Archives par étiquette : élections européennes

Élections européennes : risques et opportunités pour lutter contre le déficit d’intelligibilité

Dans le cadre du projet « Supporting Engagement in European Elections and Democratic Societies » (SEEEDS), une discussion des différents facteurs, qui influenceront le déroulement et le résultat des prochaines élections européennes permet de faire le tour des enjeux du scrutin.

Challenges et menaces

Pour faire le tour des problématiques, c’est Ingibjörg Sólrún Gísladóttir, ancienne ministre des Affaires étrangères d’Islande et ancienne directrice du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE qui mentionne le risque de « backsliding », de rétrograder qui pourrait être une menace existentielle mobilisant les électorats européens :

  1. Participation électorale : premier enjeu, le risque de déconnexion entre l’UE et les citoyens
  2. Manque de confiance dans les élus européens, en particulier après le scandale du QuatarGate
  3. Mobilisation des partis populistes face aux solutions insatisfaisantes de l’UE, en particulier sur les migrations
  4. Interférences étrangères en matière de désinformation, dont l’arsenal s’est encore renforcé avec les deepfakes, les contenus générés par les IA ou encore les fake websites
  5. Coût politique de la guerre en Ukraine après le coût économique avec l’inflation
  6. Intégrité du scrutin en termes de cybersécurité
  7. Paysage médiatique, indifférent, polarisé ou parfois menacé selon les États-membres, entre « slap lawsuits » d’un côté mais « cross-border journalism » de l’autre
  8. Impact incertain du Brexit

Vision optimiste

Pour défendre une autre vision, Camino Mortera-Martinez, Responsable du bureau de Bruxelles du Centre for European Reform se charge de plaider les arguments en faveur d’une mise en question du statut d’élections de second rang en raison de la plus faible participation et de la moindre importance en termes politiques :

  • Les premières élections après une pandémie et une guerre, qui ont l’une et l’autre changé pour toujours l’UE vers davantage de décisions décisives et d’unité solidaire.
  • Des nouveaux biens communs publics européens à défendre comme la santé, l’énergie ou la sécurité.

Résorber le déficit d’intelligibilité

Alberto Alemanno, Professeur de droit de l’Union européenne à la chaire Jean Monnet de HEC Paris, souligne que le traité de Lisbonne prévoit un modèle de démocratie parlementaire majoritaire qui fait l’objet d’incertitude, c’est ce déficit d’intelligibilité qui doit être corriger.

La préoccupation principale porte sur la participation électorale, dont l’érosion inéluctable a été corrigée lors du dernier scrutin, mais qui risque de se dégrader en raison du manque d’européanisation du process politique – les élections européennes demeurent des élections nationales dans leurs organisations de la compétition des candidats nationaux.

La réponse de l’UE qui manque d’ambition en réponse au scandale du QuatarGate, risque d’impacter à la baisse la confiance des citoyens dans les institutions européennes.

Le statut d’agent étranger, prévu dans le « package démocratique » en vue des élections européennes pour lutter contre les manipulations étrangères de l’opinion, risque d’entretenir un état d’esprit anti-ONG.

La gestion des entorses à l’état de droit, qui met en question le système de la justice de manière plus sensible pour les citoyens, n’est là encore pas à la hauteur avec des mécanismes de conditionnalités qui n’envoient pas le bon signal aux gouvernements.

Certes, un vent d’opportunité sans précédent souffle sur l’Europe, avec une demande de connaissance accrue et des expériences de vie partagées autour de la gestion de la pandémie ou du conflit en Ukraine. Les citoyens regardent dorénavant l’Union européenne comme un apporteur de solutions.

Mais, le narratif autour du scrutin européen est encore trop trivial et banal, en ne reflétant pas assez les vrais enjeux des élections européennes. La responsabilité en incombe particulièrement aux partis politiques européens pour rendre plus intelligible les choix de politiques publiques et européaniser les débats politiques ainsi qu’à la sphère médiatique qui pourrait davantage reporter les mouvements venant de la société, en particulier de la jeunesse plutôt que de se concentrer sur les partis populistes ; sans oublier le rôle de la communication du Parlement européen qui donne des capacités aux acteurs de la société civile de jouer un rôle dans la mobilisation et pour humaniser les élections.

Dorénavant, l’UE joue sa peau dans la vie quotidienne des Européens, aux futures élections européennes d’en confirmer l’impact et l’importance.

