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Prochain élargissement de l’UE : un impératif géopolitique, des choix difficiles à faire

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 affecte la géopolitique du continent européen comme aucun événement depuis 1989 et la fin de la guerre froide, précipitant l’élargissement de l’OTAN à la Finlande et bientôt la Suède, la création de la Communauté politique européenne et l’ouverture de l’Union à de nouveaux membres. Hans Kribbe et Luuk van Middelaar, de l’Institut bruxellois de géopolitique, analyse les choix difficiles qui nous attendent

Qu’est-ce qui fait de l’élargissement de l’UE un impératif géostratégique ?

Les zones grises ou tampons intermédiaires comme l’Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie, pris en sandwich entre Russie et UE n’existent plus. Une ligne de fracture stratégique traverse désormais le continent, il est dans l’intérêt stratégique de l’Union d’intégrer fermement et définitivement les États de « notre » côté, c’est devenu une priorité majeure.

De même pour les six États des Balkans occidentaux actuellement dans la salle d’attente d’adhésion (l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie). Cela signifie que l’Union doit maintenant se préparer à l’adhésion de neuf nouveaux membres.

Un tel élargissement sera monumental pour l’Union elle-même et son fonctionnement. En fait, sans une réforme interne significative de l’UE, il est difficile d’imaginer comment ce sera possible. Ce ne sont pas seulement les États candidats qui doivent se préparer à l’adhésion. L’UE doit être prête à l’expansion.

Réforme interne

Sur plusieurs points clés de la gouvernance et des politiques européennes, l’UE doit se réformer :

  1. Pour une prise de décision efficace et légitime : une modification inévitable de la dynamique institutionnelle et politique de l’Union et au cœur du processus décisionnel de l’UE ;
  2. Pour le budget de l’UE, l’agriculture et la politique de cohésion : l’UE devra faire des choix budgétaires difficiles ;
  3. En théorie, pour le marché unique, la libre circulation et l’emploi : de nouvelles opportunités économiques et de nouveaux emplois permettant de renforcer la compétitivité de l’Europe et de stimuler la croissance ;
  4. Pour l’État de droit et démocratie : ne rien faire pour renforcer l’État de droit risque de provoquer une perte de cohésion et un écart croissant entre les discours et la réalité ;
  5. Pour la sécurité externe : une nouvelle frontière extérieure abritera des intérêts géostratégiques, la dépendance à l’égard des États-Unis en matière de sécurité va très probablement augmenter.

Un dilemme à la fois nécessaire mais également impossible

Un nouveau consensus sur la nécessité stratégique d’ancrer fermement ces États dans la sphère de sécurité et de prospérité de l’Union et dans le même temps, un impératif de protéger le fonctionnement, la cohésion et les valeurs fondatrices de l’Union.

Ce qui est impossible aujourd’hui peut devenir possible demain. D’où bien sûr l’obligation pour les candidats de se changer et de se réformer avant leur entrée. D’où également la nécessité pour l’Union de se préparer et de se changer. Ces deux processus, juridiquement distincts mais politiquement liés, sont censés se réunir au moment où l’Union et (certains ou tous) les candidats seront « prêts » et que l’élargissement pourra avoir lieu.

Acceptation du public

Le soutien public à l’élargissement ne peut être tenu pour acquis. Même si l’adhésion après la guerre froide n’était pas une fatalité, les dirigeants et les majorités publiques en Europe se sont finalement ralliés à la grande mission de « réunifier le continent ». Mais le soutien a rapidement cédé la place à une lassitude face à l’élargissement, à une inquiétude croissante de l’opinion publique concernant l’emploi et les salaires, la croissance de la migration intra-UE et le spectre du « dumping social ».

La méfiance à l’égard de l’élargissement persiste dans de nombreuses régions de l’Union. L’humeur du public est changeante. La guerre d’agression de la Russie pourrait désormais renforcer le soutien de l’opinion publique à l’adhésion de l’Ukraine et d’autres candidats.

