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Comment les réseaux sociaux peuvent produire des Européens ?

La fuite en avant dans l’innovation perpétuelle, comme par exemple avec la multiplicité des usages de la vidéo dans la communication en ligne de l’UE ne doit pas empêcher de prendre du recul, après plus de 10 années d’expériences pour tirer des enseignements de la communication européenne dans les réseaux sociaux…

Echecs de tous les projets de réseau social reposant sur une approche civique de citoyens à la grecque mobilisés autour de la gestion commune des affaires publiques

Porté haut les valeurs d’une citoyenneté européenne « pure et parfaite », faite de débats d’idées, de pétitions, ou de votes participatifs autour des enjeux majeurs européens n’a jamais payé dans les projets de réseau social en ligne. La figure d’un citoyen fantasmé, tellement symbolique de la geste civique qu’il en devient un avatar abstrait et désincarné ne correspond à aucun public matériel et réel.

Songeons aux échecs successifs des projets suivants, financés par les institutions européennes :

  • Parlement européen : « My Parl », le Myspace des élus européens et « Citzalia », le Second Life européen ;
  • Conseil européen avec « Ask the President », la plateforme relationnelle du Président van Rompuy ;
  • Commission européenne avec « Comment Neelie » de la Commissaire à l’Agenda numérique
  • Gouvernement français : « Place d’Europe », le réseau social des élus locaux ou les « Euronautes », le Facebook des Erasmus…

En somme, la stratégie « grecque » consistant à privilégier la dimension civique de la citoyenneté européenne se traduit quasi toujours par l’échec. Aucun réseau social reposant sur une telle approche est viable à long terme.

Succès de beaucoup de projets de réseau social reposant sur une approche clientéliste de citoyens à la romaine misant  sur des rétributions et des services

Misé sur des « clientélismes » intéressés des politiques communes (de la PAC à la PESC) distribuant des rétributions et des services auprès de publics très spécifiques semblent correspondre au ciment commun des réseaux sociaux européens qui réussissent. Le bénéficiaire d’une politique publique européenne, bien sonnante et trébuchante, est un parfait profil pour s’investir et s’engager dans des interactions en ligne.

La liste des succès – de communautés naturelles autour d’une action européenne animée par l’UE – est là encore significative :

  • eTwinning représente la communauté en ligne pour les écoles d’Europe qui permet aux enseignants d’entrer en relation, de monter des projets collaboratifs et d’échanger des idées à travers l’Europe.
  • Regionetwork, intégralement piloté en interne par la DG REGIO, représente la communauté d’entraide pour améliorer la communication interne entre les acteurs de la politique régionale de l’UE, afin de permettre aux acteurs nationaux, régionaux et locaux chargés de la mise en œuvre de la politique régionale de l’UE de se fédérer en ligne, autour du partage de l’information.
  • Capacity4dev, mis en ligne par la direction générale EuropeAid de la Commission européenne, se positionne pour améliorer la coopération au développement de l’Europe et se destine à l’ensemble des acteurs du développement afin d’échanger leurs vues et leurs bonnes pratiques en vue de réformer la manière de fournir formation, recherche, conseil ou assistance technique.

Autrement dit, la stratégie « romaine » s’appuyant sur la dimension clientéliste de la citoyenneté européenne tourne le plus souvent au succès. Plusieurs réseaux sociaux reposant sur une telle approche ont trouvé aujourd’hui leurs publics.

En conclusion, les réseaux sociaux parviennent à construire des Européens, à partir du moment où l’on considère les échecs des approches « grecques » civiques trop abstraites, et a fortiori les succès des approches « romaines » clientélistes très concrètes.

 

Comment les institutions européennes investissent les nouveaux réseaux sociaux ?

Quoiqu’encore leader dans le monde, Facebook n’est pas, et de loin, le seul réseau social aujourd’hui. D’ailleurs, quel est le réseau social de prédilection de la Commission européenne ou du Parlement européen ?

La présence de la Commission européenne et du Parlement européen dans les réseaux sociaux

Grâce à une base de données dynamique consultable en ligne, il est possible de dénombrer à ce jour 367 comptes de la Commission européenne et de ses démembrements dans les réseaux sociaux pour « seulement » 121 pour le Parlement européen.

