Faut-il parler de « révolution » de la communication de l’UE comme Viviane Reding ?

En écho à l’article publié le 30 août par Euractiv « La Commission prévoit une “révolution” de la communication » faisant mention du plan d’action de Viviane Reding – la Commissaire en charge de la communication – faut-il vraiment parler de « révolution » au vue des premières orientations ?

Professionnalisation du personnel et des outils : c’est le moins que l’on puisse attendre

Sans revenir dans le détail du plan d’action de Viviane Reding que nous avions chroniqué lors de sa sortie en juin dernier :

  • Renforcement des outils presse et média de la Commission : technicisation du dispositif et ouverture offensive à des relations presse personnalisées,
  • Renforcement des outils web : consolidation de la toile et ouverture défensive au web social,
  • Renforcement des outils graphiques : harmonisation des identités visuelles et ouverture allusive à l’image de marque,

la modernisation des outils est accompagnée de nouvelles nominations : sept Chefs de Représentation dans les États membres désignés en juillet dernier et Claus Sørensen – l’actuel Directeur Général de la DG COMM – devrait partir fin 2010 après la fin de son mandat…

Centralisation des prises de parole généralistes : c’est le plus sensible des virages stratégiques

Après les approches décentralisée (coordination de relais et réseaux de proximité) et partenariale (de gestion avec les États membres et de collaboration avec les acteurs de la société civile) défendues par Margot Wallström, l’heure serait à la centralisation des prises de paroles généralistes, confiées aux seuls communicants bruxellois.

La DG COMM connaitrait une double évolution pour remplir les missions suivantes :

  • un centre d’expertises et de services pour encadrer la préparation des messages des autres DG,
  • un « porte-parole » unique pour porter seule la voix de la Commission.

La concentration des communications de la Commission entre les mains de la DG COMM – quoiqu’elle constitue un effort louable de rationalisation de la bureaucratie – se trouve très éloignée de la réalité actuelle puisque la plupart des budgets de communication de l’UE sont « sectorisés » (répartition entre les programmes des différentes DG) ou « partagés » via divers projets interinstitutionnels voire avec des administrations nationales.

Personnalisation autour de Barroso : oui à l’orientation politique, mais pas seulement

Á rebours de la tendance récente à la baisse du nombre de correspondants de presse à Bruxelles sans même évoquer la crise persistante de la presse, des RP plus appuyées autour de l’action du Président de la Commission serait menées afin d’inscrire plus efficacement l’Union européenne à l’agenda des mass media.

Sans doute, s’agit-il de la bonne approche pour s’insérer dans le fonctionnement traditionnel de la machine médiatique mais avec la mauvaise personnalité au vue de la popularité de José Manuel Barroso et à contretemps quand on connait les opportunités offertes par les médias sociaux.

Au final, la « révolution » de Viviane Reding apparaît comme une tentative de la part d’une ancienne journaliste de contenter son patron (personnalisation) tout en intéressant ses anciens collègues avec de veilles recettes (politisation) : une stratégie ante-web, oublieuse de l’intérêt d’un dialogue nourri avec les multiplicateurs d’opinion et de partenariats avec des relais institutionnels ou associatifs.

Citzalia, Tweet your MEP … la communication numérique peut-elle sauver seule la démocratie européenne ?

L’été aura été marqué par l’annonce de 2 actions de communication numérique en lien avec le Parlement européen dont l’objectif commun vise à combler le fossé démocratique de l’UE…

Le mythe de la cyber-démocratie avec Citzalia, une sorte de « Second Life » pour « comprendre comment le Parlement démocratiquement élu de l’UE travaille »

citzalia

Citzalia se présente un jeu de simulation et un forum de discussion dans un monde virtuel en 3D qui représente le Parlement européen. En choisissant un avatar (euro-député, journaliste, lobbyiste, citoyen), chacun pourra se promener, interagir, débattre, proposer des lois et voter afin d’apprendre comment fonctionne le Parlement européen.

Annoncé par l’euro-blogeur, Jon Worth, comme un futur « Parlement européen virtuel fantôme », le projet expérimental est financé par le Parlement européen (275 000 euros) et réalisé par l’agence ESN (European Service Network).

