Archives de catégorie : Médias et Europe

Billets sur les enjeux d’information européenne

Framing, Agenda-Setting et Priming : quels modèles d’effets médiatiques pour la communication européenne

Les théories majeures de – l’agenda-setting, le priming et le framing – offrent une compréhension approfondie de la manière dont les médias d’information façonnent les perceptions et les attitudes du public. Comprendre ces théories est essentiel à qui cherchent à développer des stratégies de communication efficaces.

L’agenda-setting : impact sur les priorités politiques et influencer les décisions prises par les dirigeants européens

Développé par Maxwell McCombs et Donald Shaw, soutient que les médias ne nous disent pas quoi penser, mais plutôt sur quoi penser. Les médias ont le pouvoir de déterminer les questions considérées comme importantes par le public en mettant l’accent sur certaines problématiques.

Par exemple, dans le contexte de l’Union européenne, les médias peuvent influencer l’ordre du jour politique en accordant une couverture médiatique significative à des sujets spécifiques tels que le changement climatique, la migration ou les politiques économiques. En mettant en avant ces questions, les médias influencent l’attention du public et créent un environnement favorable à la discussion et à l’action politique.

Le priming : impact sur la façon dont les citoyens évaluent les candidats et les enjeux lors des élections européennes

Développé par Shanto Iyengar, Mark Peters et Donald Kinder, se réfère à la façon dont les médias créent un contexte pour la discussion publique. En accordant une attention accrue à certains sujets, les médias peuvent amener le public à porter une attention particulière à ces thèmes.

Par exemple, la couverture médiatique intensive des élections européennes peut jouer un rôle de priming en attirant l’attention du public sur les enjeux politiques et les choix électoraux. En fournissant des informations et des analyses approfondies sur les programmes des partis politiques, les médias peuvent influencer les perceptions et les décisions des électeurs.

Le framing : impact sur les attitudes du public envers l’UE, en fonction de la manière dont les médias présentent les problèmes et les acteurs

Développé par Erving Goffman, se concentre sur la manière dont les médias présentent et structurent une histoire, ce qui influence la compréhension et l’évaluation par le public. Les médias utilisent des éléments tels que les métaphores, les récits, le choix des mots et le ton pour encadrer une histoire d’une certaine manière.

Par exemple, lorsqu’il s’agit de la communication sur l’Union européenne, les médias peuvent adopter différents cadres pour aborder les questions européennes, tels que le cadre économique, le cadre politique ou le cadre social. Chaque cadre offre une perspective unique sur les enjeux européens et peut influencer la façon dont le public perçoit et évalue les politiques et les actions de l’Union européenne.

Perspectives

Ces théories – agenda-setting, priming et framing – offrent des perspectives précieuses pour comprendre comment les médias influencent la communication et l’opinion publique au sein de l’Union européenne.

Cependant, il est important de noter que ces théories ne sont pas une panacée et présentent certaines limites. Par exemple, elles peuvent négliger d’autres facteurs tels que les influences sociales, économiques et culturelles sur la perception et l’attitude du public.

De plus, la façon dont les médias utilisent ces théories peut varier en fonction du contexte politique et médiatique spécifique. Par conséquent, les professionnels des relations publiques doivent adopter une approche holistique en intégrant ces théories avec d’autres approches de communication et en tenant compte du contexte européen unique pour élaborer des stratégies de communication efficaces.

Au total, les théories de l’agenda-setting, du priming et du framing offrent des outils précieux pour comprendre l’impact des médias sur l’information et la communication de l’Union européenne. En utilisant ces théories de manière stratégique, les professionnels des relations publiques peuvent façonner l’attention du public, influencer les perceptions et les attitudes, et contribuer à une communication plus efficace au sein de l’Union européenne. Cependant, il est essentiel de compléter ces approches par d’autres facteurs et de tenir compte aussi du contexte spécifique pour obtenir des résultats optimaux.

L’Union européenne encore à la traine dans l’information audiovisuelle trop franco-française

La question est clairement posée au vue des résultats de l’étude de l’Observatoire Europe de la Fondation Jean-Jaurès sur « L’Union européenne dans les médias : atonie générale, sursaut récent », les citoyens européens ont-ils une visibilité suffisante sur la teneur du débat politique européen pour participer aujourd’hui aux prises de décision qui nous toucheront demain ?