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Rapporté au 13 réseaux sociaux utilisés (Twitter, Facebook, Google+, Youtube, LinkedIn, Flickr, Pinterest, Instagram, Spotify, Storify, Foursquare, Vine, MySpace), ce correspond à une moyenne de 28 comptes par réseau social pour la Commission européenne et 9 pour le Parlement européen.

Le palmarès des réseaux sociaux de la Commission européenne et du Parlement européen

Premier, loin devant, tant pour la Commission que le Parlement, Twitter se distingue comme le média social de prédilection des institutions européennes ; une confirmation chiffrée d’une réalité perceptible dans les milieux européens à Bruxelles.

Second, Facebook demeure incontournable tout en étant de plus en plus concurrencé par de nouveaux arrivants.

Parmi tous les autres réseaux sociaux, c’est Instagram qui se distingue, car malgré son arrivée tardive dans le paysage, Instagram a su conquérir une place de choix, notamment dans la communication du Parlement européen et du Conseil de l’UE.

Enfin, à égalité, les deux institutions se sont largement déployées puisque seuls trois réseaux sociaux pour chacune ne sont pas utilisé : Spotify, Foursquare et Myspace du côté de la Commission européenne et Google+, Youtube et Flickr pour le Parlement européen – l’absence du Parlement européen sur Youtube est une surprise que seule la webTV du Parlement européen EuroparlTV peut justifier.

Au total, le paysage des principales institutions européennes dans les réseaux sociaux dévoile une abondance insoupçonnée qui confirme l’importance que représente le web social dans la communication européenne aujourd’hui.

Usage et impact des réseaux sociaux pour la communication de la Représentation en France de la Commission européenne

Deux questions autour de l’usage (comment rester immobile devant l’ampleur des réseaux sociaux ?) et de l’impact (comment tirer profit des réseaux sociaux pour sa communication ?) sont au cœur du mémoire publiée par Anne Vesque après son expérience au sein de la Représentation en France de la Commission européenne. Quelles sont ses réponses ?

Usage : les médias sociaux se sont irrésistiblement imposés à la communication de l’UE

Avec plus ou moins d’avance par rapport aux autres institutions publiques nationales ou internationales, la Commission et ses Représentations ont investi les médias sociaux au point que Facebook, Twitter, Youtube sont devenus incontournables aujourd’hui parmi les outils de communication.

Quel calendrier ?

Dès mars 2006, Margot Wallström impose « EUTube », la chaîne de la Commission européenne sur la plateforme Youtube, uniquement créée en février 2005.

Début 2010, avec la mandant de la nouvelle Commission Barroso II, la communication commence sur les réseaux sociaux. En juin 2010, « du fait de leur croissance et de leur potentiel en terme de stratégie de communication », les comptes Twitter et Facebook sont officialisés.

Un an plus tard, en septembre 2011, la Commission européenne publie sa stratégie de communication consacrée aux médias sociaux. L’objectif est double, communiquer sur les priorités politiques de l’UE et « partager des opinions et des informations, favoriser la discussion et bâtir des relations » avec les citoyens.

En parallèle, la Représentation en France de la Commission européenne se déploie progressivement dans les médias sociaux : Facebook et Youtube en septembre 2011, Twitter en 2012, Flickr en 2012 et Instagram en 2013…

Impact : les médias sociaux peinent à percer auprès d’un large public au-delà des milieux européens

Grâce à l’adaptation des messages aux réalités locales, la Représentation – libre de communiquer à partir des suggestions éditoriales envoyées par Bruxelles – développe une stratégie multicanale :

  • Facebook : communiquer comme on parle, comme si on s’adresse à quelqu’un que pour créer une certaine proximité et donner un coté humain et proche ; éviter les discours institutionnels et privilégier photos et vidéos pour attirer le regard ;
  • Twitter : vulgariser et contextualiser chaque tweet pour qu’il soit le plus percutant et le plus « digeste » possible ; publier du contenu adapté aux réseaux sociaux (infographies, vidéos et images) très approprié ;
  • Instagram : publier, en temps réel, des photos d’événements organisés ou co-organisés par la Représentation et mettre en place des concours photos pour permettre la participation des citoyens.

