Archives mensuelles : mars 2013

A quoi servent les médias sociaux dans la communication européenne ?

Tandis que l’impact et l’intérêt des médias sociaux auprès du grand public demeure limité, le web social pour l’UE représente un ensemble d’opportunités où chaque réseaux social ou plateforme communautaire peut répondre à des attentes de certains publics de l’UE. Quels sont les publics et les médias sociaux pertinents dans la communication européenne ?

Twitter pour communiquer auprès des « opinion formers & leaders » (journalistes, eurobloggers, think tanks)

Twitter est un réseau social particulièrement utilisé par les journalistes européens, les think tanks et les bloggeurs.

Selon l’Eurobaromètre : « Union européenne, journalistes et médias sociaux », le principal usage commun à ces acteurs de l’information concerne le processus global de recherche de sujets d’actualité, de promotion de ces sujets et de collecte de réactions.

L’Union européenne a tout intérêt à développer une présence active sur Twitter le principal média social utilisé par les « opinion formers et leaders » afin de se constituer en source fiable et régulière d’informations contextualisées et sourcées.

Facebook et tout le web social du rich media (Youtube, Flickr, Instagram…) pour communiquer auprès des « entrepreneurs de la cause européenne » (militants, associations , ONG…)

Facebook et tout le web social du rich media (Youtube, Flickr, Instagram…) est particulièrement activés par tous les « entrepreneurs de la cause européenne » qui tentent par ces canaux de sensibiliser le grand public aux affaires européennes.

Tous les contenus publiés sur ces plateformes visent à être largement partagés auprès des citoyens et dans ce cadre l’Union européenne se doit d’assurer une présence qui soit relayés et amplifiés par les « entrepreneurs de la cause européenne ».

Plateformes communautaires et réseaux sociaux sur mesure pour communiquer avec les acteurs décentralisés de l’action publique européenne (gestionnaires de fonds européens)

Innovation la plus aboutie issue des usages du web social, les plateformes communautaires sont des outils particulièrement adaptés pour fédérer et organiser l’activité des acteurs décentralisés de l’action publique européenne.

Plusieurs exemples illustrent les potentiels de ces réseaux sociaux sur mesure :

  • eTwinning se présente comme la communauté des établissements scolaires d’Europe, qui permet selon les chiffres à près de 200 000 enseignants issus de plus de 100 000 écoles d’entrer en contact, de monter des projets collaboratifs (déjà 27 363) ;
  • Regionetwork est une plate-forme de collaboration en ligne pour 2 747 acteurs publics des régions européennes intéressés par la politique régionale de l’UE ;
  • Digital Agenda for Europe est une plateforme collaborative de discussions pour « aider les citoyens européens et les entreprises à tirer le meilleur parti des technologies numériques ».

Ainsi, auprès de publics spécifiques à l’UE – les acteurs de l’information, les « entrepreneurs de la cause européenne » et les acteurs décentralisés de l’action publique européenne – les médias sociaux sont des outils de communication pertinents et efficaces.

Fantasmes et réalités des médias sociaux pour communiquer sur l’Europe auprès des citoyens

Deux enquêtes Eurobaromètre publiée concomitamment apportent un éclairage complémentaire : loin des fantasmes sur la  soi-disant puissance des médias sociaux, la réalité de leur impact auprès des citoyens apparaît… Quelles sont les pratiques des citoyens européens sur les affaires de l’UE dans les médias sociaux ?

Les médias sociaux : une solution très partielle pour informer les citoyens français sur l’UE

Dans un focus français sur les résultats de l’Eurobaromètre Standard 78 / Automne 2012 faussement titré « L’accès à l’information sur les questions européennes : les réseaux sociaux, une solution ? », le détail se révèle beaucoup plus circonspect.

Parmi les sources d’information sur les affaires européennes, Internet est le dernier canal évoqué par les citoyens (10%), face à l’hégémonie traditionnelle de la télévision (54%) loin devant la radio et la presse.

« Si Internet s’avère donc être une source potentiellement utile d’information, les réseaux sociaux ne sont cités que par 8% des Français », selon le rapport. Et ce n’est pas tout, puisque les médias sociaux sont perçus « davantage comme un moyen d’expression que comme une source d’information à proprement parler ».

La conclusion du rapport – diamétralement opposée avec le titre de celui-ci – convient logiquement que « le problème de fiabilité et de confiance (majoritaire dans l’opinion et surtout chez les utilisateurs quotidiens d’Internet) dans l’information venant des réseaux sociaux souligne que ces outils, s’ils peuvent constituer un élément de la réponse à apporter au manque d’information ressenti par une grande majorité des citoyens, ne sauraient en aucun cas, à l’heure actuelle, constituer le seul média de référence pour les questions européennes ».