Reposant sur le mythe d’un « citoyen qui décide et participe à la gouvernance », un idéal-type d’individu pleinement autonome qui serait capable d’évoluer aisément au sein d’un espace public virtuel – un cyberespace politique – le projet de communication Citzalia s’imagine pouvoir lutter contre la fracture entre les gouvernants et les citoyens par une refondation du lien social au sein de communautés virtuelles.

Quoique cette approche puisse se montrer séduisante sur le plan intellectuel et éventuellement judicieuse dans un cadre pédagogique à la condition d’être piloté par des personnels eux-mêmes formés au préalable au fonctionnement du Parlement européen ; Citzalia ne sera pas sans poser pratiquement de graves inégalités de participation en limitant les membres aux sphères euro-intégrées voire des problèmes d’authenticité des communications avec des avatars virtuels anonymes.

Le mythe de la twitter-démocratie avec Tweet your MEP, une plateforme de micro-bloging pour « rapprocher les citoyens et leurs eurodéputés »

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Tweet your MEP – lancé par Touteleurope en septembre prochain – correspond à un site permettant d’organiser et de faciliter l’interaction entre les internautes et les élus européens en utilisant Twitter (actuellement, un tiers des eurodéputés dispose d’un compte Twitter).

Inspiré de l’expérience américaine de grass-root lobbying « Tweet your Senator », un outil de campagne pour que les citoyens signalent à leur sénateur « je soutiens la réforme » (de la santé d’Obama), Aude Faravelli s’interroge « la citoyenneté européenne en 140 caractères ? »…

Reposant sur le mythe d’un « citoyen qui discute, échange et se confronte aux autres », un paragon de civisme qui évolue au sein d’un espace public virtuel qui ne serait plus fermé ou parasité par des intermédiaires – un laboratoire d’une démocratie forte – le projet de communication Tweet your MEP est conçu selon Laura Dagg, coordinatrice du projet à Touteleurope.fr comme « (un) projet (qui) veut contribuer à nourrir l’espace politique de débats transeuropéens qui est en train de se créer. (…) On pense que Tweet your MEP aidera à européaniser certaines questions et de lancer des débats publics européens » en réduisant les coûts de mobilisation citoyenne ou associative.

Quoique la modernisation de la démocratie représentative passe inévitablement par une meilleure relation entre citoyens et élus, l’utilisation du réseau social Twitter risque de soulever des capacités inégales, notamment pour les citoyens ne pratiquant pas cet usage et par conséquent de donner une place prépondérante à l’expression d’une minorité agissante.

Ainsi, il apparaît que la communication numérique n’est pas l’unique solution à la crise du politique dans l’Union européenne, mais demeure un outil qui, s’il correspond aux pratiques démythifiées en matière de démocratie numérique et s’il est bien approprié par les citoyens, peut participer à la résorption du fonctionnement défaillant du système politique européen.

Série d’été : quelle stratégie de l’UE pour communiquer dans les médias sociaux ?

Première salve sur le sujet avec la publication d’une lettre ouverte de la communauté des éditeurs et des webmasters de la Commission européenne au président Barroso et aux Commissaires entrants, en janvier.

Nombreuses préconisations afin d’« exploiter la puissance d’Internet pour une meilleure communication » :

  • une meilleure communication sur tous les sites Europa,
  • une communication de la Commission sur les nouveaux médias sociaux,
  • faire de la communication web l’une des activités essentielles de la Commission.

Riposte de Viviane Reding – en mai – consistant à donner raison d’une main : « Internet doit être un élément essentiel de nos efforts pour communiquer » pour confirmer de l’autre main qu’aucun effort budgétaire ou humain ne serait entrepris.

Quelques indications :

  • Moderniser et rationaliser le portail Europa, suivant les principes suivants : une approche centrée sur l’utilisateur, un langage et des messages clairs et une image de marque cohérente.
  • S’engager dans les médias sociaux, à condition de respecter les règles suivantes : faire partie d’une stratégie de communication cohérente, être basée sur une solide analyse coûts/bénéfices et être menée par des personnels bien formés.

Entre-temps, ouverture d’un blog « Waltzing Matilda » des communicants web de la Commission européenne spécialisé dans la communication sur les médias sociaux pour « explorer des idées, partager des doutes, chercher des conseils » et « apprendre comment la Commission peut utiliser les médias sociaux pour communiquer avec les citoyens ».

