Dis-le sans détour, la réponse des leaders européens au retour de Trump au pouvoir n’est pas à la hauteur. Globalement inaudible, cette parole est faible, à la fois sur le plan stratégique en termes de messages et faible dans sa formulation, au-delà des classiques catalogues de bonnes intentions, de vœux pieux et de « valeurs ». Alors, est-ce une fatalité ?
Le déficit de légitimité électorale
Une première hypothèse vient de la différence de légitimité entre le résultat d’un scrutin massif aux Etats-Unis avec le succès du vote populaire et du scrutin dans tous les États fédérés tandis que les leaders européens ne sont pas élus directement par les citoyens et que les principaux exécutifs en Europe sont très affaiblis, que l’on songe seulement au couple franco-allemand actuellement.
Le leadership européen gagnerait clairement de se voir confier un mandat sans équivoque, à l’issue d’une campagne pan-européenne permettant de confronter les programmes et de sanctionner la décision par le vote populaire. Le fait est que même la tête de la liste pour la présidence de la Commission européenne Ursula von der Leyen ne se soit pas présentée sur une liste en Allemagne renforce le fossé entre le peuple et les élites.
La légitimité électorale est un puissant vecteur de mobilisation, d’incarnation et de légitimation. La prochaine révision des traités européens devrait permettre d’avancer en ce sens pour nous permettre de présenter des leaders plus légitimes sur la scène européenne et internationale.
La fausse problématique « juridique »
Dans le cadre des traités actuels, la répartition des rôles entre les leaders européens – quoiqu’elle ait permis de renforcer la place du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – ne semble pas à l’usage pleinement satisfaisante. Le « couple » composé par Charles Michel au Conseil européen et Ursula von der Leyen à la Commission européenne s’est montré particulièrement disfonctionnel lors de la mandature précédente en raison des velléités d’influence internationale de la présidente de la Commission européenne qui ne correspond pas à ses responsabilités « juridiquement définies » tandis que le président du Conseil européen ne se dérangeait pas pour organiser ses propres initiatives diplomatiques en solitaire.
Il ne s’agit pas seulement d’une querelle de personnes, mais d’une problématique de représentation et de capacité d’influence sur la scène internationale. Là encore, la représentation exclusive de l’Union européenne à l’échelle des chefs d’État et de gouvernement devrait être réinterrogé pour trouver une solution de long terme satisfaisante, susceptible de définitivement répondre à la question du Secrétaire d’Etat Henry Kissinger : « l’Europe, quel numéro de téléphone ? ».
La vraie fracture politique
A ce stade, les prises de parole des dirigeants européens ne peuvent que conduire au sentiment des opinions européennes de se sentir incroyablement faible voir faiblement représentés sur la scène internationale, alors même que le moment est charnière, au début de mandat à la fois du côté de la nouvelle équipe européenne composée de l’ancien Premier ministre portugais, António Costa et de la reconduite von der Leyen face à Trump.
Nos leaders européens semblent porter une trop forte focale « politicienne » sur la vie politique bruxelloise, à courte vue, liée aux procédures de confirmation du président de la Commission devant le Parlement européen suivi des auditions des Commissaires ayant occupé l’agenda pendant quasiment 6 mois à négocier des intentions qui se fracassent en partie contre la nouvelle réalité d’une seconde présidence Trump.
Le nouveau logiciel
Mais le plus grave, c’est que les leaders européens ne semblent pas percevoir le changement d’époque. Ils sont rattrapés par de nouvelles idéologies venues d’Amérique du Nord et du Sud avec Javier Milei en Argentine qui font soufflés un nouveau vent très orthogonal avec le modèle européen. Ces évolutions « idéologiques » vertigineuses combinent de nouvelle forme de techno-césarisme et de libertarianisme anti-étatiste… porté notamment par Elon Musk et quelques autres quasi-oligarques issus de la Silicone Valley. Ce n’est rien de moins qu’à nouvelle forme de néocolonialisme qui se projettent avec des comptoirs dans l’économie globale, des conquêtes technologique (Mars, IA, biotech, cryptomonnaie…) auxquelles nous assistons. Et face à cette sorte d’accélération réactionnaire, quelle est la réponse européenne ?
Nos leaders européens semblent incapables de sortir de nos modes de pensée social-démocrate face à des programmes basé sur la force, la puissance brutale et le révisionnisme. Ce n’est plus seulement de naïveté dont ils peuvent être accusés, c’est d’une incapacité à comprendre, anticiper, croire ce qui est annoncé, et surtout voir ce qui est sous nos yeux.
Cette remise en cause de l’ordre international que la logique des alliances tant par des empires que par les Etats-Unis devraient être le moment de se hisser à la hauteur des événements, comment des nains juchés sur les épaules de géants. Nous ne pouvons pas nous contenter de passer du narratif américain de la « mondialisation heureuse » à la « vassalisation heureuse » qui nous intimes de nous soumettre au nouvel hégémon.
Le temps du « soul-seaching » ne peut pas durer, c’est le moment de prendre nos responsabilités devant l’histoire.