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Billets sur l’opinion publique européenne

L’avenir de l’Europe, selon les Européens

Dixième enquête dans la série « L’avenir de l’Europe », l’Eurobaromètre spécial 517 fait le point sur les perspectives des Européens sur la construction européenne et la Conférence sur l’avenir de l’Europe…

Atouts et défis de l’Europe : attitudes constructives à l’égard de l’UE

Globalement oui à l’Europe :

  • Sept Européens sur dix affirment être favorables à l’UE, même si près de la moitié précise être favorable mais pas à la manière dont elle fonctionne aujourd’hui ;
  • Six Européens sur dix pensent que l’appartenance de leur pays à l’UE est une bonne chose, dans 20 États-membres sur 26, le soutien est majoritaire pour la construction européenne ;
  • Plus de la moitié des Européens ont une image positive de l’UE et les citoyens ont plus tendance à être positifs que négatifs dans tous les États membres.

Mais pas toujours la même ;

Tant de ses atouts différents entre respect pour la démocratie, droits de l’homme et état de droit et puissance économique, industrielle et commerciale que de ses défis comme les inégalités sociales, le chômage, les problèmes environnementaux et le changement climatique, ainsi que les migrations.

Principales priorités pour faire face aux défis mondiaux : l’environnement et le changement climatique (39%) ainsi que l’égalité et la justice sociale (37%), la santé et la sécurité (32%) avec une forte préférence pour que tous les États membres travaillent et trouvent des solutions ensemble.

Ce qui pourrait être le plus utile pour le futur de l’Europe, les niveaux de vie comparables (31%), suivis d’une politique sanitaire commune (22%), une solidarité plus forte entre les États membres de l’UE (21%) et l’indépendance énergétique (20%) ou les standards d’éducation comparables (18%), tandis que 17% pensent qu’une politique de défense et de sécurité commune serait le plus utile avant la crise ukrainienne.

Conférence sur l’avenir de l’Europe, à l’image de la démocratie européenne

Afin de participer aux activités de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, plus de la moitié est disposée à répondre à une enquête, près de la moitié serait disposée à participer à des réunions dans leur région, une personne sur dix serait disposée à prendre part à des consultations en ligne et un peu plus d’un tiers serait disposé à le faire sur les réseaux sociaux.

Afin d’inciter à participer, les citoyens veulent en majorité être convaincus que leur participation aura un véritable impact, n quart participerait via une forme flexible de participation, un cinquième serait encouragé par une contribution anonyme, un dixième serait influencé par la participation de célébrités (par ex. acteurs, artistes, sportifs de haut niveau).

Afin de mobiliser les jeunes, la Conférence devrait mettre l’accent mis sur les sujets présentant un grand intérêt pour eux, très loin devant la prise en compte des enjeux de la société actuelle ou l’envie de mettre leur énergie et leur motivation au service des réformes et des changements.

Les Européens, dont un tiers à récemment lu ou entendu quelque chose dans les médias, ont une vision contrastée de la Conférence sur l’avenir puisqu’une majorité identique y voit un véritable progrès pour la démocratie dans l’Union européenne ; qui n’aura pas d’impact réel.

En conclusion, en se projetant vers l’avenir, plus de huit Européens sur dix préfèrent que la société de 2030 donne plus d’importance à la solidarité qu’à l’individualisme, la construction européenne a encore beaucoup à faire pour renforcer et protéger la démocratie dans l’Union européenne.

Déficit démocratique ou déficit symbolique de l’UE ?

Alors que l’Union européenne est encore régulièrement accusée d’un déficit démocratique instrumentalisé dans les années 1970s par le Parlement européen avant que les élections européennes soient instituées, la question n’est plus vraiment à l’ordre du jour pour les observateurs de bonne foi. En revanche, la carence symbolique européenne fait davantage de dégât, à suivre Pascal Lardellier avec « Sans rites fédérateurs, l’Europe peine à faire rêver »

Cruel déficit symbolique affectant l’Europe

Conscient du rôle des symboles en politique puisqu’« ils sont plus forts que ce qu’ils représentent », selon Claude Lévi-Strauss, il faut regarder l’Europe en invoquant rites, mythes et symboles politiques, autant d’éléments « substantiels à l’action collective et à la vie sociale, sans lesquels la politique se réduit à la délibération rationnelle, à l’application de procédures abstraites, à l’adhésion de principe à chartes et déclarations ». Bref, sans eux, le pouvoir est nu et sa légitimité fragile.

