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Quels sont les effets des médias pour la confiance dans l’Union européenne ?

Est-ce que l’information des médias, en particulier la visibilité et la tonalité, joue un rôle dans la confiance des citoyens dans l’Union européenne, selon Anna Brosius, Erika J van Elsas et Claes H de Vreese dans“Trust in the European Union: Effects of the information environment” ?

Pourquoi les citoyens font confiance ou ne font pas confiance à l’UE ?

Du côté des arguments traditionnels, avec d’une part, la « logique d’identité », qui conceptualise la confiance comme une conséquence de l’attachement émotionnel à l’UE et d’autre part, la « logique de rationalité », qui suppose que la confiance des citoyens repose sur des éléments rationnels, des considérations utilitaires relatifs à la performance perçue de l’UE.

L’argument de recherche porte plutôt sur la « logique d’extrapolation », qui envisage que les citoyens fondent leur confiance sur l’UE en fonction de substituts comme par exemple la confiance dans des institutions nationales plus familières.

Comment l’information des médias influe sur la confiance politique dans l’UE ?

Les preuves sur les effets du contenu des médias sur la confiance politique dans l’UE ne sont guère concluantes.

Quelques observations tirées d’une analyse dans une dizaine d’États-membres sur une dizaine d’années tendent à confirmer certaines intuitions : La confiance dans l’UE est plus forte lorsque l’UE est plus visible dans les médias et lorsque la couverture est plus positive. Une couverture négative de l’UE atténue la relation entre confiance dans le gouvernement national et confiance dans l’UE, tandis qu’une couverture positive de l’UE et une visibilité accrue de l’UE amplifient cette relation.

Cependant, la vision trop souvent dominante que les citoyens utilisent les médias pour acquérir des connaissances grâce aux informations – la couverture médiatique aidant les citoyens à porter des jugements plus éclairés sur les institutions européennes – n’est pas toujours vérifiée.

Bien au contraire, tout le monde n’apprend pas des médias en toutes circonstances. Certains citoyens, ceux souffrant d’un manque de connaissances et d’opinions sur l’UE, renforcent leur extrapolation et utilisent le climat médiatique négatif pour redoubler leur défiance.

Même, l’information positive et la visibilité de l’UE exercent une fonction polarisante, qui créé un fossé plus grand entre ceux qui font confiance et ceux qui ne font confiance à aucune institution. Nombreux sont les citoyens qui se méfient des deux institutions – l’UE et les médias – et les médias ne modifient pas leurs opinions.

Principal enseignement pour l’UE et sa communication auprès des journalistes : compte tenu du « déficit de communication » de l’UE et du fait que l’UE ne devient généralement visible dans les médias que pendant les crises, la visibilité de l’UE dans les médias risque de renforcer le jugement de citoyens méfiants dont l’opinion peut difficilement être influencée par le contenu des médias.

Comment rendre l’UE plus visible dans les journaux télévisés ?

« Anti-télévisuel » ! C’est la principale raison de la très faible visibilité des enjeux politiques européens dans les sujets quotidiens des journaux télévisés, selon l’enquête menée par Rémy Broc et Théo Verdier pour la Fondation Jean Jaurès. Comment assurer une meilleure présence de l’Union européenne dans le traitement de l’actualité européenne des journaux télévisés ?

Incarner pour focaliser sur la politique européenne à la télévision

Face à la quasi absence de l’actualité européenne, le contre-exemple de la sur-représentation des États-Unis « prouve que les journaux télévisés sont en mesure de traiter massivement une actualité à la fois éloignée des citoyens français et relative à un système politique étranger ». D’où vient ce miracle ? De la capacité du président américain à incarner son pays et ses politiques.

« L’absence de figures médiatiques représentatives de l’Union apparaît en effet constituer pour les rédactions un des facteurs majeurs de la faible représentation de la politique communautaire dans les journaux télévisés. »

Par conséquent, pour apparaître à la télévision, l’Union européenne doit combler sa carence existentielle et offrir une incarnation de premier plan. Un « président de l’Europe » apparaît d’un point de vue cathodique comme la priorité impérative de l’Union européenne, LA condition sine qua non d’un traitement renforcé des enjeux européens par les journaux télévisés. Peut-on se mettre à rêver ?