Pour offrir aux nouveaux membres un foyer adapté aux 36 pays, les dirigeants de l’UE doivent trouver des moyens d’impliquer leurs propres électeurs, sinon la porte de l’Union risque de rester fermée. C’est peut-être là que réside peut-être la mission actuellement la plus sous-estimée à laquelle l’Union est confrontée.

Que retenir ?

La perspective de l’élargissement va libérer toutes sortes de forces contradictoires, prise entre la nécessité et l’impossibilité, l’impatience des nouveaux candidats et le ressentiment des anciens, et sous la pression du temps exercée par le rythme des événements, l’UE doit jouer la carte de la clarté et de l’honnêteté quant aux compromis et aux dilemmes, nécessitant du leadership. Éviter les questions difficiles dans l’espoir qu’elles disparaissent ne trompera pas l’opinion publique des deux côtés de l’Union.

Quelle est la stratégie d’engagement participative et délibérative des citoyens par la Commission européenne ?

Héritage lointain du « tournant participatif » engagé par Margot Wallström, la stratégie d’engagement de la Commission européenne auprès des citoyens s’est traduite sous la Commission Juncker par une démarche de dialogues citoyens. Avec la Conférence sur l’avenir de l’Europe, une nouvelle méthode de panels citoyens représentatifs semble guider une démarche globale à l’échelle de toute l’institution…

Des dialogues citoyens aux panels représentatifs : une évolution permise par la Conférence sur l’avenir de l’Europe

En 2020, selon le Management Plan DG Communication 2020, « avec la prochaine Conférence sur l’avenir de l’Europe, la Direction générale de la Communication a l’intention de concrétiser la déclaration commune sur la Conférence, une fois qu’elle aura été acceptée par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, ainsi qu’avec ses partenaires au sein des institutions européennes, des États membres et de la société civile ».

Par ailleurs, « cette ambition phare de la Présidente von der Leyen sera soutenue par d’autres formes d’engagement citoyen, notamment les Dialogues citoyens, qui continuent d’être une activité de sensibilisation de première ligne de la Commission, sur les réseaux sociaux et – lorsque cela sera à nouveau possible – sur place ».

Ainsi, en 2020, seuls les dialogues citoyens, hérités de la Commission Juncker, sont mentionnés dans la stratégie d’engagement, reprise par la nouvelle présidente de la Commission européenne.

En 2021, selon le Management Plan DG Communication 2021 « la Direction générale de la Communication (à la fois au siège et dans les représentations), en coopération avec le Secrétariat général, s’appuiera sur son expérience approfondie des Dialogues citoyens, tout en développant en parallèle d’autres méthodes d’engagement, telles que des panels délibératifs. Elle travaillera également sur une identité visuelle forte et sur une plateforme en ligne qui garantira la transparence de tous les événements et résultats de la Conférence ».

Ainsi, en 2021, avec la Conférence sur l’avenir de l’Europe, une double évolution est à noter, l’apparition des panels délibératifs, en complément des dialogues citoyens et la plateforme en ligne.

Enfin, en 2022, selon le Management Plan DG Communication 2022, « la Direction générale de la Communication (aussi bien au siège qu’au sein des Représentations), en coopération avec le Secrétariat général, s’appuiera sur son expérience approfondie des Dialogues citoyens et des Panels citoyens de la Conférence pour l’avenir de l’Europe, et développera davantage les méthodes participatives et délibératives d’engagement. Alors que la plateforme multilingue de la Conférence a prouvé sa valeur en tant que centre en ligne de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, ses opérations pourront être adaptées aux nouveaux besoins de la Commission en 2022 ».

Ainsi, en 2022, le passage des dialogues citoyens, encore mentionnés pour info, aux panels citoyens, testés dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe semble consommé, la nouvelle méthode participative et délibérative apparaît bien en place pour se développer davantage.

En 2023, selon le Management Plan DG Communication 2023, « la Commission va passer à l’étape suivante et faire suite à la Conférence sur l’avenir de l’Europe. À cette fin, la Direction générale de la Communication organisera conjointement avec les Directions générales trois panels citoyens européens dans le cadre du programme de travail de la Commission pour 2023 (lutte contre le gaspillage alimentaire, mobilité d’apprentissage et mondes virtuels), contribuant ainsi à intégrer des pratiques délibératives dans l’élaboration des politiques de la Commission.