EuropCom 2023 : Communiquer la démocratie, communiquer l’Europe

Rendez-vous incontournable des professionnels de la communication européenne, la communauté EuroPCom se retrouve les 26-27 juin 2023 pour réfléchir aux questions majeures en rapport avec le thème, cette année, de la conférence sur la démocratie européenne, selon le programme

Risques et périls de la communication européenne au regard des dangers

Lutter contre désinformation et influences de la technologie sur la démocratie est le thème inaugural qui pose de nouvelles responsabilités en tant que communicateurs européens.

Renforcer la résilience face à la manipulation des informations liées aux élections fait l’objet d’un laboratoire d’idées sur la détection et la réponse à la désinformation avant les élections européennes.

Combler le fossé entre l’UE et les collectivités locales, en montrant les meilleures pratiques réussies d’activités de communication au niveau local et régional.

Défis et opportunités pour la communication européenne au regard des best practices

Améliorer l’éducation aux médias, puisque l’influence des médias d’information traditionnels diminue tandis que les médias sociaux prennent en partie le rôle d’établissement de l’agenda et de contrôle d’accès menaçant l’avenir pour un journalisme de qualité dans une société où les gens restent dans leurs chambres d’écho de l’information. Dans le plan d’action européen pour la démocratie 2019-2024, l’éducation aux médias des citoyens agit sur leur capacité à évaluer de manière critique le contenu des médias et à lutter contre la désinformation.

Segmenter l’audience comme stratégie de communication réussie, pour que la communication sur les politiques publiques européennes ait un sens, il s’agit d’engager auprès des citoyens à un niveau personnel. Les résultats d’une segmentation d’audience paneuropéenne, la première du genre, réalisée en 2022 par Ipsos pour la DG COMM de la Commission européenne, a identifié six segments basés sur les valeurs et les attitudes politiques des citoyens (vs une segmentation traditionnelle socio-démographique) pour les stratégies de messages et d’achat de médias.

Impliquer les citoyens, engager les citoyens à faire entendre leur voix et leur permettre de prendre des décisions éclairées devient un pilier de la démocratie européenne afin de répondre différemment aux enjeux institutionnels et politiques aux échelles nationales et européennes tout en assurant que tous les différents groupes de personnes sont entendus.

Renforcer la démocratie européenne avec la participation citoyenne et la démocratie délibérative tels que panels de citoyens ou dialogues citoyens permanents ne sont pas simplement des mots à la mode mais des exemples concrets de la manière d’accroître la participation et l’appropriation citoyennes de la démocratie européenne.

Améliorer l’engagement civique avec des outils numériques et des données ouvertes utilisés pour le crowdsourcing et la co-création dans l’élaboration des politiques publiques comme par exemple la solution de données ouvertes TrackMyEU et les nouvelles plateformes de médias sociaux open source développées par le Contrôleur européen de la protection des données favorisent la transparence et responsabilisent les citoyens.

Expérimenter la démocratie différemment que ce soit sous l’angle de la diversité, de l’inclusion et de la cohésion sociale ou encore grâce à la liberté d’expression contre les sentiments avec la satire dans les démocraties modernes, avec Fabio Mauri « Directeur général à la DG MEME » (une fonction parodique).

Faire campagne à l’aune des élections européennes

Activer les électeurs avant les élections européennes afin de parvenir à des stratégies favorisant une participation active aux processus démocratiques et surtout toucher les primo-votants.

Toucher les citoyens de manière engageante et massive en amont des élections ou d’autres moments démocratiques importants via des initiatives d’engagement citoyen, des campagnes participatives à double sens menées par JEF Europe et Make.org qui s’appuient sur une longue expérience en matière d’éducation civique et d’engagement pour apporter une démarche permanente : EurHope, une plateforme interactive en ligne pour sensibiliser aux élections européennes et créer un dialogue entre les jeunes de nombreuses régions européennes.

Rendez-vous les 26-27 juin 2023 !

Tendances et dynamiques politiques dans l’Union européenne : perspectives pour les élections européennes de 2024

Un an avant les prochaines élections européennes de2024, quelles sont les tendances et dynamiques politiques liées aux projections des dynamiques électorales à anticiper de l’impact des résultats du scrutin sur la répartition du pouvoir au sein des institutions européennes ?

Une reconduction de la coalition centriste, plus à droite ?

Selon une étude de Matrix.eu, dans l’ensemble, la tendance à la baisse des parts de vote des groupes centristes PPE, S&D et Renew, observée depuis 2009, devrait se poursuivre lors des prochaines élections européennes. Les deux groupes les plus importants, PPE et S&D – qui travaillaient exclusivement en coalition dans les mandatures antérieures à l’actuelle – n’obtiendraient qu’un bon 40 % des sièges.