L’Union européenne toujours largement absente de l’information nationale à la télévision et à la radio

Sur les 7 années étudiées de 2015 à 2022, en moyenne, l’actualité de l’Union européenne est traitée dans 3 % ou moins de l’ensemble des sujets de journaux télévisés des chaînes historiques de télévision. En 2022, en raison de la couverture de la guerre en Ukraine, la part de sujets portant sur l’Union européenne (5,7 %) dépasse les résultats de 2015 et 2019 (4,8 %).

Les trois segments de médias analysés (journaux télévisés traditionnels, chaînes d’information en continu et radios nationales) accordent une place généralement uniforme – et plutôt faible – aux dossiers européens, en moyenne, cela concerne 2,6 % des sujets diffusés sur les tranches d’information analysées, les plus écoutées et regardées.

En d’autres termes, sur une heure d’information audiovisuelle diffusée en France entre 2020 et 2022, les auditeurs sont exposés en moyenne à 94 secondes ayant trait à l’actualité de l’Union européenne.

Les chaînes d’information en continu purement nationales (LCI, BFM TV, CNews) constituent l’ensemble de médias où la part de sujets européens est la plus faible (1,9 %) ; les sujets européens ne dépassent pas 1,5 % de l’ensemble des sujets diffusés sur BFM TV, la première chaîne d’information en continu de la télévision française en termes d’audience.

On constate une forme de domination de la Commission européenne sur les deux autres institutions dans la communication de l’action communautaire. Ce phénomène, déjà observé par le passé dans nos travaux, est fortement accentué par la couverture du volet européen de la guerre en Ukraine.

#1 Une incarnation renforcée : le langage audiovisuel de l’exécutif en action appliqué à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen voit sa médiatisation corrélée à l’Ukraine, ses phases d’exposition couvrent ses temps forts de communication.

Ces éléments de la grammaire audiovisuelle sont en France habituellement réservés aux membres du gouvernement et au président de la République.

Enfin, sur le plan de l’incarnation, le président de la République française demeure une personnalité importante dans la couverture des affaires européennes. Il s’exprime dans 50 sujets sur l’Union européenne dans l’année, soit 4,5 % du volume consacré aux affaires européennes.

#2 Un regard porté vers l’est et le nord de l’Union : si la guerre en Ukraine a modifié la couverture médiatique de l’Union européenne, elle réoriente celle des États membres, traditionnellement réservée à nos voisins territoriaux directs, vers les États de l’Europe de l’Est, dont la Pologne et du Nord avec la Suède et la Finlande.

L’Union européenne dans l’information locale et régionale avec France Bleu et France 3

Sur les antennes des réseaux France Bleu et France 3 en France métropolitaine, sur les 289 sujets en 2021, le premier enjeu traité est celui de la pêche, le second thème qui fait parler de l’Union au niveau local concerne les transports, enfin, le suivi des vagues de vaccination occupe la troisième place.

Nonobstant les sujets européens à dimension institutionnelle ou politique diffusés sur le réseau France Bleu et France 3 qui ne sont pas étudiées, la part consacrée à l’actualité de l’Union européenne dans les médias audiovisuels locaux publics est relativement faible, voire très faible. Sur les chaînes du service public, le 19/20 est le JT du soir qui consacre le moins de place aux nouvelles européennes.

Lorsque l’Union européenne traite d’enjeux « concernants », ayant une dimension concrète, son actualité devient un sujet potentiel pour l’information locale, comme l’illustre les chargeurs universels d’appareils électroniques d’ici à 2024 ou certaines mesures du Pacte vert.

Recommandations pour une mise en lumière à faire perdurer dans les médias audiovisuels publics et privés

Aucune chaîne de télévision et de radio étudiées dans le panel de l’audiovisuel public et privé ne dispose de correspondant permanent à Bruxelles – ce qui permet de mieux comprendre le peu d’exposition donnée aux affaires de l’Union européenne dans les journaux d’information qu’écoutent les Français au quotidien.

Sur le service public, les objectifs sont clarifiés mais il reste à les quantifier, afin d’inscrire formellement un objectif de couverture des affaires européennes dans le corpus généraliste de programmes d’information des télévisions et radios financées par l’État.

Pour les chaînes privées, les télévisions et radios privées françaises ne parviennent pas à accorder une place régulière aux questions européennes dans leurs programmes d’information

L’Arcom devrait mettre en place un baromètre de la place de l’Union européenne dans les médias audiovisuels afin d’engager une logique incitative voire que le législateur institue la couverture des affaires européennes au titre des obligations déontologiques.