Petit fait d’arme pour lacomeuropéenne, après un billet sur les recommandations du manuel de l’UE pour communiquer dans les médias sociaux, venant dans le prolongement d’une préconisation pour la rédaction d’une charte d’utilisation des réseaux sociaux à destination des communicants de l’UE et révélant la perspective purement instrumentale des 10 règles pour une approche « outil » des médias sociaux centrée sur le plan de communication, la page dédiée au « web 2.0 » dans le manuel IPG est actuellement en (re-)construction (dernière mise à jour : 20/07/2010).

Série d’été : quel impact après l’alerte sur la chute des correspondants de presse à Bruxelles ?

Coup de semonce avec la baisse de 73% en 5 ans des accréditations de journalistes auprès de la Commission européenne. La situation de la couverture médiatique de l’UE est jugée préoccupante avec ce déclin des journalistes accrédités. Le débat pour changer les pratiques des institutions européennes, aujourd’hui peu disposées à accorder de l’importance à la presse est lancé.

Les réactions des correspondants de presse à Bruxelles ne se sont pas fait attendre : une commune méfiance vis-à-vis de la communication de l’UE et une commune volonté de continuer – chacun à sa manière – à traiter les affaires européennes :

  • pour le correspondant de The Economist : il faut de la distance avec l’UE et de la proximité avec les lecteurs pour traiter les questions européennes,
  • pour Jean Quatremer de Libération : il faut résister à la communication de l’UE et mieux vaut de l’expérience pour vraiment couvrir l’actualité européenne.

Des propositions pour améliorer le traitement de l’information sur l’Europe ont également été formulées :

  • renforcer la transparence sur les données avec la publication intégrale des accréditations de presse auprès des institutions européennes,
  • renouveler les relations presse des institutions européennes en s’appuyant davantage sur les contacts personnels.

Finalement, le débat a permis de dégager une proposition pratique, simple et utile – la carte de presse unique pour valoriser la présence des correspondants de presse permanents auprès des institutions de l’Union européenne – à même de simplifier le traitement de l’Europe dans les médias.

Série d’été : quel bilan après 6 mois de mandat pour Viviane Reding, la Commissaire européenne en charge de la communication ?

« Faut-il un Commissaire européen à la communication ? », c’est avec cette question que l’année 2010 a débuté tandis que José Manuel Barroso semblait ne pas attribuer de portefeuille à la communication au sein du Collège des Commissaires :

  • pour les antis : la communication de l’UE n’étant pas une politique, un Commissaire n’est pas nécessaire,
  • pour les pros : l’UE a besoin d’une politique de communication stratégique, un Commissaire est indispensable.

Viviane Reding a finalement été désignée au poste de Vice-présidente et Commissaire chargée de la Justice, des droits fondamentaux, de la citoyenneté (et de la communication) et son audition publique devant le Parlement européen lui a permis de dessiner :

Discours au 4e Sommet européen de la communication de Viviane Reding sur la communication de l’Europe : davantage préoccupé par les médias traditionnels et les pratiques politiques plutôt que porté par les opportunités des médias sociaux et les pratiques citoyennes.

Commentaire d’Aurélie Vialat, qui a assisté à la conférence : « en associant tellement étroitement la communication de l’Europe avec les objectifs politiques de l’Union européenne, la Commission risque de créer un décalage entre l’image globale de l’Europe qui n’est pas en soi si mauvaise et celle de la Commission qui par contre souffrirait (toujours selon l’image) de bureaucratie ».

Plan d’action de Viviane Reding pour améliorer la communication de la Commission européenne, visant à renforcer :

  • les outils presse et média de la Commission : technicisation du dispositif et ouverture offensive à des relations presse personnalisées,
  • les outils web de la Commission : consolidation de la toile et ouverture défensive au web social,
  • les outils graphiques : harmonisation des identités visuelles et ouverture allusive à l’image de marque.

Ce que la Commissaire présente en conclusion comme « la première, mais certainement pas la dernière étape » pour développer et renforcer la vocation servicielle de la DG Communication prend en compte – de manière plus ou moins heureuse – les nouvelles problématiques de la communication européenne (relation presse, web social et marketing).