Ces panels seront complétés par un canal d’engagement en ligne dans le cadre du portail « Have Your Say » rénové de la Commission. De plus, la Direction générale de la Communication préparera les outils pour soutenir et guider les services de la Commission qui prévoient de mettre en place des efforts pour engager les citoyens en utilisant des méthodes délibératives et participatives. L’engagement des citoyens de la Commission reposera sur une nouvelle identité visuelle commune et une stratégie de communication externe axée sur une forte présence en ligne, ainsi que sur les médias sociaux et traditionnels.

Ainsi, en 2023, la mise en œuvre de la nouvelle méthode participative et délibérative accélère avec l’organisation de 3 panels citoyens sur des sujets dédiés, ainsi que l’évolution de la présence en ligne et l’élargissement aux autres services de la Commission, à qui cette démarche est dorénavant ouverte.

La démarche participative et délibérative à l’échelle de toute la Commission européenne

A l’occasion de la publication d’un appel d’offres publié en juillet, « Processus participatifs et délibératifs paneuropéens ou multinationaux », la nouvelle phase d’engagement des citoyens européens franchit un cap, « cette nouvelle phase d’engagement des citoyens est une opportunité pour la Commission européenne de consolider et d’étendre son ensemble d’outils pour la participation citoyenne » dont voici les principaux éléments :

On peut s’attendre à ce que des panels de citoyens aient lieu chaque année, suivant le discours annuel sur l’état de l’Union.

Des « Guidelines » sur l’engagement des citoyens expliquant la logique, les principes et les formats actuels possibles de l’engagement des citoyens sur lesquels les services de la Commission peuvent s’appuyer à des fins de prise de décision :

  • Soit de nature délibérative à long terme (au moins trois week-ends), comme les panels de citoyens,
  • Soit des processus plus courts (environ une journée) reposant davantage sur des techniques de co-création telles que des groupes de discussion, des ateliers de co-conception, des ateliers orientés vers l’avenir ou des sciences citoyennes.

L’objectif de ce guide est de permettre aux unités opérationnelles des services de la Commission européenne d’atteindre les citoyens ordinaires et de les impliquer via des méthodes participatives – formats délibératifs ou de co-création – au niveau de l’UE, national, régional et local.

Cette nouvelle phase d’engagement des citoyens bénéficiera de nouveaux outils en ligne au sein de l’environnement web Europa de la Commission. Un « guichet unique » en ligne pour l’engagement des citoyens, qui rassemblera les consultations publiques de la Commission, l’initiative citoyenne européenne et une nouvelle plateforme interactive inspirée de la plateforme numérique multilingue de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (lancée à la fin de l’été 2023).

Ce nouvel environnement en ligne permettra aux citoyens non seulement de partager leurs points de vue avec les institutions européennes sur différents sujets de politique, mais aussi d’échanger et de délibérer entre eux, notamment grâce à l’utilisation d’un logiciel Civic tech et d’une traduction automatique.

Au fils des opportunités, comme la Conférence sur l’avenir de l’Europe, la Commission européenne a largement développé sa stratégie d’engagement, pleinement délibérative et participative, dont il reste encore à voir la mise en œuvre lors de la dernière année du mandat de la Commission von der Leyen.

Naviguer en haute-mer : comment réformer et élargir l’UE pour le 21e siècle

Face à une conjoncture de changements géopolitiques, de crises transnationales et de complexités internes, l’UE n’est pas encore prête à accueillir de nouveaux membres, que ce soit sur le plan institutionnel ou politique. Dans ce contexte, un groupe de travail franco-allemand sur les réformes institutionnelles de l’UE soumet un rapport intitulé « Naviguer en Haute Mer : Réformer et Élargir l’UE pour le 21e Siècle », leaké par Politico Europe contenant des recommandations visant à atteindre trois objectifs : renforcer la capacité d’action de l’UE, préparer l’élargissement de l’UE et renforcer l’État de droit et la légitimité démocratique de l’UE.