Pour Pascal Lardellier, la réponse est sans équivoque : « l’Europe n’a ni mythes ni rites fédérateurs capables de la constituer en corps politique homogène » (…) personne « sort du lot pour l’incarner avec charisme et s’élever au niveau de l’Histoire ? Quelle célébration sanctuarise l’Europe à l’échelle du Continent ? Quel acte fondateur constitue la « maison commune » que pourrait être l’Europe ? » Autant de questions non seulement sans réponse pour le moment mais qui ne semblent pas du tout être posées au sein des institutions européennes.

Autrement dit, la part de mystique dans le pouvoir, ayant pour fonction de mettre « le pouvoir sur scènes » selon Georges Balandier n’existe quasiment pas à l’échelle européenne, et c’est très problématique. Les rares « moments » vraiment européens correspondent aux réunions des Conseils européens, aux soirées électorales européennes, et encore ; et institutionnellement au discours annuel sur l’état de l’Union de la présidence de la Commission européenne au Parlement européen.

Des symboles politiques européens pour fédérer et enthousiasmer

Pour ce qui enthousiasme les Européens, il faut davantage regarder du côté des destinations touristiques, des championnats sportifs comme le football, voire du seul programme d’échanges universitaires Erasmus. Et ne parlons pas des symboles de l’UE en eux-mêmes, introduits officiellement dans le projet de Constitution pour l’Europe qui ont été en partie retirés du traité de Lisbonne pour ne pas froisser les susceptibilités.

Pour ce qui pourrait fédérer autour de l’Union européenne, Pascal Lardellier suggère « une vraie cérémonie supranationale qui donnerait à voir que l’Europe est supérieure à la somme de ses parties, des « grands-messes » tour à tour solennelles et festives qui pourraient rassembler celles et ceux composant le vieux Continent et transporter ses âmes ». Remarquons qu’il faut aujourd’hui beaucoup d’imagination et de bonne volonté pour se projeter, même si les succès nationaux en ce domaine s’européanisent naturellement comme la fête de la musique, la nuit des musées et tant d’autres nouveaux rendez-vous culturels et sociétaux.

Selon Pascal Lardellier, « en déshérence symbolique, l’Europe laisse les rites et les « effervescences collectives » au sport, à la consommation et à la religion (…) Elle est en quête d’un sens qui se met en scène et se dramatise, pour rassembler par-delà les différences ». Pourtant, une certaine européanité se vit dans les cafés, dans l’urbanité des villes, dans les plaisirs des campagnes…

Dernière remarque de Pascal Lardellier, « le pouvoir doit être incarné et solennel. Sans cette gravité, en souscrivant aux impératifs médiatiques du « jeunisme », de la « petite phrase », on joue le jeu des animateurs, des polémistes et des « influenceurs ». Ils ont leur public, mais leur temporalité est rarement celle de l’Histoire ». C’est bien là toute la difficulté de l’Europe, qui n’a pas vraiment envie de revenir dans l’histoire, de rentrer de nouveau dans le tragique des événements, même si sans exprimer de volonté de puissance il faut quand même une certaine autonomie pour au moins défendre ses positions et maîtriser son destin.

Comment réveiller avec les rites et les symboles la conscience d’un destin partagé et ranimer le « feu sacré » de tous ceux qui ont envie de « faire Europe » avec espoir ?

Choc des imaginaires apocalyptiques en Europe

Imaginaire écologiste cosmopolite contre imaginaire nationaliste nativiste, les tensions autour de la démographie sont à l’origine d’un nouveau choc Est-Ouest en Europe, selon Ivan Krastev dans « Démographie : le nouveau clivage » sur Le Grand Continent

Les prophéties de l’apocalypse démographique des sociétés occidentales

Pour Ivan Krastev, « la politique européenne post-Covid n’est plus structurée par l’opposition traditionnelle gauche-droite ; elle est désormais structurée par le choc entre deux imaginaires apocalyptiques » :

D’une part, l’imaginaire écologique, suscité par la perspective de la catastrophe environnementale à venir, donnant le sentiment que si nous ne faisons rien pour changer nos modes de vie et de production, il n’y aura plus de vie humaine sur Terre. L’imaginaire écologiste est un imaginaire cosmopolite, il part du principe que l’humanité ne pourra être sauvée que si nous agissons ensemble.

