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Communication du Parlement européen entre démocratie représentative et démocratie participative

La communication du Parlement européen est confrontée à un paradoxe : d’une part, elle cherche à combler le déficit démocratique en favorisant une gouvernance participative, et d’autre part, elle doit préserver sa légitimité démocratique traditionnelle basée sur la démocratie représentative. Pour répondre à ce défi, le Parlement européen investit massivement le web social interactif, mais il doit également envisager d’autres formes de démocratie participative, telles que les panels citoyens et les conférences citoyennes, tout en explorant toutes les opportunités disponibles.

Le rôle du web social dans la communication interactive du Parlement européen

Le web social a offert au Parlement européen un moyen efficace d’atteindre un large public et d’encourager l’interaction directe avec les citoyens. Cette approche s’inscrit dans le cadre de la démocratie participative, qui vise à favoriser l’engagement et la participation des citoyens dans les processus de prise de décision. Cependant, le web social ne représente qu’une facette de la démocratie interactive, et il est nécessaire d’explorer d’autres mécanismes pour une participation citoyenne plus diversifiée.

Le renouvellement démocratique de la participation citoyenne

La démocratie participative ne se limite pas uniquement à l’engagement en ligne sur les réseaux sociaux. Elle peut également inclure des événements tels que les panels citoyens et les conférences citoyennes, qui permettent une participation plus directe et approfondie des citoyens. Ces initiatives offrent un espace de délibération où les citoyens peuvent discuter de questions politiques complexes et formuler des recommandations. En intégrant ces mécanismes dans sa communication, le Parlement européen peut renforcer sa légitimité démocratique en permettant une participation citoyenne plus inclusive et éclairée.

L’exploration de toutes les opportunités technologiques

Outre le web social, le Parlement européen doit envisager toutes les opportunités technologiques pour améliorer sa communication et sa participation citoyenne. Les nouvelles technologies, telles que le web3, les métavers, les NFT, les médias immersifs et les IA générationnelles, offrent des moyens innovants de faciliter l’interaction entre les citoyens et les institutions. Ces technologies peuvent favoriser une plus grande transparence, faciliter l’accès à l’information et encourager la participation citoyenne à tous les niveaux de la gouvernance européenne. Le Parlement européen doit donc être à l’avant-garde de l’exploration et de l’adoption de ces nouvelles opportunités technologiques.

L’équilibre de légitimité entre démocratie représentative et démocratie participative

Pour préserver sa légitimité démocratique, le Parlement européen doit trouver un équilibre entre la démocratie représentative et la démocratie participative. La démocratie représentative reste essentielle pour garantir la représentation de tous les citoyens et la prise de décision collective. Les élections européennes continuent d’être un moyen fondamental de participation citoyenne. Cependant, en complément de la démocratie représentative, la démocratie participative permet une participation plus directe et informée des citoyens. En combinant ces deux formes de démocratie de manière complémentaire, le Parlement européen peut renforcer sa légitimité démocratique et répondre aux attentes des citoyens européens.

Favoriser une participation plus inclusive et éclairée, et préserver sa légitimité démocratique traditionnelle répondant aux attentes des citoyens européens et contribuant à combler le déficit démocratique de l’UE. En explorant les nouvelles opportunités technologiques telles que le web3, les métavers, les NFT, les médias immersifs et les IA générationnelles, le Parlement européen peut enrichir sa communication et renforcer son engagement avec les citoyens, tout en naviguant habilement entre démocratie représentative et démocratie participative.

Au total, le Parlement européen est confronté à un défi complexe dans sa communication : comment préserver sa légitimité démocratique tout en favorisant la démocratie participative à travers le web social et d’autres formes de participation citoyenne au travers d’une communication qui renforce la relation de l’Union avec les citoyens ?

Élections européennes : risques et opportunités pour lutter contre le déficit d’intelligibilité

Dans le cadre du projet « Supporting Engagement in European Elections and Democratic Societies » (SEEEDS), une discussion des différents facteurs, qui influenceront le déroulement et le résultat des prochaines élections européennes permet de faire le tour des enjeux du scrutin.