Mieux protéger un principe fondamental : l’État de droit

Sur la conditionnalité budgétaire, faire du mécanisme de conditionnalité liée à l’État de droit un instrument de sanction des violations de l’État de droit et, plus généralement, des violations systématiques des valeurs européennes ; en cas de désaccord, étendre le champ de la conditionnalité budgétaire à d’autres comportements préjudiciables au budget de l’UE et introduire la conditionnalité pour les fonds futurs.

Répondre aux défis institutionnels : les domaines clés de réforme

Rendre les institutions de l’UE prêtes à l’élargissement, ce qui signifie que pour le Parlement européen, respecter la limite de 751 députés ou moins et adopter un nouveau système d’attribution des sièges ; pour le Conseil de l’UE, étendre le format trio à un quintet de présidences, chacune couvrant la moitié d’un cycle institutionnel, et pour la Commission, réduire la taille du Collège ou faire la distinction entre les « Commissaires principaux » et les « Commissaires », avec potentiellement seulement les « Commissaires principaux » ayant le droit de vote au sein du Collège.

Pour une meilleure prise de décision au sein du Conseil, généraliser le vote à la majorité qualifiée (QMV), c’est-à-dire transférer toutes les décisions « politiques » restantes de l’unanimité au QMV, sauf pour les domaines de la politique étrangère, de la sécurité et de la défense, et pour rendre le QMV plus acceptable, créer un « filet de sécurité de souveraineté », rééquilibrer le calcul des parts de vote en QMV et offrir une option de retrait pour les domaines de politique transférés en QMV.

Pour la démocratie au niveau de l’UE, harmoniser les lois électorales de l’UE, le Conseil européen et le Parlement européen doivent convenir avant les prochaines élections du Parlement européen de la manière de nommer le Président de la Commission par le biais d’un accord interinstitutionnel.

Pour la démocratie participative, les instruments participatifs existants doivent être étroitement liés à la prise de décision de l’UE, les panels de citoyens doivent être institutionnalisés avec une grande visibilité pour accompagner les choix majeurs et un nouvel Office indépendant de la Transparence et de la Probité doit être chargé de surveiller les activités de tous les acteurs travaillant au sein des institutions de l’UE ou pour elles.

En termes de pouvoirs et de compétences, renforcer les dispositions sur la manière de faire face aux développements imprévus et créer une « Chambre commune des plus hautes juridictions et tribunaux de l’UE » pour un dialogue non contraignant entre les cours européennes et les cours des États membres.

Pour les ressources de l’UE, augmenter le budget de l’UE au cours de la prochaine période budgétaire à la fois en taille nominale et par rapport au PIB, avec de nouvelles ressources propres pour limiter l’optimisation fiscale, l’évasion fiscale et la concurrence au sein de l’UE, ainsi que des décisions budgétaires transférées au QMV pour les dépenses, une révision approfondie des dépenses pour réduire la taille de certaines catégories de dépenses et en augmenter d’autres, permettre à l’UE d’émettre de la dette commune, et à l’avenir, pour chaque cycle institutionnel (mandat du PE) définir un budget européenne, le cadre financier pluriannuel CFP sur cinq ans.

Approfondissement et élargissement de l’UE

Même si l’UE dispose déjà de divers mécanismes de différenciation nécessaires pour accommoder les préférences diverses de plus de 30 États membres de l’UE, la différenciation a ses limites, en particulier en ce qui concerne l’État de droit et les valeurs fondamentales. Elle doit donc être utilisée sous certaines conditions : respect des règles et des politiques de l’UE, utilisation des institutions et des instruments de l’UE, ouverture à tous les États membres, partage des pouvoirs et des coûts entre les participants, et possibilité pour les États membres volontaires d’aller de l’avant.

Dans le cadre de la révision des traités, la différenciation devrait respecter les principes suivants : les clauses de retrait ne devraient être accordées que lorsqu’il s’agit d’approfondir l’intégration ou d’étendre le QMV, et les exemptions des valeurs fondamentales de l’UE ne devraient pas être autorisées.