Les médias sociaux : une activité très limitée pour participer aux affaires européennes

Dans un Eurobaromètre consacré à « l’engagement des citoyens européens dans la démocratie participative », les résultats concernant les médias sociaux corroborent la conclusion timorée quant à leur potentiel auprès des citoyens.

Interrogés sur leur pratique en matière de démocratie participative, les citoyens européens indiquent que les pétitions (papier ou en ligne) sont la principale voie par laquelle ils cherchent à directement influencer le processus décisionnel politique. Et pourtant, seulement un tiers (34%) des citoyens européens disent qu’ils ont signé une pétition dans les deux dernières années. Toutefois, la proportion de personnes qui ont fait cela varie considérablement, passant de 53% au Royaume-Uni à 7% à Chypre.

Sinon, l’engagement des citoyens européens dans les médias sociaux se traduit par l’expression d’opinion en ligne pour 28% d’entre eux.

Certes, il ne faut pas en conclure que les médias sociaux sont inutiles et dérisoires pour communiquer sur l’Europe auprès des citoyens. Mais, il est clair qu’une juste place – à affiner en fonction des sociétés en Europe – doit leur être accordée pour sensibiliser le grand public aux affaires européennes.

Actualité du corps de presse des journalistes accrédités auprès de l’UE à Bruxelles

Lors d’un point presse au Conseil de l’UE mercredi 6 mars au matin (voir #briefingcouncilpressoffice sur Twitter), quelques informations relatives à une enquête menée par un chercheur français auprès du corps de presse des journalistes accrédités auprès de l’UE à Bruxelles ont été diffusées…

1024 journalistes représentant 533 médias et 68 pays : 46% de la presse écrite, 30% de l’audiovisuel, 10% des agences de presse et 6% d’Internet

Cette première information numérique sur le corps de presse à Bruxelles vient rassurer après une sévère alerte en 2010, lorsque le nombre de journalistes accrédités était réduit à « 847 journalistes et 237 techniciens du secteur audiovisuel au 2 février 2010 contre 1 006 et 320 l’année dernière (en 2009) ».

Autrement dit, les journalistes accrédités auprès de l’UE ne sont plus aussi nombreux que lors du pic historique en 2005 (année de l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale) avec 1 300 cartes de presse, mais pour autant, la crise de l’euro a semble-t-il contribué à rétablir une partie de l’intérêt des médias à l’UE, qui semblait s’être dissipé.

Évolutions : moins d’emplois stables, plus de femmes, de temps partiels et de freelances

Un regard sur la composition du corps de presse accrédités auprès de l’UE permet de dégager plusieurs tendances peu rassurantes : les emplois à temps plein de correspondants permanents sont en baisse face à la progression de journalistes à temps partiel et surtout freelances.

La conséquence serait une baisse de la qualité des contenus, d’autant que l’Association de la presse internationale (API) signale une hausse des pratiques de plagiat dans la presse, dues notamment à l’accès aisé à l’information brute mise à la disposition par les institutions et à la réticence à l’investissement des médias.

Tendance : les porte-parole « deviennent des journalistes »

Ce qu’il faut entendre par cette déclaration lors du point presse, c’est que les porte-parole font de plus en plus partie des papiers des journalistes, qui les sollicitent pour commenter et compléter les informations techniques issus des institutions.

D’ailleurs, les journalistes eux-mêmes tendent à s’interviewer les uns les autres, ce qui révèlent des disfonctionnements dans la capacité des institutions à faire passer leurs messages.

Principale conclusion de cette étude qui n’est pas encore disponible en ligne : les informations brutes des institutions européennes sont de plus en plus accessibles en ligne mais le pluralisme de la presse et les conditions de production de l’information par les journalistes régresse.

Eurobaromètre : quelle est l’opinion et l’action des citoyens européens en matière d’engagement dans la démocratie participative ?

Au-delà de quelques enquêtes qualitatives de chercheurs, la démocratie participative en pratique dans l’UE demeure méconnue. Une enquête Eurobaromètre examine l’opinion des citoyens européens en matière de décisions politiques pouvant être influencées par leurs propres actions et par les organisations non gouvernementales (ONG)…

Perceptions des citoyens européens concernant les ONG : influence locale et nationale importante et moindre à l’échelle européenne

La première partie examine les points de vue des citoyens sur les ONG pour savoir si ces groupes ont le pouvoir d’influencer la prise de décision politique, s’ils partagent les intérêts et les valeurs des citoyens, et si les citoyens européens ont besoin de ces types d’organisations.

