Comment la Commission européenne vise à construire sa réputation auprès du public ?

Avec les possibilités de participation des parties prenantes à la formulation des politiques de l’UE tout au long du cycle politique dans le but d’ajouter une couche participative à l’élaboration de politiques fondées sur des preuves et éclairées par des experts, la Commission européenne conjugue des ambitions contradictoires en termes de communication. Que faut-il privilégier entre d’une part, la crédibilité en tant qu’acteur qui privilégie l’expertise dans sa prise de décision auprès des parties prenantes bruxelloises ou d’autre part, la réactivité d’une institution à l’écoute du public ?

En théorie, construire une réputation de décideur politique responsable face aux intérêts et réactif à l’écoute du public

La participation des parties prenantes à la formulation des politiques publiques offre aux décideurs politiques d’importantes opportunités d’améliorer la qualité de l’information et la légitimité démocratique de leur prise de décision. Les consultations avec les parties prenantes offrent des opportunités de renforcement de la réputation auprès des publics.

Adriana Bunea et Idunn Nørbech évaluent pourquoi et comment l’exécutif européen utilise la communication stratégique et les réponses publiques aux contributions politiques des parties prenantes comme stratégie de construction de sa réputation afin de consolider simultanément son image bien établie en tant que décideur politique responsable et fondé sur des données probantes tout en cultivant une nouvelle réputation en tant qu’institution qui répond aux demandes du public, dans le but de renforcer sa légitimité, son autorité et son pouvoir institutionnels.

En pratique, consolider sa réputation fondamentale de décideur politique responsable fondée sur des preuves et cultiver une réputation sensible aux contributions fondées sur l’opinion des représentants du public européen au sens large

La Commission européenne essaie de relever ce défi en s’engageant dans un double acte de construction de réputation :

  • D’une part, consolider son image centrale, fondamentale et bien établie d’un décideur politique responsable (basé sur des preuves) ;
  • D’autre part, développer une réputation plus récente et moins établie d’une institution à l’écoute du public, répondant aux contributions des parties prenantes et s’engageant publiquement autour d’arguments fondés autant sur des preuves que sur des opinions.

Concrètement, le comportement de communication publique de la Commission européenne par rapport aux contributions des parties prenantes est très clair : 40 % des contributions des parties prenantes ont reçu une réponse publique de la Commission, tandis que 60 % n’en ont pas reçu.

Dans le détail, la Commission européenne est beaucoup plus susceptible de s’engager publiquement et de répondre aux contributions politiques fondées sur des preuves (par rapport à celles fondées sur l’opinion), tout en étant également moins encline à répondre aux contributions provenant des citoyens et des acteurs non-business, par rapport aux apports fournis par les parties prenantes représentant les intérêts business.

Que faut-il retenir ? L’équation de la réputation de la Commission européenne n’est pas simple mais penche vers sa réputation fondamentale

Les résultats de l’enquête montrent que la Commission européenne déploie des efforts soutenus pour consolider sa réputation de base en tant que décideur politique fondé sur des données probantes tout en développant des initiatives telles que les consultations des parties prenantes et des citoyens pour aider à cultiver une image en tant qu’institution à l’écoute du public.

La communication publique stratégique n’est pas tant utilisée pour protéger la réputation plus récente, émergente et moins établie face à la critique et à la contestation publiques mais semble au contraire continuer à protéger et à consolider sa réputation fondamentale de décideur responsable et fondé sur des données probantes.

En matière de communication, demeure le rôle fondamental et durable de la réputation à maintenir l’unicité institutionnelle de la Commission européenne.

Conférence sur l’avenir de l’Europe : quels enseignements en tirer ?

Ne boudons pas notre plaisir à revenir sur les principaux enseignements de la Conférence sur l’avenir de l’Europe tirés par le think tank « Pour La Solidarité » au sujet de ce qu’il convient d’appeler dorénavant, la démocratie européenne « hors les murs »…

Un véritable tour de force : la première expérience de démocratie participative paneuropéenne de l’Histoire

Pour rappel, la Conférence sur l’avenir de l’Europe a consisté en une série de débats menés dans toute l’Union européenne, ouverts à quiconque pas moins de 17.000 contributions, traduites en 24 langues et soumises à discussion via une plateforme rassemblant 50.000 internautes actifs ou dans le cadre de 6000 événements spécifiquement organisés au cours desquels on a dénombré plus de 700.000 participants et débouchant sur 49 propositions, déclinées en 320 mesures.

