Comment lutter contre la désinformation à l’approche des élections européennes ?

À l’approche des élections européennes de 2024, l’érosion de la confiance dans les médias et les sources d’information pourrait porter atteinte à l’intégrité du processus électoral, posant un défi aux valeurs démocratiques sur lesquelles l’UE est bâtie, selon Federica Marconi, du think tank European Policy Centre

Désinformation et dynamique électorale : quels impacts possibles avant les élections ?

L’invasion russe de l’Ukraine comprend aussi des campagnes de désinformation visant à éroder le consensus public sur les politiques nationales et européennes sur les questions énergétiques, le soutien militaire et l’accueil des réfugiés, qui posent des défis de taille aux démocraties contemporaines. L’impact des discours de désinformation sur les prochaines élections au Parlement européen pourrait être important, car chacun d’entre eux exploite des questions polarisantes susceptibles de mobiliser l’opinion des électeurs et de façonner le paysage électoral.

La désinformation peut également éroder considérablement le soutien du public aux politiques européennes et nationales. Le débat sur les réfugiés ukrainiens, même s’il ne figure pas en bonne place dans les campagnes électorales de tous les pays européens, pourrait contribuer à éroder le soutien général de l’opinion publique aux réfugiés en Europe dans un contexte marqué par une crise du coût de la vie. Le fardeau économique croissant du conflit prolongé pourrait réduire la sympathie envers les réfugiés, créant ainsi un terrain fertile pour des sentiments hostiles alimentés par la désinformation.

L’impact de la désinformation sur le discours public et le soutien du public pourrait également avoir des conséquences importantes sur d’autres questions importantes de l’agenda européen, notamment le soutien militaire occidental. Les discours de désinformation entourant la guerre en cours pourraient conduire à des pressions supplémentaires sur les gouvernements pour qu’ils réduisent ou interrompent leur soutien militaire. Cette situation a des implications au-delà de la guerre et au-delà de l’aide militaire, notamment au vu des efforts actuels visant à élargir l’UE à de nouveaux membres.

Une désinformation peut également accroître l’importance des messages climato-sceptiques ou de ceux qui s’opposent aux actions de l’UE. Les citoyens de l’UE se rendront aux urnes en juin 2024 et voteront sur la politique climatique et énergétique du bloc. Les sondages montrent que les inquiétudes concernant le changement climatique, qui ont joué un rôle dans les préférences des électeurs lors des élections européennes de 2019, sont toujours largement répandues parmi les électorats européens. Alors que la transition verte devient de plus en plus politisée, les électeurs pourraient être influencés par des préoccupations plus immédiates concernant l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie. Une désinformation peut non seulement alimenter l’importance de cette question, mais peut également accroître l’importance des messages climato-sceptiques ou de ceux qui s’opposent aux actions de l’UE dans ce domaine.

Au total, les tensions légitimes entre les intérêts nationaux et européens peuvent devenir un champ de bataille politique, avec des discours de désinformation stratégiquement déployés pour promouvoir les programmes des extrémistes au détriment des objectifs collectifs de l’UE.

Renforcer la résilience contre la désinformation à l’approche des élections au Parlement européen de 2024

L’Union européenne joue un rôle central dans la lutte contre la désinformation. Ses initiatives fournissent un élan aux efforts visant à surveiller et à répondre aux menaces associées à la désinformation et à stimuler les processus nationaux en donnant un cadre réglementaire commun aux États membres de l’UE. Ainsi, un groupe de travail sur les élections européennes a été créé pour améliorer la surveillance de la désinformation par l’UE et rend compte de la désinformation et des tendances en matière de désinformation affectant les processus démocratiques.

Les activités réglementaires de l’UE sont également essentielles pour déterminer la meilleure façon d’évaluer le risque de désinformation, qui pourrait mettre en péril l’intégrité des élections de 2024.

La loi sur les services numériques (DSA), l’initiative phare de l’UE dans ce domaine, identifie la désinformation et la manipulation électorale comme des risques systémiques pour les processus démocratiques, le discours civique et les processus électoraux, ainsi que pour la sécurité publique. En vertu du DSA, qui deviendra applicable à partir de mars 2024, les principales plateformes numériques sont tenues d’identifier et de supprimer de manière proactive les faux comptes et les contenus illégaux, contribuant ainsi aux efforts visant à maintenir l’intégrité des processus électoraux. Cependant, des problèmes et des questions subsistent quant à ce que pourrait faire le DSA et à la manière dont il devrait être utilisé. Des préoccupations sont soulevées concernant la modération des contenus de désinformation et son efficacité potentielle sur les plateformes numériques. Dans l’ensemble, le DSA peut apporter des améliorations utiles mais limitées pour lutter contre la désinformation.

Dans le même temps, les prochaines élections européennes ainsi que les futures élections nationales, dans l’UE et au-delà, pourraient être considérablement affectées par les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle. L’Agence de cybersécurité de l’UE a fait part de ses inquiétudes quant aux menaces que pourraient représenter les élections de 2024 en raison des chatbots d’IA et des images et vidéos manipulées par IA dites deepfakes.

L’UE vient de parvenir à un accord politique sur la loi sur l’intelligence artificielle – la première tentative au niveau mondial de réglementer l’IA, d’établir une structure globale qui garantit la clarté, la responsabilité et l’utilisation éthique. La loi sur l’IA pourrait potentiellement renforcer les protections de l’UE contre les menaces émergentes associées aux campagnes de désinformation basées sur l’IA. La nouvelle réglementation imposerait des obligations basées sur le degré de risque posé par le contenu de l’IA (inacceptable, élevé ou limité). Les exigences de transparence obligeraient légalement à divulguer l’utilisation de l’IA dans la production de contenu numérique.

Malgré les initiatives entreprises au niveau de l’UE, la désinformation ne disparaîtra pas et continuera de constituer une menace. La désinformation évolue constamment, s’adapte aux contre-mesures et exploite de nouvelles vulnérabilités. Il faut d’autres initiatives comme des efforts de pré-suppression, qui visent à anticiper la désinformation avant qu’elle ne circule, ainsi que de l’éducation aux médias, en fournissant aux citoyens les compétences nécessaires pour distinguer les faits de la fiction et détecter les contenus manipulateurs. Il s’agit toutefois de stratégies à long terme qui nécessitent des ressources et un engagement et qui ne produiront probablement pas de résultats avant les prochaines élections au Parlement européen.

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