Que faire vraiment face à cette atonie générale ? Faudrait-il en passer par la possibilité de fixer par la loi une mission d’information sur l’Europe dans l’audiovisuel ?

CaféBabel, Euractiv : transformations dans la sphère des médias européens

Avec une certaine concordance des temps qui n’est certainement pas fortuite, deux médias européens, à la fois précurseurs en leur temps et dorénavant ancêtres parmi les médias européens, dont le modèle s’est longtemps cherché et toujours trouvé dans la difficulté, sont en train de se transformer. De quoi s’agit-il ?

CaféBabel : du journalisme participatif de la génération Erasmus à l’âge adulte européen

Après plus de 20 ans d’existence, une éternité dans le monde des médias européens, CaféBabel, le média participatif multilingue de la génération Erasmus tire sa révérence. CaféBabel, c’est la quintessence d’un moment de la construction européenne et de l’époque médiatique, celle d’une expression autant personnelle que générationnelle, d’un idéal, d’un mode de vie, d’un projet de société, où l’Europe est d’abord vécue, éprouvée, puis transmise par les émotions, les expériences et les collectifs.

CaféBabel, c’était en somme, les voix d’une génération de jeunes Européens qui poursuivaient les voies d’une intégration intime à l’Europe.

Pourquoi évoluer ? Parce que l’évolution des publics doit être prise en compte, au travers de nouvelles attentes vis-à-vis de la construction européenne, à la fois plus stratégique en matière d’autonomie et plus terre-à-terre en termes de politiques publiques européennes. Ces nouvelles relations à l’Europe induisent de nouvelles pratiques de journalisme européen.

Sphera Network structure et professionnalise la démarche de CaféBabel en visant à remodeler les collaborations journalistiques européennes et en se positionnant comme « le premier réseau européen de médias indépendants et alternatifs de petite et moyenne taille ».

Ereb, qui se présente comme « a community-based cross-border media », vise à repenser la manière de réaliser du journalisme transfrontalier avec des nouvelles formes de récits, de photo journalismes, de vidéo reportages, pour « raconter l’intimité de l’Europe depuis le terrain ».

Euractiv : de l’indépendance pionnière à l’entrisme inspirateur

Euractiv, là encore un média indépendant emblématique de la séquence d’intensification de la construction européenne entre élargissements et approfondissements, tente une forme de synthèse entre l’intention de couvrir l’actualité de l’UE à travers un modèle de journalisme sui generis complexe tout à la fois très expert mais pédagogique, assez neutre mais délibérément pro-européen, ouvert aux subventions publiques mais pas anti-business.

Euractiv, c’était en somme l’ambition de créer une forme de journalisme qui tente un fond de compromis à l’image de l’Europe.

Pourquoi évoluer ? Sans doute, pour reprendre le proverbe africain « Si tu veux aller vite, marche seul mais si tu veux aller loin, marchons ensemble. » Surtout, parce que l’évolution des moyens (les ressources, les datas, les IA) réinterrogent la possibilité d’une île, la capacité à rester à la fois indépendant et pertinent dans un paysage médiatique en constante transformation.

Selon le communiqué, l’annonce se verbalise de la manière suivante : « le groupe de médias européen Mediahuis a acquis EURACTIV, la marque d’information paneuropéenne, axée sur la politique de l’UE (…) le réseau de médias EURACTIV bénéficiera de l’envergure d’un groupe de médias international, ce qui lui permettra de devenir LE média de référence en matière de politique européenne ».

De nouvelles marques de fabrique de l’information européenne

Tant les transformations de CaféBabel que d’Euractiv – inévitables tôt ou tard – sont révélatrices de plusieurs dimensions :

Évidemment, le « succès » au sens de capacité à survivre et se développer de ces modèles doit beaucoup à l’investissement hors-du-commun des individus engagés, acteurs de premier plan, personnalités qui ont fait vivre ces projets.

Surtout, Euractiv et CaféBabel, avec le recul, apparaissent comme des marques de fabrique de l’information européenne, qui racontent de manière originale et inédite, avec une certaine maturité et un professionnalisme certain, l’Europe d’aujourd’hui et de demain.

De médias européens précurseurs, CaféBabel et Euractiv se projettent en champions des médias européens.

Comment l’Union européenne lutte contre la propagande ?