Aussi légitimes et fondées que puissent être ces critiques, attention cependant à ne pas perdre de vue l’essentiel : la Conférence a constitué la première expérience de démocratie participative paneuropéenne de l’Histoire – imparfaite, c’est vrai, mais elle n’avait pas cette prétention – et pourrait marquer le début d’un renouveau démocratique, ayant démontré qu’une association plus étroite des citoyens à la fabrique des politiques publiques leur conférerait un supplément d’âme et de légitimité.

Raison et progrès : embrasser la complexité du monde

L’ensemble des propositions a d’abord le mérite de dessiner les contours de l’intérêt général, résolument consensuel, en regardant la situation telle qu’elle est sans désigner de bouc émissaire. Les citoyens européens paraissent au contraire désireux d’embrasser la complexité, en vue de mieux le dompter, en se rangeant résolument dans le camp de la raison et du progrès sans céder aux sirènes du défaitisme et du populisme pseudo-triomphant.

A noter, par ailleurs, que nombres des propositions formulées correspondent en réalité déjà aux politiques conduites par l’Union européenne ou actuellement négociées par les institutions – preuve, s’il en fallait, que ces dernières ne sont pas totalement « déconnectées de la réalité ». De sorte qu’on imagine volontiers qu’un effort de communication supplémentaire, ou mieux calibré, permettrait de réduire la distance qui sépare Bruxelles des citoyens.

En outre, la qualité et l’intérêt des différentes propositions révèlent la difficulté à formuler des recommandations concrètes, qui privilégient naturellement le consensus, les déclarations d’intention et la pensée en silo.

Transparait en effet dans la plupart des propositions un appel à mobilisation des instruments traditionnels de l’action publique, à savoir : éducation et sensibilisation ; investissement et financement ; mécanismes d’incitation monétaires ; contraintes légales pures et dures.

La vision de l’État interventionniste ou stratège induite par le format de la Conférence reproduit les logiques propres à la démocratie représentative, en particulier celle d’une action publique descendante.

A cet égard, le « partage de bonnes pratiques » parfois recommandé par les panélistes ne suffit pas, car le problème sous-jacent est d’abord culturel et cognitif : il faut apprendre à penser le politique hors les murs des institutions pour le ramener au cœur de nos vies.

A noter, également, que les panélistes parviennent sans difficulté à dépasser le cadre de l’État-nation, ayant admis que l’échelle pertinente pour gouverner était à de nombreux égards celle du continent sur les questions diplomatiques, de défense et de sécurité, et sur l’ensemble de celles touchant au fonctionnement du marché intérieur.

Indéniablement, la Conférence constitue donc un jalon important dans la prise de conscience par les citoyens européens qu’ils partagent un même positionnement dans l’espace international, nombre de traits culturels et des intérêts convergents, tels qu’ils ne forment pas ensemble un vulgaire agrégat de peuples éparses mais une véritable communauté de destin pour produire davantage de commun à l’échelle de l’Union.

Une révision de l’architecture institutionnelle

Les propositions relatives au fonctionnement de l’Union visent à faire participer les citoyens aux travaux de façon plus régulière, « hors des périodes électorales » via de « nouveaux mécanismes » : plateforme de dialogue en ligne, « assemblée citoyenne » permanente et organisation de « référendums européens »

Quant à l’équilibre du triangle institutionnel, les citoyens se positionnent pour instaurer des listes transnationales, conférer au système du candidat chef de file, les Spitzenkandidaten un caractère contraignant et d’un part reconnaître au Parlement européen un véritable droit d’initiative et d’autre part davantage d’efficacité et de transparence au Conseil avec davantage de majorité qualifiée sur l’ensemble des décisions, à l’exception de celles relatives à l’élargissement de l’Union et visant à modifier ses principes fondamentaux.

L’arbre de l’institution semble néanmoins dissimuler une forêt de divergences. D’un côté, un groupe d’États réformateurs (France, Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas, Espagne et Luxembourg) « ouverts en principe » à une réforme des traités ; devant cependant composer avec un autre groupe d’États membres plus réticents (Bulgarie, Croatie, Tchéquie, Danemark, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovénie, Suède et Malte).

Au total, les propositions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe sont dorénavant un document de référence auquel les institutions devront se rapporter et dont elles pourront même se prévaloir chaque fois que la définition de l’intérêt général européen sera sujette à débat, à la façon d’une boussole démocratique.

Communication européenne en 2023 : des vœux irrévérencieux

L’occasion immémoriale du changement d’année, c’est de tenter de prendre un peu de recul pour s’interroger sur ce que l’on peut vraiment nous souhaiter en tant qu’Européens aujourd’hui…

L’esprit européen déboussolé

Avec « L’irrévérence », publié il y a 30 ans, Chantal Delsol propose une réflexion sur une construction européenne qui devait non plus se faire contre un ennemi commun mais pour elle-même. Cette entreprise inédite est plus que jamais à l’ordre du jour, même si les fondamentaux semblent en souffrance, tant l’Union européenne apparaît parfois comme son principal ennemi.