Pour une large majorité des Européens, les ONG peuvent influencer la décision politique à l’échelle locale (75%) et nationale (70%) et dans une moindre mesure à l’échelle de l’UE (53%). A l’échelle de l’UE, 41% des gens sont d’accord que les citoyens européens n’ont pas besoin de ces types d’organisations, et qu’ils ont d’autres moyens (non cités) d’influencer les décisions politiques.

S’agissant de la confiance des Européens dans les ONG, 59% partagent, au niveau de l’UE, les valeurs ou intérêts de certains de ces organismes, et qu’ils leur font confiance pour influencer de la bonne façon les décisions politiques européennes.

Tandis qu’au moins deux tiers de la population dans tous les États membres estiment que les ONG peuvent influencer les décisions locales ou nationales, seulement un petite majorité (53%) estime que ces organisations peuvent influencer la prise de décision au niveau de l’UE :

  • les citoyens les plus confiants dans l’influence des ONG à l’échelle de l’UE : Roumanie (71%), Portugal (68%), Luxembourg et Danemark (66%) ;
  • les citoyens les moins confiants dans l’influence des ONG à l’échelle de l’UE : Grèce (49%), Allemagne (48%) et Pays-Bas (48%).

Efficacité de différentes manières d’influencer les décisions politiques : les votes locaux et nationaux influencent plus que le vote européen

Dans la deuxième partie, les questions portent sur l’efficacité perçue des divers moyens d’influencer les décisions politiques, notamment le vote aux élections locales, nationales et européennes et l’influence des ONG.

Alors que près de 70% des citoyens européens croient que le vote local / régional ou national est un moyen efficace d’influencer les décisions politiques, près de 50% pensent que le vote aux élections européennes est efficace. Une majorité dans les 27 États membres pense que le vote aux élections locales est un moyen efficace d’influencer les décisions politiques. Cette majorité est unanime dans tous les pays, à l’exception de la Slovénie s’agissant du vote à l’échelle nationale.

Concernant les élections européennes, dans 19 États membres une majorité (54%) pense que le vote est un moyen efficace d’influencer les décisions politiques :

  • les citoyens les plus confiants dans l’efficacité du vote aux élections européennes : Roumanie (71%), Malte (69%) et Italie (65%) ;
  • les citoyens les moins confiants dans l’efficacité du vote aux élections européennes : Lettonie (32%), République tchèque (39%), Royaume-Uni (40%) et Slovénie (40%) ;
  • les citoyens sont également divisé aux Pays-Bas (49% chacun).

Engagements des citoyens pour influencer les décisions politiques : les pétitions et l’expression en ligne plus répandus que l’adhésion à une ONG ou la participation à des débats, à fortiori européens

La troisième et dernière partie porte sur l’engagement des citoyens dans la prise de décision politique. Les citoyens cherchent-ils à exprimer leurs points de vue en signant des pétitions ou en communiquant via les médias sociaux ? Quel est le niveau de participation dans les ONG et autres associations, comme les syndicats ?

Les pétitions sont la principale voie par laquelle les citoyens cherchent à directement influencer le processus décisionnel politique. Et pourtant, seulement un tiers (34%) des citoyens européens disent qu’ils ont signé une pétition (papier ou en ligne) dans les deux dernières années. Toutefois, la proportion de personnes qui ont fait cela varie considérablement, passant de 53% au Royaume-Uni à 7% à Chypre.

Les autres formes relativement populaires d’engagement sont l’expression d’opinion en ligne, notamment dans les médias sociaux (28%), l’expression de ses opinions auprès d’un élu local (24%), et la participation à un débat public au niveau local ou régional (18%).

Relativement peu de citoyens disent qu’ils ont exprimé leurs points de vue sur des questions publiques avec leur représentant élu au niveau de l’UE (4%) ou qu’ils ont pris part à un débat public au niveau de l’UE (1%).

Dans tous les États membres sauf deux (Lettonie et République tchèque), une majorité pense qu’être membre d’une ONG est un moyen efficace d’influencer les décisions politiques. La plupart des Européens en général ne sont pas membres d’une ONG ou d’une association. Un cinquième des répondants (20%) sont membres d’une organisation ayant un intérêt spécifique (économique, social, environnemental, culturel ou sportif), tandis 16% sont membres des syndicats.

En conclusion, les citoyens de l’Union sont toujours moins optimiste lorsqu’il s’agit de leur capacité d’influence sur les décisions politiques par leur vote aux élections européennes ou via l’action des ONG à l’échelle de l’UE.