La différenciation pourrait conduire à quatre niveaux d’intégration européenne, constitués d’un cercle intérieur (intégration approfondie dans des domaines tels que la zone euro et Schengen), de l’UE elle-même, d’un cercle plus large de membres associés, impliquant la participation au marché unique et l’adhésion à des principes communs, et enfin de la Communauté Politique Européenne (CPE), en tant que cercle extérieur de coopération politique sans avoir à être lié au droit de l’UE.

La manière de gérer le processus d’élargissement de l’UE est essentielle pour donner la possibilité aux pays candidats de s’adapter aux politiques et programmes spécifiques de l’UE. Fixer un objectif pour que les deux parties (UE et pays candidats) soient prêtes pour l’élargissement d’ici 2030. Diviser les cycles d’adhésion en groupes plus restreints de pays pour garantir une approche fondée sur le mérite et pour gérer les conflits potentiels, rendant ainsi le processus plus efficace, crédible et guidé politiquement.

Toutes ces recommandations vont faire débat, nécessiterons de prendre du temps, pour éventuellement parvenir à un consensus ; quand les faits risquent de s’imposer, l’anticipation s’exige.

SOTEU 2023 : une Commission « accidentelle », une présidente « entre le marteau et l’enclume »

Mercredi 13 septembre, c’était le dernier discours sur l’état de l’Union correspondant au premier (?) mandat de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, quelle bilan et aura-t-elle une seconde chance à la tête de la Commission européenne ?

La présidence von der Leyen entrera dans l’histoire comme une Commission « accidentelle »

Pour Alberto Alemanno, Professeur de droit européen à HEC Paris et Collège d’Europe, « après plus de 1 200 jours à la tête de la Commission, sa présidence a été davantage motivée par les événements et les orientations des gouvernements de l’UE-27 que par son agenda, qui reste largement incomplet ». Pour lui, « c’est exactement ce qui fait d’elle la candidate la plus probable pour un second mandat aux yeux des dirigeants du Conseil européen ».

Après avoir été choisie accidentellement comme présidente de la Commission, son mandat tout entier a été largement façonné par une succession d’accidents, le Covid-19 ayant frappé avant que la Commission von der Leyen n’ait passé ses 100 premiers jours de mandat, l’invasion russe de l’Ukraine et ses nombreuses conséquences sur les politiques énergétiques, alimentaires et de sécurité de l’UE.

Certes, « Ursula von der Leyen peut se targuer du succès d’une bonne partie de son administration, qui a inclus la finalisation du #Brexit, la lutte contre la pandémie et la réponse à l’invasion russe de l’Ukraine et à la crise énergétique déclenchée par Moscou ».

Pourtant, ces événements ont éclipsé son programme qui reste largement incomplet et peu susceptible d’être réalisé. La présidence de Von der Leyen a essentiellement été une « Commission de gestion de crise » permanente qui était dirigée non seulement par les événements mais aussi par ce que les dirigeants de l’UE-27 ont décidé au sein du Conseil européen.

Le potentiel testament politique du Green New Deal encore sur la sellette.

Mais, « si sa principale réalisation supposée a été le Green New Deal, le revirement soudain du parti d’Ursula von der Leyen –  le PPE – et d’une partie des libéraux sur ce paquet majeur (sur la directive sur la restauration de la nature) menace aujourd’hui son adoption complète », l’adoption définitive des textes européens sur les sujets climatiques, encore incertaine, met en danger le seul potentiel testament politique de la Commission von der Leyen, alors que le vice-président responsable, Frans Timermans a déjà quitté ses fonctions pour revenir dans la scène nationale politique hollandaise.

Les promesses de la Commission von der Leyen de respecter les règles ont été déréglées.

Pour Alberto Alemanno, « la promesse initiale de se lancer dans une réforme institutionnelle pour clarifier les « règles du jeu », comme une nouvelle loi électorale européenne, le rôle des Spitzekandidaten et les modalités de nomination des hauts responsables de l’UE, reste d’actualité (…). Malgré tous les discours sur l’écoute des citoyens, la Conférence sur l’avenir de l’Europe et ses 49 recommandations citoyennes restent lettre morte. Il en va de même pour sa promesse de réformer les règles d’éthique de l’UE après le Qatargate, y compris le comité d’éthique de l’UE.

