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« Les ex-fumeurs, rien ne les arrête » : la nouvelle campagne de communication européenne contre le tabagisme

Après la campagne « Help » de 2005 à 2010 qui portait surtout sur la prévention auprès des jeunes Européens de 15 à 25 ans, la Commission européenne lance une nouvelle campagne destinée aux fumeurs âgés de 25 à 34 ans, qui représentent près de 28 millions de personnes dans l’UE…

Renversements des campagnes antérieures de communication européenne anti-tabac : de l’interpellation autoritaire à l’humour connivent

Depuis 2002, des campagnes de sensibilisation sont organisées dans toute l’Union européenne par la Commission européenne. Chaque campagne marque une évolution dans la manière d’appréhender la lutte anti-tabac :

  • 1e campagne « Osez dire non » : la stratégie repose classiquement sur l’interpellation, l’objectif étant de déranger la cible dans ses certitudes ou ses habitudes pour finalement la pousser à la réflexion. Une approche relativement abandonnée aujourd’hui car jugée trop distanciée et trop moralisatrice.
  • campagne « Help » : la stratégie s’oriente vers la recherche de la connivence et de l’humour afin de se rapprocher le plus possible du point de vue de la cible pour chercher à la distraire pour mieux faire passer le message. Une approche « culturelle » exigeante en termes de créativité et d’authenticité pour nourrir la relation complice avec la cible. (cf. notre billet d’octobre 2009 : « Communication européenne anti-tabac : une démarche résolument 2.0 prescriptrice de comportements par la connivence »).

Positionnement reposant à la fois sur la responsabilisation personnelle et la valorisation entre pairs pour la nouvelle campagne

La nouvelle campagne « Les ex-fumeurs, rien ne les arrête » s’articule autour d’une double stratégie :

  • d’une part, une dimension ludique-sérieuse via une approche individualisante-responsabilisante. Il s’agit d’amener les publics jeunes à prendre/reprendre le contrôle de leur existence, notamment par un discours pédagogique, pour provoquer une prise de conscience et à terme un changement de comportement.
  • d’autre part, une exploitation de l’estime de soi et du jugement positif des pairs grâce au web social afin de compenser le registre « rationnel » trop « adulte ». L’idée est ici de jouer sur le jugement des pairs redoutés ou sur les codes d’appartenance censé être partagés par un groupe pour favoriser des comportements mimétiques plus conforme à l’intérêt général.

Le dispositif de communication en ligne : un coach numérique (iCoach) pour responsabiliser et des pages Facebook pour valoriser les bénéficiaires

L’innovation principale de la campagne repose sur la mise en ligne d’une plateforme numérique « stopsmokingcoach.eu » destiné à aider concrètement les personnes à arrêter de fumer et qui « s’adresse aussi aux récalcitrants et aux personnes présentant un risque élevé de récidive », selon le communiqué. La dimension responsabilisante se traduisant par la mise à disposition de conseils réguliers et d’informations concrètes pour aider les individus dans leur vie personnelle.

La dimension sociale jouant davantage sur la valorisation des bénéficiaires, notamment à travers le regard de leurs pairs se réalise sur Facebook qui utilisent l’expérience d’anciens fumeurs pour encourager ceux qui le souhaitent à se libérer du tabac et incluent des contributions « terrain » illustrant le slogan de la campagne : « les ex-fumeurs, rien ne les arrête ».

Alors que le tabagisme est la première cause unique de maladie évitable dans l’UE, avec plus de 650 000 décès chaque année, la nouvelle campagne de communication grâce à ce positionnement inédit parviendra-t-elle à augmenter le nombre d’ex-fumeurs ?

Communiquer efficacement auprès des citoyens : l’exemple de la communication web de l’UE au Royaume-Uni

Réputé sensiblement plus eurosceptique que la plupart des autres États-membres, le Royaume-Uni se distingue en matière de communication par la modernité technique et l’efficacité affinitaire des actions web réalisées par l’UE…

“The EU: what is it for me?”: un portail d’information interactif sur ce que l’UE fait concrètement pour les citoyens du Royaume-Uni

Réalisé par la Représentation de la Commission au Royaume-Uni, le site “The EU and Me”, résolument conçu pour s’adresser directement aux citoyens se présente comme “a No-Nonsense Guide for UK Citizens to what the European Union Delivers”.

the-eu-and-me.org.uk

Conscient de l’état de l’opinion publique nationale plutôt défavorable à l’égard de l’UE, l’objectif n’est pas de plaquer une présentation théorique et inadaptée mais bien plutôt d’argumenter sur les bénéfices concrets apportés par l’UE :

Le Royaume-Uni, comme la plupart d’entre nous le savons, est un contributeur net au budget de l’UE. Par conséquent, il est compréhensible que les gens dans ce pays veulent en savoir plus sur la façon dont nous bénéficions de notre contribution collective.