Du côté du premier pilier, l’esprit rebelle, critique – qui a su se distancier des religions, se révolter des tyrannies, se libérer du progrès et de ses excès, voire s’émanciper de l’esprit de sérieux et des bonnes manières – semble bien à la peine, face aux assauts numériques des communautés plus ou moins bien intentionnées et des guerres de l’information.

Du côté du second pilier, la curiosité maladive – toutes les voies des savoirs et des expériences aventureuses ou scientifiques – semble là encore à la peine, l’envie d’avoir envie semble ronger ses freins, tourner en rond. Une telle perte attaque l’un des piliers de nos fondations.

D’autres piliers à découvrir dans la tentative de décrire l’esprit européen illustrent que les défis auxquels nous sommes confrontés apparaissent tant sur le plan conceptuel que pratique comme insurmontables, littéralement déboussolants. Les registres intellectuels, comme les autres, sont en crise ; et ce qui constituait notre boussole européenne est aussi en souffrance.

Des vœux irrévérencieux pour l’Europe

Malgré tout, pour cette nouvelle année, c’est nécessairement le moment de l’Europe. A nous de puiser dans nos ressources, sachant que les ressources matérielles sont celles dont nous disposons le moins sur notre continent, tandis que les ressources de l’histoire sont très nombreuses. A nous de nous en saisir même si elles nécessitent un effort de synthèse, un nouvel équilibre en particulier entre l’universel et le relatif.

Chantal Delsol pointe dans L’irrévérence là où nous devons porter nos efforts, nos vœux pour que cette nouvelle année soit utile et constructive : « Le problème, paradoxal, de l’Europe, tient en ce que sa gloire se nourrit directement de sa lucidité. » (page 232).

Sachons nous souhaiter ces vœux de lucidité, les plus nécessaires, pour faire la part entre le fake et le vrai et concentrer notre attention et nos moyens là où il le faut vraiment, pour de bonnes raisons et dans un arbitrage entre court et long terme.

Sachons aussi sortir de nos certitudes, de nos petites gloires, comme cette idée du « Brussels effect » qui permettrait d’imposer nos normes à l’échelle internationale, tandis que Kolakski nous rappelle dans Le village introuvable que l’Europe est justement « une culture qui a produit et a su préserver l’incertitude à l’égard de ses propres normes ».

Puisque « nous sommes condamnés, sans recours et probablement sans retour, à la liberté, à la contradiction, à l’action éprouvante », selon la phrase de conclusion de Chantal Delsol, apprenons en quelque sorte, à faire une force de cette envie de destruction de soi, congénitale au projet européen afin que l’Europe soit totalement anti-fragile, c’est-à-dire comme le professe Nassim Nicholas Taleb, résiliente aux chocs et renforcée par les crises.

Parler d’Europe, ce n’est pas excuser l’Union européenne

Intervention un peu poil à gratter au colloque « Comment parler d’Europe ? », de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe de Richard Werly, correspondant de la presse suisse en France, qui vient de passer du côté obscur de la force en passant du journal, l’institution Le Temps très respectable à la presse populaire alémanique avec le média en ligne Blick, là où le débat sur l’Europe avec le public est le plus vif…

Le débat sur l’Europe, c’est aussi dans les médias populaires, y compris les réseaux sociaux

C’est dans les médias populaires, y compris les réseaux sociaux, que sont les audiences massives, loin des élites, qui doivent reconquérir le peuple et réinvesti ces médias populaires. C’est la seule bataille qui compte, tenir bon sur cette crête populaire pour refonder la légitimité des politiques publiques européennes. Il faut parler de l’Europe au présent, pas au conditionnel.

Parler d’Europe, c’est parler de nous

D’abord, comment parler d’Europe, c’est se poser la question de pourquoi on devrait en parler. Parler d’Europe, c’est simplement parler de nous, parce que de toute façon l’Europe, c’est nous. Il faut que le public se réapproprie la notion d’Europe, parce que le succès des anti-Européens ont dissocié l’Europe de nous. Il faut reprendre les choses à la base, l’Europe, c’est nous.

Répondre aux critiques, sans esquiver

Ensuite, c’est à qui parler d’Europe, on ne pas parler à tout le monde en même temps, il faut cibler les messages et sur quoi s’appuyer. Avec la vague de la pandémie et l’Ukraine, c’est une opportunité, une chance historique de reparler d’Europe, c’est le moment d’en parler.

