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10 raisons expliquant la fin du déficit démocratique de l’UE

Abondamment dénoncé à l’époque des référendums de ratification du projet de Constitution pour l’Europe (2 échecs en France et aux Pays-Bas) puis du traité de Lisbonne en Irlande, le déficit démocratique de l’UE ne peut sérieusement plus être aujourd’hui invoqué – quoique l’UE ne soit pas exempte de tout reproche – sauf à plaider pour un deux poids, deux mesures entre les principes démocratiques européens et nationaux. Pourquoi l’exemplarité démocratique de l’UE est au moins telle que celle de ses Etats-membres ?

1. Participation électorale : normalité de l’abstention aux élections européennes

Comparé aux élections présidentielles américaines – tant commentées – ou à certains scrutins dans les Etats-membres, le taux d’abstention aux élections européennes qui dépasse les 50% ne constitue pas en soi un argument décisif justifiant un déficit démocratique de l’UE plus ample que le déficit démocratique d’un maire ou d’un député élu avec une participation encore plus faible.

2. Transparence du lobbying : banalité du registre de la transparence

Comparé aux pratiques nationales, l’avancement du Parlement européen en matière de régulation du lobbying est incontestable. La centaine de représentants d’intérêt sur le registre de l’Assemblée nationale est sans commune mesure avec les plus de 6000 inscrits sur le registre non obligatoire de l’UE.

3. Accès aux documents : ancienneté de la limitation du secret administratif

Depuis 2001, un règlement régule l’accès du public aux documents de l’UE. A quatre exceptions près [lorsque la divulgation des documents peut porter atteinte à la sécurité publique, à la défense et aux affaires militaires, aux relations internationales ou à la politique monétaire, financière ou économique], tous les documents des institutions européennes sont par définition publics.

4. Transparence de l’argent public européen : exhaustivité des données

La destination des fonds publics européens et les bénéficiaires des marchés publics de la Commission européenne font l’objet d’une abondante documentation en ligne, pour ce qui concerne les dernières années.

5. Open data : nouveauté de l’action européenne

Depuis 2003, une directive porte sur la réutilisation des informations du secteur public destinée à faciliter le mouvement d’ouverture des données publiques de l’Union européenne. Un portail rassemblant plus de 6000 jeux de données est disponible en ligne.

6. Régulation des conflits d’intérêt : démission préventive d’un Commissaire

L’affaire du Dalligate, ce Commissaire maltais John Dalli obligé de démissionner à cause d’une simple présomption de conflits d’intérêt en lien avec la directive sur le tabac illustre même jusque dans ses excès la régulation des conflits d’intérêt au sein des institutions européennes.

7. Contrôle démocratique : motion de censure du Parlement européen

Non seulement, le Parlement européen donne son accord lors de la désignation d’une nouvelle Commission – les députés européens  peuvent désapprouver le choix d’un Commissaire, comme ce fut le cas avec l’italien Rocco Buttiglione en 2004 – mais en plus le Parlement européen peut également forcer la Commission à démissionner en cours de mandat, ce qui ne fut pas nécessaire à la démission de la Commission Santer en 1999.

8. Responsabilité politique : innovation dans le choix du Président de la Commission

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le choix du Président de la Commission européenne « doit prendre en compte le résultat des dernières élections européennes » – ce qui constitue tout l’enjeu du prochain scrutin et l’importance des têtes de liste de chaque formation politique européenne.

9. Droit d’initiative : intégration des avis des citoyens

Les citoyens peuvent influer sur les propositions de futures législations européennes, dont l’initiative est entre les mains de la Commission. Là encore grâce à une innovation introduite dans le traité de Lisbonne donnant un droit d’initiative politique à au moins un million de citoyens de l’Union.

10. Consultation publique : participation des citoyens

En amont de nouvelle législation, la Commission réalise régulièrement des consultations publiques, qui permettent aux parties prenantes, i.e. aux groupes d’intérêt le plus souvent de faire connaître leurs positions. Ces consultations sont également accessibles et ouvertes aux citoyens.

Au total, l’exemplarité démocratique de l’UE, sans pour autant être exceptionnelle et sans difficulté n’en demeure pas moins aussi exigeante sinon davantage que celle de la plupart des Etats-membres.

Quel est l’état de la transparence dans la communication de l’Union européenne ?

Résoudre le déficit démocratique de l’UE passe par un double mouvement d’ouverture des institutions européennes et d’intérêt des citoyens européens pour la construction européenne. Ces deux tendances – que Michaël Bruggemann qualifie de « promesses du dialogue et de la transparence » sont au cœur de la communication de l’UE. Qu’en est-il de la transparence aujourd’hui ?