Au travers d’une série de cartes interactives ainsi que des mini articles sur les “EU myths”, le site illustre avec un vocabulaire compréhensible les avancées acquises par l’UE dans la vie quotidienne, qu’il s’agisse de :

  • Se Déplacer dans toute l’Europe librement et en toute sécurité.
  • Donner aux consommateurs du Royaume-Uni une approche équitable.
  • Faire de notre alimentation et de notre environnement plus sûrs.
  • Lutter contre la criminalité et assurer la police aux frontières.

 

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EU_myths3Au total, le portail est agréable à consulter et particulièrement instructif en évacuant toute approche institutionnelle pour se consacrer sur 25 actions clées de l’UE.

“EuroAcademy”: un portail de documentation et de serious games sur l’UE à destination des élèves et des professeurs

Réalisé par le Bureau du Parlement européen au Royaume-Uni, le site “EuroAcademy” : euroacademyonline.eu, dédié aux élèves (de 11 à 16 ans) et à leurs professeurs, met en ligne deux serious game pour faciliter l’apprentissage de l’éducation civique européenne.

euroacademy

Annoncés par des vidéos bandes-annonces particulièrement crédibles autour de scénario de crise en Europe, 2 serious games sont disponibles :

  • Crisis Point : un jeu basé sur un scénario fictif dans lequel les étudiants doivent travailler en tant que citoyens, députés européens et commissaires européens pour sauver l’Europe d’une pandémie.
  • Duty Calls : un jeu dans lequel vous jouez le rôle d’un député européen, et vous avez une semaine pour tenter de sauver l’Europe d’une pandémie.

Les atouts clés de ces “scenario-based teaching tool” :

  • enseigne la citoyenneté et de l’UE avec un moyen amusant et intéressant,
  • enseigne sur comment fonctionnement le Parlement européen et la Commission européenne,
  • est un bon outil pour encourager l’apprentissage actif et multi-disciplinaire,
  • utilise des formats multimédia (jeu de rôle, vidéo et fonctions interactives).

Avec ces 2 exemples, la communication web de l’UE dans le Royaume-Uni démontre qu’il est possible de mener une communication offensive sur l’UE : “exciting, relevant and fun”.

La communication européenne n’est-elle pas surtout un enjeu de formation ?

La lecture de la résolution « sur le journalisme et les nouveaux médias – création d’une sphère publique en Europe » adoptée hier en séance plénière par le Parlement européen révèle que pour les euro-députés, la communication européenne est aussi une enjeu de pédagogie après des publics clés de l’UE…

D’abord, la formation de tous les agents de l’UE, éventuels ambassadeurs de l’UE

Il s’agit d’une évidence, qui n’est pas inutile de rappeler : la communication de l’UE ne peut vraiment être efficace que si ses principaux agents sont correctement formés.

Aussi, la résolution « encourage la Commission et le Parlement à aller plus loin en matière de formation pour développer les compétences de communication de leurs agents, de manière à ce que ceux-ci soient en mesure de communiquer avec les médias et les citoyens ».

Cette préconisation – fort justement – ne se limite pas à la formation des professionnels de la communication de l’UE mais vise chaque fonctionnaire européen, éventuellement « ambassadeur de l’UE », comme le laissait entendre Viviane Reding – la Commissaire titulaire du portefeuille de la communication – dans son courrier en réponse à la lettre ouverte de la communauté des éditeurs et webmasters des sites de la Commission européenne.

Ensuite, la formation des journalistes traitant des affaires européennes, réels relais de l’information sur l’UE

Autre évidence qu’il convient de défendre : l’information sur l’UE ne peut vraiment être pertinente que si les journalistes sont préalablement formés afin de leur permettre de mieux comprendre les institutions européennes.