Année européenne des citoyens : comment communiquer sur la citoyenneté européenne ?

2013 est l’Année européenne des citoyens, une occasion pour les institutions européennes de faire la promotion des droits des citoyens ainsi que sur la participation des citoyens à la vie démocratique de l’Union. Comment communiquer concrètement auprès des Européens ?

1er axe : centrer les prises de parole sur des sujets concrets et utiles aux citoyens européens

Plutôt que de communiquer in abstracto sur les droits des citoyens européens, l’Année européenne doit viser à rendre concrets et utiles les principaux droits :

droit de se déplacer et de séjourner librement dans l’UE : alors que la crise économique frappe inégalement les États-membres de l’UE, mieux informé les citoyens européens de ce droit devrait leur permettre d’en faire un meilleur usage, ce qui devrait être profitable pour eux-mêmes en tant qu’acteurs économiques (étudiants, travailleurs) et pour la société dans son ensemble pour limiter le chômage de masse, notamment des jeunes ;

droit de vote et de se présenter comme candidat aux élections municipales et européennes : alors que l’abstention ne cesse de progresser à chaque élection européenne et malgré les poussées de populisme lors de chaque scrutin en Europe, ce droit doit être plus largement connu par tous les Européens et leur rappeler doit leur permettre de se réinscrire dès cette année sur les listes électorales pour pouvoir participer aux élections européennes de 2O14 ;

droit d’initiative pour demander à la Commission de proposer une nouvelle législation : ce nouveau droit apparu avec le traité de Lisbonne doit être largement médiatiser auprès des Européens qui peuvent ainsi signer des initiatives susceptibles de faire évoluer le cours de la législation européenne.

A défaut de se concentrer sur quelques enjeux qui peuvent entrer en résonance avec les préoccupations des Européens actuellement, l’Année européenne se limitera à une opération institutionnelle in-susceptible de toucher un large public.

2e axe : valoriser les bonnes pratiques des sociétés civiles en matière de citoyenneté européenne

Plutôt que de tenter de faire le grand pont entre l’UE et les citoyens, que ne parviennent pas à faire aisément les institutions européennes, il faut s’appuyer sur les acteurs locaux qui agissent sur les questions de citoyenneté.

Le choix de faire d’une alliance des organisations de la société civile à l’échelle de l’UE un partenaire stratégique de l’Année européenne s’inscrit dans cette volonté de démultiplier les opportunités d’entrer en contact direct avec les citoyens à l’échelle locale.

A défaut de rassembler très largement les acteurs déjà engagés sans pour autant tomber dans l’autosatisfaction circulaire, l’Année européenne ne parviendra pas à atteindre la masse critique suffisante, notamment pour capter l’attention des médias.

3e axe : faciliter l’action des acteurs de terrain, à travers un espace dédié, et donner du sens à la notion de « réseau social » du web 2.0

Plutôt que d’organiser à grands frais une « tournée » européenne en organisant dans chaque État-membre « des forums civiques sur les politiques et les enjeux de l’Union » – un tel dialogue civique ne peut reposer sur les seules institutions européennes insuffisamment légitimes et sera bien davantage le temps du débat démocratique lors de la campagne électorale des élections européennes – il faut renforcer les acteurs associatifs ou publics de terrain.

Au lieu de mener un plan de communication autour d’un débat (prématuré avant les élections européennes) et d’événements locaux (forcément limité à un public restreint et déjà sensibilisé aux questions européennes) qui semble davantage faire la promotion des institutions européennes que celle de la citoyenneté, il serait plus judicieux de réfléchir à la fois pour faciliter l’action des acteurs de terrain et pour consacrer les faibles moyens de l’Année européenne à pérenniser les objectifs de l’Année européenne.

Sur le modèle de l’ambition numérique des campagnes d’Obama aux États-Unis (cf. « Campagne numérique : les leçons d’Obama pour les élections européennes »), l’Année européenne pourrait donner du sens à la notion de « réseau social » 2.0 en développant une plateforme qui facilite le travail des acteurs de terrain tout en professionnalisant/optimisant l’activité associative/militante et en renouvelant l’intelligence collective. Une plateforme qui pourrait être conserver pendant l’année 2014 marquée par les élections européennes.

Au travers de 3 propositions : centrer sur des sujets concrets et utiles, valoriser les acteurs de terrain et faciliter leur démarche avec un outil en ligne adapté, l’Année européenne des citoyens peut parvenir à communiquer sur la citoyenneté européenne auprès d’un large public.