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Billets sur les enjeux d’information européenne

L’information sur l’Europe : une nouvelle « exception française » ?

Invité à introduire à Sciences-Po Paris la conférence « Les médias français couvrent-ils suffisamment les affaires européennes ? », c’est l’occasion de développer une nouvelle forme d’expression peu glorieuse de l’exception française, celle de l’information sur l’Europe. De quoi s’agit-il exactement ?

Le déficit d’information, la France lanterne rouge des Européens

Dans l’Enquête Eurobaromètre : Medias & News en 2023, tout commence avec la première question très simple : « Avez-vous récemment lu dans la presse ou sur Internet, vu à la télévision ou entendu à la radio un sujet sur l’UE ? ».

La France se place à la dernière place des 27 États-membres, c’est le seul pays européen où il n’y a pas une majorité de personnes qui a été confrontée à des news sur l’Europe dans des medias mainstream d’information.

Les médias traditionnels, bastions de l’immobilisme en matière d’information européenne

Pour les médias traditionnels, à première vue, c’est toujours le même palmarès des médias les plus appréciés (TV>radio>presse). Mais, en réalité, c’est un fort gap générationnel.

La TV reste le média préféré pour s’informer, à plus de 70% pour les plus de 55 ans et autour de 40% pour les moins de 35 ans, mais il faut compter sur le tassement de la confiance dans les chaînes d’info privées et le phénomène de fatigue informationnelle et d’évitement des actualités, qui concerne quand même près de 10% de la population et qui sont valables aussi pour l’Europe.

La presse nationale résiste, avec des correspondants de presse relativement représentatifs des grands titres nationaux (Le Monde, Le Figaro, Les Échos, Libération, L’Opinion, La Croix) tandis que du côté de la presse locale, c’est plutôt un fort déficit d’info pour les Français par rapport aux autres Européens, notamment liés à la moindre présence de journalistes à Bruxelles (Sud-Ouest mais pas Ouest France) – alors que la confiance dans la presse régionale et locale est réputée bonne.

Mais là encore, l’exception française se confirme : seuls un tiers des Français déclarent directement consulter le site ou l’appli d’un média d’information – le pire résultat à l’échelle des Vingt-Sept.

Les médias sociaux, imposés dans les usages pour s’informer ; mais des acteurs peu fiables pour un espace numérique vertueux

Facebook – le seul réseau social majoritaire auprès des Français pour s’informer, mais Meta vient de s’engager à limiter les contenus à caractère politique – sans doute prudent mais au détriment des sujets européens qui avaient trouvés leur public.

Twitter-X – le réseau social le plus influent et en progression malgré Elon Musk auprès des leaders d’opinion, selon l’enquête Politico Europe EUMedialPoll2023 « Qui influence les Brussels Insiders ? » – sans doute déprimant, mais démontre la force de l’habitude et la pertinence des affaires européennes sur ce réseau.

TikTok – le réseau pour suivre des influenceurs – illustration avec deux deepfakes, des vidéos générées par l’IA : Amandine Le Pen et Léna Maréchal autour des élections européennes.

Et le média idéal, à quoi pourrait-il correspondre, selon les résultats de l’enquête Ipsos « TV, presse, radio, réseaux sociaux : les nouveaux usages des médias » présentés lors du festival Médias en Seine :

Recommandations pour améliorer l’information européenne en France

  1. Mettre en place un « Erasmus des journalistes » pour favoriser les échanges entre rédactions européennes. Encourager les médias traditionnels français (TV, radio, presse) à renforcer leur couverture des affaires européennes en créant un programme d’échange permettant aux journalistes de voyager dans d’autres rédactions européennes. Cela favoriserait le partage d’expériences, de bonnes pratiques et une meilleure compréhension des enjeux européens.
  2. Mettre en place des programmes de « reverse mentoring » sur les réseaux sociaux. Investir dans la présence des médias d’information sur les réseaux sociaux pour toucher un public plus large et plus jeune. Parallèlement, instaurer des programmes où les jeunes journalistes forment leurs collègues plus seniors à l’utilisation optimale de ces plateformes, tout en mettant l’accent sur la fiabilité des informations diffusées et l’ouverture aux interactions.
  3. Créer des partenariats entre médias traditionnels, influenceurs et acteurs de la société civile européenne. Encourager la collaboration entre les médias traditionnels et les influenceurs sur les réseaux sociaux pour créer des contenus innovants et engageants sur les affaires européennes. Proposer des formations dédiées à l’Europe pour les créateurs de contenus, ainsi que des labels et des partenariats avec des acteurs référents de la société civile européenne.
  4. Lancer des campagnes de sensibilisation sur l’impact concret des décisions européennes. Sensibiliser le public français à l’importance de s’informer sur les questions européennes, en mettant en avant, de manière créative et interactive, l’impact concret des décisions prises à Bruxelles sur leur vie quotidienne.
  5. Intégrer l’éducation aux médias et à l’information dans les programmes scolaires. Promouvoir l’éducation aux médias et à l’information dès le plus jeune âge pour aider les citoyens à développer un esprit critique face aux contenus en ligne, notamment ceux liés à l’Europe. Collaborer avec les établissements scolaires pour intégrer ces compétences dans les programmes éducatifs.