Raconter pour fédérer autour des politiques européennes à la télévision

Face aux défis des journaux télévisés généralistes et populaires, confrontés à la concurrence pour l’attention née de la diversification des sources d’information, au désintérêt du public pour les sujets institutionnels et aux méconnaissances des téléspectateurs, l’équation de l’audience se résout en construisant des narrations didactiques qui fédère le plus grand nombre de gens.

« L’actualité de l’Union européenne sous sa forme actuelle apparaît inadaptée aux exigences de l’information télévisée (…) les journaux télévisés ne parviennent pas à présenter à leurs téléspectateurs une juste représentation de la vie politique et de l’action de l’Union européenne. »

Aussi, les efforts de la communication de l’Union européenne auprès des rédactions doivent clairement s’intensifier pour améliorer la couverture paneuropéenne des politiques publiques européenne autour des bénéfices, des résultats, en dehors de Bruxelles, sur le terrain, avec des illustrations concrètes, des exemples accessibles, des récits du quotidien. En clair, les « success stories » racontés par l’UE doivent être d’abord pitchés aux médias audiovisuels.

Faciliter la couverture des actualités européennes

Sujet plus technique, mais fondamental, la question des moyens doit être abordée de front. « Entre la couverture de l’actualité des institutions européennes à Bruxelles et à Strasbourg et les prises de position nationales des États membres, le cadre de la vie politique de l’Union européenne impose aux rédactions d’importantes contraintes sur le plan de la logistique et de la gestion des expertises dans l’organisation de leurs équipes ».

« La couverture de l’actualité européenne demande des moyens conséquents, afin de mobiliser au bon moment et au bon endroit les expertises permettant de « dépasser la scénographie nationale ». »

« En ce sens, l’Union européenne pourrait se poser la question d’un soutien au réseau international des chaînes, dont le modèle économique a minima, reposant sur un réseau de « fixeurs » et de correspondants en free-lance, semble compliquer la couverture approfondie de l’actualité du continent, en dehors de nos voisins directs. »

Décloisonner l’information européenne dans les lignes éditoriales

A plus long terme, la couverture de la politique européenne dans les sujets des journaux télévisés ne passera que par une meilleure organisation des rédactions offrant une place de premier plan aux journalistes, spécialistes des enjeux européens pour insuffler des angles et opérer la transition vers une couverture accrue de la politique européenne.

« A moyens constants, la revalorisation des enjeux européens et de ceux qui les portent dans les rédactions dépasse les seuls journaux télévisés (…) et tiendra à l’engagement éditorial des chaînes dans leur ensemble. »

Au total, les solutions pour répondre au défi majeur de l’actualité européenne à la télévision appartiennent autant aux rédactions, sans n’être qu’une question de moyens, qu’à l’Union européenne, en présumant une volonté ferme de sortir d’une communication pour happy fews.

Euroscepticisme : quel rôle des médias en ligne ?

La participation du public via des commentaires sous les articles de presse en ligne et dans les médias sociaux ajoute une nouvelle dimension à la fabrication de la contestation de l’Union européenne dont le cadrage et le débat sont traditionnellement menés par des publics élitistes (journalistes, universitaires et groupes politiques ou civiques marginaux). Comment la contestation de l’UE est refaçonnée dans la sphère publique numérique, selon Asimina Michailidou dans « The role of the public in shaping EU contestation: Euroscepticism and online news media » ?

Couverture journalistique des questions européennes en ligne : les cadrages uniformisés de l’Europe

L’analyse d’un corpus de plus de 1 500 articles en ligne donne une tendance dans les principaux médias d’information en ligne au fil du temps dans toute l’Europe vers une relative uniformité dans le cadrage de la politique de l’UE :

Non seulement, la politique au jour le jour reçoit beaucoup d’attention des journalistes, en particulier les politiques nationales restent fermement le « cadre » fondamental, les négociations et rivalités des scènes politiques nationales – micropolitique des partis ou ragots sensationnalistes diplomatiques – dominent les cadrages journalistiques.

Mais surtout, les actions des différents décideurs sont présentées comme des faits apparemment « neutres », donc peu commentés ou analysés, ce qui laisse du coup le discours technocratique et les choix collectifs pratiquement incontestés par les journalistes.

