personnes (en ligne).

Ce n’est qu’en tenant compte simultanément des différentes activités et en évaluant les effets pour différents groupes électoraux que nous pouvons comprendre les effets mobilisateurs de l’exposition et de l’engagement des citoyens à la campagne de communication sur la participation aux élections européennes.

Aperçu complet des différentes influences qui mobilisent l’électorat de l’UE

Il existe de grandes différences entre les activités :

  • Les plus traditionnelles (et passives) telles que l’exposition de campagne analogique et les affiches publicitaires étant les plus fréquentes ;
  • Les réseaux sociaux et la participation à un événement de campagne font partie des activités les moins fréquentes.

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Les facteurs ayant les plus fortes influences négatives sur le taux de participation sont la communication interpersonnelle avec les gens en ligne, la participation à des événements liés à la campagne, la communication en ligne active sur les élections et l’exposition générale de la campagne analogique.

En revanche, les influences positives significatives les plus fortes sur la probabilité de voter proviennent des tentatives de convaincre les autres (pour quoi) de voter (pour qui), des recherches actives d’informations en ligne et de l’exposition au matériel d’un parti. Des affiches politiques et la communication interpersonnelle de la famille sont d’autres facteurs importants, mais seulement lorsqu’ils sont (très) souvent pratiqués.

Les effets de l’exposition aux médias analogiques sont particulièrement importants pour les «certains» et les indécis, mais non significatifs pour les abstentionnistes.

Les effets positifs de la recherche active d’informations en ligne et de la tentative de convaincre les autres (pour quoi) de voter (pour qui) sont environ trois à cinq fois plus importants pour «certains» abstentionnistes que pour ceux qui voulaient voter dès le départ. La communication familiale, en revanche, ne parvient qu’à mobiliser des répondants incertains.

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Pour résumer, les résultats brossent un tableau mitigé des effets de la campagne sur la participation des citoyens aux élections européennes :

  1. L’exposition passive aux affiches politiques affecte positivement la participation électorale, mais l’exposition au contenu des médias analogiques diminue le taux de participation ;
  2. Le fait de participer activement au matériel du parti augmente les chances que les citoyens se rendent aux urnes, tandis que le partage actif en ligne du contenu lié aux élections les diminue ;
  3. Les conversations politiques avec les membres de la famille rendent la participation électorale plus probable, mais la communication interpersonnelle en ligne démobilise l’électorat européen.

Hypothèse d’un environnement « toxique » en ligne et sur les réseaux sociaux

Les informations en ligne liées à la campagne renforcent l’intention de s’abstenir: voir les publicités des partis sur les médias sociaux, communiquer avec les gens en ligne à propos de l’UE et publier ou commenter du contenu lié à l’élection sur les médias sociaux rend encore moins probable de voter.

Cette constatation soulève la question d’un environnement d’information et de communication potentiellement «toxique» sur les réseaux sociaux, dans lequel la diversité des opinions et des informations augmente également la probabilité que les citoyens soient exposés à des contenus critiques sur l’Union.

Les discussions en ligne sur l’UE réduisent la participation électorale de «certains» électeurs, même si les citoyens n’y participent que parfois. Étant donné que les réseaux de discussion sur les médias sociaux ont tendance à être plus hétérogènes que les relations que nous entretenons avec des personnes de notre environnement immédiat, les citoyens ayant une attitude positive au sein de l’UE pourraient rencontrer des partenaires de discussion démobilisants en ligne. Une telle discussion interpersonnelle peut conduire les citoyens à s’abstenir le jour du scrutin – même s’ils avaient au départ une forte intention de voter.

Si les citoyens publient quelque chose sur les élections ou mentionnent leur vote sur les réseaux sociaux ; qu’ils voient les publicités des partis politiques sur les réseaux sociaux ou parlent de la politique de l’UE avec des gens en ligne – toutes ces formes d’exposition ou d’activité réduisent la probabilité que les citoyens votent.

En partie, ces effets négatifs peuvent être attribuables à des perceptions de participation slacktiviste, c’est-à-dire à l’idée que les activités des médias sociaux à elles seules sont suffisantes pour avoir un impact politique significatif. En conséquence, les gens peuvent avoir le sentiment qu’ils ont déjà «fait leur part» et s’abstenir de participer à la politique hors ligne.

Ainsi, contrairement au slogan de la campagne de l’UE «Cette fois, je vote», tous les efforts – et en particulier en ligne – n’ont pas augmenté le taux de participation le jour du scrutin…