Résoudre le déficit démocratique de l’UE passe par un double mouvement d’ouverture des institutions européennes et d’intérêt des citoyens européens pour la construction européenne. Ces deux tendances – que Michaël Bruggemann qualifie de « promesses du dialogue et de la transparence » sont au cœur de la communication de l’UE. Qu’en est-il de la transparence aujourd’hui ?
Ouverture accrue mais encore limitée des réunions au sein des institutions européennes
Face à ce premier critère de transparence – l’ouverture des réunions – les institutions européennes y parviennent irrégulièrement.
Traditionnellement, seul le Parlement européen, représentant les citoyens, tient des réunions publiques tandis que la Commission et le Conseil se réunissent à huis clos.
Plus particulièrement, le Conseil est critiqué, car les réunions secrètes permettent aux gouvernements nationaux de mentir sur les politiques qu’ils poursuivent à Bruxelles et de dénoncer l’UE comme bouc émissaire.
Depuis septembre 2006, le nombre de sessions du Conseil et les votes des représentants des gouvernements ont été rendus publics :
- Aujourd’hui, les rencontres du Conseil avec des décisions législatives sont publiques ainsi que toutes les sessions liées aux politiques qui relèvent du régime de co-décision avec le Parlement européen ;
- En revanche, il y a toujours un certain nombre de réunions (celles qui n’ont pas de décisions législatives) qui ne sont pas publiques.
Du côté de la Commission, les réunions du Collège des Commissaires ne sont pas publiques, mais les comptes rendus sont intégralement mis en ligne.
Par ailleurs, l’utilisation massive de Twitter parmi les Commissaires tend à réduire l’opacité. Lors de l’annonce des recommandations économiques de la Commission européenne récemment, deux Commissaires ont rompu l’embargo et annoncé ce qui allait être annoncé concernant leur propre pays.
@laszloandoreu annonce en Hongrois @eu_commission recommande sortie HOngrie procédure déficit excessif Ouf @Antonio_Tajani plus tout seul
— Christian Spillmann (@CSpillmann) May 29, 2013
Un droit général récent mais partiel d’accès aux documents
Jusqu’en 2001, il n’existe aucun droit pour les citoyens d’accéder aux documents officiels de l’UE. Désormais, la législation de l’UE octroie un droit général d’accès aux documents à tous les résidents de l’UE.
Un refus d’accès aux documents ne peut être justifié qu’en référence aux exceptions prévues dans le règlement. Les exceptions concernent des raisons de sécurité publique, de garder le secret professionnel et la vie privée, mais aussi des pans entiers de politique (finances et économie) sont exemptés.
Au-delà de ces exceptions, la principale critique porte sur le fait que les institutions européennes sont autorisées à rejeter l’accès à des documents dont la publication serait « une grave atteinte » au processus de prise de décision interne des institutions de l’UE. Une porte ouverte à de nombreuses exceptions discrétionnaires.
Un Registre public mais non-exhaustif des documents officiels de l’UE
Avant dernier critère d’évaluation de la transparence de l’UE, l’accès pratique aux documents. En effet, pour demander un document, il faut encore pouvoir être en mesure de savoir quel(s) document(s). Par conséquent, la transparence des règlements oblige les institutions de l’UE à créer des registres publics de l’ensemble de leurs documents.
Chaque institution dispose de sa propre base de données :
- le registre du Parlement européen est le plus « ergonomique » avec plusieurs critères (date, auteur, référence) ;
- le registre de la Commission européenne est le plus complexe avec des critères tels que la version du document ;
- le registre du Conseil de l’UE est le plus obscure avec une recherche sémantique hasardeuse ou avec la cote du document, forcément limité aux spécialistes.
Au total, selon Michaël Bruggemann, « la Commission, à la différence du Parlement européen et du Conseil, n’a pas toujours de bons résultats dans l’application des règles ».
Et, il ne faut pas négliger de nombreux autres registres :
- les analyses d’impact de la Commission – réalisées avant toute nouvelle proposition de législation ;
- le registre des groupes d’experts de la Commission – participant à l’élaboration des propositions de la Commission et des actes délégués ;
- le registre de la comitologie – la Commission étant souvent habilitée à mettre en œuvre la législation européenne avec l’aide de comités composés de représentants des États membres de l’UE.
Mise en œuvre pratique plutôt limitée de la transparence
Certes, tous ces registres sont publics et accessibles en ligne. Certes, les institutions européennes publient régulièrement des rapports sur l’état de la mise en œuvre de la réglementation en matière de transparence.
Mais, la mise en œuvre pratique de la procédure de transparence est plutôt limitée. Il n’est pas surprenant que les citoyens ordinaires ne sont pas les principaux utilisateurs de ce type de procédure. Lobbyistes, représentants d’ONG, juristes, scientifiques et représentants d’autres institutions publiques sont les principaux utilisateurs des règles de transparence.
Un groupe important est représenté avec moins de trois pour cent des demandes : les journalistes, qui ne peuvent pas attendre pour accéder aux documents.
L’état de la transparence dans l’UE est donc ambivalent. Certes, l’UE est l’une des institutions publiques les plus transparentes au monde. Mais au vue de la mise en œuvre des règles de transparence, il semble encore trop tôt pour parler d’un changement fondamental de paradigme politique.
Une coexistence de règles strictes d’ouverture de l’accès à l’information et de traditions liées à la culture des arcanes bureaucratiques limitant leur mise en œuvre demeure.
Chez le Médiateur européen nous traitons beaucoup de plaintes liées à la transparence et les demandes d’acces aux documents.
Si vous avez demandé acces à un document et l’institution refuse, vous pouvez demander au Médiateur de faire un enquête. Voici un exemple d’un cas recent: http://www.ombudsman.europa.eu/fr/press/release.faces/fr/49424/html.bookmark
Notre guide interactive peut aussi vous aider à trouver une solution si vous avez un problème avec une des institutions euriopéennes: http://www.ombudsman.europa.eu/atyourservice/interactiveguide.faces
Anne (Twitter: @AnneCbxl)