D’autre part, l’imaginaire démographique nationaliste, guidé par la peur que « mon peuple » disparaisse et que son mode de vie soit détruit. L’imaginaire démographique, quant à lui, est nativiste, il suppose que d’autres veulent nous remplacer et que nous devons les arrêter.

Tandis que les militants écologistes doutent de la moralité d’avoir des enfants dans un monde qui court à sa propre destruction, les nationalistes voient toute famille de moins de trois enfants comme une famille de « traîtres ». Mais les deux imaginaires traduisent un même sentiment d’extrême urgence. Militants écologistes et populistes nationalistes partagent en effet le sentiment qu’ils vivent les derniers jours d’un monde.

Le clivage culturel des imaginaires Est-Ouest en Europe

Pour Ivan Krastev, le vieux continent souffrirait d’une « boulimie démographique » – c’est-à-dire d’une panique suscitée par la crainte qu’« à la fois trop et trop peu de personnes puissent simultanément exister sur un même territoire » – trop d’entre eux et trop peu d’entre nous.

Du coup, la question principale de l’avenir de l’Union européenne se structure entre ceux qui veulent « sauver la vie » face à l’apocalypse écologique et ceux qui veulent « sauver notre mode de vie » face à l’apocalypse démographique.

Si l’imaginaire écologiste et l’imaginaire démographique sont présents dans toutes les sociétés européennes, c’est surtout le premier qui influence la politique dans les pays d’Europe de l’Ouest, et surtout le second qui influence la politique dans les pays d’Europe de l’Est.

Autrement dit, pour paraphraser la célèbre expression « les missiles sont à l’Est ; les pacifistes sont à l’Ouest », on pourrait dire « les illibéraux natalistes sont à l’Est ; les cosmopolitiques écologistes sont à l’Ouest ». Et ces deux imaginaires vont continuer de progresser dans les mentalités, plaçant l’Europe au cœur des attentes contradictoires.

Comment assurer un destin commun et un relatif consensus avec ce choc des imaginaires écologique et démographique qui risque de déchirer l’avenir de l’Europe ?

Quels défis pour comprendre les enjeux de la sphère publique européenne ?

Quels sont les principaux problèmes non résolus autour de l’émergence d’une sphère publique européenne, selon Rubén Rivas-de-Roca et Mar García-Gordillo : la communication politique de l’UE, le rôle des plateformes numériques et la politisation progressive de l’UE ?

La communication politique de l’UE : entre déficit de communication et cultural studies

L’une des premières préoccupations de l’intégration européenne est de combler le déficit démocratique des institutions européennes, la construction d’un espace public commun pouvant réduire un « fossé de communication ». En réponse, la communication des décisions et des activités de l’UE relève de la responsabilité de toutes les institutions européennes.

Bien que l’UE se soit montrée très préoccupée par sa communication publique, il existe un consensus académique selon lequel l’UE semble distante vis-à-vis du public, les pays comptent toujours pour comprendre les événements transnationaux à travers l’Europe, car les médias sont toujours liés aux systèmes politiques nationaux.

Face au nouveau défi d’un biais antipopulaire contre l’intégration européenne, renforcé par la percée des mouvements eurosceptiques à travers le continent et au cours de la dernière décennie, les partis politiques sont passés d’un « consensus permissif » à un « désaccord contraignant » envers le processus européen.

Le désengagement du public vis-à-vis de l’UE va au-delà de la communication, en raison de la « domestication », c’est-à-dire du manque d’identité entre les citoyens et la politique européenne, considérée comme une question lointaine, qui empêche une compréhension commune de la politique de l’UE.

Le déficit de la communication politique européenne est dû à la manière dont l’UE a été construite et gouvernée et aussi au type de communauté qu’elle a généré, ce qui est une explication culturelle, une voie nouvelle de recherche assez prometteuse.