Dans « Les politiques européennes de lutte contre la propagande », Marie Robin pour la Fondation Robert Schuman décryptent les armes communicationnelles et narratives pour faire avancer leurs propagandes dans un conflit et sur la scène internationale, l’invasion de l’Ukraine par la Russie étant accompagnée d’opérations d’influence, de désinformation et de propagande, la plupart antieuropéennes. L’Union européenne directement concernée par les discours de propagande tente donc de développer des stratégies de lutte contre les contenus propagandistes et leurs effets…

Fausses nouvelles et propagande, un problème pour la démocratie en Europe

66% des citoyens en Europe déclarent lire ou entendre des fausses nouvelles au moins une fois par semaine, nous « subissons une pression grandissante et systématique pour faire face aux campagnes de désinformation et d’informations trompeuses et à la propagande contre la notion même d’information objective ou de journalisme éthique, en ne diffusant que des informations partiales ou servant d’instrument au pouvoir politique, et qui nuisent également aux valeurs et aux intérêts démocratiques ».

La principale menace identifiée quand il s’agit de propagande en Europe a trait à la propagande antieuropéenne du Kremlin, vue comme un potentiel risque de « rideau de fer informationnel » : narratifs et armes de propagande pour justifier sa guerre contre l’Ukraine tout en diffusant des récits anti-européens potentiellement déstabilisateurs.

La propagande chinoise est principalement dénoncée non pas pour ses propres intérêts directs, mais comme relais et soutien du Kremlin au sein de l’Union.

L’extrême droite, appartenant aux mouvances suprémacistes, néonazies et/ou conspirationnistes, souvent inspirées des mouvements QAnon aux États-Unis, diffuse des discours haineux, extrémiste et violent anti-immigration, antiféminisme, conspirationnisme, antisémitisme et anti-élite. Les groupes d’extrême droite diffusent des contenus anti-démocratiques, visant à déstabiliser la cohésion européenne et à promouvoir des visions strictes des frontières.

Lutter contre les contenus de propagande, terroristes ou non, destinés à déstabiliser l’Union européenne ou ses États membres

Garantir des principes fondateurs : liberté des médias, accès à l’information, liberté d’expression, pluralisme des médias.

Identifier et connaître avant de lutter contre les contenus de propagande : saisir, comprendre et analyser, l’Union européenne cherche à agir en tant que « forum de coordination » entre les États membres, favorisant le partage d’informations, l’échange de bonnes pratiques tout en développant, à l’échelle supranationale, des initiatives de recherche et de renseignement destinées à saisir ces contenus.

Empêcher la diffusion de contenus de propagande non-terroristes, c’est-à-dire suspendre la diffusion de certains médias, comme les chaînes russes TV RT ou Sputnik dans les États membres.

Idéalement, supprimer les contenus dans une temporalité rapide afin d’en éviter la viralité. interdire les médias qui diffusent des contenus de propagande et empêcher le recrutement par des acteurs propagandistes étrangers de relais d’influence au sein de l’Union.

Contrer ne peut se faire avec les armes des adversaires sous forme de contre-propagande, l’Union européenne privilégie plutôt de déconstruire (debunker) et de promouvoir des voix modérées

« Debunker la désinformation » passe dès 2015 par une Task force de communication stratégique dans le voisinage oriental (East StratCom Task Force) via le site EUvsDisinfo pour « expliquer et dénoncer les récits de désinformation et sensibiliser à l’impact négatif de la désinformation provenant de sources pro-Kremlin. »

Refuser de faire de la contre-propagande, c’est montrer le faux et exposer les mensonges proposés dans les discours de propagande, réfuter et diffuser des informations utour des valeurs démocratiques et des politiques publiques proposées par l’Union européenne

Former pour mieux lutter contre les informations partiales ou erronées véhiculées par les discours de propagande ou de désinformation, l’Union européenne promeut un journalisme de bonne qualité en soutien à la liberté des médias et en renfort des médias indépendants

Potentiels défis de la responsabilité commune à l’Union européenne et aux États membres

« Si tout le monde est responsable, alors peut-être qu’in fine, personne ne l’est », la dualité, louable en principe peut néanmoins se révéler un obstacle en certaines occasions et conduire à de potentielles injonctions contradictoires.

Le choix de l’Union européenne de promouvoir un discours positif n’est pas sans obstacle dans un contexte de montée du populisme dans plusieurs États membres mettant en cause le caractère fondamentalement démocratique de l’UE.