Ouverture accrue mais encore limitée des réunions au sein des institutions européennes

Face à ce premier critère de transparence – l’ouverture des réunions – les institutions européennes y parviennent irrégulièrement.

Traditionnellement, seul le Parlement européen, représentant les citoyens, tient des réunions publiques tandis que la Commission et le Conseil se réunissent à huis clos.

Plus particulièrement, le Conseil est critiqué, car les réunions secrètes permettent aux gouvernements nationaux de mentir sur les politiques qu’ils poursuivent à Bruxelles et de dénoncer l’UE comme bouc émissaire.

Depuis septembre 2006, le nombre de sessions du Conseil et les votes des représentants des gouvernements ont été rendus publics :

  • Aujourd’hui, les rencontres du Conseil avec des décisions législatives sont publiques ainsi que toutes les sessions liées aux politiques qui relèvent du régime de co-décision avec le Parlement européen ;
  • En revanche, il y a toujours un certain nombre de réunions (celles qui n’ont pas de décisions législatives) qui ne sont pas publiques.

Du côté de la Commission, les réunions du Collège des Commissaires ne sont pas publiques, mais les comptes rendus sont intégralement mis en ligne.

Par ailleurs, l’utilisation massive de Twitter parmi les Commissaires tend à réduire l’opacité. Lors de l’annonce des recommandations économiques de la Commission européenne récemment, deux Commissaires ont rompu l’embargo et annoncé ce qui allait être annoncé concernant leur propre pays.

Un droit général récent mais partiel d’accès aux documents

Jusqu’en 2001, il n’existe aucun droit pour les citoyens d’accéder aux documents officiels de l’UE. Désormais, la législation de l’UE octroie un droit général d’accès aux documents à tous les résidents de l’UE.

Un refus d’accès aux documents ne peut être justifié qu’en référence aux exceptions prévues dans le règlement. Les exceptions concernent des raisons de sécurité publique, de garder le secret professionnel et la vie privée, mais aussi des pans entiers de politique (finances et économie) sont exemptés.

Au-delà de ces exceptions, la principale critique porte sur le fait que les institutions européennes sont autorisées à rejeter l’accès à des documents dont la publication serait « une grave atteinte » au processus de prise de décision interne des institutions de l’UE. Une porte ouverte à de nombreuses exceptions discrétionnaires.

Un Registre public mais non-exhaustif des documents officiels de l’UE

Avant dernier critère d’évaluation de la transparence de l’UE, l’accès pratique aux documents. En effet, pour demander un document, il faut encore pouvoir être en mesure de savoir quel(s) document(s). Par conséquent, la transparence des règlements oblige les institutions de l’UE à créer des registres publics de l’ensemble de leurs documents.

Chaque institution dispose de sa propre base de données :

Au total, selon Michaël Bruggemann, « la Commission, à la différence du Parlement européen et du Conseil, n’a pas toujours de bons résultats dans l’application des règles ».

Et, il ne faut pas négliger de nombreux autres registres :

Mise en œuvre pratique plutôt limitée de la transparence

Certes, tous ces registres sont publics et accessibles en ligne. Certes, les institutions européennes publient régulièrement des rapports sur l’état de la mise en œuvre de la réglementation en matière de transparence.

Mais, la mise en œuvre pratique de la procédure de transparence est plutôt limitée. Il n’est pas surprenant que les citoyens ordinaires ne sont pas les principaux utilisateurs de ce type de procédure. Lobbyistes, représentants d’ONG, juristes, scientifiques et représentants d’autres institutions publiques sont les principaux utilisateurs des règles de transparence.

Un groupe important est représenté avec moins de trois pour cent des demandes : les journalistes, qui ne peuvent pas attendre pour accéder aux documents.

L’état de la transparence dans l’UE est donc ambivalent. Certes, l’UE est l’une des institutions publiques les plus transparentes au monde. Mais au vue de la mise en œuvre des règles de transparence, il semble encore trop tôt pour parler d’un changement fondamental de paradigme politique.

Une coexistence de règles strictes d’ouverture de l’accès à l’information et de traditions liées à la culture des arcanes bureaucratiques limitant leur mise en œuvre demeure.

Comment les parlements nationaux redeviennent des acteurs naturels de l’UE ?