Transformation des médias : tendances globales autour de l’information et de l’impact de l’intelligence artificielle en 2024

Comme chaque année, le festival « Médias en Seine » fournit une occasion toujours pertinente pour décrypter les dernières évolutions dans le domaine de l’information et des nouvelles technologies, alors que les actualités à la chronique des médias est très intense en innovations…

Tendances globales pour les médias numériques d’information

Nic Newman, du Reuters Institute, a partagé lors de la conférence Médias en Seine « Les grandes tendances mondiales qui vont marquer les médias en 2024 » plusieurs tendances marquantes dans le paysage des médias numériques d’information :

  • 1. Fatigue et évitement de l’actualité
  • Une baisse d’attention, avec une portée hebdomadaire en déclin à l’échelle mondiale.
  • Un désintérêt croissant pour l’actualité, particulièrement prononcé en Europe.
  • Une tendance à l’évitement sélectif de l’actualité en raison de son caractère dépressif et anxiogène.

Pour répondre à la demande du public en quête d’espoir, les médias doivent privilégier des récits inspirants, un contexte enrichi, une plus grande valeur, et des contenus constructifs.

  • 2. La fin de la référence sociale
  • Une diminution de l’influence de Facebook sur le trafic des sites d’actualités, marquée par un retrait des partenariats médias.
  • Les plateformes sociales algorithmiques opèrent de manière indépendante des médias d’information.
  • Un changement encore plus significatif chez les jeunes, avec un désintérêt croissant pour Facebook.

Les éditeurs se tournent désormais vers TikTok, réduisant leurs efforts sur les médias sociaux traditionnels, et mettant davantage l’accent sur la maîtrise des vidéos verticales ainsi que sur l’adoption des stories sociales, rapides, divertissantes et authentiques.

  • 3. Confiance en berne dans l’actualité
  • Une image de confiance en déclin et de polarisation croissante due à des débats divisifs.
  • La critique des médias alimentée par une confiance réduite, avec une corrélation entre la méfiance envers les médias et la critique de ces derniers.
  • Des préoccupations liées à l’impact de l’IA et des deep fakes, brouillant davantage la frontière entre faits et fiction.

Face à ces défis, les médias doivent renforcer l’impartialité, la fiabilité dans un monde incertain, accentuer la qualité du contenu, et persévérer dans la vérification des faits sur les médias sociaux.

  • 4. Pression sur le business du journalisme
  • Une stagnation du paiement pour toute actualité en ligne.
  • La persistance du modèle « le gagnant rafle tout », surtout avec le succès des abonnements de niche.
  • L’émergence d’autres contenus payants, tels que des plateformes pour journalistes individuels (Substack et podcasts).

Pour faire face à ces pressions, l’idée de forfaits d’abonnement tout inclus pour un accès global à l’actualité se profile.

  • 5. Nouvelles technologies émergentes et innovations
  • De nouvelles façons d’interagir avec l’actualité, notamment l’utilisation de Perplexity, un chatbot basé sur l’IA, réduisant la valeur de la marque médiatique.
  • Des évolutions dans la manière d’interagir avec Internet, incluant des épingles AI, indépendantes des smartphones et des recherches classiques.

Les médias doivent embrasser la dynamique des actualités numériques en adoptant une approche d’expérimentation et d’apprentissage constant.