Aussi, la résolution « encourage toute initiative de l’UE visant à mettre en place des programmes de formation sur les affaires européennes, spécialement destinées aux jeunes journalistes ».

Enfin, la formation des jeunes à l’originalité de la construction européenne, potentiels soutiens de l’avenir de l’UE

Dernière évidence, véritable serpent de mer de la communication sur l’Europe : l’éducation civique européenne (cf. le billet « Vers la création de cours d’éducation civique européenne dans toutes les écoles de l’UE ? »).

Déjà inscrite dans la résolution « Dialogue actif avec les citoyens sur l’Europe » adoptée le 24 mars 2009, le Parlement européen : « il est nécessaire de défendre un modèle actif d’éducation civique européenne qui donne aux jeunes la possibilité de s’investir directement dans la vie publique et de s’engager », la résolution « estime que l’implication entière de l’école est un élément essentiel de la communication de l’UE pour captiver et impliquer les jeunes ».

Ainsi, la leçon de la résolution du Parlement européen est salutaire : la communication européenne est une mission pédagogique qui doit s’inscrire dans la longue durée.

Etude Ligaris-Ipsos : « Publics jeunes en Europe et communication d’intérêt général »

Afin de « mieux les comprendre pour mieux leur parler », l’agence de communication Ligaris et l’institut de sondage Ipsos ont réalisé une vaste étude des publics jeunes en Europe face aux communications d’intérêt général, qu’elles soient menées par de grandes marques qui rivalisent de connivence et de moyens publicitaires ou par des institutions publiques pour changer les comportements…

Quels insights dominants pour qualifier les publics jeunes ?

Goût de la transgression : recherche d’émotions fortes et besoin de se confronter à des limites pour devenir adulte

Aspiration à l’indépendance : désir d’être adulte, responsable et recherche d’autonomie

Besoin d’affirmation identitaire : importance de l’apparence, de l’image et recherche de la distinction

Impératif de socialisation : importance du groupe et du regard des pairs

Critiques envers la société de consommation et les grosses ficelles des publicitaires

Intérêt pour la solidarité, l’entraide et la communauté : les copains et la famille d’abord

Toujours connectés

Quels registres stratégiques pour toucher les publics jeunes ?

1. L’émotion

Stratégie : mises en scène « chocs », dramatiques, anxiogènes voire outrancières de certaines réalités pour déranger la cible dans ses certitudes ou ses habitudes et finalement la pousser à la réflexion

Thèmes : tabac, alcool, sécurité routière mais aussi grossesses précoces, anorexie/boulimie

Forces : capacité à bousculer les conventions

Faiblesses : risque d’effet de distanciation et registre trop moralisateur

2. L’autonomisation, la responsabilisation, la pédagogie

Stratégie : amener les publics jeunes à prendre/reprendre le contrôle de leur existence, notamment par un discours pédagogique, pour provoquer une prise de conscience et à terme un changement de comportement

Forces : une approche « adulte » responsabilisante et une mise à disposition d’informations concrètes pour aider dans la vie personnelle

Faiblesses : registre « rationnel » insuffisant et approche très individualisante

3. L’estime de soi, le jugement des pairs

Stratégie : jouer sur le jugement des pairs redouté ou sur les codes d’appartenance censé être partagés par un groupe pour favoriser des comportements mimétiques ou antagoniques plus conforme à l’intérêt général

Forces : exploiter le sentiment d’appartenance sociale, intègre une dimension sociale dans le discours et inclure des témoignages « terrain »

Faiblesses : limités aux catégories se sentant concernées par le regard d’autrui et à certaines situations ou causes

4. La recherche de connivence, l’humour

Stratégie : se rapprocher le plus possible du point de vue de la cible, de ses codes quotidiens, de ses habitudes, de ses références culturelles (le jeu, le décalage, l’absurde, voire une certaine transgression des normes établies) et chercher à distraire pour mieux faire passer un message parfois grave.

Forces : une prise en compte de la « contre-culture » jeune qui instaure un climat complice et une stratégie qui s’adresse à la finesse de perception et d’analyse

Faiblesses : le danger de la fausse connivence et l’efficacité qui dépend beaucoup de la création au point que la forme prenne le pas sur le fond

Quels principes dans la façon de communiquer sur l’intérêt général auprès des publics jeunes ?