Le traité de Lisbonne favorise une association plus étroite des Parlements nationaux à la vie de l’UE en renforçant leur possibilité d’intervenir dans le processus de décision européen. Les Parlements nationaux deviennent les gardiens du contrôle de subsidiarité : il leur incombe désormais d’alerter les Etats -et les opinions- si l’UE dépasse le cadre de ses attributions. Le contrôle de subsidiarité fonctionne-t-il ? Par ce mécanisme, les Parlement nationaux redeviennent-ils des acteurs naturels capables d’« infiltrer » de la dimension européenne dans la sphère publique nationale ?

Quel bilan du rôle de vigie des Parlements nationaux ?

Le mécanisme de contrôle de la subsidiarité confère aux Parlements nationaux le droit d’émettre un avis pour savoir si les projets d’actes législatifs de la Commission européenne qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l’UE respectent le principe de subsidiarité.

En 2011, selon le 19e rapport « Mieux légiférer », la Commission a reçu 64 avis motivés des parlements nationaux, soit une augmentation de 75 % par rapport à 2010, 1e année d’existence du mécanisme de contrôle de la subsidiarité.

En dépit de cette augmentation, ces 64 avis motivés au sens du protocole, c’est-à-dire mentionnant une violation du principe de subsidiarité portant sur 28 propositions différentes de la Commission ne représentent que 10 % environ des 622 avis reçus au total par la Commission en 2011 dans le cadre de son dialogue politique avec les Parlements nationaux.

La majorité des avis motivés était centrée sur des propositions législatives dans les domaines de la fiscalité, de l’agriculture, du marché intérieur et de la justice.

En 2011, le Riksdag suédois, la Chambre des Députés de Luxembourg (chambre basse) et le Sejm et le Senat polonais (chambre basse et chambre haute) ont été les parlements nationaux les plus actifs pour émettre des avis motivés. Portugal, Italie et Roumanie sont également assez actifs, tandis que la France est à la traine avec 3 avis de l’Assemblée nationale et 2 avis du Sénat. La Slovénie n’a pas transmis d’avis à la Commission.

Certes, en 2011, aucune proposition de la Commission n’a donné lieu à l’activation de la procédure dite du «carton jaune» – si les seuils de déclenchement étaient atteints, la Commission devrait alors décider de maintenir, de modifier ou de retirer sa proposition.

Mais, en 2012, selon la Commission des Affaires européennes du Sénat, le « carton jaune » fonctionne pour la 1e fois : il y a eu un tiers des Parlements nationaux pour contester une proposition de la Commission européenne qui concerne le droit de grève des travailleurs détachés dans le cadre d’une prestation de services. La Commission européenne doit donc réexaminer son texte.

Quelle leçon sur l’usage de ce nouveau pouvoir des Parlements nationaux en matière européenne ?

Le contrôle de subsidiarité constitue un élément utile du processus d’élaboration des politiques de l’UE au cours de la phase pré-législative. Les Parlements nationaux sont associés très en amont aux futures législations européennes.

La manière dont la majorité des Parlements nationaux utilisent le contrôle de la subsidiarité illustre le caractère essentiellement politique de ce nouvel instrument. Ce pouvoir est pleinement mis à profit par les Parlements nationaux pour avoir leur mot à dire dans le processus de décision européen.

Au total, le contrôle de la subsidiarité sert à apporter plus de transparence et contribue à amener les politiques de l’UE dans le débat public des États membres et, souhaitons le, à sensibiliser les opinions publiques.

La communication européenne en 2012 : bilan sur la transparence des budgets

Dans le cadre d’une série rétrospective sur la communication européenne en 2012, Lacomeuropéenne synthétise les informations publiées tout au long de l’année. Quel bilan en matière de transparence des budgets ?

Transparence sur les budgets de la communication de l’UE

Depuis sa création en 2006, la Direction Générale Communication (DG COMM) de la Commission européenne voit son budget réduire pour la première fois en 2012, même si la baisse est symbolique (- 0.6%), en passant à 104 625 000 € (-675 000€). Par ailleurs, les dépenses de la DG COMM en 2011 s’élèvent à 153 488 557€.

Grâce au registre de la transparence de l’UE, les principaux bénéficiaires de l’argent public européen en matière de communication ont pu être étudié entre 2007 et 2010, pour un montant global approximatif de 400 millions d’euros sur les 4 ans.

Les budgets des campagnes de communication de la Commission européenne en 2011 révèlent que l’UE n’a mené qu’une seule véritable campagne pan-européenne de communication avec un budget de 24,4 millions d’euros pour la campagne de communication « les ex-fumeurs, rien ne les arrête » de la Direction Générale à la santé et aux consommateurs (DG SANCO).