Challenges et menaces

Pour faire le tour des problématiques, c’est Ingibjörg Sólrún Gísladóttir, ancienne ministre des Affaires étrangères d’Islande et ancienne directrice du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE qui mentionne le risque de « backsliding », de rétrograder qui pourrait être une menace existentielle mobilisant les électorats européens :

  1. Participation électorale : premier enjeu, le risque de déconnexion entre l’UE et les citoyens
  2. Manque de confiance dans les élus européens, en particulier après le scandale du QuatarGate
  3. Mobilisation des partis populistes face aux solutions insatisfaisantes de l’UE, en particulier sur les migrations
  4. Interférences étrangères en matière de désinformation, dont l’arsenal s’est encore renforcé avec les deepfakes, les contenus générés par les IA ou encore les fake websites
  5. Coût politique de la guerre en Ukraine après le coût économique avec l’inflation
  6. Intégrité du scrutin en termes de cybersécurité
  7. Paysage médiatique, indifférent, polarisé ou parfois menacé selon les États-membres, entre « slap lawsuits » d’un côté mais « cross-border journalism » de l’autre
  8. Impact incertain du Brexit

Vision optimiste

Pour défendre une autre vision, Camino Mortera-Martinez, Responsable du bureau de Bruxelles du Centre for European Reform se charge de plaider les arguments en faveur d’une mise en question du statut d’élections de second rang en raison de la plus faible participation et de la moindre importance en termes politiques :

  • Les premières élections après une pandémie et une guerre, qui ont l’une et l’autre changé pour toujours l’UE vers davantage de décisions décisives et d’unité solidaire.
  • Des nouveaux biens communs publics européens à défendre comme la santé, l’énergie ou la sécurité.

Résorber le déficit d’intelligibilité

Alberto Alemanno, Professeur de droit de l’Union européenne à la chaire Jean Monnet de HEC Paris, souligne que le traité de Lisbonne prévoit un modèle de démocratie parlementaire majoritaire qui fait l’objet d’incertitude, c’est ce déficit d’intelligibilité qui doit être corriger.

La préoccupation principale porte sur la participation électorale, dont l’érosion inéluctable a été corrigée lors du dernier scrutin, mais qui risque de se dégrader en raison du manque d’européanisation du process politique – les élections européennes demeurent des élections nationales dans leurs organisations de la compétition des candidats nationaux.

La réponse de l’UE qui manque d’ambition en réponse au scandale du QuatarGate, risque d’impacter à la baisse la confiance des citoyens dans les institutions européennes.

Le statut d’agent étranger, prévu dans le « package démocratique » en vue des élections européennes pour lutter contre les manipulations étrangères de l’opinion, risque d’entretenir un état d’esprit anti-ONG.

La gestion des entorses à l’état de droit, qui met en question le système de la justice de manière plus sensible pour les citoyens, n’est là encore pas à la hauteur avec des mécanismes de conditionnalités qui n’envoient pas le bon signal aux gouvernements.

Certes, un vent d’opportunité sans précédent souffle sur l’Europe, avec une demande de connaissance accrue et des expériences de vie partagées autour de la gestion de la pandémie ou du conflit en Ukraine. Les citoyens regardent dorénavant l’Union européenne comme un apporteur de solutions.

Mais, le narratif autour du scrutin européen est encore trop trivial et banal, en ne reflétant pas assez les vrais enjeux des élections européennes. La responsabilité en incombe particulièrement aux partis politiques européens pour rendre plus intelligible les choix de politiques publiques et européaniser les débats politiques ainsi qu’à la sphère médiatique qui pourrait davantage reporter les mouvements venant de la société, en particulier de la jeunesse plutôt que de se concentrer sur les partis populistes ; sans oublier le rôle de la communication du Parlement européen qui donne des capacités aux acteurs de la société civile de jouer un rôle dans la mobilisation et pour humaniser les élections.

Dorénavant, l’UE joue sa peau dans la vie quotidienne des Européens, aux futures élections européennes d’en confirmer l’impact et l’importance.

Tendances et dynamiques politiques dans l’Union européenne : perspectives pour les élections européennes de 2024

Un an avant les prochaines élections européennes de2024, quelles sont les tendances et dynamiques politiques liées aux projections des dynamiques électorales à anticiper de l’impact des résultats du scrutin sur la répartition du pouvoir au sein des institutions européennes ?

Une reconduction de la coalition centriste, plus à droite ?