Dans le cadre de la coalition actuelle des trois groupes centristes réunis, les résultats anticipés déboucheraient sur une majorité étroite d’environ 56 % de tous les sièges – sans qu’il n’y ait une majorité de sièges ni à gauche ni à droite du spectre de ces partis. Cependant, en raison du renforcement des conservateurs et des députés européens non affiliés de droite, le spectre politique du Parlement européen serait susceptible de se déplacer davantage vers la droite.

Ce changement de pouvoir aura également un impact sur le positionnement du Parlement européen dans des domaines politiques clés comme les réglementations industrielle ou environnementale ou sociale, le prochain parlement plaidera à l’avenir pour une approche plus orientée vers les recommandations pro-marché des acteurs économiques.

Les majorités au Parlement européen seront encore moins claires après les élections de 2024, posant des défis majeurs aux parties prenantes qui souhaitent faire valoir leur position dans le processus législatif européen.

Un renouvellement inédit des eurodéputés et du personnel politique européen ?

Dans une autre étude de Matrix.eu, les projections tableraient sur un minimum de 55% de nouveaux arrivants au prochain Parlement européen, un niveau de renouvellement très élevé.

En effet, un tiers des députés européens devraient perdre leur siège en raison de changements électoraux (par exemple, leurs partis perdront des sièges lors des prochaines élections). De plus, d’autres députés seront changés en raison du roulement dans les rangs des partis établis. Enfin, le nombre réel pourrait même être plus élevé en raison d’un autre phénomène : la dynamique, qui fait qu’aux élections européennes, les partis fraîchement créés gagnent du terrain dans les sondages à mesure que nous nous rapprochons des élections, envoyant de facto de nouveaux élus siégés au Parlement européen.

Cette proportion élevée du renouvellement des députés européens a des implications importantes (à la fois des risques et des opportunités) pour les parties prenantes, car la plupart des nouveaux arrivants ne seront familiarisés ni avec l’agenda ni avec les procédures des institutions de l’UE pour naviguer dans les subtilités de l’élaboration des politiques bruxelloises.

Affaire à suivre !

Élections européennes 2024 : les partis politiques européens pourront-ils faire campagne en ligne ?

Le mieux serait-il l’ennemi du bien si l’on en croit le processus d’adoption d’un règlement européen sur la transparence et le ciblage de la publicité à caractère politique, dont les bonnes intentions risquent de saper la capacité à lutter contre l’abstention et faire campagne en ligne et sur les réseaux sociaux…

Quand l’Europe se veut légitimement comme souvent exemplaire

A la suite de la proposition de règlement par la Commission européenne, première étape de toute future législation européenne, les deux autres institutions doivent se positionner sur les points clés de règlementation.

La position du Conseil de l’UE du 13 décembre 2022 sur la publicité à caractère politique se montre ouverte « dans un contexte où les campagnes politiques se déroulent de plus en plus en ligne et par-delà les frontières nationales (…) à promouvoir des normes élevées de transparence dans la publicité à caractère politique dans l’UE, à limiter l’utilisation de la publicité ciblée à des fins politiques et à faciliter la prestation et la surveillance transfrontières de services de publicité à caractère politique ».

Du point de vue des ministres, cette régulation permettrait de lutter contre la désinformation, la manipulation de l’information et l’ingérence dans les élections ainsi qu’à préserver un débat démocratique ouvert dans les États membres de l’UE.

La position du rapporteur au Parlement européen, Sandro Gozi, député européen Renew argumente sur des arguments complémentaires comme « offrir à nos concitoyens plus de transparence et (…) lever les obstacles à la création d’un véritable marché unique dans ce domaine et à construire un environnement favorable aux campagnes transnationales ».

Du point de vue des députés européens, les élections sont proches et les règles doivent être claires et prêtes dans les temps pour le scrutin du printemps prochain.

Le micro-ciblage, le sujet de controverse contentieux

L’interdiction du ciblage et de la diffusion de publicités basées sur des catégories spécifiques de données à caractère personnel définies dans le cadre du règlement général sur la protection des données se révèle à la fois indispensable et problématique :

  • Indispensable, lorsqu’il s’agit d’interdire le ciblage publicitaire sur des critères comme l’origine ethnique, la religion ou les opinions politiques ou bien le ciblage de mineurs ;
  • Problématique, dans la mesure où le micro-ciblage largement interdit conduira les annonceurs à ne pouvoir utiliser seulement que les données personnelles explicitement fournies par les citoyens à cette fin.