Ce n’est plus le sujet de parler aux élites, il y a assez de think tanks ; les journalistes, c’est au grand public qu’il faut parler. Les pro-Européens ont eu tendance à avoir peur du débat, parce qu’ils s’en sortent mal, leurs arguments sont moins simples, moins convaincants. Il faut réinvestir la scène, il faut tenir pour répondre aux critiques, sans esquiver, prendre les questions telles qu’elles sont.

Ne pas chercher à excuser l’Union européenne

Enfin, parler d’Europe, ce n’est pas excuser l’Union européenne. Le pire des travers, c’est de penser qu’il faudrait excuser l’Union européenne, si l’UE c’est le camp du bien, le débat est perdu d’avance. Il ne faut pas tomber dans ce travers.

Jean Quatremer avait publier un livre « Les salauds de l’Europe », il avait raison, la cause européenne a été captée par une minorité qui a pris à son profit la cause européenne, défendent leur intérêt plutôt que l’intérêt général européen. Le pire, c’est de toujours chercher à excuser l’Europe.

L’Europe n’est pas bêtement un projet qui doit protéger

Un autre concept, mis en avant par les politiciens, que l’Europe doit protéger. Ce n’est pas son rôle. Le projet européen vous fait passer du lac à l’océan. C’est une idée extrêmement perverse. Les gens vont chercher les indices de protection maximale. Mais, le projet européen est insécurisant, au quotidien, parce qu’il complique les choses. C’est une idée dangereuse, l’Europe nous protègera à terme, mais elle ne tranquillise pas.

D’autant que, l’Europe a davantage protégé les libertés, même si toutes les normes, pour réguler sur les médias sociaux, qui procèdent d’une bonne volonté peuvent à terme réduire la liberté d’expression. Le processus européen protège les démocraties, mais pas partout tout le temps, songeons à la Hongrie. De même pour les agriculteurs et les industriels.

Règles du journaliste européen : loin de Bruxelles, opportuniste et tenace

Trois modes d’emploi pour mieux parler d’Europe :

  1. Un correspondant à Bruxelles, c’est indispensable, à condition qu’il ne reste pas sur place, il ne faut surtout pas rester, il faut faire le tour des capitales, à l’époque des sommets européens dans les États-membres, la caravane journalistiques européenne avait du bon. C’est une déperdition d’être correspondant auprès des institutions européennes, plus vous vous en approchez, plus vous êtes irradié et risquez de devenir anti-européen, il faut sortir de la machine bruxelloise.
  2. Il faut être opportuniste, il faut savoir saisir les bons moments, il faut trouver les bonnes circonstances et les bons mots. L’Europe, il ne faut le répéter à tout moment, il faut le dire au bon moment.
  3. Comme les diplomates, il faut de la ténacité. Il faut être capable de traverser des déserts, comme le disait Jean Monnet, « ce qui est important, ce n’est pas d’être optimiste ou pessimiste, c’est d’être déterminé, il n’est de défaite que celles que l’on accepte ».

« Collection européenne » : regards croisés des Européens sur des sujets actualité, politique et société

Avec la « Collection européenne », cinq chaînes publiques européennes (ARTE, l’ARD, la ZDF, France Télévisions et la SRG SSR) s’associent afin de proposer une sélection commune de contenus (documentaires, reportages et magazines disponibles gratuitement en ligne) sur des sujets d’actualité, de politique et de société…

Donner à voir le point de vue du voisin européen sur des sujets contemporains

Comment nos voisins européens appréhendent-ils les questions urgentes auxquelles nos sociétés sont confrontées ? Quels sont les sujets qui les préoccupent ? Qu’en est-il de la place des jeunes en Europe ?

Comment sont traitées ici et là ces questions, la Collection européenne invite à découvrir, en proposant un point de vue européen sur des sujets contemporains.

Une offre multilingue, gratuite en ligne pour tous les Européens

Le catalogue commun, disponible en Europe, propose gratuitement et en cinq langues (français, allemand, anglais, espagnol et italien) des documentaires, reportages et magazines européens à retrouver sur chacune des offres numériques des partenaires (site internet, applications, Smart-TV) : arte.tvfrance.tvardmediathek.dezdf.de et Play Suisse.

Un financement de l’Union européenne

Le soft launch en 2020 a été rendu possible grâce à un cofinancement dans le cadre du volet MEDIA du programme Europe Créative.

Depuis 2021, la Collection européenne bénéficie d’un financement européen de 2.5 millions d’€ pour poursuivre cette offre commune de vidéo à la demande de moyenne durée, de documentaires approfondis et de rapports d’enquête sur les questions européennes actuelles, mise en œuvre par les télédiffuseurs.