Vers une sphère publique européenne : le rôle des médias sociaux

Une consolidation progressive d’une société civile internationale mobilisée sur plusieurs questions, comme les conflits internationaux ou les événements transnationaux (pensez par exemple à l’Eurovision de la chanson ou aux championnats du monde de sport) voit le jour, agissant sur certains sujets concernant l’UE en tant que nouveau public européen.

L’un des problèmes pour une conversation paneuropéenne réside dans le manque d’intérêt pour les affaires européennes, le débat des questions européennes sur les réseaux sociaux se fait en termes nationaux. De même, connaître l’UE ne signifie pas nécessairement développer des attitudes favorables à l’intégration européenne. Actuellement, les médias sociaux sont le lieu où les partis politiques présentent leurs propositions et leurs candidats. Les élections au Parlement européen n’ont pas échappé à ce processus, ce qui signifie une sorte de campagne numérique pour l’Europe.

Dès le premier instant, Internet a généré un optimisme académique quant à la possibilité de construire une sphère publique numérique européenne qui contrebalancerait l’absence d’un système médiatique ad hoc. Pourtant, des études empiriques récentes sur les plateformes numériques et l’UE révèlent la continuité des approches nationales dans le débat public européen. L’utilisation des médias sociaux dans le cadre de l’UE a beaucoup attiré l’attention des universitaires au cours de la dernière décennie.

Un constat récent : la pertinence et la politisation croissantes de l’UE

Le système des Spitzenkandidaten introduit pour la première fois aux élections du Parlement européen de 2014, signifiant une plus grande politisation, a été remis en cause lors du dernier scrutin européen en 2019, même si les universitaires recommandent d’utiliser ce type de candidat pour favoriser le sentiment d’être représenté au niveau de l’UE.

Les thèmes de l’immigration, de l’intégration et du commerce fonctionnent comme des clivages d’une sphère européenne politisée. Ces enjeux ont dépassé les États nationaux, déclenchant des débats sur une nouvelle souveraineté transnationale. La montée de la politisation de l’UE est importante pour certaines politiques clés pour l’avenir de l’Union européenne correspondant aux pouvoirs croissants des institutions de l’UE.

La politisation croissante est encore faible, limitant le succès possible des techniques de relations publiques appliquées par les institutions de l’UE. En outre, apprendre et connaître l’Union européenne peut conduire les citoyens à faire des évaluations négatives des performances de l’UE.

Dans tous les cas, l’euroscepticisme et la polarisation pourraient devenir de nouvelles caractéristiques clés de l’opinion publique à travers le continent. En Europe, dans la plupart des pays, la polarisation de l’audience de l’information en ligne est plus élevée que hors ligne, ce qui constitue un défi pour les institutions européennes car nombre de leurs actions sont partagées sur les réseaux sociaux.

De plus, d’autres facteurs influencent la politisation de l’UE. L’attention des médias sur les questions européennes est biaisée en raison des intérêts particuliers définis par les lobbies législatifs. De plus, les citoyens développent une exposition sélective aux médias, ce qui renforce leur point de vue sur le projet européen. Cela signifie qu’il y a un défi à relever afin d’accroître l’intérêt pour les questions européennes par le biais de la communication publique.

Cependant, des études récentes basées sur des sondages semblent mettre en évidence le regain de foi dans le projet européen, qui se superpose à la politisation sur plusieurs questions. Les préférences sur l’UE concernent à la fois les élections nationales et européennes, ce qui montre la pertinence croissante des affaires transnationales dans la définition du comportement des électeurs.

Enjeux des interdépendances et des singularités de la sphère publique européenne

Une forte association est observée entre « l’Europe » en tant que concept et les institutions de l’UE en tant que système politique. Cependant, certains phénomènes en dehors de l’UE sont capables de déclencher des actions politiques à travers le continent. Ainsi, il est nécessaire de promouvoir des approches sur l’Europe en tant qu’objet d’étude, non seulement liées à l’UE.

La priorité aux élections du Parlement européen en tant que moment clé de la communication politique de l’UE est basée sur le fait que, à quelques exceptions près, les activités quotidiennes de l’Union européenne sont largement ignorées. Pourtant, il est vraisemblablement impossible d’évaluer la sphère publique européenne uniquement avec des données obtenues tous les cinq ans.