II. Tendances liées à l’intelligence artificielle pour les médias d’information

Au rendez-vous annuel « Médias en Seine », lors de la table ronde « Comment l’IA va rebattre les cartes dans les médias ? », plusieurs experts débattent de l’enjeu majeur de l’impact de l’intelligence artificielle dans la conception, la production et la distribution de l’information dans nos démocraties.

1. L’IA, entre réalité de l’humain hybride et le fantasme du grand remplacement technologique

Le professeur en Digital Media Strategy à Chicago, Jeremy Gilbert cherche à comprendre l’impact de l’IA sur les médias d’information, dans la mesure où les prompts proactifs du public pour obtenir des contenus prédictifs sur la base de larges modèles de langage est l’exact inverse de l’information produite par les journalistes et livrées par les médias au public.

En termes d’usage, deux visions à ce stade s’opposent entre d’une part une nouvelle forme de « human hybrid » où l’humain utilise l’IA dans sa vie quotidienne et la théorie du grand remplacement technologique où l’IA prendra en charge toute la production de l’information.

Certes, certaines activités de vérification vont évoluer avec l’IA mais par essence, le métier du journalisme ne changera pas, l’IA peut apporter plus de créativité mais l’IA ne peut pas remplacer la créativité humaine.

De nombreuses questions restent sans réponse pour le moment qu’il s’agisse de la propriété intellectuelle, de la régulation, des copyrights avec IA, des bases de données pour entraîner les IA…

2. L’IA au cœur des innovations dans la publicité avec Média Transport et le journalisme chez TV5 Monde

Pour Norbert Maire de Média Transport, la régie publicitaire spécialisée dans l’affichage urbain, plusieurs proofs of concept sont actuellement expérimentées avec l’agence de publicité Publicis, en matière d’automation des données, entre les owned data de première main et les data venant des médias sociaux ainsi que des expérimentations en matière d’IA génératives et d’analyse des comportements du public.

Pour Hélène Zemmour de la chaîne TV5 Monde, l’IA challenge de nombreux sujets clés comme l’éthique des journalistes ou les revenus publicitaires, ce qui se traduit par plusieurs initiatives afin de ne pas perdre en découverabilité des contenus face au flot de contenus de moindre qualité référencés et de développer un label collectif pour authentifier les contenus originaux et définir un fair use des IA et un partage des revenus équitables.

3. L’IA, un enjeu de bien public ; pour une citoyenneté digitale

Représentant du régulateur français l’Arcom, Benoît Loutrel précise les missions face aux différents scénarios :

  1. Combattre les acteurs malveillants, qui détournent l’IA à des fins de manipulation de l’opinion
  2. Prévenir les acteurs négligents, qui utilisent l’IA afin de produire des contenus de faible qualité qui pose problème pour les moteurs de recherche
  3. Encourager les médias de qualité, qui devraient davantage maîtrisés l’IA au service du décryptage des réalités médiatiques

Le régulateur français cherche un meilleur équilibre, nécessaire à notre démocratie dans la responsabilisation des médias algorithmiques que sont la plupart des médias sociaux face aux médias traditionnels qui éditorialisent leurs contenus. Les citoyens ont besoin d’être plus conscient de ces enjeux et de développer leur esprit critique.

4. L’IA et les prochaines élections

Pour Jeremy Gilbert, l’impact de l’IA sur les prochaines élections présidentielles aux États-Unis est d’ores et déjà perceptibles dans les Primaires. L’IA permet aux citoyens de choisir de croire les messages négatifs contre les opposants ou les messages positifs pour son propre candidat. Cette divergence entre l’avancée technologique qui ne cesse d’accélérer et le scepticisme qui renforce les attitudes des citoyens aura un impact sur la mobilisation et la participation électorales.

Pour Benoît Loutrel, lors des élections présidentielles en 2022, 2 incidents – seulement – ont émaillées la campagne avec le blocage automatisée de plusieurs comptes de candidats temporairement sur Twitter ainsi que le blocage d’une chaîne Youtube d’un candidat qui avait essayé de diffuser une publicité à caractère politique proscrite par la loi. Les plateformes des médias sociaux apprécient le rôle du régulateur pour expliquer l’importance de respecter les règles et la transparence dans la résolution.

Nuances dans les préférences médiatiques et comportements liés aux actualités : comment mieux informer les Européens sur l’Europe ?