Le compromis, adopté en commission parlementaire au sein du Parlement européen, selon certaines sources mentionnées par Euractiv « va trop loin », soulignant que le ciblage est une « partie importante du processus démocratique de formation de l’opinion ».

Pour l’Association des services Internet communautaires, le projet de règlement européen sur l’encadrement des publicités politiques « pourrait limiter la visibilité de tout contenu parlant d’un sujet de société qui serait concerné par un débat en cours devant un parlement », dans une tribune publiée par Libération.

« L’enfer législatif est pavé de bonnes intentions… et parfois les élus, en pensant bien faire, peuvent commettre de lourdes erreurs. C’est ce qui est peut-être en train de se passer à Bruxelles, où l’Union européenne pourrait sans le vouloir porter une atteinte grave à la liberté d’expression et au débat démocratique en ligne. »

La négociation va se poursuivre entre les institutions européennes pour parvenir à un compromis définitif, il est encore possible de trouver une voie médiane entre la position initiale de la Commission européenne, la vision raisonnable du Conseil de l’UE et la position plus maximaliste qui veut laver plus blanc que blanc du Parlement européen.

La publicité des partis politiques et de la société civile, en particulier lors des périodes électorales, participe, qu’on l’apprécie ou qu’on le déteste, à la délibération publique et à la construction d’un espace public européen permettant aux opinions politiques de s’exprimer et de circuler. Le nouveau régime risque de renforcer l’isolement des citoyens et l’éclatement des offres politiques en des groupes homogènes sans relation les uns avec les autres renforçant la polarisation politique et l’ascension aux extrêmes.

L’Europe, sanctuaire ou crépuscule de la démocratie ?

Déjà en perspective des élections européennes du printemps 2024, la Maison de l’Europe de Paris a organisé une conférence, avec l’intervention d’Emmanuel Rivière, le patron de l’institut de sondage Kantar Public, responsable de toutes les enquêtes Eurobaromètre…

Quelle est la perception de la démocratie dans l’Union européenne ?

Petit tour d’horizon à l’appui de diverses enquêtes d’opinion en 10 points clés :

  1. Premier résultat significatif, la nature démocratique de l’Union européenne est reconnue très majoritaire, par plus de 72% des Européens, quoique cette proportion soit légèrement inférieure en France.
  2. Parmi les valeurs, la démocratie arrive en 4e position après les libertés, la paix et l’euro, ce qui montre à la fois les acquis communautaires et les principes ; en France, l’item démocratie est plus bas dans les valeurs.
  3. Globalement, la satisfaction sur le fonctionnement démocratique à l’échelle européenne est majoritaire, à 54%, il est d’ailleurs davantage interrogé à l’échelle nationale, y compris en France.
  4. Cette satisfaction sur le fonctionnement de l’UE est un sentiment inégalement réparti géographiquement avec une césure visible en Europe de l’Est, plus critique à l’égard de l’Union européenne.
  5. Le traditionnel clivage sociologique qui veut que plus on étudie longtemps, plus on a le sentiment d’être entendu dans la démocratie européenne se confirme dans les enquêtes les plus récentes.
  6. Les menaces contre la démocratie, comme les extrêmes ou la désinformation sont présentes, mais les citoyens européens se déclarent plutôt prudents et vigilants pour faire face à ces défis.
  7. Pour les valeurs que le Parlement européen doit défendre, depuis longtemps, c’est la démocratie qui apparaît en première position dans l’Union européenne, mais en France, c’est l’égalité femme-homme.
  8. L’intérêt pour les élections européennes est dans la moyenne à cette période, c’est-à-dire à 18 mois du scrutin, une partie seulement des Européens a connaissance de ce rendez-vous pour le moment.
  9. Malgré l’horizon menaçant sur l’état de droit dans quelques pays européens, même si la plupart peuvent se considérer concernés, les Européens défendent fermement les principes démocratiques.
  10. Les élections européennes permettent d’avoir le sentiment d’être entendu dans l’Union européenne, à quasiment chaque scrutin, ma voix compte davantage, c’est un vrai moment démocratique.

Que faut-il retenir ?

Les crises d’aujourd’hui, contrairement aux crises précédentes, produisent plutôt des sentiments positifs pour l’Union européenne, à elle de s’en saisir pour transformer l’essai.