La perspective des lecteurs : l’euroscepticisme (re)contextualisé

Cependant, le manque d’intérêt des journalistes pour les implications démocratiques de l’UE contraste avec la manière dont les lecteurs débattent de la politique européenne. Les lecteurs utilisent souvent les forums de commentateurs pour exprimer leur profonde préoccupation face à l’état de la démocratie en Europe et à l’absence de mécanismes de contrôle démocratiques.

Les évaluations négatives de l’UE dominent à travers les pays, quelle que soit la source du débat de l’UE, la position de l’acteur (agissant en qualité de citoyen, représentant politique ou non gouvernemental) ou la portée (nationale/transnationale, UE/étranger) au point d’être un élément unificateur essentiel des sphères publiques en ligne.

Sans pour autant constituer une communauté consciente, qui se réunit consciemment pour débattre de l’état actuel des affaires européennes et de l’orientation future de l’intégration européenne, les sphères d’information en ligne sont néanmoins synchronisées en termes de sentiment public, une sorte de communauté des utilisateurs, unie par son anti-élitisme et sa compréhension de soi qui constituent la voix du peuple et la défense de la démocratie.

L’euroscepticisme est en partie le reflet du cadrage journalistique. Les contributions journalistiques eurosceptiques déclenchent des débats en ligne plus intenses et le ton principal de l’article est amplifié. Le débat devient ainsi de plus en plus homogène en ce sens qu’une voix pro-européenne est quasiment inexistante dans les commentaires des lecteurs.

Les médias en ligne, en particulier les médias sociaux, jouent un rôle dans l’amplification de la contestation de l’UE et du mécontentement populaire de catalyseur en devenant populaires et en restant dans l’œil du public.

Que conclure pour l’espace public européen en ligne ?

Premièrement, les plateformes d’info en ligne reproduisent plutôt que de contester les cadres dominants des médias hors ligne.

Deuxièmement, les échanges publics de lecteurs ne dépendent pas nécessairement des cadres journalistiques et du style de reportage.

Troisièmement, la désaffection vis-à-vis des institutions de l’UE est palpable dans les débats en ligne sur les principaux médias d’information en ligne. L’euroscepticisme diffus n’est plus confiné aux limites de la sphère publique en ligne ou à des acteurs publics spécifiques.

Des sphères publiques en ligne dans l’UE – fragmentées par nationalité – émergent ainsi de manière unifiée grâce à la référence aux mêmes événements / informations et à l’utilisation parallèle des mêmes cadres et interprétations. Les cadres et les thèmes utilisés pour rendre compte des événements politiques de l’UE divisent les publics en « nous et eux », perpétuant ainsi la perspective nationale et un euroscepticisme diffus.

Au total, le cadrage journalistique de la politique de l’UE dans les médias en ligne contribue à approfondir les conflits existants plutôt que la réalisation d’une compréhension commune et donc participe de la dynamique d’un euroscepticisme diffus en ligne.

Élections européennes : quelle couverture médiatique ?

L’émission « du grain à moudre » du 1er mars sur France Culture pose une excellente question : « L’Europe sera-t-elle absente des élections européennes ? ». Tour de table pessimiste mais réaliste entre journalistes européens sur les enjeux des prochaines élections européennes…

Comment traiter l’Europe en campagne ?

Plusieurs angles sont possibles pour des journalistes désireux de proposer des papiers à leur rédaction autour des élections européennes :

La figure de style imposée conduit à se fixer sur le président de la République en France, auto-proclamé le chevalier blanc de l’Europe et scénariste en chef de la campagne avec un coup d’envoi officiel prévu via une tribune diffusée dans la presse de tous les États-membres, une sorte de « Sorbonne bis » pour donner les lignes de force et formuler des propositions concrètes.

Le service minimum pour les journalistes, c’est de couvrir les stratégies et les personnalités de la politique intérieure : s’attacher à la course de chevaux des têtes de liste à défaut de s’intéresser aux questions de fond au-delà toutefois de la question migratoire, le point d’orgue de la campagne.

L’exercice de curiosité consiste plutôt à écouter les voix des autres acteurs dans la société civile, en particulier les traces d’Europe que l’on peut retrouver notamment au travers du grand débat national afin de creuser des histoires plus intimes de parcours et de relations avec l’Europe.