Selon une étude de Matrix.eu, dans l’ensemble, la tendance à la baisse des parts de vote des groupes centristes PPE, S&D et Renew, observée depuis 2009, devrait se poursuivre lors des prochaines élections européennes. Les deux groupes les plus importants, PPE et S&D – qui travaillaient exclusivement en coalition dans les mandatures antérieures à l’actuelle – n’obtiendraient qu’un bon 40 % des sièges.

Dans le cadre de la coalition actuelle des trois groupes centristes réunis, les résultats anticipés déboucheraient sur une majorité étroite d’environ 56 % de tous les sièges – sans qu’il n’y ait une majorité de sièges ni à gauche ni à droite du spectre de ces partis. Cependant, en raison du renforcement des conservateurs et des députés européens non affiliés de droite, le spectre politique du Parlement européen serait susceptible de se déplacer davantage vers la droite.

Ce changement de pouvoir aura également un impact sur le positionnement du Parlement européen dans des domaines politiques clés comme les réglementations industrielle ou environnementale ou sociale, le prochain parlement plaidera à l’avenir pour une approche plus orientée vers les recommandations pro-marché des acteurs économiques.

Les majorités au Parlement européen seront encore moins claires après les élections de 2024, posant des défis majeurs aux parties prenantes qui souhaitent faire valoir leur position dans le processus législatif européen.

Un renouvellement inédit des eurodéputés et du personnel politique européen ?

Dans une autre étude de Matrix.eu, les projections tableraient sur un minimum de 55% de nouveaux arrivants au prochain Parlement européen, un niveau de renouvellement très élevé.

En effet, un tiers des députés européens devraient perdre leur siège en raison de changements électoraux (par exemple, leurs partis perdront des sièges lors des prochaines élections). De plus, d’autres députés seront changés en raison du roulement dans les rangs des partis établis. Enfin, le nombre réel pourrait même être plus élevé en raison d’un autre phénomène : la dynamique, qui fait qu’aux élections européennes, les partis fraîchement créés gagnent du terrain dans les sondages à mesure que nous nous rapprochons des élections, envoyant de facto de nouveaux élus siégés au Parlement européen.

Cette proportion élevée du renouvellement des députés européens a des implications importantes (à la fois des risques et des opportunités) pour les parties prenantes, car la plupart des nouveaux arrivants ne seront familiarisés ni avec l’agenda ni avec les procédures des institutions de l’UE pour naviguer dans les subtilités de l’élaboration des politiques bruxelloises.

Affaire à suivre !

Après l’espace public européen, le commun de l’Union

Passé la vision idéaliste habermassienne d’un espace public européen reposant sur l’agir communicationnel et débouchant sur un patriotisme constitutionnel ayant mené à une impasse en Europe faute d’avoir résolu la question de la souveraineté, Jean-Marc Ferry dans « La Raison et la Foi » vise à donner un nouveau contenu politique au projet européen…

Une culture publique commune

Pour le philosophe néo-kantien Jean-Marc Ferry, « ce qui a vocation à être communalisé à l’échelle européenne, ce sont les cultures publiques nationales » au sein d’une culture publique commune à l’Union, qui ne soit ni la seule diversité de juxtaposition, ni la simple proximité des contacts.

Une intégration des communs

Au niveau transgouvernemental, en complément des échanges au sein du Conseil de l’UE qui réunit les ministres, le défi serait de renforcer les échanges à l’échelle des administrations nationales afin de mieux gérer les biens communs publics européens.

Au niveau transparlementaire, avec le Parlement européen, la recommandation serait de renforcer les interconnexions entre les parlements nationaux de l’espace européen, dans les deux sens. La culture parlementaire commune à chaque espace public national sortirait renforcer du partage et du dialogue entre tous les élus parlementaires nationaux et européens.

Au niveau transjuridictionnel, la mise en commun des acquis juridictionnels et des doctrines de droits, en particulier entre les juridictions de dernier recours, permettrait de mieux arbitrer les conflits de normes juridiques suivant le principe de subsidiarité.

Au niveau transmédiatique, l’ouverture des programmations audiovisuelles, en particulier les news nationales, serait la priorité pour fédérer les opinions publiques européennes autour des enjeux communs ; au-delà du respect du pluralisme des intérêts privés, la régulation publique viserait à assurer la qualité et la diversité des genres télévisuels européens.