Contrer les accusations de technocratie ou de prise de décision made in Bruxelles, c’est la mission des institutions européennes, de rendre leur fonctionnement, et les mesures adoptées, accessibles et compréhensibles pour les citoyens.

Contrer les discours anti-européens dans et en dehors de l’Union européenne passe, avant tout, par le renforcement du projet européen, de la cohésion entre ses États membres et de son accessibilité auprès de tous les Européens.

Euronews, la petite chaine européenne qui baisse

Alors qu’Euronews fête ses 30 ans cette année, la crise que traverse la chaîne TV d’information en continu est en crise, grave…

Les origines de la CNN à l’européenne

Invité mardi 21 mars dans l’émission Le Déclic Médias de Marie Vancutsem, sur la RTBF, La Première à discuter du sujet du jour « La chaine européenne Euronews annonce un grand plan de restructuration », Lacomeuropéenne décrypte les enjeux.

Impressionnés par la couverture live de CNN avec des journalistes « embedded » lors de la guerre du Golfe, les Européens se décident à lancer leur propre chaîne d’information en continu en 1993.

Avec une vingtaine de chaînes de télévision publique comme financeurs, l’ambition est d’être la chaîne généraliste d’information européenne à destination du grand public, dotée d’une exigence éditoriale et d’une rédaction multilingue. La France soutient le projet et la chaîne installe son siège à Lyon.

Le temps des turpitudes qui s’accélèrent

Les transformations du secteur de l’information, avec le développement du web, l’explosion des réseaux sociaux et la multiplication des chaînes thématiques accélèrent la concurrence en termes de temps de cerveau disponible chez des Européens bombardés par des offres toujours plus riches et diverses. Euronews tente comme tous les autres d’évoluer.

Le soutien de l’Union européenne qui lâche

Parmi les chocs, il faut hélas le noter, le soutien – jusqu’alors sans faille de l’Union européenne au projet – se délite :

D’une part, sous le mandat de Viviane Reding, Commissaire en charge de la communication, le modèle de financement fragilise la chaîne puisque dorénavant ce sont des projets sur commande qui conditionnent les financements à des formats de production sous la forme de publi-reportages qui nient l’indépendance éditoriale de la rédaction.

D’autre part, plus récemment, alors que les financements octroyés par la Commission européenne était passé des mains de la DG Communication à la DG Connect, chargée des questions numériques, la baisse des financements est lourde, rapide et brutale.

Alors que les financements européens se maintenaient, songeons aux années électorales européennes de 2014 à 24 millions d’euros et 2019 à 25 millions d’euros, la réduction commence dès 2020 avec 2 millions d’euros de baisse et se poursuit à partir de 2021 où les financements sont divisés par 4 pour se limiter à 6 millions d’euros ; c’est l’année du renouvellement d’un contrat pour 3 ans en juillet 2021.

Les chaînes publiques qui capitulent

L’Union Européenne de Radio-Télévision, organisme rassemblant les grandes chaînes publiques européennes de télévision, de France Télévision à la ZDF allemande, en passant par la BBC, a également peu à peu abandonné Euronews. Les financements en 2013 correspondent à 42 millions d’euros, une somme tombée à 20 millions en 2023, pour descendre encore à 13 millions annoncés pour 2024.

L’actionnaire principal qui craque

La chaine déjà fragilisée est reprise par un fonds d’investissement portugais Alpac Capital en juillet 2022. Cette année, avec une dette de 150 millions d’euros, un nouveau projet est dévoilé, c’est un profond plan de restructuration, qui suscite une grève des personnels. Le plan de licenciement concerne 197 journalistes expérimentés, soit les deux-tiers de la rédaction sur la sellette et toutes les chevilles ouvrières dans toutes les nationalités couvertes au fur et à mesure des années.

Le futur projet qui inquiète

Outre les licenciements massifs, le projet dévoilé comprend également la vente du siège social historique à Lyon, en vue d’installer une nouvelle équipe, fraîchement recrutée avec des candidats plus jeunes à Bruxelles, complété par quelques bureaux dans quelques capitales européennes, un downsizing dans les grandes largeurs.

Au total, c’est l’ambition d’une chaîne publique d’information en continu ouverte sur les sociétés européennes qui disparaît au profit d’une vision plus limitée à la sphère bruxelloise d’une information plus institutionnelle et financée par des publi-reportages représentant à l’antenne des intérêts privés.