La lecture des résultats de l’enquête Eurobaromètre Enquête médias et actualités 2023 sur les usages médias des Européens conduit à une série de recommandations…

Cibler les canaux médiatiques préférés comme la TV pour contrer l’évitement des actualités

Dans l’enquête, 71 % des répondants ont identifié la télévision comme l’une de leurs principales sources d’actualités au cours des sept derniers jours. Ce chiffre souligne l’importance de cibler la télévision dans les campagnes de communication européenne. Pour contrer l’évitement des actualités, privilégier ce canal pour captiver l’attention du public. Comparativement à 2022, la télévision reste le canal le plus couramment utilisé dans la plupart des États membres, soulignant sa constante prédominance.

Valoriser la confiance dans les médias traditionnels

Les campagnes devraient renforcer la confiance du public en mettant en avant la crédibilité des médias traditionnels, tels que les chaînes de télévision et de radio publiques. En 2023, 48 % des répondants sélectionnent ces chaînes comme leur source d’information la plus fiable, un chiffre qui varie considérablement d’un pays à l’autre. Cette confiance reste stable par rapport à 2022, soulignant la résilience de ces médias traditionnels.

Adapter les messages en fonction du niveau d’éducation du public

L’enquête révèle une corrélation entre le niveau d’éducation et la consommation d’actualités. Les messages des campagnes devraient ainsi être adaptés pour répondre aux attentes informationnelles des segments moins éduqués. La simplification des informations, sans compromettre la substance, pourrait être la clé pour atteindre ce public. En 2023, les résultats montrent que 74 % des répondants plus éduqués déclarent avoir récemment consulté quelque chose sur l’UE, comparé à 61 % des moins éduqués.

Adopter une approche différenciée sur les médias sociaux, selon les plateformes

Les médias sociaux jouent un rôle crucial dans la consommation d’actualités. Les campagnes devraient adopter des stratégies spécifiques pour chaque plateforme. Les contenus visuels et courts peuvent être privilégiés sur des plateformes comme Instagram (42 % des répondants utilisent cette plateforme), tandis que des discussions et des débats peuvent être encouragés sur Facebook (37 % des répondants l’utilisent).

Cette stratégie doit s’aligner sur la forte utilisation des médias sociaux par les jeunes, 59 % des 15-24 ans utilisant des plateformes comme Facebook et Instagram. Pour les mobiliser, les campagnes devraient créer des contenus engageants, émotionnels et interactifs. En comparaison avec 2022, l’utilisation de TikTok par les jeunes a augmenté, passant de 11 % à 55 %. Par ailleurs, les influenceurs sont particulièrement appréciés par les plus jeunes pour suivre les commentaires de l’actualité.

Angler l’actualité européenne autour des sujets d’actualités locales populaires

Les campagnes devraient se concentrer sur les sujets d’actualité les plus populaires, tels que les actualités locales pour trouver des moyens de parler d’Europe, l’un des sujets les mieux classés dans tous les États membres. Cette stratégie maximiserait la pertinence et l’engagement du public, répondant aux préférences des répondants, 50 % d’entre eux ayant consulté des actualités locales au cours des sept derniers jours.

Limiter les obstacles à l’accès à l’information

Pour surmonter les obstacles liés à l’évitement des actualités en ligne, les campagnes devraient promouvoir l’accessibilité, en mettant en avant des moyens directs tels que les sites web d’actualités. En 2023, 91 % des répondants déclarent accéder aux actualités en ligne, soulignant l’importance de faciliter cet accès.

Éduquer à la détection de la désinformation

Face à la confiance relativement basse dans les réseaux sociaux en tant que source d’information fiable, les campagnes doivent inclure des messages éducatifs sur la détection de la désinformation. Encourager une consommation critique des actualités en ligne est essentiel, notamment en soulignant que seulement 16 % font confiance aux personnes, groupes ou amis sur les médias sociaux pour des nouvelles véridiques.

Ces résultats offrent des perspectives claires pour les professionnels de la communication européenne, leur permettant de concevoir des campagnes plus efficaces et ciblées en tenant compte des préférences médiatiques et des comportements liés aux actualités des citoyens de l’UE, en vue des prochaines élections européennes.

EUMedialPoll2023 : qu’est-ce qui influence les influenceurs de l’Union européenne ?