Au niveau transsociétal, les dialogues social, civil, culturel, artistique devraient être renforcés pour apprendre à partager et apprendre des uns et des autres « en vue d’une intégration enrichissante en même temps que la formation d’un espace de partage de responsabilités » entre membres d’une même société.

Au total, la prise en compte des communs, nouveau paradigme pour le projet de construction européenne, renforcerait la fierté d’appartenance à cette « union sans cesse plus étroite ».

Élections européennes 2024 : les partis politiques européens pourront-ils faire campagne en ligne ?

Le mieux serait-il l’ennemi du bien si l’on en croit le processus d’adoption d’un règlement européen sur la transparence et le ciblage de la publicité à caractère politique, dont les bonnes intentions risquent de saper la capacité à lutter contre l’abstention et faire campagne en ligne et sur les réseaux sociaux…

Quand l’Europe se veut légitimement comme souvent exemplaire

A la suite de la proposition de règlement par la Commission européenne, première étape de toute future législation européenne, les deux autres institutions doivent se positionner sur les points clés de règlementation.

La position du Conseil de l’UE du 13 décembre 2022 sur la publicité à caractère politique se montre ouverte « dans un contexte où les campagnes politiques se déroulent de plus en plus en ligne et par-delà les frontières nationales (…) à promouvoir des normes élevées de transparence dans la publicité à caractère politique dans l’UE, à limiter l’utilisation de la publicité ciblée à des fins politiques et à faciliter la prestation et la surveillance transfrontières de services de publicité à caractère politique ».

Du point de vue des ministres, cette régulation permettrait de lutter contre la désinformation, la manipulation de l’information et l’ingérence dans les élections ainsi qu’à préserver un débat démocratique ouvert dans les États membres de l’UE.

La position du rapporteur au Parlement européen, Sandro Gozi, député européen Renew argumente sur des arguments complémentaires comme « offrir à nos concitoyens plus de transparence et (…) lever les obstacles à la création d’un véritable marché unique dans ce domaine et à construire un environnement favorable aux campagnes transnationales ».

Du point de vue des députés européens, les élections sont proches et les règles doivent être claires et prêtes dans les temps pour le scrutin du printemps prochain.

Le micro-ciblage, le sujet de controverse contentieux

L’interdiction du ciblage et de la diffusion de publicités basées sur des catégories spécifiques de données à caractère personnel définies dans le cadre du règlement général sur la protection des données se révèle à la fois indispensable et problématique :

  • Indispensable, lorsqu’il s’agit d’interdire le ciblage publicitaire sur des critères comme l’origine ethnique, la religion ou les opinions politiques ou bien le ciblage de mineurs ;
  • Problématique, dans la mesure où le micro-ciblage largement interdit conduira les annonceurs à ne pouvoir utiliser seulement que les données personnelles explicitement fournies par les citoyens à cette fin.

Le compromis, adopté en commission parlementaire au sein du Parlement européen, selon certaines sources mentionnées par Euractiv « va trop loin », soulignant que le ciblage est une « partie importante du processus démocratique de formation de l’opinion ».

Pour l’Association des services Internet communautaires, le projet de règlement européen sur l’encadrement des publicités politiques « pourrait limiter la visibilité de tout contenu parlant d’un sujet de société qui serait concerné par un débat en cours devant un parlement », dans une tribune publiée par Libération.

« L’enfer législatif est pavé de bonnes intentions… et parfois les élus, en pensant bien faire, peuvent commettre de lourdes erreurs. C’est ce qui est peut-être en train de se passer à Bruxelles, où l’Union européenne pourrait sans le vouloir porter une atteinte grave à la liberté d’expression et au débat démocratique en ligne. »

La négociation va se poursuivre entre les institutions européennes pour parvenir à un compromis définitif, il est encore possible de trouver une voie médiane entre la position initiale de la Commission européenne, la vision raisonnable du Conseil de l’UE et la position plus maximaliste qui veut laver plus blanc que blanc du Parlement européen.

La publicité des partis politiques et de la société civile, en particulier lors des périodes électorales, participe, qu’on l’apprécie ou qu’on le déteste, à la délibération publique et à la construction d’un espace public européen permettant aux opinions politiques de s’exprimer et de circuler. Le nouveau régime risque de renforcer l’isolement des citoyens et l’éclatement des offres politiques en des groupes homogènes sans relation les uns avec les autres renforçant la polarisation politique et l’ascension aux extrêmes.