Quels résultats ?

En terme d’évolution, les chiffres sont encourageants, de mai 2013 à mai 2014, doublement des fans sur Facebook et triplement des followers sur Twitter.

Mais, en termes de stock, les communautés sont décevantes. Sur les 26 millions d’inscrits français à Facebook, la Représentation en France n’enregistre qu’environ 4000 fans. Même si l’Europe séduit peu et l’euroscepticisme est très présent en France, c’est très limité. Sur Twitter, en dehors de la bulle européenne, les interactions sont rares.

Finalement, pour Anne Vesque, après l’étude approfondie des deux réseaux les plus utilisés par la Représentation en France « on retrouve les mêmes « défauts » de communication sur les réseaux sociaux que sur la communication de l’UE en général, à savoir le décalage entre l’UE et les citoyens, l’utilisation d’un jargon communautaire par les institutions européennes ou encore l’absence de dialogue avec les citoyens en dehors de la sphère européenne ».

La communication européenne pourrait davantage être dirigée vers les citoyens pour les amener à s’intéresser à l’Union européenne en prenant en compte plus spécifiquement leurs centres d’intérêts et en utilisant des messages simples à la portée de tous.

La chercheuse Sandrine Roginsky parle elle de l’émergence d’une « e-bulle bruxelloise » pour montrer que les plateformes de réseaux sociaux numériques mettent en lumière les interactions déjà existantes entre acteurs de l’Union européenne et notamment la proximité entre professionnels de l’UE et journalistes.

Au total, « la recherche tend à remettre en question l’idée que le salut communicationnel de l’UE passerait par les réseaux sociaux numériques, du moins dans leur utilisation actuelle qui tend à s’adresser essentiellement aux acteurs déjà mobilisés sur le sujet. »

Quelle est la stratégie de communication digitale de la Commission européenne aujourd’hui et demain ?

Lors d’un « lunchtime breafing » jeudi dernier au Comité des Régions, les principaux responsables de la communication digitale de la Commission européenne ont présenté leur stratégie de « transformation digitale : mobile, web, social » pour aujourd’hui et demain…

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La stratégie de rationalisation de la présence en ligne de la Commission européenne

Servant plus de 35 millions de visites par mois (plus d’un million par jour…) sur les plus de 460 sites identifiés en 2012, l’équipe digitale mène un vaste chantier de rationalisation en partant des usages, et notamment de l’importance du mobile à la fois la plus forte fréquentation (35%) et la plus longue (147 min).

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6 tâches prioritaires

A partir d’un sondage réalisé en ligne auprès des publics fréquentant les sites de l’UE, la Commission a dégagé 77 tâches, dont 6 tâches prioritaires orientent la restructuration de la présence en ligne, autour donc de :

  • Lois et traités européens, jugements
  • Recherche et innovation
  • Financements, aides et subventions
  • Education et formation
  • Stratégies et politiques prioritaires de l’UE
  • Protection environnementale

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14 clusters prioritaires

Au niveau des contenus, l’exercice de « clusterisation », i.e. de regroupement des activités de la Commission en fonction de thèmes transversaux à aboutis à la définition de 14 clusters prioritaires, qui nécessite en moyenne l’intervention d’une douzaine de services différents.

1 plateforme unique régulièrement actualisée

À terme, la présence digitale de la Commission européenne se concentrera sur une seule plateforme – un CMS commun – permettant de faciliter et mutualiser la production, ald diffusion mulitcanal et l’actualisation des contenus de manière à la fois pertinente, cohérente et à moindre frais.

La stratégie de socialisation de la présence en ligne de la Commission européenne

Avec pas moins de 27 Commissaires sur Twitter, 17 sur Facebook et 11 « bloggeurs », les responsables politiques tirent la socialisation de l’institution et humanise la communication de l’UE auprès des Européens.

La présence « corporate » de la Commission européenne est également en progression avec des commuanutés variant de 1.5 million sur Google+, 400.000 sur Facebook, 300.000 sur Twitter et 180.000 sur LinkedIn.