Depuis 2016, l’enquête #EUMediaPoll révèle quelles sources d’informations ont le plus d’influence sur les décideurs de l’Union européenne, y compris les membres du Parlement européen, le personnel des institutions de l’UE et les leaders d’opinion…

Sources médiatiques : Politico Europe, la source d’information la plus influente dans la prise de décision de l’UE devant The Economist et FT Brussels, à la fois reconnus pour leur expertise et la qualité de leur analyse

Tout a changé pour la source d’information la plus influente en 2023. Une nouvelle bataille entre Politico Europe et The Economist émerge en haut du classement sur un pied d’égalité, comme les médias les plus influents de cette année, nécessaires pour prendre des décisions éclairées dans la capitale de l’Europe.

Du côté des médias spécialisés dans les affaires européennes, plusieurs mouvements significatifs dans le top 10 comprenant Euractiv (en hausse de 6 %) et faisant son entrée dans le top 5, EU Observer (en hausse de 7 %), ce qui révèle que sa présence est plus significative dans la sphère médiatique européenne tandis qu’Euronews (en baisse de 10 %) perd en crédibilité, sans doute lié aux nouveaux actionnaires et aux déboires financiers entraînant des licenciements dans la rédaction.

Médias sociaux les plus utilisées par les décideurs de l’UE : LinkedIn à la hausse et X-Twitter à la baisse

LinkedIn continue de gagner en impact en tant que premier média social le plus fréquemment utilisé par les décideurs de l’UE, derrière l’appli de messagerie WhatsApp mais surtout dorénavant devant X (anciennement Twitter) en baisse de fréquence d’utilisation, en particulier depuis le rachat par Elon Musk en octobre 2022.

YouTube et Facebook en milieu de tableau conservent leurs positions solides dans le paysage des médias sociaux de la sphère européenne, tandis qu’Instagram se démocratise et TikTok fait une timide apparition dans le classement pour la première fois.

Le cas des influenceurs

Les influenceurs des médias sociaux (militants, universitaires, militants, journalistes, etc.) ont vu une augmentation significative de leur influence, passant de 30 % en 2022 à 46 % cette année, même si leur influence directe ne devrait pas encore être surestimée.

Cette montée croissante des influenceurs des médias sociaux montre à quel point ils sont essentiels dans la façon dont ils introduisent de nouveaux sujets et façonnent les comportements. L’influence de ces individus commence à avoir un impact dans le domaine de l’élaboration des politiques publiques européennes.

Les personnels des institutions de l’UE et les formateurs d’opinion à Bruxelles

Les personnels des institutions de l’UE trouvent The Economist le plus influent, tandis que parmi les formateurs d’opinion à Bruxelles, FT Brussels est considéré comme plus influent. Politico Europe est considéré comme le meilleur en raison de son accès privilégié aux sources, tant The Economist que FT Brussels sont respectés en raison de leur expertise et de la qualité de leur analyse.

Comment les décideurs de l’UE accèdent-ils aux nouvelles et aux informations de l’UE ? Les sites de nouvelles en ligne et les lettres d’information par e-mail sont les moyens les plus courants d’accéder aux nouvelles et aux informations. D’autres sources qui font leur entrée dans le sondage sont les think tanks et les organisations de la société civile.

Autant d’insights intéressants à suivre dans la perspective des prochaines élections européennes en 2024.

Comment faire campagne auprès des citoyens sur l’Europe ?

Plusieurs tables rondes de la conférence annuelle EuropCom fournissent des insights éclairants sur la manière de communiquer et de mobiliser les citoyens européens en vue des futures élections européennes en juin 2024…

La communication du côté des institutions européennes

Mobiliser les électeurs : le pouvoir des communautés

Première table ronde EuropCom, les stratégies visant à favoriser la participation active aux processus démocratiques reposent sur le principe de se concentrer sur les personnes afin d’aider les gens à voter.

Gaia Manco, Chef de service à la DG COMM du Parlement européen présente la plateforme « together.eu for democracy », le projet de participation des citoyens du Parlement européen :

Action : les institutions doivent toujours fournir des contributions, des espaces, des outils, une éducation et une formation, mais les solutions finales doivent toujours venir de la société civile. L’information conduit à l’engagement et l’engagement conduit à la mobilisation. Cela aide à activer un public plus restreint mais plus engagé, prêt à être actif sur le terrain.

Communauté : les gens se rencontrent lors d’événements, c’est pourquoi aucun projet d’engagement ambitieux ne peut être mené par les institutions sans impliquer les personnes sur le terrain. Les réseaux sociaux ne suffisent pas, l’idée est d’être aussi inclusif que possible.

