Dans une réflexion sur le rôle crucial et ambivalent des médias et de la culture pour l’UE, Ancuta-Gabriela Tarta revisite la notion d’espace public et annonce plusieurs clashs. Pourquoi ?
1er clash des espaces publics : hors ligne contre médias en ligne
Les médias traditionnels imprimés et audiovisuels représentent la connexion la plus importante entre les citoyens et les institutions européennes. Les gens obtiennent leurs informations sur l’activité des institutions européennes dans les médias, et ils ont une image de l’UE sur la base de ce qu’ils voient dans les médias.
En théorie, pour rendre le travail de l’UE, les médias doivent offrir aux citoyens la possibilité de discuter les décisions des institutions européennes, ainsi que de transmettre le résultat de ces discussions à Bruxelles.
Dans la pratique, les décideurs européens sont situés à une distance considérable de la plupart des citoyens dont ils influencent pourtant la vie. Mais, sans soutien public, la légitimité des acteurs politiques européens devient très discutable.
La couverture médiatique traditionnelle de l’UE a plusieurs handicaps :
- Tout d’abord, les personnages sont ternes et peu attrayants, et les institutions plutôt abstraites et lointaines. Les citoyens déclarent avoir du mal à se rapporter à l’information européenne.
- Deuxièmement, il y a un manque de perspective dans les infos de l’UE, au point que les gens se demandent « et alors? ». À la fin, l’information est correctement contextualisée mais pas ou peu expliquée, et est souvent assez superficielle.
- Dernier point, mais non le moindre, les gens considèrent la couverture des nouvelles européenne comme étant biaisés, manquant de pluralisme et de débat.
Alors, les défauts des anciens médias pourraient-ils être réduits par les nouveaux médias ?
Internet est un moyen à la fois le plus rapide et d’ubiquité car il peut être consulté à partir de n’importe quel point de l’espace européen. Dans le même temps, la nature essentiellement interactive du web 2.0 facilite la participation à des discussions et des débats.
2e clash des espaces publics : la culture face à la politique
Habermas, le concepteur de l’espace public, estime que l’espace public littéraire (dans les cafés et les salons) est la condition préalable à l’émergence d’un espace public politique. Que peut cet espace culturel dans la société d’aujourd’hui ?
La culture populaire peut aider à sensibiliser les citoyens aux questions politiques beaucoup plus inintéressants, mais autrement importants en rendant la politique plus accessible, et que cela plaise ou non, en la rendant aussi plus populaire. Les programmes d’infotainment pourraient être un moyen de susciter l’intérêt du public pour les questions politiques qui, autrement, pourraient sembler terne et peu attrayant.
Puisqu’il est irréaliste d’attendre des citoyens qu’ils s’impliquent dans un débat actif sur la politique officielle de l’UE, c’est aux institutions européennes de rendre leur communication plus populaire avec les citoyens.
La réaction du public à une question politique est souvent émotionnelle et esthétique, et non rationnelle et il n’est pas rare que les expériences émotionnelles et esthétiques sont la lampe de poche pour éclairer des questions politiques obscures et incompréhensibles.
Pour un espace public culturel renouvelé reposant sur Internet
Un espace public culturel virtuel serait un espace de communication pluraliste permettant l’expression de tous les points de vue entre les citoyens et les décideurs sur la base d’une « rhétorique de la vie quotidienne » rendant accessible à un large éventail de citoyens les arguments politiques et offrant un environnement de socialisation pour des discussions passionnées voire des réactions irrationnelles, tout en favorisant la participation.
Dans le contexte de l’UE, l’espace public culturel semble très pertinent. Les citoyens de l’UE ne peuvent être appelés à développer un « sentiment » d’appartenance à un espace transnational, aussi longtemps que cet espace est d’abord une construction politique. Ils ne peuvent pas sérieusement se sentir « unis dans la diversité ». Qu’est-ce que les citoyens peuvent, cependant, être censés faire ? Agir et s’exprimer en fonction de leur contexte culturel, leurs goûts, leurs aversions et leurs convictions intérieures.
Internet pourrait être l’endroit de la médiation entre les citoyens et les décideurs puisque la nature virtuelle et la structure des réseaux sociaux tend à favoriser un type de communication informelle qui fait appel principalement aux émotions et à l’esthétique plutôt qu’au rationnel.
L’espace public culturel, via Internet, est en fait la première étape à franchir afin de développer un espace public politique, qui permettrait de résoudre le problème de déficit démocratique des institutions européennes.