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Chaque réseau social répond à des usages et des publics précis, que la Commission européenne sert avec différents contenus produits en fonction de 3 critères : est-ce utile ? est-ce une « breaking news » ? et est-ce un « good story » ?

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La communication « sociale » de la Commission européenne autour du plan d’investissement de Juncker illustre la diversité des actions menées entre live-tweets du discours au Parlement européen et de la conférence de presse, curation de listes et de hashtags sur Twitter ou animation d’un groupe sur LinkedIn.

Au total, la « transversalisation » de la communication en ligne au sein de la Commission européenne représente le principal challenge pour les prochaines années, et à fortiori vers une communication en ligne unifiée avec les autres institutions européennes.

Quelles sont les innovations des médias sociaux dans la communication politique européenne ?

L’innovation dans les réseaux sociaux n’est pas forcément là où tout le monde l’imagine. C’est l’idée forte que Sandrine Roginsky explore dans « Social Network Sites: An Innovative Form of Political Communication? » en observant les pratiques « réelles » des eurodéputés dans les médias sociaux en dehors des élections au Parlement européen…

Les eurodéputés, des « bricoleurs » créatifs dans les médias sociaux

D’un simple outil de propagande électorale à un canal permanent de communication, les eurodéputés et leurs assistants ont “bricolé” leur communication dans les médias sociaux.

Au lieu d’utiliser les médias sociaux comme l’envisagerait une certaine vulgate « participativiste », les eurodéputés ont innové de manière inattendue ou difficile à anticiper :

  • Plutôt que de communiquer avec “l’homme de la rue”, les eurodéputés échangent avec des audiences spécifiques (journalistes, militants européens et experts) ;
  • Plutôt que de mener des conversations, les eurodéputés monitorent les interactions et les thèmes clés.
  • Plutôt que d’engager le débat, les eurodéputés récupèrent, éditorialisent et de distribuent du contenu, tout comme le font les journalistes professionnels.

Des pratiques journalistiques émergentes dans les médias sociaux

L’utilisation des médias sociaux par les eurodéputés les conduit à effectuer des tâches journalistiques (veille, curation, éditorialisation…) dans leur communication politique en ligne.

Autrement dit, les eurodéputés aujourd’hui sont des professionnels de la politique qui par leur utilisation des réseaux sociaux sont intégrés aux changements du système médiatique faisant dans lequel chacun devient son propre média.

Nouvelles technologies, vieilles habitudes : au-delà du discours de l’innovation

La thématique de l’innovation est souvent une rhétorique essentielle à la construction du leadership politique. Aussi, les médias sociaux sont présentés comme des outils innovants pour la communication politique et leurs utilisateurs comme des innovateurs.

Mais, les médias sociaux sont la continuation de la communication politique traditionnelle par d’autres moyens. Leur objectif est bien de répandre des informations ou des messages politiques à un public plus large et plus ciblée.

De 30 secondes pour la TV à 140 caractères sur Twitter, les contraintes éditoriales pour les politiciens des médias sociaux ne sont pas très éloignées de celles des médias traditionnels, comme la télévision, les journaux et la radio.

Le contexte hors ligne a un impact direct sur le contenu en ligne

La technologie n’est pas novatrice par nature. C’est la façon dont elle est utilisée dans un contexte spécifique qui apporte l’innovation.

Dans la pratique, les eurodéputés sont limités non pas tant par les contraintes techniques des médias sociaux, mais plutôt par les contraintes éditoriales du système des médias traditionnels et des nouveaux médias ainsi que par le système politique et les institutions dans leur ensemble.

Le volume ainsi que la nature hautement technique de l’information européenne ne se traduit pas facilement dans des messages publiables dans les médias sociaux et la conversation est forcément limitée à un public restreint de « connaisseurs ».

En d’autres termes, la communication en ligne est limitée par le contexte hors ligne : les eurodéputés sont confrontés à la difficulté de rendre leurs activités « transmissibles » dans les médias sociaux.

Conclusion : les médias sociaux sont à la pointe de la transformation rapide de la production de l’information politique. Grâce à l’utilisation des médias sociaux, l’information journalistique des médias et la communication politique tendent à converger.