Inconnu : quelque chose qui doit être accepté, tout projet d’engagement est une co-création des institutions et des communautés, donc le résultat ne peut pas être connu à l’avance.

Informer les électeurs : souligner l’impact des décisions de l’UE sur la vie des gens

Jens Mester, Chef d’unité à la DG COMM, présente plusieurs enquêtes démontrant que l’une des principales raisons pour lesquelles les gens ne votent pas aux élections européennes est le manque d’informations sur l’UE… alors que les gens sont très intéressés à en savoir plus sur l’UE :

  • Montrer l’action politique de l’UE et son impact (discours sur l’État de l’Union, rapport général de l’UE, coins d’apprentissage pour les enseignants et les étudiants) ;
  • Fournir des informations sur les élections et les droits électoraux ;
  • Impliquer les personnes, y compris les jeunes, dans la démocratie européenne (Initiative citoyenne européenne, suivi de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, plateforme « Have your Say ») ;
  • Travailler en collaboration avec d’autres acteurs / activer des partenaires et des réseaux.
  • Activer les bénéficiaires des programmes de financement de l’UE ayant la responsabilité de mobiliser les gens en faveur de l’UE.

La communication du côté des novations

La technologie numérique et le changement démocratique : de la macro-politique à la micro-politique

Autre table ronde EuropCom, Rachel Gibson, Professeure de politique à l’Université de Manchester partage les résultats d’un projet Horizon 2020 sur lequel elle a travaillé pendant cinq ans consacrés au développement de la relation entre les technologies numériques et la démocratie.

Au début de l’ère d’Internet, les praticiens étaient très optimistes et idéalistes quant au rôle des technologies numériques dans l’amélioration de la démocratie. Cet optimisme s’est maintenant dissipé avec l’avènement des fausses informations, des discours haineux et du capitalisme de surveillance.

Les changements structurels qui se produisent en politique grâce à la technologie numérique font dissocier la macro-politique relevant de la démocratie pré-numérique, tandis que la démocratie post-numérique fonctionne au niveau de la micro-politique, des formes de mobilisation introduisant de nouvelles voix dans l’arène politique, au risque d’une privatisation de l’espace public, et au pire, comme un passage vers une vision de la politique plus « narcissique ».

Au niveau macro-politique, à l’époque des partis politiques de masse, il était important de se demander « Où est la voix du public ? ». Cette question demeure, à la condition que les individus soient exposés à une plus large gamme d’informations pour éviter les effets de chambre d’écho.

Au niveau micro-politique, la nouvelle question « Comment l’engagement micro-politique se traduit-il par un changement sociétal significatif ? » pourrait être facilité pour une meilleure prise en compte des opinions numériques par des partis politiques qui gèrent les influenceurs de manière plus efficace.

Ma liberté d’expression contre vos sentiments : l’importance de la satire dans les démocraties modernes

Fabio Mauri, « Directeur général à la DG MEME », adopte une approche non conventionnelle pour son discours en mettant en avant l’importance de la satire dans la construction de démocraties saines et critiques.

La satire est conçue pour faire réfléchir, pas rire ! c’est un phénomène profondément humain, si l’on songe au rôle du bouffon du roi, figure familière dans les cours médiévales, qui était chargé de partager de mauvaises ou difficiles nouvelles avec le souverain par le biais de la comédie.

Les gens ont tendance à faire plus confiance aux comédiens qu’aux politiciens : « Le rire tue la peur et sans peur, nous ne pouvons avoir aucune confiance ». La question de la confiance versus le scepticisme ironique en est était au cœur des débats sur les sociétés démocratiques saines et la confiance que nous avons ou n’avons pas envers les politiciens.

La préoccupation correspond à une tendance croissante à la rectitude politique à tout prix et à une méfiance qui l’accompagne à l’égard de tout ce qui ressemble à de la satire – une sorte d’allergie à la satire. Le fait que vous soyez offensé ne vous donne pas raison. Le rôle de la satire en politique et dans l’espace public plaide en faveur d’une plus grande tolérance à l’égard des opinions qui pourraient ne pas être en phase avec les vôtres, mais qui font néanmoins partie du débat, des désaccords et de la critique essentiels à une démocratie saine. La satire veut exagérer les problèmes pour que vous puissiez les regarder sous un autre angle.