Principe n°1 : Fonder les communications sur ce qui préoccupe vraiment les Publics jeunes

Principe n°2 : Utiliser les émotions… avec précaution

Principe n°3 : Rechercher connivence et proximité… avec sincérité

Principe n°4 : Adopter une communication pertinente, c’est-à-dire modérée et considérant la cible

Principe n°5 : Développer la dimension participative (le ludique sérieux, la culture du partage de vidéos, la logique de gratification, l’auto-évaluation…)

Erasmus : vers un brand-stretching d’une marque de gamme sur la mobilité à une marque-ombrelle ?

Alors que souffle l’esprit « Erasmus » sur la communauté des étudiants depuis plus de 20 ans, le succès du programme d’échange d’étudiants et d’enseignants entre les universités et les grandes écoles européennes semble conduire actuellement à une stratégie d’extension de marque…

De simple marque de gamme du programme européen SOCRATES de coopération sur l’éducation

Au départ, « Erasmus » peut être décrit comme une marque de gamme appartenant à un ensemble complet de programmes européens de coopération sur l’éducation :

  • COMENIUS, enseignement scolaire ;
  • ERASMUS, enseignement supérieur ;
  • GRUNTVIG, éducation des adultes et autres parcours éducatifs ;
  • LINGUA, enseignement et apprentissage des langues ;
  • MINERVA, enseignement ouvert et à distance.

Erasmus, une marque forte au-delà du monde de l’enseignement supérieur

Lorsqu’il s’agit d’évoquer les programmes de mobilité européens, Erasmus a acquis auprès d’un large public une représentation mentale digne d’une marque de grande consommation :

  • excellente notoriété spontanée ou latente : la marque est immédiatement ou quasi présente dans l’esprit ;
  • bonne capacité sélective et simplificatrice : la marque est clairement et exclusivement identifiée à la mobilité étudiante ;
  • expérience de consommation positive : la marque suscite de fortes émotions personnelles et collectives auprès de ses bénéficiaires ;
  • logique d’identification, d’appropriation et de fidélisation : la marque diffuse des valeurs de diversité et d’ouverture aisément transmissibles.

Vers une véritable marque-ombrelle de réseaux destinés à favoriser les échanges d’expériences et de pratiques

Aujourd’hui, « Erasmus » tend à devenir une marque-ombrelle, désignant ainsi un concept fédérateur de réseaux destinés à favoriser les échanges d’expériences et de pratiques.

Première extension de marque : un « Erasmus pour les jeunes entrepreneurs »

Capitalisant sur les vertus du programme Erasmus pour faire l’apprentissage d’une nouvelle expérience, la Commission européenne encourage dès à présent l’entreprenariat en permettant à de jeunes hommes/femmes d’affaires de passer entre un et six mois à observer un entrepreneur dans un autre Etat-membre.

Deuxième extension de marque : un « Erasmus pour les touristes »

Capitalisant sur les vertus du programme Erasmus permettant de subventionner des mobilités, les ministres de l’UE en charge du tourisme – nouvelle politique européenne introduite par le traité de Lisbonne – envisagent prochainement d’encourager les touristes à prendre des vacances tout au long de l’année à travers un soutien financier aux jeunes, aux personnes de plus de 65 ans et aux personnes à mobilité réduite ou à faibles revenus pour partir en vacances pendant la saison basse.

Troisième extension de marque : un « Erasmus des élus locaux et régionaux »

Capitalisant sur les vertus d’échanges d’information et de bonnes pratiques liés au programme Erasmus, l’ancien député européen Jean-Marie Beaupuy imaginait, en 2008, un réseau d’élus afin d’échanger sur leurs pratiques et de parfaire leurs connaissances des fonds structurels communautaires.

Quoique toute stratégie d’extension de marque nécessite de déterminer jusqu’où la marque peut s’étendre sans danger de diluer la marque, cela permet de mutualiser les moyens de communication sur une marque forte plutôt que sur plusieurs. Ainsi, la marque « Erasmus » fait l’objet actuellement d’initiatives diverses de « brandstretching » afin de capitaliser sur les évocations attachées à la marque pour lancer de nouvelles actions.