Objectivement, « ces faits contredisent l’idée selon laquelle von der Leyen serait la personne évidente pour diriger à nouveau la Commission lors d’un second mandat ». Tout comme son management autoritaire et non collégial, contrairement aux règles communautaires, ce qui explique que ses poids lourds, en particulier 2 vice-présidents sont sur le départ avant la fin de leur mandat.

Pourtant, c’est exactement ce que les dirigeants de l’UE-27 apprécient chez elle, à la fois son manque d’autonomie politique par rapport à leurs capitales, dont Paris et Berlin sont particulièrement sensibles pour tordre les règles du marché intérieur, des investissements dans les énergies vertes, dans les subventions aux entreprises…

Ses moments les plus faibles ? D’une part, « sa négociation des vaccins Pfizer par SMS, dont l’existence a été niée pour éviter d’en donner accès au public », sa part d’ombre sous la lumière médiatique. D’autre part, « son soulagement de voir que le Qatargate affectant le Parlement européen et non la Commission, comme si le citoyen européen moyen était capable de faire la différence entre les deux ».

Son pire moment ? « Laisser la Hongrie et la Pologne dicter les conclusions du sommet des chefs d’État et de gouvernement de décembre 2020, acceptant ainsi leurs conditions comme prix à payer pour sortir de l’impasse concernant le cadre financier pluriannuel et le règlement Next Generation EU au détriment des règles et l’état de droit ».

« Ursula von der Leyen se trouve entre le marteau et l’enclume »

D’un côté, « elle a besoin du soutien de son parti – le PPE – pour obtenir une nomination (cette fois comme Spitzkenkandidaten), mais de l’autre, son propre parti est le principal opposant à la mise en œuvre du programme vert ».

Rappelons que pour obtenir son investiture du Parlement européen au début du mandat, Ursula von der Leyen avait dealé une plateforme programmatique relativement progressiste avec une alliance réunissant verts, centristes et socialistes, en complément de la droite en recul.

Du coup, c’est logique qu’à l’heure d’embrasser l’héritage du mandat et de soutenir les avancées encore incomplètes, la position soit compliquée pour la famille politique d’Ursula von der Leyen. Outre la question légitime de sa motivation personnelle à rempiler, se pose aussi la question de savoir si elle saurait être au barycentre d’une majorité de centre-droit, dont les lignes ont beaucoup évolué vers une droite plus dure au cours de ces dernières années.

La dernière saison européenne avant le scrutin européen est bel et bien lancée !

Comment faire campagne auprès des citoyens sur l’Europe ?

Plusieurs tables rondes de la conférence annuelle EuropCom fournissent des insights éclairants sur la manière de communiquer et de mobiliser les citoyens européens en vue des futures élections européennes en juin 2024…

La communication du côté des institutions européennes

Mobiliser les électeurs : le pouvoir des communautés

Première table ronde EuropCom, les stratégies visant à favoriser la participation active aux processus démocratiques reposent sur le principe de se concentrer sur les personnes afin d’aider les gens à voter.

Gaia Manco, Chef de service à la DG COMM du Parlement européen présente la plateforme « together.eu for democracy », le projet de participation des citoyens du Parlement européen :

Action : les institutions doivent toujours fournir des contributions, des espaces, des outils, une éducation et une formation, mais les solutions finales doivent toujours venir de la société civile. L’information conduit à l’engagement et l’engagement conduit à la mobilisation. Cela aide à activer un public plus restreint mais plus engagé, prêt à être actif sur le terrain.

Communauté : les gens se rencontrent lors d’événements, c’est pourquoi aucun projet d’engagement ambitieux ne peut être mené par les institutions sans impliquer les personnes sur le terrain. Les réseaux sociaux ne suffisent pas, l’idée est d’être aussi inclusif que possible.

Inconnu : quelque chose qui doit être accepté, tout projet d’engagement est une co-création des institutions et des communautés, donc le résultat ne peut pas être connu à l’avance.