Se concentrer sur un seul réseau social Twitter passe à côté d’approches comparatives. L’opinion publique ne peut pas être déduite de ce genre d’études, encore plus sur le continent européen en raison des différentes utilisations des réseaux sociaux entre les pays.

Les réseaux sociaux traditionnels attirent le plus l’attention des universitaires, mais l’euroscepticisme est une caractéristique clé de la politique européenne actuelle, ses récits sur les nouveaux réseaux sociaux doivent être pris en compte.

Le manque d’études comparatives sur le sentiment pro-européen par pays est un problème, la prise en compte des études internationales, des cultures journalistiques ou des systèmes médiatiques est utile pour mieux comprendre la couverture médiatique et la source d’information pertinente sur l’UE.

L’analyse de l’impact de problèmes paneuropéens, abordant des sujets d’intérêt commun pour les citoyens européens, aurait une grande valeur de mise en perspective et comparative.

En conclusion, le modèle récent de politisation en Europe doit être confirmé dans les années à venir, en tant que moteur d’un espace public commun en Europe.

Comment enseigner l’Europe à l’école ?

Selon Alain Lamassoure de la Fondation Robert Schuman, la réconciliation des peuples voisins, ce qu’il appelle la « paix des cœurs » – puisque « nos pères se haïssaient à mort, nos enfants convolent en justes noces » – exige d’en transmettre le récit par l’enseignement de l’histoire de l’Europe. Quels en sont les défis sachant qu’il s’agit d’une compétence exclusivement nationale et qu’elle risque de le rester encore longtemps ?

Les dilemmes d’un récit du passé à l’âge de la paix et de la mondialisation

Pour enseigner le passé, chaque État-membre de l’UE « se heurte désormais à un dilemme originel » :

  • D’une part, la consolidation de l’acquis de la réconciliation risque d’effacer certains épisodes ou personnages liés à la phase sombre du récit national ou européen. Cette réécriture de l’histoire pour la bonne cause dans le sens inverse de la glorification antérieure n’en demeure pas moins problématique.
  • D’autre part, « avec la mondialisation, le besoin d’appartenance à un groupe familier, d’affirmation d’une identité collective, de recherche de ses racines, de reconnaissance des « siens », n’a jamais été aussi fort » au risque d’un récit chauvin voire narcissique. Ces récits nationaux rédigés au siècle des nationalités ont beaucoup coûté à la fraternité européenne.

De nouveaux dilemmes contemporains : la pénurie du temps disponible dans les horaires d’enseignement ; le tsunami des sources d’information liées à la révolution internet ; le hiatus entre le contenu enseigné à l’école et « l’école de la vie » (souvenirs familiaux, discours politiques et médiatiques, commémorations) ; l’embarras sur la part d’oubli nécessaire à l’apaisement.

Plutôt que de chercher le fil d’un récit commun, mieux vaut s’assurer que chacun peut écouter celui de l’autre. Pour Alain Lamassoure, « le « narratif commun », en quoi Paul Ricoeur voyait l’identité européenne, n’est pas un récit unique, mais une symphonie de récits, qu’il nous appartient d’accorder ».

Les premiers pas de l’Observatoire européen de l’enseignement de l’histoire

Comment nos sociétés peuvent-elles se réconcilier avec elles-mêmes, comme entre elles, en se réconciliant avec leur passé sachant que l’éducation est fondamentalement une compétence nationale ?

Grâce à un état des lieux de l’enseignement de l’histoire dans les pays européens, une photographie complète, exacte, certifiée, mais dépourvue du moindre commentaire critique, depuis la conception des programmes jusqu’à la nature des examens, en passant par la formation des enseignants ou le statut des manuels.

La première publication du tableau complet aura lieu en 2023, pour Alain Lamassoure, « l’effet de choc sera garanti devant la découverte des différences énormes entre les systèmes nationaux : dans la moitié des États membres de l’Union, y compris parmi certains pays fondateurs, la construction européenne, ses traités de base, ne figurent même pas au programme d’histoire contemporaine »…

Le but final n’est pas de parvenir à un « roman européen » uniformisé, aseptisé, présentant une version commune « politiquement correcte » de notre passé commun. De la réconciliation entre nos peuples via des dizaines de récits nationaux différents doit émerger la conscience de l’appartenance à une destinée européenne commune.