Sinon, la Présidence danoise du Conseil de l’UE au 1er semestre 2012 s’est présentée comme une présidence sobre résolument d’austérité avec un budget « low-cost » de 35 millions d’euros – à comparer avec le budget de la Présidence française de l’UE en 2008 qui reste à ce jour la plus chère de l’histoire avec un budget de 171 millions d’euros.

Transparence sur les budgets du lobbying auprès de l’UE

Toujours grâce au registre de la transparence, une étude des plus importants cabinets de lobbying européen montre que 65,5 millions d’euros ont été dépensé en 2011 par les 35 plus gros cabinets de lobbying européen.

Une autre étude sur l’impact chiffré de l’UE à Bruxelles montre que cela représente 13 à 14 % de l’emploi et du PIB bruxellois, soit environ 100 000 postes, dont 30 000 dans les institutions européennes, 15 à 20 000 lobbyistes, 5 000 diplomates et environ 1 000 journalistes.

Enfin, le 1er bilan du registre de transparence de l’UE mesure près de 5 500 inscrits, dont 50% de lobbyistes/représentants d’intérêts privés soit une estimation de 27 000 représentants d’intérêts au total.

Ainsi, la communication européenne en 2012 a particulièrement progressé en matière de transparence, notamment sur les budgets.

Quel bilan pour le registre de transparence de l’UE ?

Lancé le 1er juillet 2011, le registre de transparence commun à la Commission et au Parlement européen publie son rapport annuel : chiffres clés, qualité des informations, résultats de la consultations, évolutions… que faut-il retenir ?

Bilan chiffré : près de 5 500 inscrits, 50% de lobbyistes – représentants d’intérêts privés soit une estimation de 27 000 représentants d’intérêts

Au 22 octobre 2012, le registre de transparence compte 5 431 organisations enregistrées :

  • près de la moitié (48 %) dans la catégorie des « Représentants et groupements professionnels », les lobbyistes ;
  • l’autre moitié est composée d’ONG, de think-tank et de représentations publiques, notamment les institutions locales.

La Commission évalue ainsi que « plus de 27 000 représentants d’intérêts » sont inscrits sur le registre de transparence. Une nouvelle estimation à la hausse de l’importance du lobbyisme à Bruxelles.

Par ailleurs, le site web du registre de transparence reçoit une moyenne de 7 000 visiteurs uniques chaque mois.

Qualité mesurée : 60% des contrôles aléatoires de qualité sont problématiques, mais une seule radiation

Depuis mars 2012, plus de 400 contrôles de qualité, soit 15 par semaine ont été effectués. En moyenne, 60% des contrôles aléatoires constatent des données « problématiques », c’est-à-dire incomplètes ou inexistantes.

Pour autant, seul 5 plaintes ont été traitées et seul un cas a débouché sur une radiation du registre.

Vers un « pacte de transparence » ? Enjeux du registre : le caractère obligatoire et les avantages pour les inscrits

Dans le communiqué, Rainer Wieland, vice-président du Parlement européen « invite tous les acteurs engagés dans la représentation d’intérêts au niveau de l’UE à signer ce “pacte de transparence” ». Que faudrait-il entendre par cette notion de pacte ?

Tirant le bilan de la consultation publique menée pendant l’été 2012 (5% des inscrits y ont participé), le rapport demande à ce que des aspects concrets soient pris en compte dans l’examen de l’année prochaine :

1. Le caractère volontaire ou obligatoire de l’enregistrement : réclamé par les ONG pour véritablement assurer la transparence – quoique la Commission considère que la pression sur l’image soit une coercition non virtuelle – le caractère contraignant risque de ne pas avancer faute de texte européen. D’ailleurs, le rapport note qu’« aucun participant à la consultation publique ne fournit d’indication sur la signification juridique réelle d’un « registre obligatoire » ».

2. Les avantages pour les inscrits : souhaitée par une majorité écrasante des inscrits, la façon d’accroître les avantages pour ceux qui sont inscrits par rapport aux non-inscrits semble également timidement pris en compte par le rapport qui préconise vaguement « une utilisation active du système par le personnel et les membres des deux institutions en leur fournissant des orientations sur le registre et des mesures de sensibilisation à l’utilisation du registre auprès d’autres instances, organes et agences de l’UE ».

Au total, le 1er rapport sur le registre de transparence est instructif tant par ses données chiffrées (évaluation globale des lobbyistes et qualité moyenne de l’information) que par ses enjeux (caractère hypothétiquement obligatoire et avantages très immatériels  pour les inscrits).