La radicalité pousse à choisir de traiter tous les sujets de politique nationale sous l’angle européen, pour européaniser les esprits et comprendre que la crédibilité des exécutifs nationaux est en jeu dans de nombreux États-membres, à l’instar du test d’opinion que ces élections représentent en France pour Macron et ses oppositions.

Quels sont les enjeux des élections européennes pour l’Europe ?

S’attacher aux questions de fond, c’est s’affranchir de la caricature superficielle entre des « pro-européens » favorable à davantage d’intégration mais sans réelle capacité d’action sans disant en raison de tensions interétatiques pourtant médiatiquement construites et des « anti-européens » désireux par principe de moins d’Europe sans vraiment préciser concrètement de quoi il s’agirait compte tenu de la complexité des liens interétatiques juridiquement accumulés.

S’intéresser à l’avenir du Parlement européen, c’est voir le paysage spectral des partis politiques européens entre l’effondrement des forces politiques traditionnelles (droite chrétienne et social-démocratie) qui ont fait la construction européenne et la poussée des forces populistes en ordre de bataille dispersé. Pour le Parlement européen, ces élections européennes représentent tout simplement la plus grande recomposition des groupes politiques depuis fort longtemps et donc des perspectives de coalitions de circonstances et de majorités à la carte dont on ne soupçonne pas encore les conséquences potentielles.

S’inquiéter du projet européen dans son ensemble, c’est comprendre que le marasme de l’Union européenne – rejetée par beaucoup pour des torts en partie infondés, mais aussi parce qu’elle pourrait répondre davantage et mieux aux attentes et aux besoins des Européens – n’est malheureusement pas prêt de se résorber, faute de bonne volonté, de souffle mais aussi de nouvelles lignes de fracture en raison d’intérêts et donc de priorités divergents.

Au final, si la campagne électorale dans les médias parvient à poser la question de la démocratisation de la prise de décision de l’Union européenne alors le désir et l’esprit européens pourront progresser.

Lancement du Mook « Européens » pour raconter l’Europe par les Européens

Dans la grisaille du ciel européen, obscurci par la tectonique des forces politiques populistes et la crainte du big bang europhobe lors des élections européennes, le lancement de la Revue l’Européen est une bouffée d’optimisme. Un premier numéro imprimé à 25 000 exemplaires à découvrir sans plus attendre « dans toutes les bonnes librairies »…

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Un manifeste : « Européens, osez lire que vous l’êtes »

« Européens » fait le pari de l’Europe. Selon son éditrice Vera Marchand, « à un moment très particulier pour l’Union européenne, Européens est une façon de communiquer l’Europe avec l’enthousiasme et l’inventivité que son idée mérite ».

Un parti pris très fort : l’Europe non pas en tant qu’objet mais comme cadre, « terrain de jeu quotidien », comme « horizon collectif ». Pour le directeur de publication Olivier Breton, sa conviction est de faire de « l’Europe comme sujet, sans naïveté ni angélisme ».

Une ligne éditoriale : raconter l’Europe par les Européens

« Européens » vise à raconter l’Europe des innovateurs, des entrepreneurs, des créateurs. Une Europe concrète et optimiste. Une Europe qui bouge et invente. Pour Pascal Berria, rédacteur en chef, « une Europe comme lieu de création, d’innovation, d’échanges, de dialogue et de liberté ».

En bref, montrer l’Europe telle qu’elle est rarement vue : à hauteur d’humanité autour d’un pari narratif : raconter des « Europes », à partir d’histoires de personnes. Plutôt un journalisme de solutions, mais autour d’une Europe réaliste, d’un relais d’une Europe multiple, où la richesse est le fruit de nos singularités.

Un format de Mook trimestriel

Avec 10 carnets thématiques indépendants de 16 pages chacun, la revue a pour ambition d’expliquer, de décrypter, d’inspirer par l’exemple et le terrain autour des grandes thématiques contemporaines : l’entrepreneuriat, l’innovation, la culture, l’alimentation, les médias, le numérique, l’urbanisme, la politique, le social, les arts, l’éducation, etc.

Souhaitons bon vent à « EUROPÉENS », la revue qui entend nous rapprocher et qui se positionne comme « la seule revue sur l’Europe trimestrielle, unique, intelligente mais pas intello ».