Informer les électeurs : souligner l’impact des décisions de l’UE sur la vie des gens

Jens Mester, Chef d’unité à la DG COMM, présente plusieurs enquêtes démontrant que l’une des principales raisons pour lesquelles les gens ne votent pas aux élections européennes est le manque d’informations sur l’UE… alors que les gens sont très intéressés à en savoir plus sur l’UE :

  • Montrer l’action politique de l’UE et son impact (discours sur l’État de l’Union, rapport général de l’UE, coins d’apprentissage pour les enseignants et les étudiants) ;
  • Fournir des informations sur les élections et les droits électoraux ;
  • Impliquer les personnes, y compris les jeunes, dans la démocratie européenne (Initiative citoyenne européenne, suivi de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, plateforme « Have your Say ») ;
  • Travailler en collaboration avec d’autres acteurs / activer des partenaires et des réseaux.
  • Activer les bénéficiaires des programmes de financement de l’UE ayant la responsabilité de mobiliser les gens en faveur de l’UE.

La communication du côté des novations

La technologie numérique et le changement démocratique : de la macro-politique à la micro-politique

Autre table ronde EuropCom, Rachel Gibson, Professeure de politique à l’Université de Manchester partage les résultats d’un projet Horizon 2020 sur lequel elle a travaillé pendant cinq ans consacrés au développement de la relation entre les technologies numériques et la démocratie.

Au début de l’ère d’Internet, les praticiens étaient très optimistes et idéalistes quant au rôle des technologies numériques dans l’amélioration de la démocratie. Cet optimisme s’est maintenant dissipé avec l’avènement des fausses informations, des discours haineux et du capitalisme de surveillance.

Les changements structurels qui se produisent en politique grâce à la technologie numérique font dissocier la macro-politique relevant de la démocratie pré-numérique, tandis que la démocratie post-numérique fonctionne au niveau de la micro-politique, des formes de mobilisation introduisant de nouvelles voix dans l’arène politique, au risque d’une privatisation de l’espace public, et au pire, comme un passage vers une vision de la politique plus « narcissique ».

Au niveau macro-politique, à l’époque des partis politiques de masse, il était important de se demander « Où est la voix du public ? ». Cette question demeure, à la condition que les individus soient exposés à une plus large gamme d’informations pour éviter les effets de chambre d’écho.

Au niveau micro-politique, la nouvelle question « Comment l’engagement micro-politique se traduit-il par un changement sociétal significatif ? » pourrait être facilité pour une meilleure prise en compte des opinions numériques par des partis politiques qui gèrent les influenceurs de manière plus efficace.

Ma liberté d’expression contre vos sentiments : l’importance de la satire dans les démocraties modernes

Fabio Mauri, « Directeur général à la DG MEME », adopte une approche non conventionnelle pour son discours en mettant en avant l’importance de la satire dans la construction de démocraties saines et critiques.

La satire est conçue pour faire réfléchir, pas rire ! c’est un phénomène profondément humain, si l’on songe au rôle du bouffon du roi, figure familière dans les cours médiévales, qui était chargé de partager de mauvaises ou difficiles nouvelles avec le souverain par le biais de la comédie.

Les gens ont tendance à faire plus confiance aux comédiens qu’aux politiciens : « Le rire tue la peur et sans peur, nous ne pouvons avoir aucune confiance ». La question de la confiance versus le scepticisme ironique en est était au cœur des débats sur les sociétés démocratiques saines et la confiance que nous avons ou n’avons pas envers les politiciens.

La préoccupation correspond à une tendance croissante à la rectitude politique à tout prix et à une méfiance qui l’accompagne à l’égard de tout ce qui ressemble à de la satire – une sorte d’allergie à la satire. Le fait que vous soyez offensé ne vous donne pas raison. Le rôle de la satire en politique et dans l’espace public plaide en faveur d’une plus grande tolérance à l’égard des opinions qui pourraient ne pas être en phase avec les vôtres, mais qui font néanmoins partie du débat, des désaccords et de la critique essentiels à une démocratie saine. La satire veut exagérer les problèmes pour que vous puissiez les regarder sous un autre angle.